Les Naufragés du Jonathan

Chapitre 14L’abdication

 

Le Kaw-djer pleurait…

Combien poignantes les larmes d’un telhomme ! Avec quelle éloquence, elles criaient sadouleur !

Il avait commandé :« Feu ! », lui ! Par son ordre, les ballesavaient tracé leurs sillons rouges ! Oui, les hommes l’avaientréduit à cela, et, par leur faute, il était désormais pareil auxplus odieux de ces tyrans qu’il avait haïs d’une haine si farouche,puisqu’il sombrait comme eux dans le meurtre, dans lesang !

Bien plus, il fallait en répandre encore.L’œuvre n’était qu’ébauchée. Il restait à la parfaire. En dépit detoutes les apparences contraires, là était le devoir certain.

Ce devoir, le Kaw-djer le regardacourageusement en face. Son abattement fut de courte durée, etbientôt il reconquit toute son énergie. Laissant aux vieillards etaux femmes le soin d’ensevelir les morts et de relever les blessés,il se lança sans retard à la poursuite des fuyards. Ceux-ci,frappés de terreur, ne songeaient plus à opposer la moindrerésistance. De jour et de nuit, on les chassa comme du bétail.

À plusieurs reprises, les forces hosteliennesse heurtèrent à des bandes venant trop tard à la rescousse.Celles-ci furent dispersées sans difficulté l’une après l’autre etsuccessivement rejetées vers le Nord.

L’île fut sillonnée en tous sens. On entrouvait le sol parsemé des restes de ceux des prospecteurs que lafaim avait poussés hors de leurs tanières et qui avaient péri dansla neige au cours de l’hiver précédent. Longtemps, le froid avaitconservé leurs dépouilles. Elles se liquéfiaient au dégel, et cetteboue humaine se mêlait à celle de la terre. En trois semaines, lesaventuriers, au nombre de près de dix-huit mille, furent refoulésdans la presqu’île Dumas dont le Kaw-djer occupa l’isthme.

À la milice s’étaient joints trois centshommes fournis par la Franco-English Gold Mining Company,qui apportèrent un secours efficace aux défenseurs du bon ordre.Malgré ce renfort, la situation demeurait inquiétante. Si lesprospecteurs avaient été déprimés tout d’abord par la nouvelle ducarnage de leurs compagnons, et si on les avait ensuite aisémentvaincus en détail, il pouvait ne plus en être ainsi, maintenantqu’ils se sentaient les coudes et qu’il leur était loisible de seconcerter. Or, leur supériorité numérique était si grande qu’il yavait lieu de craindre un retour offensif de leur part.

L’intervention de la Société franco-anglaisepara à ce danger. Désireux de s’assurer la main-d’œuvre qui leurétait nécessaire, ses deux directeurs, Maurice Reynaud et AlexanderSmith, proposèrent au Kaw-djer de procéder à une sélection parmiles aventuriers et de choisir, après sévère enquête, un millierd’hommes qui seraient autorisés à rester sur l’île Hoste. Ceshommes, la Gold Mining Company les emploierait sous saresponsabilité, étant bien entendu qu’ils seraient impitoyablementexpulsés à la première incartade.

Le Kaw-djer accueillit favorablement cesouvertures qui lui fournissaient un moyen de diviser les forces del’adversaire. Sans hésiter, Maurice Reynaud et Alexander Smith,faisant ainsi preuve d’un courage assurément plus grand que celuidu dompteur qui entre dans la cage de ses fauves, s’engagèrentalors sur la presqu’île Dumas, où pullulait la foule desprospecteurs révoltés. Huit jours plus tard, on les vit revenir àla tête de mille hommes triés soigneusement entre tous.

Cet exploit changea la face des choses. Lesmille hommes que perdaient les insurgés, les Hosteliens lesgagnaient, tout en conservant l’avantage de leur discipline et deleur armement supérieur. Le Kaw-djer franchit à son tour l’isthmedont il confia la garde à Hartlepool. Il rencontra dans lapresqu’île moins de résistance qu’il ne le redoutait. Les mineursn’avaient pas eu le temps encore de reprendre possessiond’eux-mêmes. On réussit à les diviser, et chaque fraction futsuccessivement contrainte de s’embarquer sur des navires expédiésdu Bourg-Neuf, qui croisaient dans ce but en vue de la côte. Enquelques jours l’opération fut terminée. Exception faite de ceuxdont répondaient Maurice Reynaud et Alexander Smith, et qui étaientd’ailleurs en trop petit nombre pour constituer un sérieux danger,le sol de l’île était purgé du dernier des aventuriers quil’avaient infestée.

Dans quel état lamentable ne la laissaient-ilspas ! La terre n’avait pas été cultivée, et la prochainerécolte était perdue comme l’avait été la précédente. Abandonnés àeux-mêmes dans les pâturages, beaucoup d’animaux avaient péri. Onrevenait en somme à plusieurs années en arrière, et, de même quedans les premiers temps de leur indépendance, la famine menaçaitles colons de l’île Hoste.

Le Kaw-djer voyait nettement ce danger, maisil n’excédait pas son courage. L’important était de ne pas perdrede temps. Il le comprit, et agit, dans ce but, en dictateur,quelque pénible que ce rôle lui parût.

Comme autrefois, il fallut d’abord groupertoutes les ressources de l’île, afin de les répartir suivant lesbesoins de chaque famille. Cela ne se fit pas sans provoquer desmurmures.

Mais cette mesure s’imposait et on passa outreaux protestations des récalcitrants.

Elle ne devait avoir, d’ailleurs, qu’une duréeéphémère. Tandis qu’on procédait au récolement des réserves, desachats étaient effectués dans l’Amérique du Sud, tant pour lecompte de l’État que pour celui des particuliers. Un mois plustard, on débarquait au Bourg-Neuf les premières cargaisons, et lasituation commençait dès lors à s’améliorer rapidement.

Grâce à ce bienfaisant despotisme, Libéria etson faubourg ne tardèrent pas à recouvrer leur animationd’autrefois. Le port reçut même, au cours de l’été, des navires enplus grand nombre que jamais. Par une heureuse chance, la pêche dela baleine s’annonça particulièrement fructueuse, cette année-là.Bâtiments américains et norvégiens affluèrent au Bourg-Neuf, et lapréparation de l’huile occupa une centaine d’Hosteliens avec dessalaires très rémunérateurs. En même temps, une impulsion nouvelleétait donnée aux scieries et aux usines de conserves, et le nombrede louvetiers doubla pour la chasse des loups-marins. Plusieurscentaines de Pêcherais, ne pouvant accommoder leurs habitudesnomades aux sévérités de l’administration argentine, quittèrent laTerre de Feu, traversèrent le canal du Beagle et transportèrentleurs campements sur le littoral de l’île Hoste où ils se fixèrentdéfinitivement.

Vers le 15 décembre, les plaies de la colonieétaient, sinon guéries, du moins pansées. Certes, elle avaitsouffert un profond dommage qui ne serait pas réparé avantplusieurs années, mais déjà il n’en subsistait aucune traceextérieure. Le peuple était retourné à ses occupations coutumières,et la vie normale avait repris son cours.

L’État hostelien fit à cette époquel’acquisition d’un steamer de six cents tonneaux qui reçut le nomde Yacana. Ce steamer permettrait l’établissement d’unservice régulier avec les bourgades du littoral et les diversétablissements et comptoirs de l’archipel. Il servirait en outre àassurer les communications avec le cap Horn dont le phare venaitenfin d’être achevé.

Dans les derniers jours de l’année 1893, leKaw-djer en avait reçu la nouvelle. Tout était terminé : lelogement des gardiens, le magasin de réserve, le pylône de métalhaut d’une vingtaine de mètres, le bâtiment et le montage desdynamos, auxquelles un ingénieux dispositif imaginé par Dicktransmettait l’énergie des vagues et des marées. Le fonctionnementde ces machines serait ainsi assuré, sans combustible d’aucunesorte. Pour rendre ce fonctionnement éternel, il suffirait deprocéder aux réparations nécessaires et d’être bien pourvu depièces de rechange.

L’inauguration, que le Kaw-djer résolutd’entourer d’une certaine solennité, fut fixée au 15 janvier 1894.Ce jour-là, le Yacana emporterait à l’île Horn deux outrois cents Hosteliens, devant lesquels jaillirait le premier rayondu phare. Après les tristesses qu’il venait de traverser, leKaw-djer se faisait une fête de cette inauguration qui réaliseraitun de ses rêves, si longtemps caressé.

Tel était le programme, et personnen’imaginait que rien pût en entraver l’exécution, quand,soudainement, brutalement, les événements le modifièrent d’étrangefaçon.

Le 10 janvier, cinq jours avant la datechoisie, un vaisseau de guerre entra dans le port du Bourg-Neuf. Àson mât d’artimon flottait le pavillon chilien. De l’une desfenêtres du gouvernement, le Kaw-djer, qui avait aperçu ce navireentrer dans le port, le suivit, à l’aide d’une longue-vue, dans sesdiverses manœuvres d’atterrissage, puis il crut distinguer à sonbord comme un remue-ménage, dont la distance l’empêchait dereconnaître la nature.

Il était depuis une heure absorbé dans cettecontemplation, quand on vint le prévenir qu’un homme, horsd’haleine, arrivait du Bourg-Neuf et demandait à lui parlersur-le-champ de la part de Karroly.

« Qu’y a-t-il ? interrogea leKaw-djer, lorsque cet homme fut introduit.

– Un bâtiment chilien vient d’entrer auBourg-Neuf, dit l’homme essoufflé par sa course rapide.

– Je l’ai vu. Ensuite ?

– C’est un navire de guerre.

– Je le sais.

– Il s’est affourché sur deux ancres aumilieu du port, et, avec ses canots, il débarque des soldats.

– Des soldats !… s’écria leKaw-djer.

– Oui, des soldats chiliens… en armes…Cent… deux cents… trois cents… Karroly ne s’est pas amusé à lescompter… Il a préféré m’envoyer pour vous mettre aucourant. »

L’incident en valait la peine et justifiaitamplement l’émotion de Karroly. Depuis quand des soldats arméspénètrent-ils en temps de paix sur un territoire étranger ? Lefait que ces soldats fussent chiliens ne laissait pas que derassurer le Kaw-djer. Selon toute probabilité, on n’avait rien àcraindre du pays auquel l’île Hoste devait son indépendance. Ledébarquement de ces soldats n’en était pas moins anormal, et laprudence voulait que l’on prît, à tout hasard, les précautionsnécessaires.

« Ils viennent !… » s’écrial’homme tout à coup, en montrant du doigt, par la fenêtre ouverte,la direction du Bourg-Neuf.

Sur la route, un groupe nombreux s’avançait,en effet, que le Kaw-djer évalua d’un coup d’œil. L’Hostelien avaitexagéré quelque peu. Il s’agissait bien d’une troupe de soldats,car les fusils étincelaient au soleil, mais leur nombre atteignaitcent cinquante tout au plus.

Le Kaw-djer, stupéfait, donna rapidement unesérie d’ordres clairs et précis. Des émissaires partirent de touscôtés. Cela fait, il attendit tranquillement.

En un quart d’heure, la troupe chilienne,suivie des yeux par les Hosteliens étonnés, arrivait sur la placeet prenait position devant le gouvernement. Un officier en grandetenue, qui devait être d’un grade élevé, à en juger par les doruresdont il était chamarré, s’en détacha, heurta du pommeau de sonsabre la porte qui s’ouvrit aussitôt, et demanda à parler augouverneur.

Il fut conduit dans la pièce où se tenait leKaw-djer, et dont la porte se referma silencieusement derrière lui.Une minute plus tard, un sourd grondement indiqua que les portesextérieures étaient fermées à leur tour. Sans qu’il s’en doutât,l’officier chilien était virtuellement prisonnier.

Mais celui-ci ne semblait éprouver aucun soucide sa situation personnelle. Il s’était arrêté à quelques pas duseuil, la main à son bicorne emplumé, les yeux fixés sur leKaw-djer qui, debout entre les deux fenêtres, gardait une complèteimmobilité.

Ce fut le Kaw-djer qui prit la parole lepremier.

« M’expliquerez-vous, monsieur, dit-ild’une voix brève, ce que signifie ce débarquement d’une force arméesur l’île Hoste ? Nous ne sommes pas en guerre avec le Chili,que je sache ? »

L’officier chilien tendit une large enveloppeau Kaw-djer.

« Monsieur le gouverneur, répondit-il,permettez-moi de vous présenter tout d’abord la lettre par laquellemon gouvernement m’accrédite auprès de vous. »

Le Kaw-djer rompit les cachets et lutattentivement, sans que rien dans l’expression de son visage trahîtles sentiments que sa lecture pouvait lui faire éprouver.

« Monsieur, dit-il avec calme lorsqu’ellefut achevée, le gouvernement chilien, ainsi que vous le savez sansdoute, vous met par cette lettre à ma disposition en vue durétablissement de l’ordre à l’île Hoste. »

L’officier s’inclina silencieusement en signed’assentiment.

« Le gouvernement chilien, monsieur, aété mal renseigné, continua le Kaw-djer. Comme tous les pays dumonde, l’île Hoste a connu, il est vrai, des périodes troublées.Mais ses habitants ont su rétablir eux-mêmes l’ordre qui estactuellement parfait. »

L’officier, qui paraissait embarrassé, nerépondit pas.

« Dans ces conditions, reprit leKaw-djer, tout en étant reconnaissant à la République du Chili deses intentions bienveillantes, je crois devoir décliner ses offreset vous prie de bien vouloir considérer votre mission commeterminée. »

L’officier semblait de plus en plusembarrassé.

« Vos paroles, monsieur le gouverneur,seront fidèlement transmises à mon gouvernement, dit-il, mais vouscomprendrez que je ne puisse me soustraire, tant que je n’aurai passa réponse, à l’accomplissement des instructions qui m’ont étédonnées.

– Instructions qui consistent ?…

– À installer sur l’île Hoste unegarnison, qui, sous votre haute autorité et sous mon commandementdirect, devra coopérer au rétablissement et au maintien del’ordre.

– Fort bien ! dit le Kaw-djer. Mais,si je m’opposais par hasard à l’établissement de cettegarnison ?… Vos instructions ont-elles prévu le cas ?

– Oui, monsieur le gouverneur.

– Quelles sont-elles, dans cettehypothèse ?

– De passer outre.

– Par la force ?

– Au besoin par la force, mais je veuxespérer que je n’en serai pas réduit à cette extrémité.

– Voilà qui est net, approuva le Kaw-djersans s’émouvoir. À vrai dire, je m’attendais un peu à quelque chosede ce genre… N’importe ! la question est clairement posée.Vous admettrez, toutefois, que, dans une matière aussi grave, je neveuille pas agir à la légère, et vous souffrirez par conséquent, jepense, que je prenne le temps de la réflexion.

– J’attendrai donc, monsieur legouverneur, répondit l’officier, que vous me fassiez connaîtrevotre décision. »

Ayant de nouveau salué militairement, ilpivota sur ses talons et se dirigea vers la porte. Mais cette porteétait fermée et résista à ses efforts. Il se retourna vers leKaw-djer.

« Suis-je tombé dans un guet-apens ?demanda-t-il d’un ton nerveux.

– Vous me permettrez de trouver laquestion plaisante, répondit ironiquement le Kaw-djer. Quel estcelui de nous qui s’est rendu coupable d’un guet-apens ? Neserait-ce pas celui qui, en pleine paix, a envahi, les armes à lamain, un pays ami ? »

L’officier rougit légèrement.

« Vous connaissez, monsieur legouverneur, dit-il avec une gêne évidente, la raison de ce qu’ilvous plaît d’appeler une invasion. Ni mon gouvernement, ni moi-mêmene pouvons être responsables de votre interprétation d’un événementdes plus simples.

– En êtes-vous sûr ? répliqua leKaw-djer de sa voix tranquille. Oseriez-vous donner votre paroled’honneur que la République du Chili ne poursuit aucun but autreque le but officiel et avoué ? Une garnison opprime aussiaisément qu’elle protège. Celle que vous avez mission de placer icine pourrait-elle pas aider puissamment le Chili, s’il en arrivaitjamais à regretter le traité du 26 octobre 1881, auquel nous devonsnotre indépendance ? »

L’officier rougit de nouveau et plusvisiblement que la première fois.

« Il ne m’appartient pas, dit-il, dediscuter les ordres de mes chefs. Mon seul devoir est de lesexécuter aveuglément.

– En effet, reconnut le Kaw-djer, maisj’ai, moi aussi, à remplir mon devoir, qui se confond avecl’intérêt du peuple placé sous ma garde. Il est donc tout simpleque j’entende peser mûrement ce que cet intérêt me commande defaire.

– M’y suis-je opposé ? répliqual’officier. Soyez sûr, monsieur le gouverneur, que j’attendraivotre bon plaisir tout le temps qu’il faudra.

– Cela ne suffit pas, dit le Kaw-djer. Ilfaut encore l’attendre ici.

– Ici ?… Vous me considérez donccomme un prisonnier ?

– Parfaitement, déclara le Kaw-djer.L’officier chilien haussa les épaules.

– Vous oubliez, s’écria-t-il en faisantun pas vers la fenêtre, qu’il me suffirait d’un cri d’appel…

– Essayez !… interrompit le Kaw-djerqui lui barra le passage.

– Qui m’en empêcherait ?

– Moi. »

Les yeux dans les yeux, les deux hommes seregardèrent comme des lutteurs prêts à en venir aux mains. Après unlong moment d’attente, ce fut l’officier chilien qui recula. Ilcomprit que, malgré sa jeunesse relative, il n’aurait pas raison dece grand vieillard aux épaules d’athlète, dont l’attitudemajestueuse l’impressionnait malgré lui.

« C’est cela, approuva le Kaw-djer.Reprenons chacun notre place, et attendez patiemment maréponse. »

Tous deux étaient debout. L’officier, à faibledistance de la porte d’entrée, s’efforçait d’adopter, en dépit deses inquiétudes, une contenance dégagée. En face de lui, leKaw-djer, entre les deux fenêtres, réfléchissait si profondémentqu’il en oubliait la présence de son adversaire. Avec calme etméthode, il étudiait le problème qui lui était posé.

Le mobile du Chili, d’abord. Ce mobile, iln’était pas difficile de le deviner. Le Chili invoquait en vain lanécessité de mettre fin aux troubles. Ce n’était là qu’un prétexte.Une protection qu’on impose ressemble trop à une annexion pourqu’il fût possible de s’y tromper. Mais pourquoi le Chilimanquait-il ainsi à la parole donnée ? Par intérêt évidemment,mais quelle sorte d’intérêt ? La prospérité de l’île Hoste nesuffisait pas à expliquer ce revirement. Jamais, malgré les progrèsréalisés par les Hosteliens, rien n’avait autorisé à croire que laRépublique Chilienne regrettât l’abandon de cette contrée jadissans la moindre valeur. Au reste, le Chili n’avait pas eu à seplaindre de son geste généreux. Il avait bénéficié du développementde ce peuple dont il était par la force des choses le fournisseurprincipal. Mais un facteur nouveau était intervenu. La découvertedes mines d’or changeait du tout au tout la situation. Maintenantqu’il était démontré que l’île Hoste recelait dans ses flancs untrésor, le Chili entendait en avoir sa part et déplorait sonimprévoyance passée. C’était limpide.

La question importante n’était pas,d’ailleurs, de déterminer la cause du revirement, quelle qu’ellefût. L’ultimatum étant nettement posé, l’important était d’arrêterla manière dont il convenait d’y répondre.

Résister ?… Pourquoi pas ? Les centcinquante soldats alignés sur la place n’étaient pas de taille àeffrayer le Kaw-djer, et pas davantage le bâtiment de guerreembossé devant le Bourg-Neuf. Alors même que ce navire eût contenud’autres soldats, ceux-ci n’étaient évidemment pas en nombre telque la victoire ne pût tourner finalement en faveur de la milicehostelienne. Quant au navire lui-même, il était assurément capabled’envoyer jusqu’à Libéria quelques obus qui feraient plus de bruitque de mal. Mais après ?… Les munitions finiraient pars’épuiser, et il lui faudrait alors appareiller, en admettant queles trois canons hosteliens n’aient réussi à lui causer aucuneavarie sérieuse.

Non, en vérité, résister n’eût pas étéprésomptueux. Mais résister, c’était des batailles, c’était dusang. Allait-il donc en faire couler encore sur cette terre,hélas ! saturée ? Pour défendre quoi ?L’indépendance des Hosteliens ? Les Hosteliens étaient-ilsdonc libres, eux qui s’étaient si docilement courbés sous la féruled’un maître ? Serait-ce donc alors sa propre autorité qu’ils’agissait de sauvegarder ? Dans quel but ? Ses méritesexceptionnels justifiaient-ils que tant de vies fussent sacrifiéesà sa cause ? Depuis qu’il exerçait le pouvoir, s’était-ilmontré différent de tous les autres potentats qui tiennentl’univers en tutelle ?

Le Kaw-djer en était là de ses réflexions,quand l’officier chilien fit un mouvement. Il commençait à trouverle temps long. Le Kaw-djer se contenta de l’exhorter du geste à lapatience et poursuivit sa méditation silencieuse.

Non, il n’avait été ni meilleur ni pire queles maîtres de tous les temps, et cela, simplement parce que lafonction de maître impose des obligations auxquelles nul ne peut seflatter d’échapper. Que ses intentions eussent toujours étédroites, ses vues désintéressées, cela ne l’avait nullement empêchéde commettre à son tour ces mêmes crimes nécessaires qu’ilreprochait à tant de chefs. Le libertaire avait commandé,l’égalitaire avait jugé ses semblables, le pacifique avait fait laguerre, le philosophe altruiste avait décimé la foule, et sonhorreur du sang versé n’avait abouti qu’à en verser plusencore.

Aucun de ses actes qui n’eût été encontradiction avec ses théories, et, sur tous les points, il avaittouché du doigt son erreur de jadis. D’abord les hommes s’étaientrévélés dans leur imperfection et leur incapacité natives, et ilavait dû les mener par la main comme de petits enfants. Puis lesappétits qui forment le fond de certaines natures avaient, pour sesatisfaire, causé une succession de drames et démontré lalégitimité de la force. Une triple preuve, enfin, lui avait étédonnée que la solidarité des groupes sociaux n’est pas moindre quecelle des individus, et qu’un peuple ne saurait s’isoler au milieudes autres peuples. C’est pourquoi, quand bien même l’un d’euxarriverait à se hausser à l’idéal inaccessible que le Kaw-djeravait autrefois considéré comme une vérité objective, le peupledevrait encore compter avec le reste de la terre, dont le progrèsmoral excède les forces humaines et ne peut être que le résultat desiècles d’efforts accumulés.

La première de ces preuves, c’était l’invasiondes Patagons. Semblable à tous les chefs, et ni plus ni moinsqu’eux, le Kaw-djer avait dû combattre et tuer. À cette occasion,Patterson lui avait démontré à quel degré d’abaissement unecréature peut s’avilir, et il avait dû, indulgent encore, s’arrogerle droit de disposer d’un coin de la planète comme de sa propriétépersonnelle. Il avait jugé, condamné, banni, au même titre que tousceux qu’il appelait des tyrans.

La deuxième preuve, la découverte des minesd’or la lui avait fournie. Ces milliers d’aventuriers qui s’étaientabattus sur l’île Hoste établissaient, sous la forme la pluséloquente, l’inévitable solidarité des nations. Contre le fléau, iln’avait pas trouvé de remède qui ne fût connu. Ce remède, c’esttoujours la force, la violence et la mort. Par son ordre, le sanghumain avait coulé à flots.

La troisième preuve enfin, l’ultimatum dugouvernement chilien la lui apportait, péremptoire.

Allait-il donc donner une fois de plus lesignal de la lutte, d’une lutte plus sanglante peut-être que lesprécédentes, et cela pour conserver aux Hosteliens, un chef sipareil en somme à tous les chefs de tous les pays et de tous lestemps ? À sa place, un autre que lui en aurait fait autant,et, quel que fût son successeur, qu’il fût le Chili ou tout autre,il ne pouvait être amené à employer des moyens pires que ceuxauxquels la fatalité des choses l’avait contraint.

Dès lors, à quoi bon lutter ?

Et puis, comme il était las ! L’hécatombedont il avait donné l’ordre, ce carnage monstrueux, cetteeffroyable tuerie, c’était une obsession qui ne le lâchait pas. Dejour en jour, sous le poids du lourd souvenir, sa haute taille sevoûtait, ses yeux perdaient de leur flamme, et sa pensée de saclarté. La force abandonnait ce corps d’athlète et ce cœur dehéros. Il n’en pouvait plus. Il en avait assez.

Voilà donc à quelle impasse ilaboutissait ! D’un regard effaré il suivait la longue route desa vie. Les idées dont il avait fait la base de son être moral etauxquelles il avait tout sacrifié la jonchaient de leurs débrislamentables. Derrière lui, il n’y avait plus que le néant. Son âmeétait dévastée ; c’était un désert parsemé de ruines où rienne restait debout.

Que faire à cela ?… Mourir ?… Oui,cela eût été logique, et pourtant il ne pouvait s’y résoudre. Nonpas qu’il eût peur de la mort. À cet esprit lucide et ferme, elleapparaissait comme une fonction naturelle, sans plus d’importanceet nullement plus à redouter que la naissance. Mais toutes sesfibres protestaient contre un acte qui eût volontairement abrégéson destin. De même qu’un ouvrier consciencieux ne saurait serésoudre à laisser un travail inachevé, c’était un besoin pourcette puissante personnalité d’aller jusqu’au bout de sa vie,c’était une nécessité pour ce cœur abondant de donner à autrui lasomme entière, sans en rien excepter, de dévouement et d’abnégationqui s’y trouvait contenue en puissance, et il considérait n’avoirpas fait assez tant qu’il n’aurait pas fait tout.

Ces contradictions, était-il donc impossiblede les concilier ?…

Le Kaw-djer parut enfin s’apercevoir de laprésence de l’officier chilien qui rongeait impatiemment sonfrein.

« Monsieur, dit-il, vous m’avez tout àl’heure menacé d’employer la force. Vous êtes-vous bien renducompte de la nôtre ?

– La vôtre ?… répéta l’officiersurpris.

– Jugez-en », dit le Kaw-djer enfaisant signe à son interlocuteur de s’approcher de la fenêtre.

La place s’étendait sous leurs yeux. En facedu gouvernement, les cent cinquante soldats chiliens étaientcorrectement alignés, sous le commandement de leurs chefs. Leurposition ne laissait pas toutefois d’être critique, car plus decinq cents Hosteliens les cernaient, fusils chargés, baïonnettes aucanon.

« L’armée hostelienne compte aujourd’huicinq cents fusils, dit froidement le Kaw-djer. Demain elle encomptera mille. Après demain quinze cents. »

L’officier chilien était livide. Dans quelguêpier s’était-il fourré ! Sa mission lui semblait biencompromise. Il voulut cependant faire contre mauvaise fortune bonvisage.

« Le croiseur… dit-il d’une voix malaffermie.

– Nous ne le craignons pas, interrompitle Kaw-djer. Nous ne craignons pas davantage ses canons, n’en étantpas nous-mêmes dépourvus.

– Le Chili… essaya encore de glisserl’officier, qui ne voulait pas se reconnaître vaincu.

– Oui, interrompit de nouveau leKaw-djer, le Chili a d’autres navires et d’autres soldats. C’estentendu. Mais il ferait une mauvaise affaire en les employantcontre nous. Il ne réduira pas aisément l’île Hoste, que peuplentmaintenant plus de six mille habitants. Sans compter que les centcinquante hommes que vous avez débarqués vont être pour nous demerveilleux otages ! »

L’officier garda le silence. Le Kaw-djerajouta d’une voix grave :

« Enfin, savez-vous qui jesuis ? »

Le Chilien considéra son adversaire qui serévélait si redoutable. Sans doute lut-il dans le regard decelui-ci une réponse éloquente à la question qui lui était posée,car il se troubla plus encore.

« Qu’entendez-vous par cettequestion ? balbutia-t-il. Il y a douze ou treize ans, auretour du Ribarto, dont le commandant avait cru vousreconnaître, des bruits ont couru. Mais ils devaient être erronés,puisque vous les aviez, paraît-il, démentis par avance.

– Ces bruits étaient fondés, dit leKaw-djer. S’il m’a plu alors, s’il me convient toujours d’oublierqui je suis, je pense que vous ferez sagement de vous en souvenir.Vous en conclurez, j’imagine, qu’il ne me serait pas impossible detrouver des concours assez puissants pour faire réfléchir legouvernement chilien. »

L’officier ne répondit pas. Il semblaitaccablé.

« Estimez-vous, reprit le Kaw-djer, queje sois en situation, non pas de céder purement et simplement, maisde traiter d’égal à égal ? »

L’officier chilien avait relevé la tête.Traiter ?… Avait-il bien entendu ?… La fâcheuse aventuredans laquelle il s’était si inconsidérément embarqué pouvait donctourner d’une manière favorable ?…

« Reste à savoir si cela est possible,continuait cependant le Kaw-djer, et de quels pouvoirs vous êtesinvesti.

– Les plus étendus, affirma vivementl’officier chilien.

– Écrits ?

– Écrits.

– Dans ce cas, veuillez me lescommuniquer », dit le Kaw-djer avec calme.

L’officier tira d’une poche intérieure de satunique un second pli qu’il remit au Kaw-djer.

« Les voici », dit-il.

Si le Kaw-djer avait cédé sans résistance à lapremière injonction, jamais il n’aurait connu ce document qu’il lutavec une extrême attention.

« C’est parfaitement en règle,déclara-t-il. Votre signature aura par conséquent toute la valeurcompatible avec les engagements humains, dont votre présence iciprouve, d’ailleurs, la fragilité. »

L’officier se mordit les lèvres sans répondre.Le Kaw-djer fit une pause, puis reprit :

« Parlons net. Le gouvernement chiliendésire redevenir suzerain de l’île Hoste. Je pourrais m’yopposer ; j’y consens. Mais j’entends faire mesconditions.

– J’écoute, dit l’officier.

– En premier lieu, le gouvernementchilien n’établira aucun impôt à l’île Hoste autre que ceuxconcernant les mines d’or, et il devra en être ainsi alors mêmequ’elles seront épuisées. Par contre, en ce qui regarde les minesd’or, il sera entièrement libre et fixera à son profit telleredevance qui lui conviendra. »

L’officier n’en croyait pas ses oreilles.Voilà que, sans difficulté, sans discussion d’aucune sorte, on luiabandonnait l’essentiel ! Dès lors, tout le reste irait desoi.

Cependant, le Kaw-djer continuait :

« À la perception d’un impôt sur lesmines devra se limiter la suzeraineté du Chili. Pour le surplus,l’île Hoste conservera sa complète autonomie et gardera sondrapeau. Le Chili pourra y entretenir un résident, étant bienentendu que ce résident n’aura qu’un simple droit de conseil, etque le gouvernement effectif sera exercé par un comité nommé àl’élection et par un gouverneur désigné par moi.

– Ce gouverneur, ce serait vous, sansdoute ? interrogea l’officier.

– Non, protesta le Kaw-djer. À moi, ilfaut la liberté totale, intégrale, sans limite, et d’ailleurs jesuis aussi las de donner des ordres qu’incapable d’en recevoir. Jeme retire donc, mais je me réserve de choisir monsuccesseur. »

L’officier écoutait sans les interrompre cesdéclarations. Cet amer désenchantement était-il sincère, et leKaw-djer n’allait-il rien stipuler pour lui même ?

« Mon successeur s’appelle Dick, repritmélancoliquement celui-ci après un court silence, et n’a pasd’autre nom. C’est un jeune homme. À peine s’il a vingt-deux ans –mais c’est moi qui l’ai formé, et j’en réponds. C’est entre sesmains, entre ses mains seules, que je résignerai le pouvoir… Tellessont mes conditions.

– Je les accepte, dit vivement l’officierchilien trop heureux d’avoir triomphé sur la questionprincipale.

– Fort bien, approuva le Kaw-djer. Jevais donc rédiger nos conventions par écrit. »

Il se mit au travail, puis le traité fut signéen triple expédition par les parties contractantes.

« Un de ces exemplaires est pour votregouvernement, expliqua le Kaw-djer, un deuxième pour monsuccesseur. Quant au troisième, je le garde, et, si les engagementsqu’il constate n’étaient pas tenus, je saurais, soyez-en certain,en assurer le respect… Mais tout n’est pas fini entre nous,ajouta-t-il en présentant un autre document à son interlocuteur. Ilreste à nous occuper de ma situation personnelle. Veuillez jeterles yeux sur ce deuxième traité qui la règle conformément à mavolonté. »

L’officier obéit. À mesure qu’il lisait, sonvisage exprimait un étonnement grandissant.

« Quoi ! s’écria-t-il quand salecture fut achevée, c’est sérieusement que vous proposezcela !

– Si sérieusement, répondit le Kaw-djer,que j’en fais la condition sine qua non de monconsentement au surplus de notre accord. Êtes-vous disposé àl’accepter ?

– À l’instant », affirmal’officier.

Les signatures furent de nouveauéchangées.

« Nous n’avons plus rien à nous dire,conclut alors le Kaw-djer. Faites rembarquer vos hommes, qui, sousaucun prétexte, ne doivent plus remettre le pied sur l’île Hoste.Demain, le nouveau régime pourra être inauguré. Je ferai lenécessaire pour qu’il ne s’élève aucune difficulté. Jusque-là, parexemple, j’exige le secret le plus absolu. »

Dès qu’il fut seul, le Kaw-djer envoyachercher Karroly. Pendant qu’on exécutait cet ordre, il écrivitquelques mots qu’il plaça sous enveloppe, en y joignant unexemplaire du traité conclu avec le gouvernement chilien. Cetravail, qui n’exigea que peu de minutes, était depuis longtempsterminé quand l’Indien fut introduit.

« Tu vas charger la Wel-Kiej deces objets, dit le Kaw-djer qui tendit à Karroly une liste surlaquelle figuraient, outre une certaine quantité de vivres, de lapoudre, des balles et des sacs de semences de diversessortes. »

Malgré ses habitudes d’aveugle dévouement,Karroly ne put s’empêcher de poser quelques questions. Le Kaw-djerallait donc partir pour un voyage ? Pourquoi alors neprenait-il pas le cotre du port, au lieu de la vieillechaloupe ? Mais, à ces questions, le Kaw-djer ne répondit quepar un mot :

« Obéis. »

Karroly parti, il fit appeler Dick.

« Mon enfant, dit-il en lui remettant lepli qu’il venait de clore, voici un document que je te donne. Ilt’appartient. Tu l’ouvriras demain au lever du soleil.

– Il sera fait ainsi », promit Dicksimplement.

La surprise qu’il devait éprouver, il nel’exprima pas. Si grand était l’empire qu’il avait acquis surlui-même qu’il ne la trahit par aucun signe. C’était un ordre qu’ilavait reçu. Un ordre s’exécute et ne se discute pas.

« Bien ! dit le Kaw-djer.Maintenant, va, mon enfant, et conforme-toi scrupuleusement à mesinstructions. »

Seul, le Kaw-djer s’approcha de la fenêtre etsouleva le rideau. Longuement, il regarda au dehors, afin de graverdans sa mémoire ce qu’il ne devait plus revoir. Devant lui, c’étaitLibéria, et, plus loin, le Bourg-Neuf, et, plus loin encore, lesmâts des navires amarrés dans le port. Le soir tombait, arrêtant letravail du jour. D’abord, la route du Bourg-Neuf s’anima, puis lesfenêtres des maisons brillèrent dans l’ombre grandissante. Cetteville, cette activité laborieuse, ce calme, cet ordre, ce bonheur,c’était son œuvre. Tout le passé s’évoqua à la fois, et il soupirade fatigue et d’orgueil.

Le temps était enfin venu de songer àlui-même. Sans marchander, il allait disparaître de cette fouledont il avait fait un peuple riche, heureux, puissant. Maître pourmaître, ce peuple ne s’apercevrait pas du changement. Lui, dumoins, il irait mourir, comme il avait vécu, dans la liberté.

Il n’attristerait d’aucun adieu ce départ quiétait une délivrance. Avant de partir, il ne serrerait dans sesbras, ni le fidèle Karroly, ni Harry Rhodes son ami, ni Hartlepoolce loyal et dévoué serviteur, ni Halg, ni Dick, ses enfants. À quoibon cela ? Pour la seconde fois, il s’évadait de l’humanité.Son amour s’amplifiait de nouveau, devenait vaste comme le monde,impersonnel comme celui d’un dieu, et n’avait plus besoin, pour sesatisfaire, de ces gestes puérils. Il disparaîtrait sans un mot,sans un signe.

La nuit devint profonde. Comme des paupièresque ferme le sommeil, les fenêtres des maisons s’éteignirent une àune. La dernière s’endormit enfin. Tout fut noir.

Le Kaw-djer sortit du gouvernement et marchavers le Bourg-Neuf. La route était déserte. Jusqu’au faubourg, ilne rencontra personne.

La Wel-Kiej se balançait près duquai. Il s’y embarqua et largua l’amarre. Au milieu du port, ildistinguait la masse sombre du vaisseau chilien, à bord duquel untimonier piquait minuit au même instant. Détournant la tête, leKaw-djer poussa au large et hissa la voile.

La Wel-Kiej prit son erre, évolua,sortit des jetées. Là, son allure s’accéléra sous l’effort d’unefraîche brise du Nord-Ouest. Le Kaw-djer pensif tenait la barre, enécoutant la chanson de l’eau contre le bordage.

Quand il voulut jeter un regard en arrière, ilétait trop tard. La pièce était jouée, le rideau tiré. LeBourg-Neuf, Libéria, l’île Hoste avaient disparu dans la nuit. Touts’évanouissait déjà dans le passé.

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