Ange Pitou – Tome I (Les Mémoires d’un médecin)

Chapitre 5Un fermier philosophe

Pitou courait comme si tous les diables d’enfer eussent été àses trousses, et en un instant il fut hors de la ville.

En tournant le coin du cimetière, il faillit donner du nez dansle derrière d’un cheval.

– Eh ! bon Dieu ! dit une douce voix bien connue dePitou, où courez-vous donc ainsi, monsieur Ange ? Vous avezmanqué faire prendre le mors aux dents à Cadet, de la peur que vousnous avez faite.

– Ah ! mademoiselle Catherine, s’écria Pitou, répondant àsa propre pensée et non à l’interrogation de la jeune fille.Ah ! mademoiselle Catherine, quel malheur, mon Dieu !quel malheur !

– Jésus ! vous m’effrayez, dit la jeune fille arrêtant soncheval au milieu du chemin. Qu’y a-t-il donc, monsieurAnge ?

– Il y a, répondit Pitou, comme s’il allait révéler un mystèred’iniquités, il y a que je ne serai pas abbé, mademoiselleCatherine.

Mais, au lieu de gesticuler dans le sens qu’attendait Pitou,mademoiselle Billot partit d’un grand éclat de rire.

– Vous ne serez pas abbé ? dit-elle.

– Non, répondit Pitou consterné ; il paraît que c’estimpossible.

– Eh bien ! alors, vous serez soldat, dit Catherine.

– Soldat ?

– Sans doute. Il ne faut pas se désespérer pour si peu de chose,mon Dieu ! J’avais d’abord cru que vous veniez m’annoncer lamort subite de mademoiselle votre tante.

– Ah ! dit Pitou avec sentiment, c’est exactement la mêmechose pour moi que si elle était morte, puisqu’elle me chasse.

– Pardon, dit la Billote en riant ; il vous manque cettesatisfaction de la pouvoir pleurer.

Et Catherine se mit à rire de plus belle, ce qui scandalisa denouveau Pitou.

– Mais n’avez-vous donc pas entendu qu’elle me chasse !reprit l’écolier désespéré.

– Eh bien ! tant mieux ! dit-elle.

– Vous êtes bien heureuse de rire comme cela, mademoiselleBillot, et ça prouve que vous avez un bien agréable caractère,puisque les chagrins des autres ne vous font pas une plus grandeimpression.

– Et qui vous dit donc que, s’il vous arrivait un chagrinvéritable, je ne vous plaindrais pas, monsieur Ange ?

– Vous me plaindriez s’il m’arrivait un chagrin véritable ?Mais vous ne savez donc pas que je n’ai plus deressources !

– Tant mieux encore ! fit Catherine.

Pitou n’y était plus le moins du monde.

– Et manger ! dit-il ; il faut manger, pourtant,mademoiselle ; surtout moi, qui ai toujours faim.

– Vous ne voulez donc pas travailler, monsieur Pitou ?

– Travailler ! et à quoi ? M. Fortier et ma tanteAngélique m’ont répété plus de cent fois que je n’étais bon à rien.Ah ! si l’on m’avait mis en apprentissage chez un menuisier ouchez un charron, au lieu de vouloir faire de moi un abbé !Décidément, tenez, mademoiselle Catherine, fit Pitou avec un gestede désespoir ; décidément il y a une malédiction sur moi.

– Hélas ! dit la jeune fille avec compassion, car ellesavait comme tout le monde l’histoire lamentable de Pitou ; ily a du vrai dans ce que vous dites là, mon cher monsieurAnge ; mais… pourquoi ne faites-vous pas une chose ?

– Laquelle ? dit Pitou en se cramponnant à la proposition àvenir de mademoiselle Billot, comme un noyé se cramponne à unebranche de saule. Laquelle, dites ?

– Vous aviez un protecteur, ce me semble.

– M. le docteur Gilbert ?

– Vous étiez le camarade de classe de son fils, puisqu’il a étéélevé comme vous chez l’abbé Fortier.

– Je le crois bien, et même je l’ai empêché plus d’une foisd’être rossé.

– Eh bien ! pourquoi ne vous adressez-vous pas à sonpère ? Il ne vous abandonnera point.

– Dame ! je le ferais certainement si je savais ce qu’ilest devenu ; mais peut-être votre père le sait-il,mademoiselle Billot, puisque le docteur Gilbert est sonpropriétaire.

– Je sais qu’il lui faisait passer une partie des fermages enAmérique, et qu’il plaçait l’autre chez un notaire de Paris.

– Ah ! dit en soupirant Pitou ; en Amérique, c’estbien loin.

– Vous iriez en Amérique, vous ? dit la jeune fille,presque effrayée de la résolution de Pitou.

– Moi, mademoiselle Catherine ? Jamais ! jamais !Non. Si je savais où et quoi manger, je me trouverais très bien enFrance.

Très bien ! répéta mademoiselle Billot.

Pitou baissa les yeux. La jeune fille garda le silence. Cesilence dura quelque temps. Pitou était plongé dans des rêveriesqui eussent bien surpris l’abbé Fortier, homme logique.

Ces rêveries, parties d’un point obscur, s’étaientéclaircies ; puis étaient devenues confuses, quoiquebrillantes comme des éclairs dont l’origine est cachée, dont lasource est perdue.

Cependant Cadet s’était remis en marche au pas, et Pitoumarchait près de Cadet, une main appuyée sur un des paniers. Quantà mademoiselle Catherine, rêveuse de son côté comme Pitou l’étaitdu sien, elle laissait flotter les rênes sans craindre que soncoursier s’emportât. D’ailleurs, il n’y avait pas de monstre sur lechemin, et Cadet était d’une race qui n’avait aucun rapport avecles chevaux d’Hippolyte.

Pitou s’arrêta machinalement quand le cheval s’arrêta. On étaitarrivé à la ferme.

– Tiens, c’est toi, Pitou ! s’écria un homme d’une encolurepuissante, campé assez fièrement devant une mare, où il faisaitboire son cheval.

– Eh ! mon Dieu ! oui, monsieur Billot, c’estmoi-même.

– Encore un malheur arrivé à ce pauvre Pitou, dit la jeune filleen sautant à bas de son cheval, sans s’inquiéter si son jupon, ense relevant, montrait la couleur de ses jarretières ; sa tantele chasse.

– Et qu’a-t-il donc fait encore à la vieille bigote ? ditle fermier.

– Il parait que je ne suis pas assez fort en grec, ditPitou.

Il se vantait, le fat ! c’était en latin qu’il aurait dûdire.

– Pas assez fort en grec, dit l’homme aux larges épaules, etpourquoi veux-tu être fort en grec ?

– Pour expliquer Théocrite et lire l’Iliade.

– Et à quoi cela te servirait-il d’expliquer Théocrite et delire l’Iliade ?

– Cela me servirait à être abbé.

– Bah ! dit M. Billot, est-ce que je sais le grec ?Est-ce que je sais le latin ? Est-ce que je sais lefrançais ? Est-ce que je sais écrire ? Est-ce que je saislire ? Ça m’empêche-t-il de semer, de récolter etd’engranger ?

– Oui, mais vous, monsieur Billot, vous n’êtes pas abbé, vousêtes cultivateur, agricola, comme dit Virgile. Ôfortunatos nimium…

– Eh bien ! crois-tu donc qu’un cultivateur ne soit pasl’égal d’un calotin, dis donc, mauvais enfant de chœur !surtout quand ce cultivateur a soixante arpents de terre au soleilet un millier de louis à l’ombre.

– On m’a toujours dit que d’être abbé c’était ce qu’il y avaitde mieux au monde ; il est vrai, ajouta Pitou en souriant deson sourire le plus agréable, que je n’ai pas toujours écouté cequ’on me disait.

– Et tu as eu raison, garçon. Tu vois que je fais des vers commeun autre, quand je m’en mêle, moi. Il me semble qu’il y a en toi del’étoffe pour faire mieux qu’un abbé et que c’est un bonheur que tune prennes pas cet état-là, surtout dans ce moment-ci. Vois-tu, enma qualité de fermier, je me connais au temps, et le temps estmauvais pour les abbés.

– Bah ! fit Pitou.

– Oui, il y aura de l’orage, dit le fermier. Ainsi donc,crois-moi. Tu es honnête, tu es savant…

Pitou salua, fort honoré d’avoir été appelé savant pour lapremière fois de sa vie.

– Tu peux donc gagner ta vie sans cela, continua le fermier.

Mademoiselle Billot, tout en mettant à bas les poulets et lespigeons, écoutait avec intérêt le dialogue établi entre Pitou etson père.

– Gagner ma vie, reprit Pitou, cela me paraît biendifficile.

– Que sais-tu faire ?

– Dame ! je sais tendre des gluaux et poser des collets.J’imite assez bien le chant des oiseaux, n’est-ce pas, mademoiselleCatherine ?

– Oh ! pour cela, c’est vrai, il chante comme unpinson.

– Oui mais tout cela n’est point un état, reprit le pèreBillot.

– C’est bien ce que je dis, parbleu !

– Tu jures, c’est déjà bon.

– Comment, j’ai juré, dit Pitou ; je vous demande bienpardon, monsieur Billot.

– Oh ! il n’y a pas de quoi, dit le fermier ; çam’arrive quelquefois aussi, à moi. Eh ! tonnerre deDieu ! continua-t-il en se retournant vers son cheval, tetiendras-tu un peu tranquille, toi ! Ces diables depercherons, il faut toujours qu’ils gazouillent et qu’ils setrémoussent. Voyons, reprit-il encore en revenant à Pitou, es-tuparesseux ?

– Je ne sais pas ; je n’ai jamais fait que du latin et dugrec, et…

– Et quoi ?

– Et je dois dire que je n’y mordais pas beaucoup.

– Tant mieux, dit Billot, ça prouve que tu n’es pas encore sibête que je croyais.

Pitou ouvrait des yeux d’une effrayante dimension ; c’étaitla première fois qu’il entendait professer cet ordre d’idées,subversif de toutes les théories qu’il avait entendu poserjusque-là.

– Je demande, dit Billot, si tu es paresseux à lafatigue ?

– Oh ! à la fatigue, c’est autre chose, dit Pitou ;non, non, non, je ferais bien dix lieues sans êtrefatigué !

– Bon, c’est déjà quelque chose, reprit Billot ; en tefaisant maigrir encore de quelques livres, tu pourras devenircoureur.

– Maigrir, dit Pitou en regardant sa taille mince, ses longsbras osseux et ses longues jambes en échalas, il me semblait,monsieur Billot, que j’étais assez maigre comme cela.

– En vérité, mon ami, dit le fermier en éclatant de rire, tu esun trésor.

C’était encore la première fois que Pitou était estimé à un sihaut prix. Aussi marchait-il de surprises en surprises.

– Écoute-moi, dit le fermier ; je demande si tu esparesseux au travail.

– À quel travail ?

– Au travail en général.

– Je ne sais pas, moi ; je n’ai jamais travaillé.

La jeune fille se mit à rire, mais cette fois le père Billotprit la chose au sérieux.

– Ces coquins de prêtres ! dit-il en étendant son grospoing vers la ville ; voilà pourtant comment ils élèvent lajeunesse, dans la fainéantise et l’inutilité. À quoi un pareilgaillard, là, je vous le demande, peut-il être bon à sesfrères ?

– Oh ! à pas grand’chose, dit Pitou, je le sais bien.Heureusement que je n’en ai pas, de frères.

– Par frères, dit Billot, j’entends tous les hommes en général.Voudrais-tu dire que tous les hommes ne sont pas frères, parhasard ?

– Oh ! si fait ; d’ailleurs, c’est dansl’Évangile.

– Et égaux ? continua le fermier.

– Ah ! ça, c’est autre chose, dit Pitou ; si j’avaisété l’égal de l’abbé Fortier, il ne m’aurait pas si souvent donnédu martinet, de la férule ; et si j’avais été l’égal de matante, elle ne m’aurait pas chassé.

– Je te dis que tous les hommes sont égaux, reprit le fermier,et nous le prouverons bientôt aux tyrans.

– Tyrannis ! reprit Pitou.

– Et la preuve, continua Billot, c’est que je te prends chezmoi.

– Vous me prenez chez vous, mon cher monsieur Billot !N’est-ce pas pour vous moquer de moi que vous me dites de pareilleschoses ?

– Non. Voyons, que te faut-il pour vivre ?

– Dame ! trois livres de pain à peu près par jour.

– Et avec ton pain ?

– Un peu de beurre ou du fromage.

– Allons, allons, dit le fermier, je vois que tu n’es pasdifficile à nourrir. Eh bien ! on te nourrira.

– Monsieur Pitou, dit Catherine, n’avez-vous rien autre chose àdemander à mon père ?

– Moi, mademoiselle ? oh ! mon Dieu, non !

– Et pourquoi donc êtes-vous venu ici, alors ?

– Parce que vous y veniez.

– Ah ! voilà qui est tout à fait galant, ditCatherine ; mais je n’accepte le compliment que pour ce qu’ilvaut. Vous êtes venu, monsieur Pitou, pour demander à mon père desnouvelles de votre protecteur.

– Ah ! c’est vrai, dit Pitou. Tiens, c’est drôle, jel’avais oublié.

– Tu veux parler de ce digne M. Gilbert ? dit le fermierd’un ton de voix qui indiquait le degré de profonde considérationqu’il avait pour son propriétaire.

– Justement, dit Pitou ; mais je n’en ai plus besoinmaintenant ; et, puisque monsieur Billot me prend chez lui, jepuis attendre tranquillement son retour d’Amérique.

– En ce cas-là, mon ami, tu n’auras pas à attendre longtemps,car il en est revenu.

– Bah ! fit Pitou ; et quand cela ?

– Je ne sais pas au juste ; mais ce que je sais, c’estqu’il était au Havre il y a huit jours ; car il y a là, dansmes fontes, un paquet qui vient de lui, qu’il m’a adressé enarrivant, et qu’on m’a remis ce matin même à Villers-Cotterêts, etla preuve, c’est que le voilà.

– Qui vous a donc dit que c’était de lui, mon père ?

– Parbleu ! puisqu’il y avait une lettre dans lepaquet.

– Excusez, mon père, dit en souriant Catherine, mais je croyaisque vous ne saviez pas lire. Je vous dis cela, papa, parce que vousvous vantez de ne pas le savoir.

– Oui-da, je m’en vante ! Je veux qu’on puisse dire :« Le père Billot ne doit rien à personne, pas même à un maîtred’école ; il a fait sa fortune par lui-même, le pèreBillot ! » Voilà ce que je veux qu’on puisse dire. Cen’est donc pas moi qui ai lu la lettre ; c’est le maréchal deslogis de la gendarmerie, que j’ai rencontré.

– Et que vous disait-elle, cette lettre, mon père ? Il esttoujours content de nous, n’est-ce pas ?

– Juges-en.

Et le fermier tira d’un portefeuille de cuir une lettre qu’ilprésenta à sa fille.

Catherine lut :

« Mon cher monsieur Billot,

« J’arrive d’Amérique, où j’ai trouvé un peuple plus riche,plus grand et plus heureux que le nôtre. Cela vient de ce qu’il estlibre et que nous ne le sommes pas. Mais nous marchons, nous aussi,vers une ère nouvelle, et il faut que chacun travaille à hâter lejour où la lumière luira. Je connais vos principes, mon chermonsieur Billot ; je sais votre influence sur les fermiers vosconfrères, et sur toute cette brave population d’ouvriers et delaboureurs à qui vous commandez, non pas comme un roi, mais commeun père. Inculquez-leur les principes de dévouement et defraternité que j’ai reconnus en vous. La philosophie estuniverselle, tous les hommes doivent lire leurs droits et leursdevoirs à la lueur de son flambeau. Je vous envoie un petit livredans lequel tous ces devoirs et tous ces droits sont consignés. Cepetit livre est de moi, quoique mon nom ne soit pas sur lacouverture. Propagez-en les principes, qui sont ceux de l’égalitéuniverselle ; faites-le lire tout haut dans les longuesveillées d’hiver. La lecture est la pâture de l’esprit, comme lepain est la nourriture du corps.

« Un de ces jours j’irai vous voir, et vous proposer unnouveau mode de fermage fort en usage en Amérique. Il consiste àpartager la récolte entre le fermier et le propriétaire. Ce qui meparaît plus selon les lois de la société primitive, et surtoutselon le cœur de Dieu.

« Salut et fraternité.

« Honoré GILBERT,

« Citoyen de Philadelphie. »

– Oh ! oh ! fit Pitou, que voici une lettre qui mesemble bien rédigée.

– N’est-ce pas ? dit Billot.

– Oui, mon cher père, dit Catherine ; mais je doute que lelieutenant de gendarmerie soit de votre avis.

– Et pourquoi cela ?

– Parce qu’il me semble que cette lettre peut compromettre, nonseulement le docteur Gilbert, mais encore vous-même.

– Bah ! dit Billot, tu as toujours peur, toi. Ça n’empêchepas que voilà la brochure, et voilà ton emploi tout trouvé,Pitou ; le soir tu la liras.

– Et dans la journée ?

– Dans la journée tu garderas les moutons et les vaches. Voilàtoujours la brochure.

Et le fermier tira de ses fontes une de ces petites brochures àcouverture rouge, comme il s’en publiait grand nombre à cetteépoque, avec ou sans permission de l’autorité.

Seulement, dans ce dernier cas, l’auteur risquait lesgalères.

– Lis-moi le titre de cela, Pitou, que je parle toujours dutitre, en attendant que je parle de l’ouvrage. Tu me liras le resteplus tard.

Pitou lut sur la première page ces mots que l’usage a faits bienvagues et bien insignifiants depuis, mais qui avaient, à cetteépoque, un profond retentissement dans tous les cœurs :

– De l’indépendance de l’homme et de la liberté desnations.

– Que dis-tu de cela, Pitou ? demanda le fermier.

– Je dis qu’il me semble, monsieur Billot, que l’indépendance etla liberté c’est la même chose ; mon protecteur serait chasséde la classe de M. Fortier pour cause de pléonasme.

– Pléonasme ou non, c’est le livre d’un homme, ce livre-là, ditle fermier.

– N’importe, mon père, dit Catherine, avec cet admirableinstinct des femmes, cachez-le, je vous en supplie, il vous feraquelque mauvaise affaire. Moi, je sais que je tremble, rien que dele voir.

– Et pourquoi veux-tu qu’il me nuise, à moi, puisqu’il n’a pasnui à son auteur ?

– Qu’en savez-vous, mon père ? Il y a huit jours que cettelettre est écrite, et le paquet n’a pu mettre huit jours pour venirdu Havre ici. Moi aussi, j’ai reçu une lettre ce matin.

– Et de qui ?

– De Sébastien Gilbert, qui nous écrit de son côté ; il mecharge même de dire bien des choses à son frère de laitPitou ; j’avais oublié la commission, moi.

– Eh bien ?

– Eh bien ! il dit que depuis trois jours on attend à Parisson père, qui devait arriver et qui n’arrive pas.

– Mademoiselle a raison, dit Pitou ; il me semble que ceretard est inquiétant.

– Tais-toi, peureux, et lis le traité du docteur, dit lefermier ; alors tu deviendras non seulement un savant, maisencore un homme.

On parlait ainsi à cette époque, car on était à la préface decette grande histoire grecque et romaine que la nation françaisecopia pendant dix ans dans toutes ses phases : dévouements,proscriptions, victoires et esclavage.

Pitou mit le livre sous son bras, avec un geste si solennel,qu’il acheva de gagner le cœur du fermier.

– Maintenant, dit Billot, as-tu dîné ?

– Non, monsieur, répondit Pitou conservant l’attitudesemi-religieuse, semi-héroïque qu’il avait prise depuis qu’il avaitreçu le livre.

– Il allait justement dîner quand on l’a chassé, dit la jeunefille.

– Eh bien ! dit Billot, va demander à la mère Billotl’ordinaire de la ferme, et demain tu entreras en fonction.

Pitou remercia d’un regard éloquent M. Billot, et, conduit parCatherine, il rentra dans la cuisine, gouvernement placé sous ladirection absolue de madame Billot.

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