L’Énigme

V

Lorsque la première foisM. de Morlaines s’était marié, c’était un jeune officier,fier de sa taille désespérément sanglée dans l’uniforme, aimant àfaire miroiter ses épaulettes, étoiles rayonnantes dans le cielbrumeux des villes de garnisons, caracolant à courbettes queveux-tu sous les balcons et devant les rideaux entrebâillés.

Un jour, il avait pensé à se créer unefamille. À vrai dire, il était amoureux surtout parce qu’il sesavait aimé. Maître d’une belle fortune, il lui eût été facile desuivre l’impulsion de son cœur, alors même que la femme choisie eûtété pauvre. Mais il se trouva que les intérêts de sa situationconcordaient au mieux avec ses aspirations matrimoniales. Berthedes Chaslets, issue de la vieille noblesse de l’Île-de-France,apportait en dot une centaine de mille francs : c’était unecréature charmante, un peu poupée peut-être, mais vive, gaie,spirituelle à ses heures ayant à la nuque ces frisettes folles quitroublent si fort les cervelles, et aux lèvres le sourire quiépanouit les âmes en s’épanouissant lui-même.

M. de Morlaines, homme d’énergie devolonté, n’était pas précisément un saint. Il eût été même aisé,feuilletant le livre décousu de sa vie nomade, d’y trouver bien despages dont, selon la formule consacrée, la mère eût difficilementpermis la lecture à sa fille. Mais le cœur était jeune, disons mêmenaïf. Cet amour virginal le rehaussa dans sa propre estime :étant resté orphelin de bonne heure, il avait la nostalgie de lafamille, et quand évadé du café et des réunions de camarades, il setrouvait, le soir, sous la lumière calme qui tombait d’un abat-jourdiscret, auprès d’une table ronde qu’entouraient M. desChaslets, vieux gentilhomme un peu revêche, très fier, maisbonhomme au demeurant, puis Mme des Chaslets, dontles mièvreries pomponnées rappelaient les chanoineries féminines dudernier siècle, et enfin Berthe, toute rougissante sous ses regardsenflammés, M. de Morlaines éprouvait des joies inconnues,et ce n’eût pas été devant lui qu’on se fût permis impunément demédire des belles-mères et du ménage. Dernier point, le plus grave.Un beau soir d’automne, à l’ombre de peupliers ou de hêtres(l’essence ne fait rien à la chose), de Morlaines avait osé saisirune main qui ne s’était pas trop refusée, il avait effleuré du boutdes lèvres un front qui avait brûlé de pudeur et de surprise, et ilavait murmuré quelques mots :

– Mademoiselle Berthe, voulez-vous êtrema femme ?

Ceci ou autre chose. Le sens y était.

Et comme il ne lui avait pas été répondu, – cequi en rhétorique d’amour est le plus éloquent des discours, dès lelendemain, strict comme s’il fût agi d’un duel ou d’une dette dejeu, M. de Morlaines s’était rendu chez son colonel etlui avait dit :

– Le régiment étant ma famille, vous êtesmon père. Je vous prie de vous rendre chez M. des Chaslets etde solliciter en mon nom l’honneur de son alliance.

Le colonel, qui était un vieil ami deMorlaines et prenait avec lui son franc parler, ne s’était pointfait faute de sacrer de la plus impertinente façon ; il avaitmême rudement pincé l’oreille de ce grand garçon qui « allaitfaire une bêtise ». Mais le grand garçon s’était regimbé toutnet.

Et la demande avait été faite, accueillie, lesbans avaient été publiés, les félicitations narquoises que l’onsait avaient été adressées au jeune lieutenant, promu capitaine etdécoré pour la circonstance. Bref, Berthe des Chaslets se nommaitdésormais la comtesse de Morlaines.

Pendant vingt-cinq ans, le mari de Berthevécut dans son rêve de miel. Une seule ombre : ce ne fut qu’aubout de la cinquième année qu’il devint père. Pour s’être faitattendre, le bonheur ne fut que plus profond. Il était arrivé tropsouvent, au gré de l’époux amoureux, que les exigences du servicel’eussent contraint à des absences de plusieurs mois ; mais ilétait d’une suprême habileté pour se ménager des occasions defuite, et il arrivait subitement, embrassait sa femme et repartait…Quand il eut un fils à embrasser, il resta quelques minutes deplus, il emporta de doubles trésors de joie.

Berthe, vers l’âge de trente ans, devintmalade. Elle s’affaiblit, et peu à peu dut se désintéresser dessoins de l’intérieur. Ici Germaine lui fut d’un grand secours.C’était la veuve d’un soldat tué en Crimée. Elle avait noblementporté sa douleur : n’ayant pas d’enfants, elle avait fait sienle fils de son maître. C’était la probité vivante, et elle s’étaitbientôt si complètement identifiée à ceux qu’elle servait, qu’elletraitait de leurs intérêts mieux que ne l’eût fait Berthe, laquelleétait restée, par enfantillage ou par paresse native, craintive desresponsabilités. Germaine fut un intendant d’une intégrité absolue,d’un dévouement à toute épreuve. Elle était fière des servicesqu’elle rendait ; ce mandat qui lui était échu la grandissaità ses propres yeux, et pour le mieux exercer elle s’efforça – sansmauvaise intention d’ailleurs – de l’élargir encore.

Berthe laissait faire. Elle s’attristait deplus en plus, sans doute par conscience de son état de faiblesse.Déjà elle prévoyait le terme de sa vie, et tenait ses yeuxobstinément fixés sur la tombe qui l’appelait. On eût ditquelquefois que cette nature – naguère vivace – aujourd’hui brisée– pliait sous quelque douleur secrète et toujours saignante.

Le général ne la quittait plus : à lavoir lentement s’éteindre, il serrait plus fortement contre sapoitrine l’enfant qui était comme le renouveau de sa vie. Lecaractère de la pauvre femme s’était singulièrement modifié. Ilsemblait que ses facultés s’altérassent. Elle avait des convulsionsmorales, des crises terrifiées pendant lesquelles, hagarde, ellerepoussait son mari, son fils, criant des mots sans suite et desphrases incompréhensibles. Ces agonies de l’être aimé épuisent lesplus forts courages.

À l’heure de sa mort, comme le général,pleurant, se tenait penché au pied de son lit, la couvrant de sonregard dont il eût voulu la réchauffer, Georges vint s’agenouillerpieusement auprès d’elle. Elle se redressa par un effort violent,et le saisissant, l’attira contre sa poitrine. En même temps, ellecria à son mari :

– Il est à moi ! à moi ! jevous défends de le haïr !… Germaine, défends-le !défends-moi !…

C’était la folie de la minute suprême. Elleretomba en arrière avec un râle atroce, morte !…

Germaine tutoyait le fils de son maître. Elleavait bien acquis ce privilège. Le souvenir de la morte avait étécaché pieusement au fond de son cœur, fruste comme un sépulcrecreusé dans le roc. Elle l’y adorait. D’où sa haine contrel’étrangère, contre la Deltour, comme elle l’appelait. N’ayant pul’accuser d’avoir tué Berthe, il semblait qu’aujourd’hui ellevoulût l’accabler du suicide inexpliqué deM. de Morlaines…

Georges l’avait entendue. Mais, rejetéaussitôt dans l’engrenage de la réalité, il avait marché d’un pasmal assuré derrière le corps de son père, fronçant les sourcilsavec des contractions douloureuses aux roulements sourds destambours encrêpés.

Par bonheur, il n’eut pas à subir d’énervantesbanalités. Les vieux soldats qui étaient venus saluer leur camaradeavaient trop souvent vu la mort en face pour ne la pointrespecter ; pour tous M. de Morlaines avait succombéà un de ces accès de fièvre chaude qui font jaillir du cerveau jene sais quelle subite et inconsciente attraction vers la mort. Aufeu, tous avaient éprouvé de ces étranges curiosités, et avaientcherché – ne fût-ce que pendant une minute – à lui arracher sonsecret. Ils étaient moins surpris que s’ils ne l’eussent pointaffrontée, et ils se sentaient plus chagrins, pensant à la douleurde la veuve et du fils, qu’en songeant au général qui « avaitfait son temps. »

Quand la nuit vint, la foule s’écoula. Georgesse trouva seul avec M. de Samereuil. Celui-ci, voulantgalvaniser cette souffrance trop muette, parla de l’événementmystérieux. Bientôt Georges écouta ; et comme d’abord iln’avait pas entendu, il se fit répéter minutieusement toutes lescirconstances de cette catastrophe. M. de Samereuil lecontraignit à émettre son opinion, à regarder le fait en face et àinterroger le sphinx funèbre.

Georges n’obtenait pas de réponse, non plusque les autres.

M. de Morlaines aimait la vie, queson nouveau mariage lui faisait douce et heureuse.

Georges avait encore sur lui, dans sonportefeuille, la dernière lettre que son père lui avait adressée.Les deux hommes la relurent ensemble. Elle respirait une gaîtéfranche, profonde, rajeunie. Il y avait entre les lignes, sous lesmots, des lueurs de bonheur. Et, on le sentait, c’était le sourirede Marie de Morlaines qui éclairait ce printemps de vieillesse.

M. de Samereuil reconduisit Georgesjusqu’aux Petites-Tuileries et se retira, promettant de revenir lelendemain. Le jeune homme le lui avait demandé. Georges se trouva,dans cette maison seul avec madame de Morlaines, occupantbrusquement la place de son père. Ce fut pour ces deux âmesdésolées un moment de lamentable angoisse. Ils n’eurent pas lecourage de s’interroger.

Le double silence de la mort et de la douleurplanait sur la demeure.

Germaine ne parut pas. Sans doute, ellesongeait à Georges qui l’oubliait.

De bonne heure, madame de Morlaines, épuisée,demanda la permission de se retirer. Il y avait entre elle et cefils un accord tacite de ne point provoquer de confidences jusqu’aulendemain. Seulement, au moment où Marie se leva pour se dirigervers sa chambre, Georges lui dit doucement :

– Ma mère, embrassez votrefils !

Et il y eut, dans un sanglot contenu,l’expression du suprême regret que laissait dans ces deux cœursl’absence d’un honnête homme.

Georges appela le domestique et donna quelquesordres pour la matinée. Puis il descendit dans le jardin. Iln’éprouvait, pas encore de lassitude. La surexcitation n’était pastombée.

La nuit, profonde maintenant, l’enveloppait,et le craquement du sable sous ses pieds lui rappelait le cimetièreoù dormait son père. Il cherchait à se redresser sous le coup quil’avait frappé. Pour la première fois depuis trois jours, il avaitla notion d’un réagissement nécessaire. S’efforçant, il respiraplus largement, plus longuement. Il reprit possession de sa pensée.Le vent frais passait dans ses cheveux et réveillait sur ses tempesla sensation engourdie ; c’était comme si la vie fût peu à peurentrée en lui, Il revoyait un à un les faits de ces dernièresheures, et tout à coup il se rappela les étranges paroles deGermaine.

À quoi donc songeait-il ?… Et comment nelui étaient-elles pas revenues plus tôt en mémoire ? Certes,le suicide de son père était évident. Mais à cet acte de désespoirnul n’avait formulé de cause vraisemblable. La fièvre, lamaladie ! mais tout semblait prouver que la main et la têteétaient calmes à l’heure fatale. Le soldat avait appuyé le pistoletsur son crâne, sans un tressaillement.

– Tu ne viens pas ! me voici !dit une voix sourde derrière le jeune homme.

Il frissonna, et se retourna brusquement.Estompée de ténèbres, Germaine, grande, maigre, étrange silhouette,se tenait debout derrière lui… il agita les mains comme s’il eûtvoulu écarter une vision fantastique…

– Est-ce que tu ne veux pas venger tonpère, Georges ? dit-elle, parlant vite comme si elle eûtéprouvé une hâte fiévreuse de jeter l’accusation qui bourrelait sonâme. Est-ce que toi aussi tu t’es laissé prendre aux douceurs decette femme !… alors, je m’en vais… et c’est moi qui agirai…seule…

Georges secoua sa torpeur.

– C’est toi, Germaine. Pardonne-moi, jerêvais, je suivais par delà la vie celui que j’ai tant aimé… Queveux-tu ?… je ne te comprends pas…

– Oh ! tu me comprendras… soistranquille. Je serai brève… et claire…

Elle lui prit la main, et, l’entraînant, ellel’attira jusqu’au bout du parc… Là, il y avait un bosquet deplantes vertes, troënes et lauriers, qui formait comme un rideau…au-delà, une palissade haute de quelques pieds laissait deviner lesprofondeurs de l’horizon.

– Tiens ! fit-elle en lecontraignant à s’asseoir sur un banc tandis qu’elle-même restaitdebout, regarde où tu es… c’est l’extrémité du parc… là, on estcaché !… nul ne peut voir… et pourtant on a vu !…

– Qu’a-t-on vu ?…

Germaine se redressait comme pour jeter deplus haut les paroles sinistres qui brûlaient ses lèvres :

– On a vu, reprit-elle d’un ton grave,solennel, on a vu entrer le déshonneur… on a vu entrer ledésespoir… on a vu entrer la mort…

Georges, bien qu’il ne vît point distinctementson visage, tenait ses yeux obstinément fixés sur cette formenoire… des gouttes de sueur coulaient sur son front…

– Parle, dit-il.

– Veux-tu savoir pourquoi ton père s’esttué ?…

– Si je le veux !

– Eh bien ! c’est parce que ton pèrea commis un crime dans sa vie…

– Un crime !…

– Oui, un crime de faiblesse, d’insultepour la mémoire d’un ange… et cela, le jour où il a donné le nom decomtesse de Morlaines à une…

Georges se leva d’un bond :

– Tais-toi, Germaine ! au nom de monpère, je te défends d’outrager celle qu’il respectait…

– Au nom de ton père, je dirai la vérité…Cette femme est une misérable… qui a su, par sa bassesse, par sonhypocrisie, conquérir, voler plutôt la place que ta mère avaitoccupée ; elle a assis à ce foyer d’honneur l’infamie etl’adultère… Comprends-tu, maintenant, pourquoi le général s’estcassé la tête d’un coup de pistolet ?…

Cette paysanne avait une sorte d’éloquencesauvage qui procédait par coups de massue.

Georges chancelait. C’était comme une nouvellemort qu’il apprenait tout à coup : le second choc était troprude… il se laissa tomber sur le banc, et plongeant la tête dansses deux mains, il se mit à pleurer nerveusement.

– Pleure ! pleure ! continuaitGermaine avec un accent dont l’âpreté devenait effrayante… maissouviens-toi que tu as juré de venger ton père. Tu la chasseras,n’est-ce pas ? tu la jetteras dehors comme une bêtemalfaisante, en criant bien haut la vérité… car elle estorgueilleuse, la belle Marie Deltour, et impudente donc !…

Il y eut une dernière révolte dans laconscience de ce fils, respectueux des profondes affections de sonpère :

– Je ne veux rien entendre, dit-ilbrusquement. Tu es folle… la douleur t’égare. Demain, oui, demain,nous reparlerons de tout cela.

Il répétait ce mot : Demain !… et ilrepoussait Germaine dans la direction de la maison. Mais elle sedégagea, et levant ses bras vers le ciel, comme si elle allaitmaudire :

– Mais tu es donc devenu lâche !cria-t-elle avec force.

– Lâche ! moi !

– Tu n’aimais donc pas tonpère !…

– Ne dis pas cela !… c’était l’amide mon âme, c’était ma conscience vivante !…

– Eh bien ! alors… Pourquoi neveux-tu pas m’entendre ?…

Il baissa la tête sans répondre.

– Pourquoi ? je vais te le dire,moi… Oh ! tu sais, je suis toujours la même… De ma vie je n’aimenti, et de ma vie je n’ai pu garder un poids sur le cœur… Tu neveux pas que j’accuse cette femme, parce que tu la trouvesjolie !… Ah ! tous les hommes sont les mêmes !…

D’un geste irrité, Georges lui saisit lespoignets :

– Malheureuse ! tublasphèmes !… Cette femme est l’épouse de mon père… je l’aiappelée ma mère.

– Toi ! tu l’as appelée… Ah !c’en est trop !… Georges, je veux que tu m’écoutes, et tum’écouteras… D’abord je ne te laisserais pas passer… il faudrait mefrapper, et tu n’oserais pas, car après la sainte créature, sibonne, si pure que nous pleurons, après la vraie comtesse, il n’y aque moi… que moi, entends-tu bien, ingrat ! que tu aies ledroit d’appeler ta mère !…

Il reculait devant Germaine. Il se sentaitdominé, saisi d’une sorte de terreur superstitieuse. La vieilleservante avait maintenant dans la voix d’ineffablesdouceurs :

– Est-ce que tu crois que c’est pour rienque je vais te faire de la peine !… je sais bien, il auraitété doux pour toi de croire à l’honnêteté de cette femme, à sonamour pour ton père. Mais enfin, raisonne, mon enfant ;comprends… il s’est tué… donc il était malheureux, c’est biensimple cela… malheureux par qui ?… ce n’était pas par moi… tume connais !… ni par toi non plus, le meilleur et le plusrespectueux des fils… Donc, c’est par elle… par cette voleuse defortune et de titre qui s’est faite comtesse… qui porte le nom deta mère… Oh ! mais… tu le lui reprendras, tu le luiarracheras… c’est à toi, c’est à nous, ce nom-là !…Tiens ! je crois qu’il faudra la tuer… ça vaudra mieux…

Nulle expression ne saurait rendrel’exaltation furieuse de cette femme qui semblait une des sagesantiques des forêts gauloises… C’est qu’elle avait si longtemps haï– d’une aversion féroce – cette intruse qui lui avait pris sonmaître… Elle la tenait, à ce qu’il paraît… et la louve ne voulaitpas lâcher sa proie…

Georges ne résista plus : il se courbaitsous une horreur épouvantée. Il voulait savoir maintenant… laréalité, quelle qu’elle fût, serait un soulagement à ces indiciblesangoisses…

– Germaine, parle !

– Voilà ! Il y a de cela cinq jours…juste… un individu, une espèce d’homme d’affaires, est venu auxPetites-Tuileries, soi-disant pour parler àM. de Morlaines de la vente d’une ferme… c’était un beaugarçon, ma foi… dans les quarante ans, rasé de frais, avec desfavoris longs d’un pied, et de petits yeux clignotants, mais malinscomme ceux d’un chat… Tu sais que M. de Morlaines nes’occupait jamais d’affaires… Dès que cet homme, qui avait un fieraplomb, comme tu vas voir, lui eut touché deux mots de la vente –un mensonge – le général lui répondit : « Cela ne meregarde pas. Parlez à ma femme ! » C’est vrai que c’étaittoujours la même chose ; elle faisait tout, s’occupait detout… et recevait même l’argent… tu sauras à quoi elle l’employait…Justement la belle madame arrivait à ce moment-là… le général luidit deux mots et la laissa avec l’autre… Moi, si j’ai eu tort, pastort, ça ne regarde que moi – cet homme-là ne me revenait pas…j’avais surpris quelque chose déjà… Quand il avait vu madame, ilavait eu comme un geste de surprise… ou plutôt d’émotion. Elle…(Ah ! je l’ai dans le sang, cette femme-là !) elle leregardait bien en face comme si elle ne le connaissait pas…

J’aurais voulu écouter… mais ils se mirent àcauser devant la maison, auprès du petit kiosque… Il aurait falluêtre dans ce kiosque… je ne pouvais pas, à ce moment-là, y entrersans être vue. Seulement, je les guettais… je suivais le mouvementdes lèvres, exaspérée de ne pas entendre les voix. Ce que jevoyais, pourtant, c’est qu’ils discutaient… plus, ils sedisputaient… elle voulait faire de la dignité, c’était son fort…lui, un peu pâle, mais très calme, pérorait, et pour un peu, il eûtcrié… même que la Deltour a eu peur que M. de Morlaines,qui était dans le salon, n’entendît quelque chose… Elle a posé samain sur le bras de l’homme et elle l’a entraîné de l’autre côté dukiosque… alors j’ai profité de ce mouvement-là… j’ai couru, je suisallée me blottir dans le pavillon… seulement il était déjà troptard, ils avaient fini leur complot. Mais sais-tu, mon Georges,sais-tu ce qu’ils se disaient… là… à deux pas de tonpère ?…

C’était elle qui parlait :

« – Monsieur, vous êtes un misérable…mais je suis contrainte de vous obéir… Vous voulez dix millefrancs…

» – Oui, dix mille francs…

» – Et vous me remettrez les lettres…

» – Toutes, sans exception.

» – Eh bien ! monsieur, demain soir…n’entrez pas ici… faites le tour du parc… et présentez-vous à neufheures à la palissade, là où vous remarquerez un rideau d’arbresverts… je vous remettrai la somme…

» – Et moi, madame, je vous livrerai ceslettres. »

Il balbutia encore quelques mots de regrets…d’excuse… elle le poussait vers la grilles… l’homme disparut. Etson geste disait qu’il serait exact.

Voilà. Cinq minutes après, la Deltour –menteuse effrontée – disait à M. de Morlaines :

« – Les propositions de cet agentd’affaires sont inacceptables… Ce serait un marché de dupe. Nousgarderons la ferme. »

Oh ! elle disait « nous » quandil s’agissait de la fortune des Morlaines. Eh bien ! Georges…qu’en dis-tu ? et veux-tu encore m’imposer silence ?

– Continue, dit Georges d’une voix sibasse qu’elle était à peine perceptible.

La Germaine avait maintenant un accent detriomphe :

– Je ne te le cache pas… je haïssaiscette femme d’instinct… seulement je n’aurais pas supposé cela… deslettres, qu’on rachète dix mille francs ! On sait ce quec’est, pas vrai ? Il a été bien bête de ne pas demander plus…pour garder son nom et sa réputation d’honnêteté, elle aurait pilléjusqu’au dernier sou de ton père… car, tu comprends bien, elle n’apas un rouge liard, cette mendiante ! Et les dix mille francs,c’est les écus du général qui l’ont dansé !…

Elle prenait joie à se faire triviale, commesi elle eût voulu piétiner sur son ennemie.

– Ainsi, fit Georges, elle a payé… elle aracheté… ces lettres…

– Attends !… tu vas tout savoir…Mais avant, Georges, je me mets genoux devant toi… car il faut quetu me pardonnes !…

– Toi ! Germaine ! mais dequelle faute dois-tu donc t’accuser ?

– J’ai cru bien faire… j’ai vouludémasquer l’hypocrite… le lendemain, le soir… j’ai amené le généraldans le parc, à deux pas de l’endroit où Deltour avait donné sonrendez-vous… elle croyait son mari sorti… et il était là, toutprès… et il a tout vu… l’homme venant… la Deltour donnant les dixmille francs que l’autre a eu l’impudence de compter… puis leslettres dans un portefeuille. Ah ! comme elle les a fourréesdans sa poche avec un cri de joie !… elle se croyait sauvée…mais elle m’avait oubliée, moi !…

Georges avait bondi sur ses pieds :

– Misérable ! mais c’est toi qui astué mon père !…

– Est-ce que je savais, moi !… jecroyais qu’il chasserait cette femme… est-ce que je pouvais savoirqu’il se punirait de la faute de cette criminelle, est-ce qu’il nedevait pas tout d’abord penser à toi, à son fils !… Ah !sur mon salut, je jure que je ne le croyais pas assez fou pourl’aimer au point de mourir de sa trahison…

Georges était à bout de forces. Cet abîme luidonnait le vertige.

– Enfin ? questionna-t-il.

– Enfin, quand elle est rentrée à lamaison, bien fière, sans doute… et prête à monter dans sa chambrepour brûler les lettres… qui sait ! pour les relire peut-être…le général s’est trouvé là, devant elle ; il l’a prise par lamain et il l’a emmenée dans sa chambre, à lui… Oh ! il y a eudes pleurs, des supplications… elle s’est traînée à ses genoux… jel’entendais crier : « Pardon ! pardon !… »Je ne sais pas ce qu’il répondait, lui, tant sa voix était sourdeet désolée… cela a duré une grande partie de la nuit… puis il arenvoyé la Deltour chez elle… elle ne voulait pas s’en aller…parbleu ! Je croyais alors qu’il lui avait ordonné de quitterla maison… Le silence s’est fait ; je suis retournée là-haut,dans une chambre, comptant bien au matin voir la face honteuse decette femme rougir sous mes yeux… Eh bien ! non ! c’estfolie ! C’est lui, c’est ton père qui a voulu partir !…C’est lui qui s’est évadé, la nuit, de sa maison… comme unvoleur !… et qui est allé se tuer… le pauvre !… le bon etcher maître !… qui est allé se tuer à une lieue d’ici…Georges ! oui, j’ai eu tort… je le sens, je le saismaintenant… mais voyons, est-ce que je pouvais laisser l’adultère àla place de ta mère !… ça n’était pas possible !… j’aifait mon devoir !…

Elle eut un geste de résolution :

– Au fait, si tu me crois coupable, tuemoi si tu veux… mais tue-la la première… que je la voie mourir pourmourir contente.

Silencieux, Georges écarta d’un geste lent laGermaine qui s’attachait à ses vêtements. Elle resta un instantabîmée, prosternée… Quand elle releva la tête, Georges avaitdisparu… Seulement elle aperçut bientôt de la lumière à la fenêtrede sa chambre…

À sept heures du matin, au moment où Marie deMorlaines sortit de sa chambre, elle vit sur le palier Germaine, enfaction pour ainsi dire.

La jeune femme était prête à lui adresserquelque bonne parole, mais ses regards rencontrèrent l’éclairglacial qui jaillit des yeux de la servante. Elle distingua sur seslèvres un sourire mauvais, fait de contractions et de colèrescontenues. Elle savait qu’elle n’était point aimée. Depuis troisjours seulement elle devinait la haine :

– M. Georges prie madame la comtessede Morlaines, dit Germaine en appuyant avec une ironie évidente surle titre et le nom qu’elle donnait à cette « MarieDeltour », de vouloir bien l’aller rejoindre dans la chambredu général.

Au ton dont ces paroles étaient prononcées,madame de Morlaines ne put réprimer un tressaillement. Ellen’aurait pu expliquer pourquoi elle s’était sentie tout à coupblessée au cœur. Ce fils, qu’elle n’avait jamais vu avant lacatastrophe et auquel, de loin, elle avait voué une affection desœur plutôt que de mère, lui paraissait peut-être s’emparer troprapidement des prérogatives que lui conférait la mort de son père.Mais elle devinait, elle pressentait autre chose.

Comme elle était restée un instant immobile,surprise et peinée à la fois, Germaine reprit :

– Est-ce que je me suis malexpliquée ?

– Non ! non !… J’y vais !répliqua Marie… dans quelques minutes.

Brusquement elle rentra dans sa chambre.Obéissant à l’instinct féminin qui n’abdique jamais, elle jeta unregard sur la glace, passa ses mains blanches sur ses bandeauxcrespelés. Puis, comme si, pendant ce court moment, elle eût prisune résolution décisive, elle fit un geste et murmura :

– Allons !…

Elle marcha vers l’appartement deM. de Morlaines. Au moment de poser sa main sur la clef,elle éprouva une rapide défaillance et les larmes montèrent à sesyeux. Mais comme si elle eût deviné, blottie dans un angle del’escalier, Germaine qui la guettait de son impitoyable espionnage,elle ouvrit la porte…

Georges était debout, le dos tourné, devant lafenêtre. Au bruit que fit la porte, il se retourna. Sous les lourdsrideaux, tombant en plis épais, le jour passait gris et pâle, etsur ce fond qui semblait fait de brouillard se détachait la hautetaille du jeune homme dont le visage était à peine éclairé…

Marie s’était arrêtée, comme troublée par lafunèbre placidité de ce lieu, choisi par Georges pour leur premierentretien.

Lui s’inclina, et fit un pas au-devant d’elle.Alors elle vit ses traits couverts d’une pâleur si effrayantequ’elle ne put réprimer un cri d’inquiétude :

– Vous souffrez ! dit-ellevivement.

Il eut un geste lent par lequel il lui imposasilence. Puis il lui désigna un siège. Il ne parlait pas. De sagorge serrée, les paroles ne pouvaient pas jaillir. Madame deMorlaines était envahie par un sentiment de vague terreur dont elles’efforçait en vain de triompher.

Dans cette pièce déjà décrite, et dont lasimplicité était presque cénobitique, un portrait de grandeurnaturelle, – celui du général en grande tenue, faisait face à lafenêtre.

Quand Marie se fut laissé tomber sur lefauteuil qui lui était indiqué, Georges se tourna vers ce portrait,les deux bras croisés sur sa poitrine, le regardant de toute lapuissance de son regard furieux. C’est qu’il lui demandait undernier conseil ! C’est qu’il voulait dans cette évocationréclamer de celui qui n’était plus, le droit de se montrerimplacable. Interdite, Marie n’osait parler la première. Cependant,ce silence qui se prolongeait était trop lourd à porter.

Georges détacha ses yeux du portrait ;puis, debout devant madame de Morlaines :

– Madame, lui dit-il, ignorez-vous,aujourd’hui comme hier, pourquoi mon père s’est tué ?

Sans hésiter, Marie répondit :

– Je n’ai rien appris… rien deviné…

Seulement, disant cela, on eût dit qu’ellereprenait tout à coup possession d’elle-même. Évidemment, cettequestion ne l’étonnait pas, elle avait d’avance ses réponsesprêtes.

Georges s’était mis à marcher. Il avait auxmains des agitations fébriles.

– Ainsi, reprit-il, dans la nuit qui aprécédé cet horrible suicide, mon père ne vous a rien dit qui pûtvous ouvrir les yeux sur ce fatal projet… rien ?… pas unmot ?…

– Pas un mot ? répéta madame deMorlaines, comme un écho.

– Et vous êtes certaine que mon pèren’avait – en apparence du moins – aucun sujet de gravepréoccupation… de chagrin…

– Je ne m’en suis pas aperçue, dit Mariede sa voix la plus calme. Ce n’était pas la première fois,d’ailleurs, que nous passions la nuit à causer…

– Quel était le sujet de ce longentretien ?…

– Nous avons parlé de tant dechoses !

– Mais entre autres !…

– Je puis vous affirmer que nous avonsbeaucoup parlé de vous…

On devinait que Georges retenait sur seslèvres des élans de colère prêts à s’en échapper. Cependant madamede Morlaines paraissait ne pas y prendre garde. Les yeux à demifermés, elle semblait écouter avec une attention soutenue, active,comme si elle eût redouté de perdre un seul mot, ou plutôt comme sielle eût cherché à prévoir les paroles qui allaient êtreprononcées.

Il y eut un nouveau silence. Georges deMorlaines n’était pas un habile : les marins regardent ledanger en face et luttent corps à corps avec lui. Entre la mer etl’homme, c’est une guerre sans merci dont la vie est l’enjeu. Mais,du moins, celui qui se défend agit dans la plénitude de saforce ; il rend coup pour coup, l’ennemi est trop fort pourqu’il en ait pitié.

Ici, dans cette chambre, en face de cettefemme qu’un souffle pouvait briser, Georges, voulant frapper,retenait son bras. Il s’épouvantait des coups qu’il pouvait, qu’ildevait porter. En même temps, l’horreur de l’hypocrisie, le dégoûtde cette dissimulation, voilée de faiblesse, l’irritait de plus enplus. C’était un homme violent, c’est-à-dire que ses efforts surlui-même, en refoulant la colère, en rendaient l’explosion plusterrible. Il était maladroit à ces passes d’armes courtoises :sous sa main, il sentait comme une lame nue et il était impatientde rejeter tout scrupule, toute crainte… Ayant médité toute lanuit, il s’était juré d’être calme ; il avait décidé qu’iluserait d’abord de prudentes réticences, qu’il tenterait tout pourprovoquer un aveu…

Mais déjà sa voix qui tremblait mentait à cesengagements, sa conscience qui se soulevait lui criait d’agir.C’était assez de patience, assez de patelinage. Il y avait là uncoupable : il fallait que le juge se montrât.

Et tout à coup, comme si une détente eûtsoudainement agi, comme si un ressort se brisant dans sa poitrineeût inutilisé tout effort en arrière, Georges s’écria :

– Mais ne mentez donc pas !… madame.Vous ne comprenez donc pas que je sais tout !…

Tout le sang de la jeune femme avait reflué àson cœur ; une pâleur violacée envahit son visage.

On eût pu croire qu’elle allaits’évanouir ; non. Par un ressaisissement de sa volonté, siprompt que la défaillance fut à peine perceptible, Marie eut laforce de dire :

– Vous m’insultez ! c’est mal !Que savez-vous ?…

Sa voix était douce, grasse de larmes,pourtant elle ne pleurait pas : une lueur brillait dans sesyeux, dont la teinte bleue s’était nuancée d’un gris d’acier.

Devant ces mots « vousm’insultez !… » Georges eut une hésitation. C’était vrai.Et cette insulte s’adressait à une femme.

Mais aussi cette femme avait tué sonpère !…

– Je sais, madame, reprit-il d’un accentplus grave, que mon père avait surpris un lamentable secret… et quec’est ce secret qui lui a mis à la main l’arme de mort…

– Et ce secret !… dit tout basMarie, regardant Georges, attendant sa réponse avec une angoissequi mettait à son front blanc des perles de sueur, ce secret !vous le connaissez ?…

– Oui !

Madame de Morlaines se renversa en arrière,fermant les yeux. Elle écoutait ce : oui ! Elle enméditait l’inflexion et la sonorité.

– Expliquez-vous plus clairement,dit-elle.

– Eh ! à quoi bon ! s’écriaGeorges. En vérité, madame, avez-vous si grand besoin qu’onréveille ces hontes, ensevelies dans une tombe ?

Cette fois, nettement et avec une audacesingulière, madame de Morlaines répartit :

– Des hontes !… Je ne vous comprendspas !…

Georges eut un geste furieux.

– Mon père n’a-il pas surpris deslettres ?

– Vous savez cela !

– Puisque je vous ai dit que je saistout !

– Continuez.

Chose singulière, elle ne baissait pas latête. C’était trop d’infamie, à la fin !…

– Et ces lettres prouvaient à mon pèreque celle qu’il avait crue chaste, qu’il avait aimée, que cettefemme l’avait déshonoré !…

Madame de Morlaines eut un geste étrange.C’était comme l’expression du découragement.

– Enfin ! dites-moi donc… fit-elled’une voix presque impatiente, de qui voulez-vous parler ?

– De qui ?…

Il vint droit à elle, impuissant à se contenirplus longtemps. Il la saisit par les poignets, et la courbant surle tapis :

– Vous que mon père avait choisie, vousqui n’aviez qu’un mot à dire pour ne pas usurper à ce foyer honnête– où était ma mère – la place qu’on vous offrait !… Vous quiétiez jeune, qui aviez devant vous l’avenir… Comment avez-vous eul’infamie de tromper cet homme ?…

Qui eût regardé le visage de Marie deMorlaines, au moment où elle était souffletée de cette accusation,aurait cru être le jouet d’une hallucination. Elle était tombée àgenoux, elle pliait la tête, et cependant, à ses lèvres, il yavait, suspendu, à peine visible, mais réel, quelque chose comme unsourire.

– Ah ! vous ne niez pas,maintenant ! criait Georges. Malheureuse ! vous n’aviezdonc pas compris qu’il n’est pas d’énigme dont on ne trouve le mot.Ce pauvre père, cet homme d’honneur qui vous aimait avec la folied’un jeune homme !… vous avez pris, volé son nom pour letraîner dans la boue ! il ne s’est pas préoccupé de cela, jele sens, je le devine. Son honneur !… bah ! il en eûtfait bon marché, à cette heure maudite… Ce qui l’a tué, c’est qu’ilvous aimait ! c’est qu’il a vu se briser entre ses mains sesillusions qu’il caressait avec la joyeuse faiblesse d’un vieilenfant… c’est que tant de duplicité l’a désolé, abattu,brisé !… Ah ! rachetant vos lettres d’amour qu’unmisérable, expert en chantage, vous était venu vendre, vous vouscroyiez libre, tranquille… La fatalité veillait… et quand il vous acontraint de lui livrer ces témoignages indéniables de votremensonge, de votre lâcheté, il est devenu fou !… il ne vous apas tuée !… Comme il vous aimait !… Il a préféré mourir,se précipiter du faîte de ses bonheurs brisés dans les profondeursdu néant !… Ah ! misérable ! En vérité, ce qu’il n’apas fait, lui, j’ai désir de le faire !

Ne se possédant plus, les yeux fixés sur lesyeux du portrait, Georges avait levé le bras.

– Décidez de moi ! dit Marie deMorlaines d’un accent si calme, maintenant, qu’on eût comprisqu’elle était prête pour le châtiment.

– Oh ! si j’avais une preuve !s’écria le jeune homme.

– En voici une ! dit une voix.

Germaine était entrée.

– Tu demandes une preuve, Georges, donctu doutes encore ! Eh bien ! regarde ceci… C’est larosette de la Légion d’honneur que ton père portait à laboutonnière… Avant de se tuer, il l’a arrachée et jetée loin delui… Qui donc l’avait déshonoré ?

Georges, violemment, la poussa dehors.

– Va-t’en, dit-il, je suis le maître ici,je suis le juge…

Il revint vers Marie qui n’avait pas fait unmouvement, toujours à genoux, toujours la tête baissée :

– Madame, dit-il rapidement, d’une voixhaletante, vous allez partir… disparaître. Je ne veux pas vouspunir. Les femmes comme vous rencontrent le châtiment et s’yoffrent d’elles-mêmes… Ce que vous avez fait est infâme… je ne saissi vous le comprenez. Votre silence m’est odieux… et pourtant jevous défends de parler… Dans une heure, vous aurez quitté lamaison… Dites-moi que vous obéirez…

– J’obéirai, répondit la comtesse deMorlaines.

Il fit un pas vers la porte. Puis, s’arrêtanttout à coup, il revint vers la femme :

– J’oubliais !… mon père vous areconnu une dot… soyez tranquille !… vous aurezl’argent !…

Violemment, elle se dressa à demi, pourprotester contre cette suprême injure… puis elle retomba à genoux,la tête dans ses mains, anéantie… comme morte…

La porte se ferma… elle était condamnée.

Auteurs::

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer