Sapho

Chapitre 13

 

Le lendemain, Césaire, qui s’était chargé dela commission délicate d’aller à Chaville reprendre les effets, leslivres de son neveu, consommer la rupture par le déménagement,revint fort tard, alors que Gaussin commençait à se fatiguer detoutes sortes de suppositions folles ou sinistres. Enfin un fiacreà galerie, lourd comme un corbillard, tourna le coin de la rueJacob, chargé de caisses ficelées et d’une énorme malle qu’ilreconnut pour la sienne, et l’oncle rentra mystérieux etnavré :

– J’ai été long, pour ramasser le tout en unefois et n’être pas obligé d’y revenir…

Puis, montrant les colis que deux garçonsrangeaient par la chambre :

– Ici le linge, les vêtements, là tes papiers,tes livres… Il ne manque que tes lettres ; elle m’a supplié deles lui laisser encore pour les relire, avoir quelque chose de toi.J’ai pensé que ça n’offrait pas de danger… C’est une si bonnefille…

Il souffla longuement, assis sur la malle, ets’épongeant le front avec son mouchoir de soie écrue, large commeune serviette. Jean n’osait demander des détails, dans quellesdispositions il l’avait trouvée ; l’autre n’en donnait pas, depeur de l’attrister. Et ils remplirent ce silence, difficile, grosde choses inexprimées, par des remarques sur le temps changébrusquement depuis la veille, tourné au froid, sur l’aspectlamentable de cette banlieue de Paris déserte et dénudée, plantéede cheminées d’usines et de ces énormes cylindres de fonte,réservoirs des maraîchers. Puis au bout d’un moment :

– Elle ne vous a rien donné pour moi, mononcle ?

– Non… tu peux être tranquille… Elle net’embêtera pas, elle a pris son parti avec beaucoup de résolutionet de dignité…

Pourquoi Jean vit-il dans ce peu de mots uneintention de blâme, un reproche de sa rigueur ?

– C’est égal, corvée pour corvée, reprenaitl’oncle, j’aimais mieux encore les griffes de la Mornas que ledésespoir de cette malheureuse.

– Elle a beaucoup pleuré ?

– Ah ! mon ami… Et si bien, d’un telcœur, que je sanglotais moi-même en face d’elle sans la forcede…

Il s’ébroua, secoua son émotion d’un coup detête de vieille chèvre :

– Enfin, que veux-tu ? ce n’est pas tafaute… tu ne pouvais passer toute ta vie là… Les choses sont trèsconvenablement faites, tu lui laisses de l’argent, un mobilier… Etmaintenant, voguent les amours ! Tâche de nous mener tonmariage rondement… Des affaires trop sérieuses pour moi, parexemple… Il faudra que le consul s’en mêle… Moi, je suis pour lesliquidations de la main gauche…

Et brusquement repris d’un accès mélancolique,le front à la vitre, regardant le ciel bas qui ruisselait entre lestoits :

– C’est égal, le monde devient triste… De montemps on se séparait plus gaiement que ça.

Le Fénat parti, suivi de sa machineélévatoire, Jean, privé de cette bonne humeur remuante et bavarde,eut une longue semaine à passer, une impression de vide et desolitude, tout le noir désorientement d’un veuvage. En pareil cas,même sans le regret d’une passion, on cherche son double, il vousmanque ; car l’existence à deux, la cohabitation de la tableet du lit, créent un tissu de liens invisibles et subtils, dont lasolidité ne se révèle qu’à la douleur, à l’effort de la brisure.L’influence du contact et de l’habitude est si miraculeusementpénétrante que deux êtres vivant de la même vie en arrivent à seressembler.

Ses cinq ans de Sapho n’avaient pu le pétrirencore à ce point ; mais son corps gardait pourtant lesmarques de la chaîne, en subissait le lourd entraînement. Et demême que, plusieurs fois, ses pas l’auraient tout seuls dirigé versChaville au sortir de son bureau, il lui arrivait le matin dechercher à côté de lui sur l’oreiller les cheveux noirs en nappeslourdes, démordus de leur peigne, où tombait son premierbaiser.

Les soirées surtout lui semblaientinterminables, dans cette chambre d’hôtel qui lui rappelait lespremiers temps de leur liaison, la présence d’une autre maîtressedélicate et silencieuse, dont la petite carte embaumait la glaced’un parfum d’alcôve et du mystère de son nom : Fanny Legrand.Alors il s’en allait se fatiguer, marcher, s’étourdir aux flonflonset aux lumières de quelque petit théâtre, jusqu’au moment où levieux Bouchereau lui donnait le droit de passer trois soirées parsemaine auprès de sa fiancée.

On s’était enfin entendu. Irène l’aimait,Unclé voulait bien ; ce serait pour les premiersjours d’avril, à la fin du cours. Trois mois d’hiver à se voir, às’apprendre, se désirer, faire la paraphrase aimante et charmantedu premier regard qui lie les âmes et du premier aveu qui lestrouble.

Le soir des accordailles, en rentrantchez lui sans la moindre envie de dormir, Jean éprouva le désir defaire sa chambre ordonnée et laborieuse, par cet instinct naturelde mettre notre vie en rapport avec nos idées. Il installa sa tableet ses livres non encore déficelés, tassés au fond d’une de cescaisses faites à la hâte, les codes entre une pile de mouchoirs etune vareuse de jardin. De l’entrebâillement d’un dictionnaire deDroit commercial, le plus fréquemment feuilleté, tombait alors unelettre sans enveloppe, à l’écriture de la maîtresse.

Fanny l’avait confiée au hasard de travauxfuturs, se méfiant de l’attendrissement trop court de Césaire,pensant qu’elle arriverait plus sûrement ainsi. Il se défendaitd’abord de l’ouvrir, mais cédait aux premiers mots bien doux, bienraisonnables, dont l’agitation se sentait seulement au tremblé dela plume, à l’inégale conduite des lignes. Elle ne demandait qu’unegrâce, une seule, qu’il revînt de temps à autre. Elle ne diraitrien, ne reprocherait rien, ni le mariage, ni cette séparationqu’elle savait absolue et définitive. Mais le voir !…

« Songe que c’est pour moi un coupterrible et si inattendu, si brusque… Je suis comme après une mortou un incendie, ne sachant à quoi me prendre. Je pleure, j’attends,je regarde la place de mon bonheur. Il n’y aurait que toi pourm’acclimater à cette situation nouvelle… C’est une charité, viensme voir, que je ne me sente pas si seule… j’ai peur demoi… »

Ces plaintes, ce suppliant appel couraienttout le long de la lettre, se reprenaient chaque fois au mêmemot : « Viens, viens… » Il pouvait se croire dans laclairière au milieu des bois avec Fanny à ses pieds, et sous lacendre violette du soir, cette pauvre figure levée vers lui, toutefripée et molle de larmes, cette bouche ouverte qui s’emplissaitd’ombre à crier. C’est cela qui le poursuivit toute la nuit, celaqui troubla son sommeil, et non l’heureuse ivresse qu’il avaitrapportée de là-bas. C’est cette figure vieillie, flétrie, qu’ilrevoyait, malgré tous ses efforts pour mettre entre lui et elle levisage aux purs contours, à la pulpe d’œillet en fleur, que l’aveude l’amour teintait de petites flammes roses sous les yeux.

Cette lettre avait huit jours de date ;huit jours que la malheureuse attendait un mot, ou une visite,l’encouragement à la résignation qu’elle demandait. Mais commentn’avait-elle pas récrit depuis ? Peut-être était-ellemalade ; et d’anciennes craintes lui revenaient. Il pensaqu’Hettéma pourrait lui donner des nouvelles, et, confiant dans larégularité de ses habitudes, alla l’attendre devant le Comitéd’artillerie.

Le dernier coup de dix heures sonnait àSaint-Thomas d’Aquin lorsque le gros homme tourna le coin de lapetite place, le collet retroussé, la pipe aux dents, qu’il tenaità deux mains pour se chauffer les doigts. Jean le regardait venirde loin, très ému de tout ce qu’il lui rappelait ; maisHettéma l’accueillit d’un mouvement d’humeur à peine contraint.

– Vous voilà !… Je ne sais pas si nousvous avons maudit cette semaine !… nous qui sommes allés à lacampagne pour vivre au calme…

Et sur la porte, en finissant sa pipe, il luiraconta que le dimanche précédent ils avaient invité Fanny à dînerchez eux avec l’enfant dont c’était le jour de sortie, histoire dela distraire un peu de ses vilaines idées. En effet, on avait mangéassez gaiement, même elle leur chantait un morceau de musique audessert ; puis on se séparait vers dix heures, et ilss’apprêtaient à se mettre au lit délicieusement, quand tout à coupon frappe aux volets et la voix du petit Joseph appelleeffarée :

– Venez vite, maman veut s’empoisonner…

Hettéma se précipite, arrive à temps pour luiarracher de force le flacon de laudanum. Il avait fallu se battre,la prendre à bras-le-corps, la maintenir et se défendre, contre lescoups de tête, les coups de peigne dont elle lui abîmait là figure.Dans la lutte, la fiole se brisait, le laudanum répandu partout, etil n’en avait pas été autre chose que des vêtements tachés etempestés de poison.

– Mais vous comprenez bien que des scènespareilles, tout ce drame de faits-divers, pour des genstranquilles… Aussi c’est fini, j’ai donné congé, le mois prochainje déménage…

Il remit sa pipe dans l’étui, et avec un adieubien paisible disparut sous les arcades basses d’une petite cour,laissant Gaussin tout bouleversé de ce qu’il venait d’entendre.

Il se représentait la scène dans cette chambrequi avait été leur chambre, l’effroi du petit appelant au secours,la lutte brutale avec le gros homme, et il croyait sentir le goûtopiacé, l’amertume somnolente du laudanum répandu. L’épouvante luien resta tout le jour, aggravée de l’isolement où elle allait setrouver. Les Hettéma partis, qui lui retiendrait la main à lanouvelle tentative ?

Une lettre vint le rassurer un peu. Fanny leremerciait de n’être pas si dur qu’il voulait le paraître,puisqu’il prenait encore quelque intérêt à la pauvreabandonnée : « On t’a dit, n’est-ce pas ?… J’aivoulu mourir… c’était de me sentir si seule !… J’ai essayé, jen’ai pas pu, on m’a arrêtée, ma main tremblait peut-être… la peurde souffrir, de devenir laide… Oh ! cette petite Doré, commenta-t-elle eu le courage ?… Après la première honte de m’êtremanquée, ç’a été une joie de penser que je pourrais t’écrire,t’aimer de loin, te voir encore ; car je ne perds pas l’espoirque tu viendras une fois, comme on vient chez une amie malheureuse,dans une maison en deuil, par pitié, seulement parpitié. »

Dès lors il arriva de Chaville tous les deuxou trois jours une capricieuse correspondance, longue, courte, unjournal de douleur qu’il n’eut pas la force de renvoyer et quiagrandit dans ce cœur tendre la place à vif d’une pitié sans amour,non plus pour la maîtresse, mais pour l’être humain souffrant àcause de lui.

Un jour c’était le départ de ses voisins, cestémoins de son bonheur passé qui lui emportaient tant de souvenirs.À présent elle n’avait plus pour les lui rappeler que les meubles,les murs de leur petite maison, et la femme de service, pauvre bêtesauvage, aussi peu intéressée aux choses que le loriot, toutfrileux de l’hiver, tristement ébouriffé dans un coin de sacage.

Un autre jour, un pâle rayon égayant la vitre,elle se réveillait toute joyeuse dans cette persuasion : ilviendra aujourd’hui !… Pourquoi ?… rien, une idée… Toutde suite elle se mettait à faire la maison belle, et la femmecoquette avec sa robe des dimanches et la coiffure qu’ilaimait ; puis jusqu’au soir, jusqu’à la dernière goutte delumière, elle comptait les trains à la fenêtre de la salle,l’écoutait venir par le Pavé des Gardes… Fallait-il êtrefolle !

Quelquefois rien qu’une ligne : « Ilpleut, il fait noir… je suis seule et je te pleure… » Ou bienelle se contentait de mettre sous enveloppe une pauvre fleur toutetrempée et raide de frimas, la dernière de leur petit jardin. Mieuxque toutes les plaintes, cette fleur ramassée sous la neige, disaitl’hiver, la solitude, l’abandon ; il voyait la place, au boutde l’allée, et contre les plates-bandes, une jupe de femme mouilléejusqu’à l’ourlet, allant et revenant dans une solitairepromenade.

Cette pitié qui lui angoissait le cœur lefaisait vivre encore avec Fanny, malgré la rupture. Il y songeait,se la figurait à toute heure ; mais par une singulièredéfaillance de sa mémoire, quoiqu’il n’y eût guère plus de cinq ousix semaines depuis leur séparation, et que les moindres détails deleur intérieur lui fussent encore présents, la cage de La Balue enface d’un coucou en bois gagné à une fête de campagne, jusqu’auxbranches du noisetier qui battaient au moindre vent la vitre deleur cabinet de toilette, la femme elle-même ne lui apparaissaitplus distinctement. Il la voyait dans un reculement de brume avecun seul détail de sa figure, accentué et pénible, la bouchedéformée, le sourire troué par cette dent qui manquait.

Ainsi vieillie, qu’allait-elle devenir, lapauvre créature contre qui il avait dormi si longtemps ?L’argent fini qu’il lui avait laissé, où irait-elle, jusque versquel bas-fond ? Et tout à coup se dressait dans son souvenir,la triste raccrocheuse, rencontrée le soir dans une taverneanglaise, mourant de soif devant sa tranche de saumon fumé. Elledeviendrait cela, celle dont il avait si longtemps accepté lessoins, la tendresse passionnée et fidèle. Et cette idée ledésespérait… Cependant, que faire ? Parce qu’il avait eu lemalheur de rencontrer cette femme, de vivre quelque temps avecelle, était-il condamné à la garder toujours, à lui sacrifier sonbonheur ? Pourquoi lui et pas les autres ? Au nom dequelle justice ?

Tout en s’interdisant de la revoir, il luiécrivait ; et ses lettres à dessein positives et sècheslaissaient deviner son émotion sous des conseils de sagesse etd’apaisement. Il l’engageait à retirer Joseph de pension, à lereprendre pour s’occuper, se distraire ; mais Fanny refusait.À quoi bon mettre cet enfant en présence de sa douleur, de sondécouragement ? c’était bien assez du dimanche où le petitrôdait de chaise en chaise, errait de la salle au jardin, devinantqu’un grand malheur avait attristé la maison, et n’osant plusdemander des nouvelles de « papa Jean » depuis qu’on luiavait dit avec des sanglots qu’il était parti, qu’il ne reviendraitplus :

– Tous mes papas s’en vont, alors !

Et ce mot du petit abandonné, tombant d’unelettre navrante, restait lourd sur le cœur de Gaussin. Bientôt,cette pensée de la savoir à Chaville devint une oppression telle,qu’il lui conseilla de rentrer dans Paris, de voir du monde. Avecsa triste expérience des hommes et des ruptures, Fanny ne vit danscette offre qu’un affreux égoïsme, l’envie de se débarrasser d’elleà jamais, par un de ces brusques béguins dont elle étaitfamilière ; et elle s’en expliqua avec sincérité :

« Tu sais ce que je t’ai dit autrefois…Je resterai ta femme malgré tout, ta femme aimante et fidèle. Notrepetite maison m’enveloppe de toi, et je ne voudrais la quitter pourrien au monde… Que ferais-je à Paris ? J’ai le dégoût de monpassé qui t’éloigne ; et puis, songe à quoi tu nous exposes…Tu te crois donc bien fort ? Viens, alors, méchant… une fois,rien qu’une… »

Il n’y alla pas ; mais, un dimanche,l’après-midi, seul et travaillant, il entendit frapper deux petitscoups à sa porte. Il tressaillit, reconnut sa façon vive des’annoncer comme autrefois. Craignant de trouver en bas quelqueconsigne, elle était montée d’une haleine, sans rien demander. Ils’approcha, les pas enfoncés dans le tapis, entendant son soufflepar la feuillure :

– Jean, es-tu là ?…

Oh ! cette voix humble et brisée… Encoreune fois, pas bien fort : « Jean !… » puis uneplainte soupirée, le froissement d’une lettre, et la caresse etl’adieu d’un baiser jeté.

L’escalier descendu marche à marche,lentement, comme si elle attendait un rappel, Jean, seulementalors, ramassa la lettre et l’ouvrit. On avait enterré le matin lapetite Hochecorne à l’hospice des Enfants-Malades. Elle était venueavec le père et quelques personnes de Chaville, et n’avait pu sedéfendre de monter pour le voir ou laisser ces lignes écritesd’avance. « … Quand je te le disais !… si j’habitaisParis, on ne verrait que moi dans ton escalier… Adieu, m’ami, jerentre chez nous… »

Et en lisant, les yeux brouillés de larmes, ilse rappelait la même scène rue de l’Arcade, la douleur de l’amantcongédié, la lettre glissée sous la porte, et le rire sans cœur deFanny. Elle l’aimait donc plus qu’il n’aimait Irène ! Ou bienest-ce que l’homme, plus mêlé que la femme au combat des affaireset de la vie, n’a pas comme elle l’exclusivisme de l’amour, l’oubliet l’indifférence de tout ce qui n’est pas sa passion, absorbanteet unique ?

Cette torture, ce mal de pitié dont ilsouffrait, ne s’apaisait qu’auprès d’Irène. Ici seulementl’angoisse se desserrait, fondait sous le doux rayon bleu de sesregards. Il ne lui restait plus qu’une grande lassitude, unetentation de mettre la tête sur son épaule et de rester là, sansparler, sans bouger, à l’abri.

– Qu’avez-vous, lui disait-elle… Est-ce quevous n’êtes pas heureux ?

Si, bien heureux. Mais pourquoi son bonheurétait-il fait de tant de tristesse et de larmes ? Et parmoments il aurait voulu tout lui dire, comme à une amieintelligente et bonne ; sans songer, pauvre fou, au troubleque de pareilles confidences agitent dans les âmes toutes neuves,aux inguérissables blessures qu’elles peuvent faire à la confianced’une affection. Ah ! s’il avait pu l’emporter, fuir avecelle ! il sentait que ce serait la fin des tourments ;mais le vieux Bouchereau ne voulait pas faire grâce d’une heure surle temps fixé :

– Je suis vieux, je suis malade… Je ne verraiplus mon enfant, ne me privez pas de ces derniers jours…

Sous son air dur, c’était le meilleur deshommes que ce grand homme. Condamné sans rémission par la maladiede cœur dont il suivait et constatait lui-même les progrès, il enparlait avec un sang-froid admirable, continuait ses cours ensuffoquant, auscultait des malades moins atteints que lui. Uneseule faiblesse dans ce vaste esprit, et marquant bien l’originepaysanne du Tourangeau : son respect pour les titres, lanoblesse. Et le souvenir des petites tourelles de Castelet, levieux nom d’Armandy n’avaient pas été étrangers à sa facilitéd’agréer Jean comme mari de sa nièce.

Le mariage se ferait à la gentilhommière, cequi éviterait de déplacer la pauvre maman qui envoyait tous leshuit jours à sa future fille une bonne lettre bien tendre, dictée àDivonne ou à l’une des petites de Béthanie. Et c’était une joiedouce pour lui de parler avec Irène de ses gens, de retrouverCastelet place Vendôme, toutes ses affections serrées autour de sachère fiancée.

Seulement il s’effrayait de se sentir sivieux, si las en face d’elle, de la voir prendre un plaisird’enfant à des choses qui ne l’amusaient plus, à des joies de lavie commune, déjà escomptées par lui. Ainsi la liste à dresser detout ce qu’il leur faudrait emporter au Consulat, meubles, étoffesà choisir, liste au milieu de laquelle il s’arrêtait un soir, laplume hésitante, épouvanté du retour qu’il faisait vers soninstallation de la rue d’Amsterdam, et du recommencement inévitablede tant de jolis bonheurs usés, finis par ces cinq ans auprès d’unefemme, dans un travestissement de mariage et de ménage.

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