Le Chasseur de rats

Le Chasseur de rats

de Gustave Aimard

Chapitre 1 Qui était le mystérieux personnage auquel on donnait le nom de l’Œil Gris ?

Les Français ont été souvent accusés, avec une apparence de raison, de connaître beaucoup moins leur propre histoire que celle des autres peuples anciens ou modernes.

On pourrait ajouter, mais cette fois avec raison, que la partie la plus négligée et par conséquent presque entièrement ignorée de cette histoire, est celle qui se rapporte à nos colonies ; que ces colonies soient en Afrique, en Amérique on en Océanie ; c’est-à-dire qu’elles soient situées aux confins du monde, ou seulement à quelques centaines de lieues de nos côtes.

Et pourtant que de liens étroits nous rattachent à ces colonies si dédaignées ! Que de souvenirs glorieux elles nous rappellent.

Que de preuves de dévouement et de fidélitéelles ont données à la France dans les circonstances les pluscritiques !

Pour ne parler ici que des Antilles, cesgracieuses corbeilles de fleurs aux parfums si doux et sienivrants, surgies du sein des eaux et disséminées comme deravissantes oasis sur les flots bleus de l’Atlantique ; terresbénies où tout sourit au cœur et sur lesquelles la vie s’écoulecomme un rêve féerique des Mille et une Nuits ; à combien debatailles terribles ont-elles assisté ! Quelles luttesacharnées ont-elles soutenues avec une énergie et une abnégationhéroïques pour résister, soit au révoltes des noirs, soit auxattaques plus formidables encore de puissants envahisseursétrangers afin de rester françaises et se conserver à cette mèrepatrie qu’elles aiment avec passion, peut-être à cause de saconstante ingratitude envers elles.

La Guadeloupe est, sans contredit, la pluscomplètement belle de ces îles charmantes qui composent l’écrinprécieux de l’archipel Colombien ou des Antilles ; perles d’unirréprochable orient, égrenées par la main toute-puissante duCréateur, de son mystérieux chapelet de merveilles, et semées parlui à l’entrée du golfe du Mexique.

Rien ne saurait exprimer l’impressiond’enivrante langueur qui s’empare des sens lorsque, après unelongue et monotone traversée, le cri : terre ! est àl’improviste poussé par la vigie ; que l’eau se fait plusbleue et plus transparente ; que d’acres senteurs, portées surl’aile humide de la brise, viennent gonfler les poumons d’un airvivifiant et embaumé ; qu’aux premiers rayons du soleillevant, comme l’antique Aphrodite sortent de l’écume de la mer, onvoit tout à coup apparaître, se dessiner, vagues, indistinctesencore, et à demi voilées par une gaze brumeuse qui en estompelégèrement les contours, les cotes verdoyantes et pittoresquementdécoupées de la Guadeloupe, avec ses chaînes de montagnesvolcaniques, dont les pilons hauts et chenus semblent s’inclinerdevant l’imposante Soufrière, constamment couronnée d’unnuage de fumée jaunâtre qui monte en tournoyant vers le ciel et luifait une éblouissante auréole.

L’anse à la Barque est une baieprofonde qui doit sans doute son nom singulier à la première barquequi y aborda ; c’est dans cette baie, une des plus belles dela Guadeloupe, que commence notre histoire.

Elle est située entre le quartier desHabitants et celui de Bouillante, à peu dedistance de la Basse-Terre ; sa plage, formée d’un sable jauneet fin, est terminée par un pourtour de collines élevées, couvertesde cocotiers et de palmistes, étagés en amphithéâtre de la façon laplus pittoresque, et qui lui donnent un aspect ravissant.

Cette baie, assez large, et profonde de plusd’un kilomètre, a une entrée fort étroite défendue par deuxbatteries dont les feux se croisent, construites sur les pointesCoupard et Duché.

En temps ordinaire, l’anse à la Barque estpresque déserte ; une trentaine de pêcheurs à peine s’yabritent tant bien que mal, dans de misérables espèces de huttesd’une architecture essentiellement primitive, faites avec quelquesbambous plantés en terre et surmontés d’une toiture envacois ; mais les jours de fête, et Dieu sait s’ils sontnombreux aux colonies, l’aspect de l’anse à la Barque change commepar enchantement ; elle s’anime, se peuple en quelques heures,et de calme et silencieuse qu’elle était, elle devient tout à coupbruyante et tumultueuse.

C’est dans cette baie que se donnentrendez-vous les noirs, les gens de couleur et les créoles desquartiers limitrophes, pour se divertir, boire et chanter, boire etchanter surtout.

Le jour où s’ouvre notre récit, le 4 mai 1802ou, ainsi qu’on le disait alors, le 14 floréal an X, vers septheures du soir, l’anse à la Barque présentait l’aspect le pluspittoresque et le plus animé ; une quarantaine d’ajoupasconstruits à la hâte et illuminés au moyen de lanternesvénitiennes, suspendues en festons après les arbres, regorgeaientde buveurs appartenant à toutes les teintes de la gamme humaine,depuis le noir d’Afrique jusqu’au blanc d’Europe, en passant par leMétis, le Mulâtre, le Quarteron, le Capre, le Mamalucco, et tantd’autres dont la nomenclature est interminable.

Les rafraîchissements, si tant est qu’onpuisse leur donner ce nom, à profusion débités aux consommateurs,se composaient exclusivement de rhum, de tafia, de genièvre etd’eau-de-vie de France ; accompagnée de quelques vieux siropsaigris par l’âge et le climat, et complètes parfois, mais à delongs intervalles, par d’excellentes limonades ; pour êtrevrai, nous constaterons que seuls les alcools à fortes dosesformaient la base des rafraîchissements dont s’abreuvaient lesconsommateurs altérés, groupés soit dans les ajoupas, soit sous lesnombreux bosquets improvisés pour la circonstance ; bosquetsmystérieusement éclairés par quelques rares lanternes en papier decouleur.

Ce soir-là, il y avait à l’anse de la Barqueun bamboula, en réjouissance des assurances de paixdonnées par le conseil de l’île et affichées à profusion dans toutela colonie ; aussi, malgré l’état d’inquiétude que faisaitnaître, parmi la population blanche, le provisoire dans lequel lepays était plongé depuis que, par un décret de la Convention, endate du 16 pluviôse an II, les noirs avaient été déclaréslibres ; inquiétude qui prenait chaque jours des proportionsplus grandes à cause des vexations de toutes sortes dont étaientaccablés les habitants paisibles ; ceux-ci, confiants dans lespromesses du général Magloire Pélage, homme de couleur et patriotesincère, qui n’avait pas hésité à assumer sur lui seul la lourderesponsabilité de mettre un terme à cet état de choses, avaient-ilsoublié leurs préoccupations ; et, avec cette insoucianteimprévoyance créole dont aucun péril, si grand qu’il fûts, nesaurait triompher, ils étaient accourus de toutes parts pourassister au bamboula.

Une foule bigarrée se promenait sur la plage,riant et causant, sans jamais se mêler, chaque caste évitantsoigneusement tout contact avec une autre ; seuls lesBanians ou petits blancs, ces singuliers colporteurs descolonies, circulaient à travers la foule sans le moindreembarras ; accostant les groupes divers avec un éternel etbanal sourire stéréotypé sur les lèvres ; et offrant avec lemême entrain et la même politesse leurs marchandises aux Blancs etaux Noirs, aux Capres et aux Mulâtres ; les canonniers et lessoldats des deux batteries étaient aussi venus prendre part à lafête ; ils n’étaient pas les moins turbulents.

Devant un ajoupa où trônait majestueusementune magnifique mulâtresse de trente ans au plus, connue sous le nomde maman Mélie, et qui jouissait de la réputation de débiter, sansaugmentation de prix, les meilleurs rafraîchissements de l’anse àla Barque, quatre ou cinq bosquets avaient été établis ; deuxde ces bosquets étaient occupés ; le premier, par deux noirsde pure race Mozambique, taillés en hercules, au regard louche et àla mine sournoise ; ces noirs, tout en buvant du tafia àpleins verres, causaient entre eux d’une voix basse et contenue, enlançant par intervalles des regards menaçants et chargés de hainevers le second bosquet, sous lequel trois personnes de race blancheétaient assises.

Ces trois personnes devaient appartenir à laplus haute société de la colonie, car un nègre d’un certain âge,porteur d’une bonne figure et vêtu d’une riche livrée, se tenaitdebout à l’entrée du bosquet, assez loin pour ne pas entendre laconversation de ses maîtres, et assez près pour exécuter àl’instant les ordres qu’il leur plairait de lui donner. En effet,ce digne nègre qui répondait au nom tant soit peu bucolique deMyrthil appartenait à M. le marquis de la Brunerie, l’un desplanteurs les plus riches et les plus influents de l’île ;c’était le marquis lui-même qui, en ce moment, se trouvait assissous le bosquet, en compagnie de sa fille, mademoiselle Renne de laBrunerie et du capitaine Paul de Chatenoy, son parent éloigné, aidede camp du général Sériziat, à la suite duquel il était arrivéquelques semaines auparavant à Marie Galante, où le général avaitprovisoirement établi sa résidence.

La famille de la Brunerie, alliée aux Houël,aux Boulogne, aux Raby, aux Boisseret, les plus anciennes maisonsde la colonie, celles qu’on nommait les coseigneurs, a toujourstenu un rang élevé et joué un rôle important dans les affaires dela Guadeloupe, depuis l’époque où elle s’y est fixée en 1635,lorsque les Français s’établirent dans l’île après en avoir chasséles Caraïbes.

Dans les premières années du dix-huitièmesiècle, le marquis de la Brunerie, alors soupçonné d’avoir donnéasile sur ses domaines à plusieurs protestants proscrits, accusé enoutre, de faire une vive opposition au gouvernement colonial, futdécrété de prise de corps ; mais, prévenu secrètement il eutle temps de mettre ordre à ses affaires et d’éviter en quittentl’île, l’arrestation dont il était menacé ; avant son départ,il avait eu, dit-on, – car toute cette affaire fut toujoursenveloppée d’un mystère impénétrable, – la précaution, pour éviterla confiscation, de faire un transport fictif de tous ses biens àson frère cadet.

Que devint le marquis après cette fuite ?On l’ignora toujours. Quelques personnes qui l’avaient beaucoupconnu affirmèrent, au commencement de la régence, que, par une nuitsombre et orageuse, une goélette avait jeté l’ancre à l’anse auxMarigots, qu’une embarcation s’était détachée de ce navire et avaitmis à terre un passager, qui n’était autre que le marquis de laBrunerie ; que celui-ci s’était enfoncé dans l’intérieur del’île, se dirigeant vers l’habitation d’Anglemont, alors habitéepar son frère, où on l’avait vu entrer, mais dont personne nel’avait vu sortir ; le lendemain, au lever du soleil, l’anseaux Marigots était déserte, la goélette avait disparu.

Ces bruits, rapidement propagés, causèrent unevive émotion à la Guadeloupe ; une enquête fut faite, sansrésultat ; puis les années s’accumulèrent, de gravesévénements surgirent, cette affaire ténébreuse fut oubliée ;la vie et la mort du marquis restèrent à l’état d’indéchiffrableénigme ; personne ne revendiqua ses biens en son nom ;son frère eu jouit sans être inquiété et les légua en mourant à sonfils qui, ainsi que son père l’avait fait, prit le nom et le titrede marquis de la Brunerie, sans que jamais on essayait de les luicontester.

Le marquis de la Brunerie dont nous nousoccupons, était le fils de ce la Brunerie ; à l’époque où nousle rencontrons, c’était un homme de soixante ans, encore vert,d’une taille élevée, de manières élégantes et d’une physionomiedouce, sympathique et empreinte d’une constante mélancolie ;doué de qualités sérieuses, d’une intelligence développée parl’étude, il faisait partie de cette noblesse éclairée, dans lesrangs de laquelle les grands penseurs du dix-huitième siècleavaient recruté de si nombreux et de si ardents adeptes.

En apprenant l’établissement de la Républiqueen France, M. de la Brunerie avait, sans regret, faitl’abandon de ses titres pour devenir simple citoyen ; depuislors, il avait suivi, sans se démentir, la ligne de conduite qu’ils’était tracé ; aussi, loin de déchoir, son influence s’étaitaccrue, et il était considéré comme un des hommes les plushonorables de la Guadeloupe.

Son cousin, le capitaine Paul de Chatenoy,avait vingt-cinq ans ; c’était un beau et fier jeune homme, àl’âme ardente et enthousiaste, passionné pour la carrière qu’ilavait embrassée et qui semblait lui promettre un brillant avenir.Il aspirait en secret à la main de sa cousine, union queM. de la Brunerie aurait vue peut-être avec plaisir, maisdont la jeune fille paraissait ne se soucier que médiocrement.

Renée de la Brunerie, âgée de dix-sept ans,était belle de cette excentrique beauté créole à laquelle aucuneautre ne saurait être comparée. Nonchalamment assise comme ellel’était en ce moment, sous ce bosquet verdoyant que tachetaient çàet là des jasmins d’Espagne, au milieu de ce cadre vert et embaumé,irisé par la lumière des lanternes de lueurs changeantes etfugitives, le buste légèrement penché en arrière, ses grands yeuxbleus aux regards rêveurs, errants à l’aventure et sans but, avecdes flots de cheveux noirs tombant sur ses blanches épaules, sonfront pure transparent comme de la nacre, elle ressemblait, dans lademi-obscurité du feuillage, à l’une de ces pâles apparitionscréées par le génie poétique d’Ossian.

La jeune fille ne prenait aucune part à laconversation, elle ne l’entendait même pas, elle rêvait.

Cependant cette conversation était très-animéeet surtout fort intéressante : M. de la Brunerie etde Chatenoy causaient politique.

Le planteur s’étonnait à bon droit que legénéral Sériziat, au lieu de se rendre directement à la Guadeloupe,ainsi qu’il en avait reçu l’ordre du premier consul à son départ deFrance, eût prêté l’oreille aux calomnies de l’ex-capitaine généralLacrosse, cet homme que sa tyrannie et ses concussions avaientrendu odieux aux habitants, et que le général Pélage, pour luisauver la vie, s’était vu contraint d’arrêter et de chasser de lacolonie ; que, cédant aux insinuations de cet homme méprisé detous, et qui s’était réfugié à la Dominique sous la protectionanglaise, le général Sériziat eût noué des relations avec lui, aupoint de l’aller visiter au milieu du camp volant que, depuisquelques semaines, cet homme avait eu l’audace d’établir auxSaintes, sans doute dans le but de tenter un débarquement à laGuadeloupe, et de replonger le pays dans l’anarchie, en excitant laguerre civile.

Le capitaine, fort peu diplomate de sa natureet très-embarrassé pour répondre, essayait d’éluder, autant quepossible, les questions pressantes que lui adressait leplanteur ; n’ayant à donner que des raisons spécieuses, il sebornait à dire que le général Sériziat, ignorant complètement lesfaits qui, depuis dix ans, s’étaient passés dans la colonie,craignait de se compromettre avec les partis ; qu’iltemporisait en attendant l’arrivée prochaine de l’expédition partiede France sous les ordres du général Richepance, qu’il considéraitcomme son chef immédiat et dont, par une initiative maladroite, ilne voulait pas faire manquer les plans.

Pendant que M. de la Brunerie et lecapitaine causaient ainsi, dans le bosquet voisin, les deux nègresdont nous avons parlé plus haut, avaient entre eux une conversationsur un sujet complètement différent, mais qui ne laissait pas quede les intéresser vivement.

Ces nègres étaient sans nul doute desMarrons ; tout en eux, leurs vêtements, leursmanières, l’inquiétude qui, parfois, éclatait dans leurs regardsfureteurs, le décelait clairement ; il fallait que ces hommesfussent doués d’une extrême audace, ou que des motifs d’une hautegravité réclamassent leur présence en ce lieu, pour qu’ils eussentosé se risquer, un soir de bamboula, à l’anse à la Barque, aumilieu de tant de gens dont la plupart les connaissaient etpouvaient, même sans mauvaise intention, les perdre en trahissantleur incognito.

Le lecteur sera sans doute surpris de nousvoir mettre en scène des nègres marron, c’est-à-dire des esclavesen état de rébellion, dans un pays où, avons-nous dit, la libertédes hommes de couleur avait été proclamée.

Cette surprise cessera sans doute lorsque nousaurons dit que le décret de la Convention, bien que promulgué à laGuadeloupe par le représentant Hugues, resta presque à l’état delettre morte dans la colonie ; trop d’intérêts étaient en jeupour qu’il fut exécuté.

Après le départ du représentant de laConvention nationale, les colons, guidés par une cupidité odieuseet aidés par des gouverneurs qui se firent leurs complices,rétablirent, sinon de droit, du moins de fait, l’esclavage desnègres. La plus grande partie des noirs et des mulâtres nevoulurent pas se soumettre aux exigences illégales du gouvernementcolonial ; ils se jetèrent dans les mornes et furent malgré ledécret d’émancipation considérés comme marrons ou révoltés. Destroubles naquirent de cet état de choses ; ils s’augmentèrentdes menées des anglais et prirent une forme très-menaçante après ledécret déplorable du premier consul ; décret rétablissantlégalement l’esclavage.

Les expéditions de Saint-Domingue et de laGuadeloupe n’eurent en réalité d’autre but que l’exécution de cedécret, à la fois inique et impolitique et qui fit tant de mal à laFrance.

– Allons, Saturne, mon ami, dit l’un des noirsà l’autre, en lui versant du tafia, bois un coup, cela teremettra ; jamais je ne t’ai vu aussi triste.

– Ah ! massa Pierrot ; réponditmélancoliquement Saturne en vidant son verre d’un trait ; j’aile cœur malade.

– Tu n’es qu’un poltron ; de quoi as-tupeur ?

– Je n’ai pas peur pour moi, massaPierrot.

– Pour qui donc alors ?

– Pour massa Télémaque ; je crains qu’ilne lui soit arrivé malheur.

– Saturne, mon ami, tu es un niais ;massa Télémaque est le bras droit du capitaine Ignace, il ne peutrien lui arriver.

– C’est possible ; pourtant…

– Tais-toi ! interrompit brusquement soncamarade ; c’est moi qui t’ai recommandé à massaTélémaque ; je lui ai répondu de toi ; tu sais pourquoinous sommes ici ; fais attention à ne pas faiblir quand lemoment d’agir sera venu, sinon je te promets que je saurai tepunir.

– Je ferai mon devoir, massa Pierrot ; necraignez rien de moi.

– C’est bon, tu es averti ; nous verronscela. À ta santé !

Et ils burent.

Au moment où Pierrot se versait une nouvellerasade, une ombre se dessina à rentrée du bosquet, ombre massive etgigantesque, et un homme pénétra sous le feuillage, après avoirécrasé d’un vigoureux coup de poing les deux lanternes en papierqui éclairaient tant bien que mal l’intérieur du bosquet.

– Sacrebleu ! êtes-vous fous ?grommela-t-il d’un ton de mauvaise humeur, en se laissant tomberplutôt qu’il ne s’assit sur un siège.

– Massa Télémaque ! s’écrièrent les deuxnoirs.

– Silence ! brutes que vous êtes,reprit-il ; ce lieu est-il propice pour crier ainsi monnom ! Pourquoi avez-vous laissé ces deux lanternesallumées ?

– Mais, massa… murmura Pierrot.

Télémaque ne lui donna pas le temps d’acheverla phrase, sans doute assez embrouillée qu’il commençait.

– Afin qu’on vous reconnaisse plus facilement,n’est-ce pas, idiots que vous êtes ? interrompit-il enhaussant les épaules avec mépris.

Les nègres baissèrent humblement la tête sansrépondre.

Ce Télémaque était un mulâtre gigantesque,taillé en athlète, aux traits repoussants et aux regardsfauves ; il portait clairement le mot : Potence,écrit sur son front déprimé comme celui d’un félin.

Après avoir bu une large rasade de tafia, ilreprit :

– Est-elle là ?

– Oui, massa, répondit vivement Pierrot.

– Seule !

– Non ; vous pouvez l’apercevoird’ici ; elle est accompagnée de son père et de son cousin deFrance, l’aide de camp du général Sériziat.

– Tant mieux ; murmura Télémaque d’unevoix sourde.

Il y eut un instant de silence pendant lequelles trois hommes remplirent et vidèrent d’autres verres à plusieursreprises ; Télémaque jetait autour de lui des regards inquietset fureteurs.

Après une légère hésitation, le mulâtre sepencha en avant, et poussa un cri doux et modulé, ressemblant à s’yméprendre à celui du courlis, cri que deux fois il répéta à uncourt intervalle.

Quelques minutes s’étaient à peine écoulées,lorsque maman Mélie se glissa silencieusement sous lebosquet ; la mulâtresse tremblait, son visage avait cetteteinte d’un gris terreux qui est la pâleur des nègres ; elletenait par contenance une bouteille de tafia de chaque main. Aprèsles avoir posées sur la table, elle se tint immobile devantTélémaque, qui fixait sur elle son regard lançant des lueursfauves.

Il fallait que le mulâtre possédât sur cettefemme une puissance occulte bien grande, pour la contraindre ainsià tout abandonner pour accourir à son premier signal et se mettre àses ordres, elle si dédaigneuse et si hautaine d’ordinaire, mêmeenvers les personnes qu’elle avait intérêt à ménager.

– Eh ! eh ! te voilà, dit enfinTélémaque en ricanant. Bonsoir, maman Mélie.

– Bonsoir, répondit-elle brusquement ;que me voulez-vous, missa Télémaque ? Parlez vite, je suispressée.

– Nous le sommes tous ; reprit-il sur lemême ton. Je suis ici de la part du capitaine Ignace.

– Je le sais, il m’a prévenue hier.

– C’est bien. Es-tu décidée à luiobéir ?

La mulâtresse frissonna et baissa la tête sansrépondre.

– Es-tu décidée à obéir aux ordres que tu asreçus ? reprit durement le mulâtre.

– Pourquoi le capitaine Ignace veut-il tuermamzelle ? murmura Mélie avec hésitation.

– Que t’importe ! Ce ne sont pas tesaffaires.

– Mamzelle Renée est bonne pour les pauvresgens de couleur, insista la mulâtresse d’une voix insinuante ;elle leur fait beaucoup de bien ; le capitaine Ignace ne laconnaît pas ; il ne peut vouloir sa mort.

– Tu as tort et raison à la fois, maman Mélie,répondit le mulâtre avec un rire féroce ; il ne connaît pasmamzelle Renée, cependant il veut qu’elle meure.

– Pourquoi la tuer ?

– Je pourrais ne pas répondre à cettequestion, mais ce soir je me sens de bonne humeur et je consens àte satisfaire ; écoute-moi et fais ton profit de mesparoles : L’Œil Gris, le vieux Chasseur de rats… tu leconnais, celui-là, n’est-ce pas ?

– L’Œil Gris est un méchant obi ilest l’ennemi des noirs, répondit la mulâtresse enfrissonnant ; il tue sans pitié les pauvres marrons qu’ilpoursuit dans les mornes comme des bêtes sauvages ; leChasseur de rats possède un grigri qui le rend invulnérable ;les balles s’aplatissent sur son corps ; les sabres et lespoignards se brisent en le touchant ; tous les hommes decouleur le détestent.

– C’est cela même, dit le mulâtre d’une voixsourde ; vingt fois le capitaine Ignace a tenté de le tuer,vingt fois il a échoué ; le grigri du Chasseur de rats a étéplus puissant que celui du capitaine ; voyant cela, Ignare sefit faire un Quienbois, par la sorcière de laPointe-noire ; alors il apprit que la vie du vieux Chasseurétait attachée à celle de mamzelle Renée, parce qu’il l’aime commesi elle était sa fille, et qu’en tuant l’enfant du planteur, l’ŒilGris mourrait aussitôt. Me comprends-tu ?

– Oui, je vous comprends, répondit-elle enhochant tristement la tête ; mais c’est bien cruel de tuer unesi bonne et si belle mamzelle.

– Il le faut ; d’ailleurs, c’est uneblanche.

– C’est vrai, pauvre enfant, sa peau estblanche, mais son cœur est semblable aux nôtres.

– Qu’importe cela ! Obéiras-tu ?Songe que le capitaine Ignare peut t’y contraindre.

– Il est inutile de menacer, répondit mamanMélie avec un frisson d’épouvante. J’obéirai.

– Quand cela ?

– Avant une heure, elle sera morte.

– Prends garde de te jouer de moi !

– J’obéirai reprit-elle d’une voixnerveuse.

– Va ! J’attendrai ici l’accomplissementde ta promesse.

La mulâtresse fit un geste de désespoir etelle disparut.

– À boire ! dit le mulâtre en tendant sonverre à Saturne qui le remplit ; bientôt nous saurons si cedémon de Chasseur est véritablement invulnérable.

– Nous n’avons qu’une heure à attendre, ditPierrot d’un air câlin, ce n’est rien.

– J’espère que cette fois nous réussirons,reprit le mulâtre ; j’ai bon espoir ; cet homme, quitoujours, jusqu’à présent, était, on ne sait comment, averti desembuscades que nous lui tendions, on ne l’a pas aperçu depuishier ; personne ne l’a vu ; donc, il ne sait rien, sanscela il serait ici.

– C’est positif ; ponctua Pierrot.

– Silence ! s’écria tout à coupSaturne.

– Pourquoi silence ?

– Regardez ! le voilà ! reprit lenoir en étendant le bras dans la direction de la plage.

– L’œil Gris… ! murmurèrent les deuxhommes avec une indicible épouvante.

Par un mouvement instinctif, dominés par laterreur superstitieuse que leur inspirait cet homme étrange, ils seblottirent en tremblant au fond du bosquet et demeurèrent immobilesdans la ténèbres, effarés et respirant à peine.

L’Œil Gris étant, sinon le principal, maistout au moins un des plus importants personnages de cette histoire,il est indispensable de le bien faire connaître au lecteur. Dix ansenviron avant l’époque où commence notre récit, le trois-mâts deNantes, l’Aimable-Sophie, arriva à la Basse-terre, venantde Québec. Au nombre de ses passagers, il se trouvait un homme qui,pendant toute la traversée, avait été un problème insoluble pourl’équipage et pour le capitaine lui même.

Cet homme connu seulement sous le nom de L’ŒilGris, avait soldé d’avance son passage en onces mexicaines ;de plus, il avait été chaudement recommandé au capitaine par un desprincipaux négociants de Québec ; il était donc parfaitementen règle de toutes les façons ; il n’y avait pas la moindreobservation à lui adresser.

Quant aux curieux qui avait tenté del’interroger, il les avait si vertement reçus au premier mot qu’ilsavaient hasardé, que tout de suite l’envie leur était passée decontinuer ou même de lier connaissance avec lui.

C’était d’ailleurs un homme sociable, ne seplaignant jamais de rien ; passant des journées entières à sepromener de long en large sur le pont, sans parler à personne, etdont la seule distraction consistait à tirer au vol, sans jamaisles manquer, les frégates, les damiers ou les alcyons assezimprudents pour se risquer trop près du navire.

L’inconnu avait, ou du moins paraissait avoirsoixante ans ; peut-être était-il plus âgé ; peut-êtrel’était-il moins ; nul n’aurait pu dire au juste son âge.

C’était un grand vieillard de près de sixpieds, d’une verdeur, d’une agilité et d’une vigueurextraordinaires ; sa maigreur brune et osseuse laissaitpresque à nu le jeu actif et passionné de ses muscles. Ce quifrappait dans son étrange physionomie, c’était un type fortprononcé dont le galbe mince, effilé, saillant, tenait quelquechose de l’Arabe, bien que sa peau, tannée par le froid, le chaud,le vent, la pluie et le soleil, eut la couleur de la brique ;la rudesse pénétrante de ses yeux presque ronds, ardents etmobiles, dont le disque était un charbon et le regard une effluvemagnétique ; sa barbe d’un blond fauve, semée de quelques filsd’argent, tombait en éventail sur sa poitrine. Il avait le frontlarge, pur et échancré ; à la moindre émotion, au plus légerpli qui se formait sur ce front si lisse d’ordinaire, ses longscheveux fauves avaient la singulière propriété de se hérisser, etalors cette figure extraordinaire prenait une ressemblancefrappante avec celle de l’aigle.

Le costume de cet homme était aussi bizarreque l’était sa personne.

Il se composait d’un, vêtement entier, veste,culotte et guêtres montant sur le genou, le tout en peau de daim àdemi tannée ; il couvrait sa tête avec bonnet en peau derenard dont la queue lui pendait par derrière jusqu’au milieu dudos ; une large ceinture, en cuir comme le reste de soncostume, lui serrait étroitement la hanches et soutenait, à droite,un sac à balles et une poire à poudre faite d’une corne de buffle,à gauche, un couteau de chasse à lame large et effilée, et unehache.

Ainsi vêtu, chaussé d’épais souliers en cuirfauve, et tenant à la main un long fusil de boucanier, cet hommeavait un aspect imposant qui attirait la sympathie ; onsentait qu’il y avait dans cette nature rebelle quelque chose defort et de puissant qui devait être respecté.

À peine le trois-mâts l’AimableSophie eut-il laissé tomber son ancre dans la rade de laBasse-terre, que le passager se fit mettre à terre, traversa laville sans s’y arrêter et s’enfonça le fusil sur l’épaule dans lesmornes.

Plusieurs mois s’écoulèrent sans qu’onentendit parler de lui ; il chassait, non pas la grosse bêteni le fauve, la Guadeloupe ne possède et n’a jamais possédé aucunanimal nuisible ; or, cet homme, véritable chasseur etChasseur canadien qui plus est, c’est-à-dire accoutumé à luttercorps à corps avec les ours, et à combattre les animaux les plusredoutables, devait mener une existence assez insipide dans cetteîle, où, pour lui, la chasse était réduite à sa plus simpleexpression.

Il paraît qu’il comprit bientôt ce que cetteposition avait de précaire ; avec cette rapidité de conceptionqui était un des côtés saillants de son caractère, il résolut demodifier complètement sa manière de vivre et de tirer parti aupoint de vue de l’intérêt général de ses qualités dechasseur ; cette résolution prise, il l’exécuta immédiatementde la façon suivante.

Nous avons dit que la Guadeloupe ne possèdepas d’animaux nuisibles ; nous nous sommes trompés : ellepossède des rats énormes apportés par les navires ; cesrongeurs sont de véritable plaie pour le pays ; ils dévorenttout ; un champ de cannes à sucre ou de café dans lequel ilsse mettent est perdu pour son propriétaire ; en moins dequelques jours tout est ravagé ; leur dommages sontimmenses ; aussi les planteurs se sont ils entendus pour payerune prime considérable aux gens assez avisés pour les délivrer deces hôtes incommodes.

Notre personnage fit venir, on ne sut jamaisd’où, deux couples de ces chiens que l’on nomme aujourd’huiratiers ; il les dressa en conséquence et se fit chasseur derats ; il parcourut alors les plantations, suivi, sur lestalons, par une demi-douzaine de chiens microscopiques aux oreillesdroites, au flair infaillible, à l’œil de feu, aux jarrets de feret aux muscles d’acier, avec lesquels il fit aux rats une guerreimplacable, d’où vint le nom de Chasseur de rats qui futimmédiatement ajouté à celui d’Œil Gris, sous lequel il était déjàconnu.

Mais cette occupation, si lucrative, qu’ellefut, ne suffisait pas pour satisfaire l’ardente activité de cesingulier personnage ; il lui fallait employer son fusil,devenu pour lui un meuble presque inutile.

À cette époque, la Guadeloupe, en proie à laguerre civile, suite au soulèvement des noirs, pullulait de nègresmarrons, d’autant plus redoutables qu’ils s’étaient réfugiés dansdes mornes inaccessibles, du haut desquels, comme un vol devautours, ils s’abattaient sur les habitations et les livraient aupillage.

Les fauves que depuis si longtemps l’Œil Grischerchait vainement, il les avait enfin trouvés ; il dressases ratiers à dépister les nègres rebelles, et il se fit résolumentchasseur, non plus seulement de rats cette fois, mais demarrons.

Cette chasse incessante à l’homme qu’il avaitajouté à son commerce eut pour résulta de lui faire connaître l’îleet les mornes comme s’il y fût né.

Les esclaves fugitifs ne trouvaient plus deretraites assez sûres pour se soustraire aux poursuites de leurimplacable ennemi ; celui-ci les relançait jusque dans lesmornes ignorés où pendant si longtemps ils avaient joui de la pluscomplète impunité.

Les fugitifs, ainsi harcelés, jurèrent unehaine noire à l’homme qui s’était donné la tâche de lesdétruire.

Le Chasseur eut alors une lutte terrible àsoutenir ; s’il échappa à la mort, ce ne fut que par desmiracles d’adresse, d’astuce et de courage ; maintes fois ilfaillit succomber sous les coups de ces malheureux, réduits audésespoir, car toujours il chassait seul, sans autres auxiliairesque ses ratiers qui ne pouvaient le défendre sérieusement.

Un jour, cependant, sa fortune habituellesembla l’abandonner. Attaqué à l’improviste par une dizaine denègres marrons, malgré des prodiges de valeur et après une luttequi avait pris des proportions épiques, accablé sous le nombre, iltomba ; ses ennemis, acharnés après lui, se préparaient à luicouper la tête, pour être bien certains de l’avoir tué, lorsqu’unbruit soudain les obligea, à leur grand regret, à gagner au pied età prendre la fuite.

À peine eurent-ils disparu dans les méandresde la route qu’une jeune fille ou plutôt une enfant de neufs dixans, montée sur un charmant poney et accompagnée de plusieursserviteurs noirs, se montra à l’angle du chemin.

Cette jeune enfant était Renée de laBrunerie.

En apercevant ce corps étendu à travers dusentier qu’elle suivait, et perdant son sang par vingt blessures,la jeune fille se sentit prise d’une immense pitié ;d’ailleurs, elle connaissait le Chasseur pour l’avoir vu venirplusieurs fois à l’habitation, où il ne faisait, du reste, que derares apparitions et seulement lorsqu’il y était mandé ; ilparaissait éprouver, on ne savait pourquoi, une répulsioninvincible pour la famille de la Brunerie. Renée ne songea à riende tout cela ; elle vit un homme en danger de mort, et, sanshésiter, elle résolut de le sauver.

Le Chasseur fut transporté àl’habitation ; là, les soins les plus attentifs lui furentprodigués.

Renée, malgré sa jeunesse, ne se fia àpersonne du soin de veiller sur le blessé ; elle le soignaavec une abnégation et un dévouement extraordinaires, ne lequittant ni jour, ni nuit ; constamment attentive à ce qu’ilne manquât de rien.

Le marquis de la Brunerie voyait avec joie laconduite de sa fille, le soin avec lequel elle surveillait sonblessé, ainsi qu’elle le nommait ; il était fier de luireconnaître, dans un âge aussi tendre, des sentiments aussi nobleset aussi élevés ; il la laissa donc libre d’agir à saguise.

Le blessé guérit, grâce aux soins de sa jeunegarde-malade.

Alors commença entre le vieillard et l’enfantune de ces intimités dont rien ne saurait exprimer ladouceur ; toute de tendresse de la part de l’enfant, toute dedévouement de celle du vieillard, naïve et profonde des deuxcôtés.

Le Chasseur, tout en continuant à rester, pourles autres membres de la famille de la Brunerie, brusque, brutal etpresque hostile à l’occasion, devint pour Renée presque unpère ; s’ingéniant sans cesse à lui apporter les plumes lesplus rares, les fleurs les plus belles ; tous ces riens,enfin, qui plaisent tant aux enfants.

Deux ans plus tard, la jeune fille tombagravement malade, un instant on désespéra de sa vie ; cettefois le Chasseur paya amplement la dette qu’il avait contractée, endevenant à son tour, le sauveur de celle qui l’avait sauvé.

La douleur du vieillard fut immense lorsquel’époque arriva où, selon la coutume contractée aux colonies, Renéedut se rendre en France pour y terminer son éducation, et qu’il futcontraint de se séparer d’elle.

Pendant tout le temps que dura l’absence de lajeune fille, le Chasseur ne parut pas une seule fois à laplantation ; il ne faisait plus rien qui vaille ; sonexistence s’écoulait triste et décolorée ; il vivait àl’aventure, pour ne pas mourir ; il voulait larevoir !

Lorsque le retour prochain de Renée de laBrunerie fut annoncé, il surveilla attentivement les navires quiapparaissaient dans les atterrissages de la Guadeloupe.

Lorsqu’elle débarqua à la Basse-terre, lapremière personne sur laquelle se reposa son regard fut le Chasseurqui, retiré un peu à l’écart, appuyé sur son long fusil, lacontemplait d’un air attendri, s’émerveillant de la revoir sibelle.

Il recommença alors à fréquenter l’habitationde la Brunerie ; Renée était revenue.

C’était bien le Chasseur que les trois nègresmarrons avaient aperçu ; il n’y avait pas le moindre doute àavoir sur son identité.

Le Chasseur, suivi pas à pas par ses ratiers,marchait doucement, le fusil sous le bras, le front pensif, et nesemblant accorder, tant il se concentrait en lui-même, qu’unetrès-médiocre attention à ce qui se passait autour de lui.

Il traversait insoucieusement les groupes quis’ouvraient, soit par crainte, soit par respect, pour lui livrerpassage.

Il arriva ainsi devant le bosquet au fondduquel les marrons étaient réfugiés, presque évanouis deterreur.

Les ratiers, moins préoccupés que leur maître,tombèrent aussitôt en arrêt en grondant sourdement.

Les nègres se crurent perdus.

Mais, en ce moment, soit hasard, soit toutautre mot, le Chasseur releva la tête et, à quelques pas de luiseulement, il aperçut Renée de la Brunerie.

Son front soucieux s’éclaircit subitement, undoux sourire entrouvrit ses lèvres ; il pressa le pas et sedirigea droit au bosquet où se trouvait la jeune fille.

Les chiens, voyant leur maître s’éloigner, serésignèrent à le suivre ; mais ce ne fut qu’après avoirlongtemps hésité qu’ils levèrent enfin leur arrêt.

Cette fois les nègres étaient sauvés, ou, dumoins, ils le supposaient.

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