Ange Pitou – Tome I (Les Mémoires d’un médecin)

Chapitre 32Le médecin du roi

Quelques minutes après le désir formulé par la reine, désir quecelle de ses femmes à laquelle il avait été manifesté s’était miseen devoir d’accomplir, Gilbert, surpris, légèrement inquiet,profondément ému, mais sans que rien se manifestât à la surface,Gilbert se présentait devant Marie-Antoinette.

Le maintien noble et assuré, la pâleur distinguée de l’homme descience et d’imagination à qui l’étude fait une seconde nature,pâleur encore rehaussée par le costume noir du tiers, que nonseulement tous les députés de cet ordre, mais encore les hommes quiavaient adopté les principes de la Révolution, se faisaient undevoir de porter ; la main fine et blanche de l’opérateur sousla simple mousseline plissée, la jambe si fine, si élégante, sibien prise enfin que nul à la cour n’en pouvait montrer une mieuxmodelée aux connaisseurs et même aux connaisseuses del’Œil-de-Bœuf ; avec tout cela un mélange de respect timidepour la femme, de tranquille audace envers la malade, rien pour lareine : telles furent les nuances rapides et nettement écritesque Marie-Antoinette, avec son aristocratique intelligence, sutlire dans la personne du docteur Gilbert au moment où s’ouvrit pourlui donner passage la porte de sa chambre à coucher.

Moins Gilbert fut provocant dans sa démarche, plus la reinesentit sa colère s’accroître. Elle s’était fait de cet homme untype odieux, elle se l’était naturellement, et presqueinvolontairement, représenté semblable à un de ces héros del’impudence comme elle en voyait souvent autour d’elle. L’auteurdes souffrances d’Andrée, cet élève bâtard de Rousseau, cet avortondevenu homme, ce jardinier devenu docteur, cet échenilleur d’arbresdevenu philosophe et dompteur d’âmes, Marie-Antoinette malgré ellese le représentait sous les traits de Mirabeau, c’est-à-dire del’homme qu’elle haïssait le plus après le cardinal de Rohan et LaFayette.

Il lui avait paru, avant qu’elle ne vît Gilbert, qu’il fallaitun colosse matériel pour contenir cette colossale volonté.

Mais quand elle vit un homme jeune, droit, mince, aux formessveltes et élégantes, à la figure douce et affable, cet homme luiparut avoir commis le nouveau crime de mentir par son extérieur.Gilbert, homme du peuple, de naissance obscure, inconnue ;Gilbert, paysan, manant, vilain ; Gilbert fut coupable auxyeux de la reine d’avoir usurpé des dehors de gentilhomme etd’homme bon. La fière Autrichienne, ennemie jurée du mensonge chezautrui, s’indigna et conçut subitement une haine de rage contre lemalheureux atome que tant de griefs différents lui faisaientennemi.

Pour ses familiers, pour ceux qui étaient habitués à lire dansses yeux la sérénité ou la tempête, il était facile de voir qu’unorage plein de foudres et d’éclairs grondait dans le fond de soncœur.

Mais comment une créature humaine, fût-elle une femme, eût-ellepu suivre, au milieu de ce tourbillon de flammes et de colères, lapiste des sentiments étranges et opposés qui s’entrechoquaient dansle cerveau de la reine et lui gonflaient la poitrine de tous cespoisons mortels que décrit Homère ?

La reine d’un regard congédia tout le monde, même madame deMisery.

Chacun sortit.

La reine attendit que la porte fût refermée sur la dernièrepersonne, puis, ramenant les yeux sur Gilbert, elle s’aperçut quelui n’avait pas cessé de la regarder.

Tant d’audace l’exaspéra.

Ce regard du docteur était inoffensif en apparence, maiscontinuel, mais plein d’intention, mais pesant à un tel point queMarie-Antoinette se sentait forcée d’en combattrel’importunité.

– Eh bien ! monsieur, dit-elle avec la brutalité d’un coupde pistolet, que faites-vous donc, debout, devant moi, à meregarder, au lieu de me dire de quoi je souffre ?

Cette furieuse apostrophe, appuyée des éclairs du regard, eûtfoudroyé tout courtisan de la reine, elle eût fait tomber aux piedsde Marie-Antoinette, en demandant grâce, un maréchal de France, unhéros, un demi-dieu.

Mais Gilbert répondit tranquillement :

– C’est par les yeux, madame, que le médecin juge d’abord. Enregardant Votre Majesté, qui m’a fait appeler, je ne satisfais pasune vaine curiosité, je fais mon métier, j’obéis à ses ordres.

– Alors vous m’avez étudiée ?

– Autant qu’il a été en mon pouvoir, madame.

– Suis-je malade ?

– Non point dans le sens du mot, mais Votre Majesté est en proieà une vive surexcitation.

– Ah ! ah ! fit Marie-Antoinette avec ironie, que nedites-vous donc de suite que je suis en colère ?

– Que Votre Majesté permette, puisqu’elle a fait venir unmédecin, que le médecin se serve du terme médical.

– Soit. Et pourquoi cette… surexcitation ?

– Votre Majesté a trop d’esprit pour ignorer que le médecindevine le mal matériel, grâce à son expérience et aux traditions del’étude, mais qu’il n’est point un devin pour sonder à première vuel’abîme des âmes humaines.

– Ce qui veut dire qu’à la seconde ou troisième fois, vouspourriez dire non seulement ce que je souffre, mais encore ce queje pense ?

– Peut-être, madame, répondit froidement Gilbert.

La reine s’arrêta frémissante ; on voyait sur ses lèvres saparole prête à jaillir, bouillonnante et corrosive.

Elle se contint.

– Il faut vous croire, dit-elle, vous, un savant homme.

Et elle accentua ces derniers mots avec un mépris tellementsanglant que l’œil de Gilbert sembla s’éclairer à son tour du feude la colère.

Mais une seconde de lutte suffisait à cet homme pour qu’il sedonnât la victoire.

Aussi, le front calme et la parole libre, il reprit presqueaussitôt :

– Trop bonne est Votre Majesté de m’accorder un brevet de savanthomme sans avoir expérimenté ma science.

La reine se mordit les lèvres.

– Vous comprenez que je ne sais pas si vous êtes savant,reprit-elle ; mais on le dit, et je le répète d’après tout lemonde.

– Eh ! Votre Majesté, alors, dit respectueusement Gilbert,s’inclinant plus bas qu’il ne l’avait encore fait, il ne faut pasqu’une intelligence comme la vôtre répète aveuglément ce que dit levulgaire.

– Vous voulez dire le peuple ? reprit insolemment lareine.

– Le vulgaire, madame, répéta Gilbert avec une fermeté qui fittressaillir au fond du cœur de la femme on ne sait quoi dedouloureusement impressionnable à des émotions inconnues.

– Enfin, répondit-elle, ne discutons point là-dessus. On vousdit savant, c’est l’essentiel. Où avez-vous étudié ?

– Partout, madame.

– Ce n’est pas une réponse.

– Nulle part, alors.

– J’aime mieux cela. Vous n’avez étudié nulle part ?

– Comme il vous plaira, madame, répondit le docteur ens’inclinant. Et cependant c’est moins exact que de direpartout.

– Voyons, répondez, alors, s’écria la reine exaspérée, etsurtout, par grâce ! monsieur Gilbert, épargnez-moi cesphrases.

Puis, comme à elle-même :

– Partout ! partout ! Qu’est-ce que celasignifie ? c’est un mot de charlatan, d’empirique, de médecindes places publiques, cela. Prétendez-vous m’imposer avec dessyllabes sonores ?

Elle avança le pied en regardant Gilbert avec des yeux ardentset des lèvres frémissantes.

– Partout ! Citez ; voyons, monsieur Gilbert,citez.

– J’ai dit partout, répondit froidement Gilbert, parce qu’eneffet j’ai étudié partout, madame, dans la chaumière et dans lepalais, dans la ville et dans le désert, sur nous et sur la bête,sur moi et sur les autres, comme il convient à un homme qui chéritla science et qui va la prendre partout où elle est, c’est-à-direpartout.

La reine, vaincue, lança un regard terrible à Gilbert, qui lui,de son côté, continuait à la regarder avec une fixitédésespérante.

Elle s’agita convulsivement et en se retournant, renversa lepetit guéridon sur lequel on venait de lui servir son chocolat dansune tasse de Sèvres.

Gilbert vit tomber la table, vit se briser la tasse, mais nebougea point.

Le rouge monta au visage de Marie-Antoinette ; elle portaune main froide et humide à son front brûlant, et, prête à lever denouveau les yeux sur Gilbert, elle n’osa.

Seulement, elle prétexta pour elle-même un mépris plus grand quel’insolence.

– Et sous quel maître avez-vous étudié ? continua la reine,reprenant la conversation au même endroit où elle l’avaitlaissée.

– Je ne sais comment répondre à Sa Majesté sans courir le risquede la blesser encore.

La reine sentit l’avantage que venait de lui offrir Gilbert, etse jeta dessus comme une lionne sur sa proie.

– Me blesser, moi ! Vous, me blesser, vous !s’écria-t-elle. Oh ! monsieur, que dites-vous là, vous,blesser une reine ! Vous vous méprenez, je vous jure.Ah ! monsieur le docteur Gilbert, vous n’avez pas étudié lalangue française à d’aussi bonnes sources que la médecine. On neblesse pas les gens de ma qualité, monsieur le docteur Gilbert, onles fatigue, voilà tout.

Gilbert salua et fit un pas vers la porte, mais sans qu’il fûtpossible à la reine de découvrir sur son visage la moindre trace decolère, le moindre signe d’impatience.

La reine, au contraire, trépignait de rage ; elle fit unbond comme pour retenir Gilbert.

Il comprit.

– Pardon, madame, dit-il ; c’est vrai, j’ai eu le tortimpardonnable d’oublier que, médecin, je suis appelé devant unemalade. Excusez-moi, madame ; désormais je m’ensouviendrai.

Et il revint.

– Votre Majesté, continua-t-il, me paraît toucher à une crisenerveuse. J’oserai lui demander de ne s’y point abandonner ;tout à l’heure elle n’en serait plus maîtresse. En ce moment, lepouls doit être suspendu, le sang afflue au cœur : VotreMajesté souffre, Votre Majesté est prête d’étouffer, et peut-êtreserait-il prudent qu’elle fît appeler une de ses femmes.

La reine fit un tour dans la chambre, et, serasseyant :

– Vous vous appelez Gilbert ? demanda-t-elle.

– Gilbert, oui, madame.

– C’est étrange ! j’ai un souvenir de jeunesse dont labizarre insistance vous blesserait sans doute beaucoup, sije vous le disais. N’importe ! blessé, vous vous guérirez,vous qui n’êtes pas moins solide philosophe que savant médecin.

Et la reine sourit ironiquement.

– C’est cela, madame, dit Gilbert, souriez et domptez peu à peuvos nerfs par la raillerie, c’est une des plus belles prérogativesde la volonté intelligente que de se commander ainsi à soi-même.Domptez, madame, domptez, mais sans forcer cependant.

Cette prescription du médecin fut faite avec une telle suavitéde bonhomie, que la reine, tout en sentant l’ironie profondequ’elle enfermait, ne put s’offenser de ce que Gilbert venait delui dire.

Seulement elle revint à la charge, reprenant l’attaque où ellel’avait laissée :

– Ce souvenir dont je vous parle, acheva-t-elle, le voici.

Gilbert s’inclina en signe qu’il écoutait.

La reine fit un effort, et fixa son regard sur le sien.

– J’étais dauphine alors, et j’habitais Trianon. Il y avait dansles parterres un petit garçon tout noir, tout terreux, toutrechigné, une manière de petit Jean-Jacques, qui sarclait, bêchait,échenillait avec ses petites pattes crochues. Il s’appelaitGilbert.

– C’était moi, madame, dit flegmatiquement Gilbert.

– Vous ? fit Marie-Antoinette, avec une explosion de haine.Mais j’avais donc raison ! mais vous n’êtes donc pas un hommed’études !

– Je pense que puisque Votre Majesté a si bonne mémoire, elle serappelle aussi les époques, dit Gilbert. C’était en 1772, si je neme trompe, que le petit garçon jardinier dont parle Votre Majestéfouillait la terre pour gagner sa vie dans les parterres deTrianon. Nous sommes en 1789. Il y a donc dix-sept ans, madame, queles choses que vous dites se sont passées. C’est beaucoup d’annéesau temps où nous vivons. C’est beaucoup plus qu’il n’en faut pourfaire du sauvage un savant ; l’âme et l’esprit fonctionnentvite en certaines conditions, comme poussent vite en serre chaudeles plantes et les fleurs ; les révolutions, Madame, sont lesserres chaudes de l’intelligence. Votre Majesté me regarde, etmalgré la netteté de son regard, elle ne remarque pas que l’enfantde seize ans est devenu un homme de trente-trois ; elle a donctort de s’étonner que l’ignorant, le naïf petit Gilbert soitdevenu, au souffle de deux révolutions, un savant et unphilosophe.

– Ignorant, soit… mais naïf, naïf, avez-vous dit, s’écriafurieusement la reine ; je crois que vous avez appelé le petitGilbert naïf ?

– Si je me suis trompé, madame, ou si j’ai loué ce petit garçond’une qualité qu’il n’avait pas, j’ignore en quoi Votre Majestépeut savoir mieux que moi qu’il possédât le défaut contraire.

– Oh ! ceci, c’est autre chose, dit la reineassombrie ; peut-être parlerons-nous de cela un jour ;mais en attendant, revenons à l’homme, je vous prie, à l’hommesavant, à l’homme perfectionné, à l’homme parfait que j’ai sous lesyeux.

Ce mot parfait, Gilbert ne le releva point. Ilcomprenait trop que c’était une nouvelle insulte.

– Revenons-y, madame, répondit simplement Gilbert, et dites dansquel but Votre Majesté lui a fait donner l’ordre de passer chezelle.

– Vous vous proposez pour médecin du roi, dit-elle. Or, vouscomprenez, monsieur, que j’ai trop à cœur la santé de mon épouxpour la confier à un homme que je ne connaîtrais pointparfaitement.

– Je me suis proposé, madame, dit Gilbert, et j’ai été acceptésans que Votre Majesté puisse concevoir justement le moindresoupçon de mon incapacité ou de mon zèle. Je suis un médecinpolitique surtout, madame, recommandé par M. de Necker. Quant aureste, si le roi a jamais besoin de ma science, je lui serai bonmédecin physique, autant que la science humaine peut être utile àl’œuvre du créateur. Mais ce que je serai surtout au roi, madame,outre bon conseiller et bon médecin, c’est un bon ami.

– Un bon ami ! s’écria la reine avec une nouvelle explosionde mépris. Vous, monsieur ! un ami du roi !

– Assurément, répondit tranquillement Gilbert ; pourquoinon, madame ?

– Ah ! oui, toujours en vertu de vos pouvoirs secrets, àl’aide de votre science occulte, murmura-t-elle. Qui sait ?nous venons de voir les Jacques et les Maillotins ; nousrevenons peut-être au moyen âge ! Vous ressuscitez lesphiltres et les charmes. Vous allez gouverner la France par lamagie ; vous allez être Faust ou Nicolas Flamel.

– Je n’ai point cette prétention, madame.

– Hé ! que ne l’avez-vous, monsieur ! Combien demonstres plus cruels que ceux des jardins d’Armide, plus cruels queCerbère, vous endormiriez au seuil de notre enfer !

Lorsqu’elle prononça ce mot : vous endormiriez, lareine attacha son regard plus investigateur que jamais sur ledocteur.

Cette fois, Gilbert rougit malgré lui.

Ce fut une joie indéfinissable pour Marie-Antoinette ; ellesentit que cette fois le coup qu’elle avait porté avait fait unevéritable blessure.

– Car vous endormez, continua-t-elle ; vous qui avez étudiépartout et sur tout, vous avez sans doute étudié lascience magnétique avec les endormeurs de notre siècle, avec cesgens qui font du sommeil une trahison et qui lisent leurs secretsdans le sommeil des autres !

– En effet, madame, j’ai souvent et longtemps étudié sous lesavant Cagliostro.

– Oui, celui qui pratiquait et faisait pratiquer à ses adeptesce vol moral dont je parlais tout à l’heure, celui qui à l’aide dece sommeil magique, et que j’appellerai, moi, infâme, celui quiprenait aux uns les âmes, aux autres le corps.

Gilbert comprit encore, et cette fois pâlit au lieu derougir.

La reine en tressaillit de joie jusqu’au fond du cœur.

– Ah ! misérable, murmura-t-elle, moi aussi je t’ai blessé,et je vois le sang.

Mais les émotions les plus profondes ne se faisaient pasvisibles pour longtemps sur le visage de Gilbert. S’approchant doncde la reine qui, toute joyeuse de sa victoire, le regardaitimprudemment :

– Madame, dit-il, Votre Majesté aurait tort de contester à cessavants hommes dont vous parlez le plus bel apanage de leurscience, ce pouvoir d’endormir non pas des victimes, mais dessujets par le sommeil magnétique : vous auriez tort,surtout, de leur contester le droit qu’ils ont de poursuivre, partous les moyens possibles, une découverte dont les lois, une foisreconnues et régularisées, sont peut-être appelées à révolutionnerle monde.

Et en s’approchant de la reine, Gilbert l’avait regardée à sontour avec cette puissance de volonté sous laquelle la nerveuseAndrée avait succombé.

La reine sentit qu’un frisson courait dans ses veines àl’approche de cet homme.

– Infamie ! dit-elle, sur les hommes qui abusent decertaines pratiques sombres et mystérieuses pour perdre les âmes oules corps !… Infamie sur ce Cagliostro !…

– Ah ! répondit Gilbert avec un accent pénétré,gardez-vous, madame, de juger avec tant de sévérité les fautes quecommettent les créatures humaines.

– Monsieur !

– Toute créature est sujette à l’erreur, madame ; toutecréature nuit à la créature, et sans l’égoïsme individuel, qui faitla sûreté générale, le monde ne serait qu’un vaste champ debataille. Ceux-là sont les meilleurs qui sont bons, voilà tout.D’autres vous diraient : ceux-là sont les meilleurs qui sontmoins mauvais. L’indulgence doit être plus grande, madame, àproportion que le juge est plus élevé. En haut du trône où vousêtes, vous avez moins que personne le droit d’être sévère pour lesfautes d’autrui. Sur le trône de la terre, soyez la suprêmeindulgence, comme sur le trône du ciel, Dieu est la suprêmemiséricorde.

– Monsieur, dit la reine, je regarde d’un autre œil que vous mesdroits, et surtout mes devoirs, je suis sur le trône pour punir etrécompenser.

– Je ne crois pas, madame. À mon avis, au contraire vous êtessur le trône, vous, femme et reine, pour concilier et pourpardonner.

– Je suppose que vous ne moralisez pas, monsieur.

– Vous avez raison, madame, et je ne fais que répondre à VotreMajesté. Ce Cagliostro, par exemple, madame, dont vous parliez toutà l’heure et dont vous contestiez la science, je me rappelle, moi –et c’est un souvenir antérieur à vos souvenirs de Trianon –, je merappelle que, dans les jardins du château de Taverney, il eutl’occasion de donner à la dauphine de France une preuve de cettescience, je ne sais laquelle, madame, dont elle a dû garder uneprofonde mémoire : car cette preuve l’avait cruellementimpressionnée, impressionnée au point qu’elle s’évanouit.

Gilbert à son tour frappait ; il est vrai qu’il frappait auhasard, mais le hasard le servit et il frappa si juste que la reinedevint affreusement pâle.

– Oui, dit-elle d’une voix rauque, oui, en effet, il m’a faitvoir en rêve une hideuse machine ; mais, jusqu’à présent, jene sache pas que cette machine existe en réalité.

– Je ne sais ce qu’il vous a fait voir, madame, reprit Gilbertsatisfait de l’effet produit, mais ce que je sais, c’est qu’on nepeut contester le titre de savant à l’homme qui prend, sur lesautres hommes, ses semblables, une pareille puissance.

– Ses semblables… murmura dédaigneusement la reine.

– Soit, je me trompe, reprit Gilbert, et sa puissance estd’autant plus grande qu’il courbe à son niveau, sous le joug de lapeur, la tête des rois et des princes de la terre.

– Infamie ! infamie ! vous dis-je encore, contre ceuxqui abusent de la faiblesse ou de la crédulité.

– Infâmes ! avez-vous dit, ceux qui usent de lascience ?

– Chimères, mensonges, lâchetés !

– Qu’est-ce à dire ? demanda Gilbert avec calme.

– C’est-à-dire que ce Cagliostro est un lâche charlatan, et queson prétendu sommeil magnétique est un crime.

– Un crime !

– Oui, un crime, continua la reine, car il est le résultat d’unbreuvage, d’un philtre, d’un empoisonnement dont la justicehumaine, que je représente, saura atteindre et punir lesauteurs.

– Madame, madame, reprit Gilbert avec la même patience,indulgence, s’il vous plaît, pour ceux qui ont failli en cemonde.

– Ah ! vous avouez donc ?

La reine se trompait, et, d’après la douceur de la voix deGilbert, croyait qu’il implorait pour lui-même.

Elle se trompait ; c’était un avantage que Gilbert n’avaitgarde de laisser échapper.

– Quoi ! dit-il en dilatant sa prunelle enflammée souslaquelle Marie-Antoinette fut contrainte de baisser les yeux commeà la réflexion d’un rayon de soleil.

La reine demeura interdite, et cependant faisant uneffort :

– On n’interroge pas plus une reine qu’on ne la blesse,dit-elle ; sachez encore cela, vous qui êtes nouveau venu à lacour ; mais vous parliez, ce me semble, de ceux qui ontfailli, et vous me demandiez l’indulgence.

– Hélas ! madame, dit Gilbert, quelle est la créaturehumaine sans reproche, celle qui a su si bien s’enfermer dans laprofonde carapace de sa conscience que le regard des autres n’y pûtpénétrer ? C’est là ce qui s’appelle souvent la vertu. Soyezindulgente, madame.

– Mais à ce compte, reprit imprudemment la reine, il n’y a doncpas de vertueuse créature pour vous, monsieur, pour vous, l’élèvede ces hommes dont le regard va chercher la vérité même au fond desconsciences ?

– Cela est vrai, madame.

Elle éclata de rire sans se soucier de cacher le mépris que cerire renfermait.

– Oh ! par grâce ! monsieur, s’écria-t-elle, veuillezdonc vous souvenir que vous ne parlez pas sur une place publique, àdes idiots, à des paysans ou a des patriotes.

– Je sais à qui je parle, madame, croyez-le bien, répliquaGilbert.

– Plus de respect, alors, monsieur, ou plus d’adresse ;repassez vous-même toute votre vie, sondez les profondeurs de cetteconscience que, malgré leur génie et leur expérience, les hommesqui ont travaillé partout doivent posséder comme le commundes mortels ; rappelez-vous bien tout ce que vous pouvez avoirsongé de bas, de nuisible, de criminel, tout ce que vous pouvezavoir commis de cruautés, d’attentats, de… crimes même. Nem’interrompez pas, et quand vous aurez fait la somme de tout cela,monsieur le docteur, baissez la tête, devenez humble, ne vousapprochez pas avec cet orgueil insolent de la demeure des rois,qui, jusqu’à nouvel ordre du moins, sont institués par Dieu pourpénétrer l’âme des criminels, sonder les replis des consciences etappliquer, sans pitié comme sans appel, les châtiments auxcoupables. Voilà, monsieur, continua la reine, ce qu’il convientque vous fassiez. On vous saura gré de votre repentir. Croyez moi,le meilleur moyen de guérir une âme aussi malade que la vôtre, ceserait de vivre dans la solitude, loin des grandeurs qui donnentaux hommes des idées fausses de leur propre valeur. Je vousconseillerais donc de ne pas vous rapprocher de la cour, et derenoncer à soigner le roi dans ses maladies. Vous avez une cure àfaire dont Dieu vous saura plus de gré que d’aucune cureétrangère : la vôtre. L’antiquité avait un proverbe là-dessus,monsieur : Ipse cura medice.

Gilbert, au lieu de se révolter contre cette proposition que lareine regardait comme la plus désagréable des conclusions, réponditavec douceur :

– Madame, j’ai déjà fait tout ce que Votre Majesté me recommandede faire.

– Et qu’avez-vous fait, monsieur ?

– J’ai médité.

– Sur vous-même ?

– Sur moi, oui, madame.

– Et… à propos de votre conscience ?

– Surtout à cause de ma conscience, madame.

– Croyez-vous alors que je sois suffisamment instruite de ce quevous y avez vu ?

– J’ignore ce que veut me dire Votre Majesté, mais je lecomprends ; combien de fois un homme de mon âge doit avoiroffensé Dieu ?

– Vraiment, vous parlez de Dieu !

– Oui.

– Vous !

– Pourquoi pas ?

– Un philosophe ! Est-ce que les philosophes croient enDieu ?

– Je parle de Dieu et je crois en lui.

– Et vous ne vous retirez pas ?

– Non, madame, je reste.

– Monsieur Gilbert, prenez garde.

Et le visage de la reine prit une indéfinissable expression demenace.

– Oh ! j’ai bien réfléchi, madame, et ces réflexions m’ontconduit à savoir que je ne vaux pas moins qu’un autre : chacuna ses péchés. J’ai appris cet axiome, non pas en feuilletant leslivres, mais en fouillant la conscience d’autrui.

– Universel et infaillible, n’est-ce pas ? dit la reineavec ironie.

– Hélas ! madame, sinon universel, sinon infaillible, dumoins bien savant en misères humaines, bien éprouvé en douleursprofondes. Et cela est si vrai que je vous dirais, rien qu’à voirle cercle de vos yeux fatigués, rien qu’à voir cette ligne quis’étend de l’un à l’autre de vos sourcils, rien qu’à voir ce pliqui crispe les coins de votre bouche – contraction que l’on appelledu nom prosaïque de rides – je vous dirais, madame, combien vousavez subi d’épreuves rigoureuses, combien de fois votre cœur abattu d’angoisse, combien de fois ce cœur s’est abandonné confiantpour se réveiller trompé. Je vous dirai tout cela, madame, quandvous le voudrez ; je le dirai, sûr de n’être pointdémenti ; je vous le dirai, en attachant un regard qui sait etqui veut lire ; et lorsque vous aurez senti le poids de ceregard, quand vous aurez senti le plomb de cette curiosité pénétrerau fond de votre âme, comme la mer sent le plomb de la sonde quipartage ses abîmes, alors, vous comprendrez que je puis beaucoup,madame, et que si je m’arrête, il faut que l’on m’en sache gré aulieu de me provoquer à la guerre.

Ce langage, soutenu par une fixité terrible de la volonté deprovocation de l’homme à la femme, ce mépris de toute étiquette enprésence de la reine firent un effet indicible surMarie-Antoinette.

Elle sentit comme un brouillard tomber sur son front et glacerses idées, elle sentit sa haine changée en effroi, elle laissatomber ses mains alourdies et fit un pas en arrière pour fuirl’approche de ce danger inconnu.

– Et maintenant, madame, dit Gilbert qui voyait clairement cequi se passait en elle, comprenez-vous qu’il me soit bien aisé desavoir ce que vous cachez à tout le monde, et ce que vous vouscachez à vous-même ; comprenez-vous qu’il me soit aisé de vousétendre là sur cette chaise que vos doigts vont chercher parinstinct pour y trouver un appui.

– Oh ! fit la reine épouvantée, car elle sentait passerjusqu’à son cœur des frissons inconnus.

– Que je dise en moi-même un mot que je ne veux pas dire,continua Gilbert, que je formule une volonté à laquelle je renonce,et vous allez tomber foudroyée en mon pouvoir. Vous doutez,madame ; oh ! ne doutez pas, vous me tenteriez peut-être,et si une fois vous me tentiez !… Mais non, vous ne doutezpoint, n’est-ce pas ?

La reine, à demi renversée, haletante, oppressée, éperdue, secramponnait au dossier de son fauteuil avec l’énergie du désespoiret la rage d’une inutile défense.

– Oh ! continua Gilbert, croyez bien ceci, madame, c’estque si je n’étais le plus respectueux, le plus dévoué, le plushumblement prosterné de vos sujets, je vous convaincrais par uneexpérience terrible. Oh ! ne craignez rien. Je m’inclinehumblement, vous dis-je, devant la femme plus encore que devant lareine. Je frémis d’avoir une pensée qui effleure seulement votrepensée, je me tuerais plutôt que de chercher à gêner votre âme.

– Monsieur, monsieur, s’écria la reine en frappant l’air de sesbras comme pour repousser Gilbert qui se tenait à plus de trois pasd’elle.

– Et cependant, continua Gilbert, vous m’avez fait enfermer à laBastille. Vous ne regrettez qu’elle soit prise que parce que lepeuple, en la prenant, m’en a ouvert les portes. Votre haine éclatedans vos yeux contre un homme à qui vous n’avez personnellementrien à reprocher. Et, tenez, tenez, je le sens, depuis que jedétends l’influence avec laquelle je vous contenais, qui sait sivous ne recommencez pas à reprendre le doute avec larespiration.

Et, en effet, depuis que Gilbert avait cessé de lui commanderdes yeux et de la main, Marie-Antoinette s’était relevée presquemenaçante, comme l’oiseau qui, débarrassé des suffocations de lacloche pneumatique, essaie de reprendre ses chants et son vol.

– Ah ! vous doutez, vous raillez, vous méprisez. Ehbien ! voulez-vous que je vous dise, madame, une idée terriblequi m’a passé par l’esprit ; voilà ce que j’ai été sur lepoint de faire, madame : je vous condamnais à me révéler vospeines les plus intimes, vos secrets les plus cachés ; je vousforçais à les écrire ici sur cette table que vous touchez en cemoment, et plus tard réveillée, revenue à vous, je vous eusseprouvé par votre écriture même combien est peu chimérique cepouvoir que vous semblez contester ; combien surtout estréelle la patience, le dirai-je, oui, je le dirai, la générosité del’homme que vous venez d’insulter, que vous insultez depuis uneheure sans qu’il vous en ait un seul instant donné le droit ou leprétexte.

– Me forcer à dormir, me forcer à parler en dormant, moi !moi ! s’écria la reine toute pâlissante, vous l’eussiez osé,monsieur ? Mais savez-vous ce que c’est que cela ?Connaissez-vous la portée de la menace que vous me faites ?Mais c’est un crime de lèse-majesté, monsieur. Songez-y, c’est uncrime qu’une fois réveillée, une fois remise en possession demoi-même, un crime que j’eusse fait punir de mort.

– Madame, dit Gilbert suivant du regard l’émotion vertigineusede la reine, ne vous hâtez pas d’accuser et surtout de menacer.Certes, j’eusse endormi Votre Majesté. Certes, j’eusse arraché à lafemme tous ses secrets, mais, croyez-le bien, ce n’eût certes pasété dans une occasion comme celle-ci, ce n’eût point été dans untête-à-tête entre la reine et son sujet, entre la femme et un hommeétranger ; non, j’eusse endormi la reine, c’est vrai, et rienne m’eût été plus facile, mais je ne me fusse point permis del’endormir, je ne me fusse point permis de la faire parler sansavoir un témoin.

– Un témoin ?

– Oui, madame, un témoin qui eût recueilli fidèlement toutes vosparoles, tous vos gestes, tous les détails enfin de la scène quej’eusse provoquée, afin, cette scène accomplie de ne pas vouslaisser à vous-même un seul instant de doute.

– Un témoin ! monsieur, répéta la reine épouvantée, et queleut été ce témoin ? Mais, songez-y, monsieur, le crime eût étédouble, car, en ce cas, vous vous fussiez adjoint un complice.

– Et si ce complice, madame, n’eût été autre que le roi ?dit Gilbert.

– Le roi ! s’écria Marie-Antoinette avec une épouvante quitrahit l’épouse plus énergiquement que n’eût pu faire la confessionde la somnambule. Oh ! monsieur Gilbert ! monsieurGilbert !

– Le roi, ajouta tranquillement Gilbert, le roi, votre époux,votre soutien, votre défenseur naturel. Le roi, qui vous eûtraconté à votre réveil, madame, combien j’avais été à la foisrespectueux et fier en prouvant ma science à la plus vénérée dessouveraines.

Et après avoir achevé ces mots, Gilbert laissa à la reine toutle temps d’en méditer la profondeur.

La reine demeura pendant plusieurs minutes dans un silence quetroublait le bruit de sa respiration entrecoupée.

– Monsieur, reprit-elle enfin, après tout ce que vous venez deme dire, il faut que vous soyez un ennemi mortel…

– Ou un ami à l’épreuve, madame.

– Impossible, monsieur, l’amitié ne peut vivre à côté de lacrainte ou de la défiance.

– L’amitié, madame, allant de sujet à reine, ne peut vivre quepar la confiance que le sujet inspire. Vous vous serez déjà dit,n’est-ce pas, que celui-là n’est pas un ennemi, auquel au premiermot on ôte le moyen de nuire, surtout lorsque le premier ils’interdit l’usage de ses armes.

– Ce que vous dites là, monsieur, on doit y croire ? fit lareine avec attention et inquiétude, en regardant Gilbert d’un airpénétré.

– Pourquoi n’y croiriez-vous pas, madame, lorsque vous aveztoutes les preuves de ma sincérité ?

– On change, monsieur, on change.

– Madame, j’ai fait le vœu que certains hommes illustres dans lemaniement des armes dangereuses faisaient avant d’entrer enexpédition. Je n’userai jamais de mes avantages que pour repousserles torts qu’on me voudra faire. Non pour offense, mais pourdéfense ; telle est ma devise.

– Hélas ! dit la reine humiliée.

– Je vous comprends, madame. Vous souffrez de voir votre âme auxmains du médecin, vous qui vous révoltiez parfois d’y abandonnervotre corps. Prenez courage, prenez confiance. Celui-là veut bienvous conseiller, qui vous a donné aujourd’hui la preuve delonganimité que vous avez reçue de moi. Je veux vous aimer,madame ; je veux que l’on vous aime. Les idées que j’ai déjàdonnées au roi, je les discuterai avec vous.

– Docteur, prenez-y garde ! fit gravement la reine, vousm’avez prise au piège ; après avoir fait peur à la femme, vouscroyez pouvoir gouverner la reine.

– Non, madame, répondit Gilbert ; je ne suis pas unmisérable spéculateur. J’ai mes idées, je comprends que vous ayezles vôtres. Je repousse dès à présent cette accusation que vousporteriez éternellement contre moi de vous avoir effrayée poursubjuguer votre raison. Je dis plus, vous êtes la première femme enqui je trouve à la fois toutes les passions de la femme et toutesles facultés dominatrices de l’homme. Vous pouvez être à la foisune femme et un ami. Toute l’humanité se renfermerait en vous aubesoin. Je vous admire et je vous servirai. Je vous servirai sansrien recevoir de vous, uniquement pour vous étudier, madame. Jeferai plus encore pour votre service ; au cas où je vousparaîtrais un meuble de palais par trop gênant ; au cas oùl’impression de la scène d’aujourd’hui ne s’effacerait pas de votremémoire, je vous demande, je vous prie de m’éloigner.

– Vous éloigner ! s’écria la reine avec une joie quin’échappa point à Gilbert.

– Eh bien ! c’est conclu, madame, répliqua-t-il avec unadmirable sang-froid. Je ne dirai même pas au roi ce que j’avais àlui dire, et je partirai. Faut-il que j’aille bien loin pour vousrassurer, madame ?

Elle le regarda, surprise de cette abnégation.

– Je vois, dit-il, ce que pense Votre Majesté. Plus instruitequ’on ne croit de ces mystères de l’influence magnétique quil’effrayaient tout à l’heure, Votre Majesté se dit qu’à distance jeserai aussi dangereux et aussi inquiétant.

– Comment cela ? fit la reine.

– Oui, je le répète, madame, celui qui voudrait nuire àquelqu’un par les moyens que vous venez de reprocher à mes maîtreset à moi, pourrait exercer son action nuisible aussi bien à centlieues, aussi bien à mille qu’à trois pas. Ne craignez rien,madame, je n’y tâcherai point.

La reine demeura un moment pensive et ne sachant que répondre àcet homme étrange, qui faisait ainsi flotter ses résolutions lesplus arrêtées.

Tout à coup un bruit de pas, au fond des corridors, fit lever latête à Marie-Antoinette.

– Le roi, dit-elle, le roi qui vient.

– Alors, madame, répondez-moi, je vous en prie : faut-ilque je reste, faut-il que je parte ?

– Mais…

– Hâtez-vous, madame, je puis éviter le roi, si vous ledésirez ; Votre Majesté m’indiquera une porte par laquelle jeme retirerai.

– Restez, lui dit la reine.

Gilbert s’inclina, tandis que Marie-Antoinette cherchait à liresur ses traits à quel point le triomphe serait plus révélateur quen’avait été la colère ou l’inquiétude.

Gilbert resta impassible.

– Au moins, se dit la reine, eût-il dû manifester de lajoie.

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