L’Idiot -Tome II

Chapitre 10

 

Cependant le prince ne mourut pas avant sonmariage, ni à l’état de veille, ni « en dormant » commeil l’avait prédit à Eugène Pavlovitch. Peut-être dormait-il mal etfaisait-il de mauvais rêves ; mais pendant le jour, dans lecommerce de ses semblables, il paraissait bien et mêmesatisfait ; s’il avait parfois l’air très absorbé, c’étaitquand il était seul. On hâta les préparatifs du mariage, qui devaitavoir lieu une huitaine de jours après la visite d’EugènePavlovitch. Devant une pareille précipitation, les amis les plusintimes du prince, s’il en avait eu, auraient dû renoncer eux-mêmesà l’espoir de voir leurs efforts « sauver » le pauvrefou. Le bruit courut que la visite d’Eugène Pavlovitch avait eulieu, dans une certaine mesure, à l’instigation du général IvanFiodorovitch et de sa femme, Elisabeth Prokofievna. Mais si tousdeux, par un excès de leur bonté, avaient pu désirer« sauver » de l’abîme le malheureux dément, ils devaientse limiter à cette unique et timide tentative ; ni leursituation ni peut-être même leurs sentiments (chose naturelle) neleur permettaient un effort plus sérieux. Nous avons déjà dit quemême l’entourage du prince s’était dressé contre lui. Véra Lébédevse bornait à verser des larmes quand elle était seule ; ellerestait d’ailleurs le plus souvent à la maison et venait plusrarement qu’autrefois lui rendre visite.

Sur ces entrefaites Kolia avait rendu lesderniers devoirs à son père. Le vieillard était mort d’une nouvelleattaque survenue environ huit jours après la première. Le princeprit une grande part au deuil de la famille ; il passa,pendant les premiers jours, des heures entières auprès de NinaAlexandrovna ; il assista aux obsèques et à la cérémoniereligieuse. Maintes personnes remarquèrent que son arrivée àl’église et son départ provoquèrent dans l’assistance deschuchotements involontaires. Il en allait de même dans la rue etdans le parc ; quand il passait, à pied ou en voiture, lesconversations s’animaient, on se le montrait et on prononçait sonnom ainsi que celui de Nastasie Philippovna. On chercha celle-ciaux obsèques du général, mais elle n’y était point. La« capitaine » n’y assista pas davantage, Lébédev ayantréussi à la retenir à la maison. Le service funèbre fit sur leprince une forte et douloureuse impression. À une question deLébédev il répondit à voix basse que c’était la première fois qu’ilassistait à un enterrement suivant le rite grec, hormis unecérémonie semblable qu’il se souvenait avoir vue, étant enfant,dans une église de village.

– Oui, comment croire que l’homme couchédans cette bière soit le même que celui auquel, il y a si peu detemps, nous avons donné la présidence de notre réunion ; vousvous rappelez ? dit à voix basse Lébédev. – Mais quicherchez-vous ?

– Rien, il m’avait semblé que…

– Ce n’est pas Rogojine ?

– Est-il ici ?

– Il est dans l’église.

– Il m’a bien semblé en effet apercevoirses yeux, murmura le prince d’un air troublé, mais qu’importe…Pourquoi est-il ici ?… L’a-t-on invité ?

– On n’y a même pas songé. D’ailleurs lafamille ne le connaît pas. Tout le monde peut entrer dans l’église.Pourquoi êtes-vous si surpris ? Je le rencontre maintenantsouvent ; la semaine passée je l’ai vu déjà quatre fois, ici àPavlovsk.

– Je ne l’ai pas encore vu une seulefois… depuis lors, balbutia le prince.

Comme Nastasie Philippovna ne lui avait jamaisdit non plus avoir rencontré Rogojine une seule fois « depuisce temps-là », le prince en conclut que ce dernier avait sesraisons de ne pas se montrer. Durant toute cette journée il paruttrès absorbé ; par contre, Nastasie Philippovna fut d’unegaîté exceptionnelle, gaîté qui se prolongea pendant toute lasoirée.

Kolia, qui avait fait sa paix avec le princeavant la mort de son père, lui proposa (l’affaire revêtant unepressante urgence) de prendre Keller[69] etBourdovski pour garçons d’honneur. Il se porta garant de la bonnetenue du premier et ajouta qu’il serait peut-être« utile ». Quant à Bourdovski, toute recommandation étaitsuperflue, vu que c’était un homme « tranquille etmodeste ». Nina Alexandrovna et Lébédev firent observer auprince que, si son mariage était déjà décidé, du moins pouvait-ilse dispenser de le célébrer à Pavlovsk à une époque où la saisonmondaine battait son plein. Pourquoi tant de publicité ? Nevalait-il pas mieux que la cérémonie eût lieu à Pétersbourg et mêmeà domicile ? Le prince ne comprit que trop bien lapréoccupation que reflétaient ces craintes, mais il se borna àrépondre avec laconisme et simplicité que c’était le désir formelde Nastasie Philippovna.

Le lendemain, Keller ayant appris qu’il étaitchoisi comme garçon d’honneur, vint à son tour se présenter auprince. Il s’arrêta sur le seuil ; aussitôt qu’il le vit, illeva la main droite et, l’index dressé en l’air, s’écria du tond’un homme qui profère un serment :

– Je ne bois plus !

Puis il s’approcha du prince, lui serra lesdeux mains en les secouant avec force et déclara qu’à la vérité ilavait d’abord éprouvé du dépit en apprenant ce qui s’étaitpassé ; il avait même manifesté ce sentiment au cours d’unepartie de billard ; mais ce dépit venait seulement de ce queson impatiente amitié aurait voulu voir le prince épouser uneprincesse de Rohan ou tout au moins de Chabot ; maismaintenant il se rendait compte que les pensées du prince étaientau moins douze fois plus nobles que celles de tout l’entourage« pris en bloc » ! Car ce qu’il recherchait, cen’était ni l’éclat, ni la richesse, ni même l’honneur, maisseulement la vérité. Les sympathies des hautes personnalités nesont que trop connues ; mais le prince est lui-même trop élevépar son éducation pour n’être pas, d’une manière générale, mis surle même rang qu’elles ! « Mais la canaille et lafripouille sont d’un avis tout différent ; en ville, chez lesparticuliers, dans les réunions, dans les villas, au concert, dansles cabarets, les salles de billard, on ne parle, on ne jase que duprochain événement. J’ai même entendu dire que l’on vous prépare uncharivari sous vos fenêtres, et cela, pour ainsi dire, la premièrenuit ! Si vous avez besoin, prince, du pistolet d’un honnêtehomme, je suis prêt à échanger noblement une demi-douzaine de coupsde feu avant que vous ne quittiez, le lendemain matin, votre couchenuptiale. » Il donna même le conseil de disposer dans la courune pompe à incendie comme mesure préventive contre la fouleassoiffée revenant de l’église ; mais Lébédev s’y opposa endisant que, si on mettait cette pompe en action, sa maison seraitdétruite de fond en comble.

– Je vous assure, prince, que ce Lébédevourdit des intrigues contre vous. Ils veulent vous faire mettre entutelle ; pouvez-vous imaginer cela ? On vous priveraitde l’exercice de votre volonté et de l’usage de votre argent,c’est-à-dire des deux biens qui distinguent chacun de nous d’unquadrupède ! Or, cela, je l’ai entendu dire, parfaitemententendu ! C’est la pure vérité.

Le prince se rappela confusément avoir déjàouï-dire quelque chose de ce genre, mais il n’y avait naturellementpas prêté attention. Il se borna à rire de la réflexion de Kelleret l’oublia aussi sur-le-champ. Le fait est que Lébédev se démenaitdepuis un certain temps ; cet homme tirait toujours des planssous le coup d’une inspiration, mais, dans son ardeur à lesexécuter, il dispersait ses efforts en tous sens et s’éloignait dubut qu’il s’était d’abord assigné ; aussi n’avait-il guèreréussi dans la vie. Plus tard, presque le jour du mariage, il vintse confesser au prince (c’était une manie chez lui de toujoursvenir exprimer son repentir à ceux contre lesquels il avaitintrigué, surtout lorsque ses intrigues avaient échoué). Il luidéclara qu’il était né pour être un Talleyrand et que, par un sortinexplicable, il était resté un simple Lébédev. Là-dessus ildécouvrit tout son jeu, qui intéressa vivement le prince. À l’encroire, il avait commencé par se mettre en quête de hautesprotections pour avoir un appui en cas de besoin, et il était allétrouver à cet effet le général Ivan Fiodorovitch. Celui-ci avaitparu embarrassé et, tout en voulant beaucoup de bien « aujeune homme », il avait déclaré que, « si vif que fût sondésir de le sauver, les convenances ne lui permettaient pasd’intervenir ». Elisabeth Prokofievna n’avait voulu ni le voirni l’entendre. Eugène Pavlovitch et le prince Stch… s’étaientrécusés d’un simple geste. Cependant lui, Lébédev, n’avait pasperdu courage : il avait consulté un homme de loi expérimenté,un vénérable vieillard dont il était l’ami intime et presquel’obligé ; ce juriste avait conclu que l’interdiction duprince était parfaitement possible, à condition que des témoinsqualifiés certifiassent son désordre mental et sa complètedémence ; l’essentiel était d’ailleurs de disposer de hautesinfluences. Lébédev n’avait pas perdu patience et avait même faitvenir un jour un médecin chez le prince. Ce médecin était un autrevieillard respectable en villégiature à Pavlovsk ; il portaitla cravate de l’ordre de Sainte-Anne. Lébédev l’avait amené sousprétexte de lui montrer sa propriété et il l’avait présenté auprince, étant entendu que ses conclusions lui seraient communiquéesà titre amical, pour ainsi dire, et non sous une formeofficielle.

Le prince se rappela cette visite dudocteur ; il se souvint que, la veille, Lébédev avait insistéauprès de lui pour le convaincre qu’il était malade ; aprèsavoir catégoriquement refusé les secours de la médecine, il s’étaitsoudain trouvé en présence de ce docteur ; à en croireLébédev, ils venaient de sortir tous deux de chezM. Térentiev, qui était très mal, et le médecin avait à sonsujet une communication à lui faire. Il avait approuvé Lébédev etreçu le docteur avec beaucoup d’affabilité. La conversation avaitporté aussitôt sur le malade, Hippolyte ; le docteur désirantconnaître de plus amples détails sur la scène du suicide, le princel’avait charmé par son récit et ses explications de l’événement Onavait parlé du climat de Pétersbourg, de la maladie du princelui-même, de la Suisse, de Schneider. Le prince avait tellementintéressé son interlocuteur par l’exposé du système thérapeutiquede Schneider qu’il l’avait retenu pendant deux heures. Il lui avaitfait en outre fumer d’excellents cigares et Lébédev lui avait serviune liqueur exquise apportée par Véra. Bien que marié et père defamille, le praticien s’était montré si entreprenant avec celle-ciqu’elle en avait été profondément indignée. On s’était séparé enamis. En sortant, le docteur avait déclaré à Lébédev :« Si l’on voulait mettre en tutelle tous les gens qui sontcomme le prince, qui devrait-on prendre comme tuteurs ? »Lébédev lui avait répliqué sur un ton tragique en invoquant laproximité de l’événement, mais le docteur, ayant hoché la tête d’unair madré et finaud, avait conclu : « il faut laisser lesgens se marier comme bon leur semble. » Au surplus, d’après cequ’il avait entendu dire, la personne dont il s’agissait n’étaitpas seulement d’une incomparable beauté, motif déjà suffisant pourtourner la tête d’un homme riche, mais encore possédait descapitaux qui lui venaient de Totski et de Rogojine, ainsi que desperles, des diamants, des châles et des meubles. Somme toute, cechoix, loin de témoigner de la sottise et de l’étrangeté du prince,révélait au contraire chez ce cher garçon un esprit avisé et uneintelligence d’homme du monde qui sait calculer. Le docteur s’étaitdonc cru fondé à tirer de là un diagnostic entièrement favorable auprince…

Cette conclusion avait fait sur Lébédev unevive impression ; aussi termina-t-il ses confidences endéclarant au prince : « Dorénavant vous ne trouverez plusen moi qu’un homme dévoué et prêt à verser son sang pourvous ; c’est pour vous dire cela que je suis venu ».

Durant ces derniers jours le prince fut aussidistrait par Hippolyte, mais celui-ci l’envoyait trop souventchercher. Sa famille occupait, non loin de là, une petitemaisonnette. Les enfants, c’est-à-dire le frère et la sœurd’Hippolyte, avaient du moins l’agrément de la campagne ; ilspouvaient échapper au malade en descendant au jardin ; mais lamalheureuse « capitaine » restait à sa merci et était savictime. Le prince passait son temps à les raccommoder et àrétablir la paix entre eux ; le malade continuait à l’appelersa « niania », tout en ne pouvant se retenir de lemépriser pour son rôle de médiateur. Il était très monté contreKolia parce qu’il n’avait presque plus de visites de celui-ci, quiavait dû rester d’abord au lit de mort de son père, puis auprès desa mère veuve. Enfin il prit pour cible de ses plaisanteries leprochain mariage du prince avec Nastasie Philippovna ; il fitsi bien que le prince, indigné et hors de lui, cessa d’aller levoir. Deux jours après, la « capitaine » arriva de grandmatin et, les larmes aux yeux, le supplia de venir chez eux, sansquoi il lui mangerait le sang. Elle ajouta qu’il désiraitlui dévoiler un grand secret. Le prince céda. Hippolyte exprima ledésir de se réconcilier et, ce disant, fondit en larmes ;mais, ses larmes séchées, il redevint naturellement encore plusacerbe, sans toutefois oser donner libre cours à sa colère. Il sesentait fort mal et tout indiquait qu’il ne tarderait plus àmourir. Il n’avait aucun secret à révéler, mais se répandait enobjurgations outrancières et d’une émotion peut-être affectée pourmettre le prince « en garde contre Rogojine ».« C’est un homme qui ne lâche pas ce qui lui appartient ;il n’est pas à notre mesure, prince ; s’il veut dire quelquechose, aucun scrupule ne le retiendra »… etc., etc. Le princese mit à le questionner plus en détail pour en tirer des faitsprécis. Mais Hippolyte n’invoqua d’autre argument que dessensations ou impressions personnelles. À la fin il eut l’immensesatisfaction de jeter l’épouvante dans l’âme du prince. Ce dernieravait commencé par esquiver certaines questions d’un caractèrespécial et il s’était borné à sourire en s’entendant donner unconseil comme celui-ci : « Fuyez, même àl’étranger ; vous pouvez vous y marier, on trouve partout desprêtres russes ». Mais au bout d’un moment Hippolyte conclutsur cette idée : « Je crains surtout pour AglaéIvanovna ; Rogojine sait combien vous l’aimez ; amourpour amour ; vous lui avez enlevé Nastasie Philippovna ;il tuera Aglaé Ivanovna ; bien qu’elle ne vous soit plus rien,cela ne vous en fera pas moins de peine, n’est-ce pas ? »Son but était atteint : le prince sortit bouleversé de chezlui.

Ces avertissements au sujet de Rogojinesurvinrent la veille du mariage. Ce soir-là, le prince eut avecNastasie Philippovna la dernière entrevue avant la noce. La jeunefemme n’avait plus le don de le calmer ; dans ces dernierstemps même elle ne réussissait qu’à accroître son trouble. Quelquesjours auparavant, au cours de leurs tête-à-tête, elle avait étéeffrayée de son air de tristesse. Elle avait fait tous ses effortspour l’égayer ; elle avait même tenté de le distraire enchantant. Le plus souvent elle cherchait dans sa mémoire tout cequi pouvait le divertir. Le prince faisait presque toujourssemblant de s’amuser beaucoup ; parfois il riait pour tout debon, entraîné par la vivacité d’esprit et la belle humeur aveclesquelles la jeune femme racontait lorsqu’elle était en verve, cequi était souvent le cas. Quand elle le voyait rire, elle étaitravie et se sentait fière d’elle-même en constatant l’impressionproduite sur lui. Mais maintenant elle devenait presque d’heure enheure plus chagrine et plus soucieuse. Le prince avait sur elle uneopinion déjà arrêtée, sans quoi tout en elle lui eût naturellementsemblé énigmatique et inintelligible. Il n’en demeurait pas moinsfoncièrement convaincu qu’elle pourrait encore ressusciter à la vienormale. Il avait eu raison de dire à Eugène Pavlovitch qu’ill’aimait d’un amour profond et sincère ; dans cet amour eneffet il y avait comme un élan de tendresse pour un enfant chétifet malade qu’il eût été difficile et même impossible d’abandonner àsa propre volonté. Il ne s’ouvrait à personne sur les sentimentsqu’elle lui inspirait et répugnait à aborder ce thème lorsque lecours de la conversation ne permettait plus de l’éviter. En tête àtête ils ne parlaient jamais « sentiment », comme s’ilss’étaient donné le mot. À leur conversation, habituellement enjouéeet pleine d’entrain, tout le monde pouvait prendre part. DariaAléxéïevna raconta par la suite qu’elle n’avait éprouvé, pendanttous ces jours-là, que du ravissement et de la joie à lescontempler.

L’opinion que se faisait le prince de l’étatmoral et mental de Nastasie Philippovna écartait de son esprit,dans une certaine mesure, beaucoup d’autres incertitudes. C’étaitmaintenant une femme tout à fait différente de celle qu’il avaitconnue trois mois plus tôt. Aussi n’éprouvait-il plus de surprise àla voir insister pour hâter la noce, après avoir naguère repoussél’idée du mariage avec des larmes, des malédictions et desreproches. « Ainsi, se disait-il, elle n’a plus peur, commedans ce temps-là, de faire mon malheur en m’épousant. » Unretour si rapide à la confiance en soi ne lui semblait pas naturel.Cette assurance, Nastasie Philippovna ne l’avait pas puiséeseulement dans sa haine à l’égard d’Aglaé, car elle était capablede sentiments plus profonds. Elle ne lui venait pas non plus de lacrainte de partager l’existence de Rogojine. Sans doute, cesmobiles et d’autres encore pouvaient avoir eu leur poids, mais,pour le prince, la raison la plus claire du revirement étaitjustement celle qu’il soupçonnait depuis longtemps : la pauvreâme malade n’avait pas pu supporter cette épreuve.

Bien qu’elle mît fin à ses incertitudes, dumoins jusqu’à un certain point, cette explication ne lui laissanéanmoins pendant tout ce temps ni trêve ni repos. Parfois ils’efforçait de ne penser à rien. Quant au mariage, il semble bienqu’à ce moment il l’ait en effet envisagé comme une formalitéinsignifiante ; il faisait trop bon marché de sa propredestinée pour en juger autrement. Aux objections et allégations dugenre de celles que lui avait faites Eugène Pavlovitch, il n’auraitabsolument rien trouvé à répondre, se sentant incompétent enpareille matière ; aussi esquivait-il toute conversation decette nature.

Il remarqua d’ailleurs que NastasiePhilippovna ne savait et ne comprenait que trop bien ce qu’étaitpour lui Aglaé. Elle n’en parlait pas, mais il avait lu sur son« visage » lorsque parfois elle l’avait surpris (dans lespremiers jours) se préparant à aller chez les Epantchine. Après ledépart de ceux-ci, elle parut radieuse. Si médiocre observateur etsi peu perspicace qu’il fût, il avait été tourmenté à l’idée queNastasie Philippovna pût prendre le parti de se livrer à quelquescandale, afin d’obliger Aglaé à quitter Pavlovsk. Le bruit et lesrumeurs qui couraient dans les villas au sujet du mariage étaientcertainement entretenus pour une part par Nastasie Philippovna dansle dessein d’exaspérer sa rivale. Comme il était malaisé derencontrer les Epantchine, elle fit monter un jour le prince danssa calèche et donna ordre de passer juste sous les fenêtres de leurvilla. Ce fut pour le prince une surprise affreuse ; il s’enaperçut, comme toujours, lorsqu’il était trop tard et quel’équipage avait déjà dépassé la maison. Il ne dit rien, mais,après cet incident, il fut malade pendant deux jours. NastasiePhilippovna se garda de renouveler l’expérience.

Durant les jours qui précédèrent le mariage,elle devint toute pensive. Elle finissait toujours par secouer satristesse et retrouver sa gaîté, mais cette gaîté était plus posée,moins expansive, moins rayonnante que naguère encore. Le princeredoublait d’attentions. Il était intrigué de ne jamais l’entendreparler de Rogojine. Une seule fois, cinq jours environ avant lanoce, Daria Aléxéïevna lui fit dire de venir immédiatement parceque Nastasie Philippovna était très mal. Il trouva celle-ci dans unétat voisin de la démence : elle criait, tremblait, clamaitque Rogojine était caché dans le jardin attenant à la villa,qu’elle venait de le voir et qu’il la tuerait dans la nuit… il latuerait au couteau ! Elle ne retrouva pas le calme de toute lajournée. Mais le soir, étant allé passer un instant chez Hippolyte,le prince apprit de la « capitaine », qui rentrait de laville où l’avaient appelée de menues affaires, que Rogojine étaitvenu la voir chez elle, à Pétersbourg, et l’avait questionnée surPavlovsk. Il demanda à quelle heure avait eu lieu cettevisite ; la « capitaine » lui indiqua à peu prèsl’heure à laquelle Nastasie Philippovna avait cru apercevoirRogojine dans le jardin. La jeune femme avait donc simplement étéle jouet d’un mirage. Nastasie Philippovna étant allée elle-mêmedemander de plus amples détails à la « capitaine » enobtint les plus rassurantes précisions.

La veille du mariage, le prince laissaNastasie Philippovna dans un état de vif enthousiasme : ellevenait de recevoir de sa couturière de Pétersbourg la toilettequ’elle devait porter le lendemain, robe de mariée, coiffure, etc.Le prince ne s’attendait pas à la voir se passionner autant pour saparure ; il en vanta tous les détails et aviva ainsi lebonheur de la jeune femme. Mais elle ne réussit pas à cacher lefond de sa pensée : elle avait déjà entendu dire que lapopulation de Pavlovsk était indignée et que quelques polissonspréparaient un charivari avec accompagnement de musique et auditiond’une pièce de vers écrite pour la circonstance ; tous cespréparatifs étaient plus ou moins approuvés par le reste de lasociété. C’est justement pourquoi elle voulait redresser la tête etéblouir tout le monde par le goût et la somptuosité de sa toilette.« Qu’ils crient, qu’ils sifflent, s’ils l’osent ! »À cette seule pensée ses yeux dardaient des éclairs. Ellenourrissait en outre une secrète espérance qu’elle se gardait deformuler à haute voix ; elle se figurait qu’Aglaé, ou du moinsune personne envoyée par elle, se trouverait incognito dans lafoule, à l’église, et l’examinerait ; de là tous sesapprêts.

Telles étaient les pensées dans lesquelleselle était plongée à onze heures du soir, quand le prince laquitta. Mais minuit n’avait pas encore sonné que l’on accourutinviter ce dernier, de la part de Daria Aléxéïevna, à « venirau plus vite parce que cela allait très mal ». Il trouva safiancée tout en larmes ; enfermée dans sa chambre, elle étaiten proie à un accès de désespoir, à une crise de nerfs. Pendantlongtemps elle n’entendit rien de ce qu’on lui disait à travers laporte close ; à la fin elle ouvrit, ne laissa entrer que leprince, referma la porte aussitôt et tomba à genoux devant lui.(Telle fut du moins la version que donna plus tard DariaAléxéïevna, qui avait réussi à entrevoir une partie de lascène.)

– Qu’est-ce que je fais ! Qu’est-ceque je fais ! Qu’est-ce que je fais de toi !s’écriait-elle en embrassant convulsivement ses pieds.

Le prince resta pendant toute une heure auprèsd’elle ; nous ignorons ce qu’ils se dirent. Daria Aléxéïevnaraconta qu’au bout de cette heure ils se séparèrent en termesaffectueux et l’air heureux. Le prince envoya encore une fois dansla nuit prendre des nouvelles de sa fiancée, mais celle-ci étaitdéjà endormie. Le matin, avant son réveil, deux envoyés du princese présentèrent encore chez Daria Aléxéïevna ; un troisièmeleur succéda qu’on chargea de rapporter ceci : « NastasiePhilippovna est entourée en ce moment d’un véritable essaim demodistes et de coiffeurs venus de Pétersbourg ; elle ne seressent plus de la crise d’hier ; elle est occupée de sesatours comme peut l’être une pareille beauté au moment de semarier ; en cet instant précisément, elle tient un conseilextraordinaire pour convenir des diamants dont elle doit se pareret de la manière dont elle les disposera ». Le prince futcomplètement rassuré.

Le cours des incidents auxquels le mariagedonna lieu a été retracé plus tard comme suit par des gensrenseignés et dont le témoignage paraît véridique.

La cérémonie nuptiale devait avoir lieu à huitheures du soir. Nastasie Philippovna était prête depuis septheures. Dès six heures, des groupes de flâneurs commencèrent às’amasser autour de la villa de Lébédev et, plus encore, près de lamaison de Daria Aléxéïevna. Vers sept heures l’église commençaaussi à se remplir. Véra Lébédev et Kolia éprouvaient de vivesappréhensions pour le prince ; ils avaient cependant beaucoupà faire à la maison, ayant été chargés de disposer son appartementpour la réception et la collation. Aucune réunion n’était, à vraidire, prévue après la cérémonie religieuse ; outre lespersonnes dont la présence était requise pour la célébration dumariage, Lébédev avait invité Ptitsine, Gania, le médecin décoré dela cravate de Sainte-Anne et Daria Aléxéïevna. Quand le princes’enquit de la raison pour laquelle ce médecin « que l’onconnaissait à peine » avait été convié, Lébédev lui réponditde l’air d’un homme content de soi : « Une décoration aucou, un personnage considéré ; c’est pour la galerie ».Cette réflexion fit rire le prince.

Vêtus du frac et gantés, Keller et Bourdovskiavaient un air fort convenable ; seul, Keller inspirait encorequelque crainte au prince et à son entourage par son humeur tropmanifestement batailleuse ; il regardait d’un œil fort hostileles badauds attroupés autour de la maison.

Enfin, à sept heures et demie, le prince serendit en voiture à l’église. Remarquons à ce propos qu’il avaittenu à ne négliger aucune des coutumes traditionnelles ; toutse passait publiquement, aux yeux de tous et « de la manièrequi convenait ». À l’église il fendit tant bien que mal lafoule, au milieu de chuchotements et d’exclamations répétées ;il était précédé de Keller, qui jetait à droite et à gauche desregards menaçants. Il se retira momentanément derrière l’autel,tandis que le boxeur allait chercher la mariée. Devant la maison deDaria Aléxéïevna ce dernier vit une foule deux ou trois fois plusdense et peut-être aussi deux ou trois fois plus insolente quecelle qui stationnait autour de la villa du prince. En montant leperron, il entendit des exclamations d’une telle nature qu’il ne secontint plus et fut sur le point d’adresser au public uneremontrance appropriée ; heureusement il en fut empêché parBourdovski et Daria Alexéïevna elle-même qui était accourue sur leperron ; tous deux s’emparèrent de lui et l’emmenèrent deforce à l’intérieur de la maison. Le boxeur, très surexcité, hâtale départ. Nastasie Philippovna se leva, jeta un dernier coup d’œildans la glace et remarqua avec un « rictus », comme leraconta plus tard Keller, qu’elle était « pâle comme unemorte » ; puis, s’étant inclinée pieusement devantl’icône, elle sortit sur le perron. Une rumeur salua sonapparition. À vrai dire, au premier, moment, on entendit des rires,des applaudissements ironiques et peut-être des coups desifflet ; mais au bout d’un instant d’autres exclamationséclatèrent :

– Quelle belle femme !

– Ce n’est ni la première ni ladernière ![70]

– Le mariage couvre tout,imbéciles !

– Non, trouvez donc une pareillebeauté ! Hourra ! s’exclamaient les plus proches.

– Une princesse ! Pour une princessecomme celle-là je vendrais mon âme ! s’écria un employé debureau. – Une nuit au prix de ma vie !…

Nastasie Philippovna s’avança ; sonvisage était pâle comme un linge, mais ses grands yeux noirsjetaient sur les curieux des regards brûlants comme des charbonsardents. Ces regards, la foule ne put les supporter ;l’indignation fit place à des clameurs d’enthousiasme. La portièrede la voiture était ouverte et déjà Keller tendait la main à lamariée, lorsque celle-ci poussa un cri et, quittant le perron,piqua droit sur la foule. Les gens du cortège restèrent paralysésde stupeur ; le public s’écarta devant elle et à cinq ou sixpas du perron apparut soudain Rogojine. Elle avait aperçu sonregard parmi tout ce monde. Elle courut vers lui comme une folle etlui saisit les deux mains :

– Sauve-moi ! Emmène-moi ! Oùtu voudras, à l’instant même !

Rogojine l’enleva presque à bras-le-corps etla porta pour ainsi dire vers sa voiture. Puis en un clin d’œil ilsortit un billet de cent roubles de son porte-monnaie et le fenditau cocher.

– À la gare ! Si tu arrives avant ledépart du train, tu auras encore cent roubles !

Il sauta dans la voiture à côté de NastasiePhilippovna et ferma la portière. Sans un instant d’hésitation lecocher fouetta ses chevaux. Plus tard, Keller, en racontantl’événement, s’excusa de s’être laissé prendre au dépourvu :« Une seconde de plus, et je me serais ressaisi ; jen’aurais pas laissé faire cela ! » Bourdovski et luifurent sur le point de prendre une autre voiture qui se trouvait làpour se lancer à la poursuite des fugitifs, mais presque aussitôtils se ravisèrent en prétextant « qu’il était trop tard etqu’on ne la ferait pas revenir de force ».

– Et puis le prince n’en voudraplus ! décida Bourdovski tout bouleversé.

Rogojine et Nastasie Philippovna arrivèrent àtemps à la gare. Après être descendus de voiture et presque aumoment de monter en wagon, Rogojine arrêta à la hâte une jeunefille qui passait, coiffée d’un foulard et vêtue d’une mantillefoncée, défraîchie, mais encore convenable.

– Voulez-vous accepter cinquante roublespour votre mantille ? lui dit-il en lui tendant brusquementl’argent.

Avant qu’elle fût revenue de sa stupeur et eûtcompris de quoi il s’agissait, il avait glissé les cinquanteroubles dans sa main, lui avait enlevé sa mantille et son foulardet les avait jetés sur les épaules et sur la tête de NastasiePhilippovna. La toilette trop fastueuse de celle-ci aurait attiréles regards et fait sensation dans le wagon. Ce n’est qu’ensuiteque la jeune fille comprit la raison pour laquelle on lui avaitacheté à un tel prix des hardes sans valeur.

Le bruit de l’aventure arriva à l’église avecune rapidité incroyable. Lorsque Keller se fraya passage jusqu’auprince, nombre de gens qu’il ne connaissait pas du tout seprécipitèrent sur lui pour le questionner. On parlait tout haut, onhochait la tête, on riait même ; personne ne voulut sortir del’église : tous désiraient voir comment le fiancéaccueillerait la nouvelle.

Il pâlit, mais reçut cette nouvelle aveccalme, en disant d’une voix à peine perceptible :« J’avais peur, mais je ne m’attendais tout de même pas àcela… » Puis, après un instant de silence, il ajouta :« Au reste… étant donné son état… c’est tout à fait dansl’ordre des choses ». Cette conclusion fit même qualifiée plustard par Keller de « philosophie sans exemple ». Leprince sortit de l’église sans se départir de son calme et de sasérénité : du moins beaucoup de gens le remarquèrent etcommentèrent par la suite cette attitude. Il semblait avoir un vifdésir de rentrer chez lui et de s’isoler le plus tôtpossible ; mais on ne lui en donna pas la faculté. Plusieursde ses invités le suivirent dans sa chambre, entre autres Ptitsine,Gabriel Ardalionovitch et le docteur, qui n’avait pas plus que lesautres l’intention de s’en aller. En outre, toute la maison étaitlittéralement assaillie par les badauds. Le prince entendit Kelleret Lébédev soutenir une violente discussion avec des individusparfaitement inconnus qui avaient l’air de tchinovniks et voulaientà toute force envahir la terrasse. Il s’approcha et demanda de quoiil s’agissait, puis, écartant poliment Lébédev et Keller, ils’adressa sur un ton plein de courtoisie à un monsieur corpulentqui avait des cheveux gris et qui, monté sur les marches du perron,était à la tête d’un groupe d’envahisseurs ; il le pria de luifaire l’honneur de sa visite. Le monsieur devint confus, mais n’enaccepta pas moins ; après lui vint un second, puis untroisième. Sept ou huit autres individus se détachèrent de la fouleet rentrèrent également en se donnant les airs de la plus grandedésinvolture ; leur exemple ne fut pas suivi et on entenditbientôt les badauds eux-mêmes blâmer ces intrus.

On offrit des sièges aux nouveaux venus, laconversation s’engagea et le thé fut servi ; tout cela se fitavec modestie, mais très convenablement, ce qui ne laissa pas desurprendre un peu ces hôtes inattendus. Il y eut bien certainestentatives pour égayer la conversation et l’aiguiller vers le sujet« voulu » ; on risqua quelques questions indiscrèteset quelques remarques « malicieuses ». Le prince répondità tout le monde avec tant de simplicité, de bonhomie et en mêmetemps de dignité et de confiance dans la bienséance de ses hôtesque les questions déplacées cessèrent d’elles-mêmes. Peu à peu letour de l’entretien devint presque sérieux. Un monsieur prit faitd’une réflexion pour affirmer soudain sur un ton outré qu’il nevendrait pas ses terres, quoi qu’il advînt ; il attendrait, ilverrait venir ; « les entreprises valent mieux quel’argent » ; « oui, mon cher monsieur, conclut-il,voilà en quoi consiste mon système économique,sachez-le ! » Comme il s’adressait au prince, celui-cil’approuva avec chaleur, bien que Lébédev lui eût chuchoté àl’oreille que ce monsieur n’avait jamais eu le plus petit bien ausoleil.

Près d’une heure s’écoula. On avait fini deprendre le thé : les visiteurs se firent scrupule de resterplus longtemps. Le docteur et le monsieur à cheveux grisadressèrent au prince des adieux touchants. Tous d’ailleurs prirentcongé avec de bruyantes effusions. Ils accompagnèrent leurs vœux depensées dans le genre de celle-ci : « il n’y a pas dequoi se désoler ; peut-être ce qui s’est passé est-il pour lemieux », et ainsi de suite. Il y eut des gens, il est vrai,qui se risquèrent à demander du champagne, mais les visiteurs plusâgés les rappelèrent aux convenances.

Quand tout ce monde fut parti, Keller sepencha vers Lébédev et lui dit :

– Si on nous avait laissés faire, toi etmoi, nous aurions crié, engagé une lutte ; nous nous serionscouverts de honte et aurions attiré la police. Mais lui, il s’estfait d’un coup de nouveaux amis, et encore quels amis ! Je lesconnais !

Lébédev, qui était passablement gris, proféradans un soupir :

– Ce qui a été caché aux sages et auxesprits forts a été révélé aux enfants. Il y a longtemps que je luiai appliqué cette parole, mais maintenant j’ajouterai que l’enfantlui-même a été préservé et sauvé de l’abîme par Dieu et par tousses saints !

Vers dix heures et demie on laissa enfin leprince seul. Il avait mal à la tête. Kolia partit le dernier aprèsl’avoir aidé à dévêtir son habit de marié. Ils se quittèrent avecde chaleureuses protestations d’amitié. Kolia ne s’appesantit passur l’événement de la journée, mais promit de revenir le lendemainde bonne heure. Il assura plus tard que le prince ne l’avaitprévenu de rien et l’avait laissé dans l’ignorance de sesintentions en prenant congé de lui. Bientôt il ne resta presqueplus personne dans la maison : Bourdovski était allé chezHippolyte, Keller et Lébédev étaient partis on ne sait où. SeuleVéra Lébédev demeura encore quelque temps pour rendre àl’appartement son aspect habituel. Au moment de se retirer ellealla voir ce que faisait le prince. Il était assis à sa table, lesdeux coudes appuyés et le visage caché dans ses mains. Elles’approcha doucement et lui toucha l’épaule. Le prince la regardaavec surprise et mit près d’une minute à rassembler sessouvenirs ; quand il se fut ressaisi et eut tout compris, ilmanifesta une brusque et véhémente émotion. Il finit par la prieravec une vive insistance de venir frapper à sa porte le lendemainmatin à l’heure du premier train, à sept heures. La jeune fillepromit ; sur quoi il la conjura de ne parler de cela àpersonne, ce qu’elle promit également. Enfin lorsque, la portegrande ouverte, elle était déjà sur le point de s’en aller, il laretint pour la troisième fois, lui prit les mains, les baisa, puisl’embrassa elle-même sur le front et lui dit : « Àdemain ! » avec un accent « insolite ». Tel futdu moins le récit de Véra. Elle sortit en proie à de sérieusesappréhensions à son sujet. Le lendemain elle se tranquillisa plusou moins quand elle eut, comme convenu, frappé un peu après septheures pour le prévenir que le train de Pétersbourg partait dans unquart d’heure : il lui sembla en effet qu’en ouvrant la porteil avait l’air parfaitement dispos et même souriant. Il s’était àpeine déshabillé pour passer la nuit, mais avait tout de mêmedormi. Il dit qu’il pensait pouvoir revenir dans la journée. Toutportait à croire que Véra était la seule personne à laquelle il eûtalors jugé possible et nécessaire d’annoncer son intention de serendre à Pétersbourg.

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