Le Monastère des frères noirs

CHAPITRE XIII.

Après le départ de Grimani, Lorédan se livra à de profondes réflexions sur les périls qu’ils couraient tous les deux dans ce dangereux monastère. En vain des cœurs généreux voulaient prendre leur défense ; ils ne pouvaient employer que la ruse, tandis que leurs ennemis avaient la facilité de les attaquer à force ouverte. Ces considérations décidèrent Francavilla à ne point prolonger son séjour dans Santo-Génaro plus tard que la journée suivante, à moins qu’une explication franche avec le père Luciani ou l’inconnu ne lui prouvât la nécessité d’agir d’une manière différente.

Cependant l’heure s’écoulait, et Luciani ne revenait point ; son absence inquiétait Lorédan : il se voyait entouré des autres moines, dont aucun ne méritait sa confiance, et s’apercevait que tous cherchaient à lire sur ses traits ce qui se passait dans son âme, ou l’examinaient avec la plus indiscrète curiosité ; et, malgré la couleur dont il avait teint sa figure, les rides dont il l’avait chargée à dessein, il redoutait qu’un œil plus exercé ne parvînt à le reconnaître ; en conséquence il voulut se dérober à ces inquisiteurs d’une nouvelle espèce, et, sous prétexte de céder à la fatigue, il se retira vers le lit qu’on lui avait destiné ; s’étant couché, il s’enveloppa dans ses rideaux.

Il y avait peu de temps qu’il avait pris ce parti lorsque le grand infirmier parut ; il donna sans affectation diverses commissions à ses confrères, et obtint ainsi la faveur de demeurer seul un instant avec Francavilla. Dès qu’il eut acquis la certitude qu’on ne le pouvait entendre : « Marquis Lorédan lui dit-il, on vous destine un sort cruel dans ces odieuses murailles ; elles renferment ordinairement votre plus perfide ennemi ; mais en même temps elles y voient celui qui donnerait sa vie pour préserver la vôtre ; ne me demandez pas son nom, il ne veut pas encore vous l’apprendre ; mais trouvez-vous le vingt-deux de ce mois dans la ville de Palerme à sept heures du soir, et dans la cathédrale… »

Lorédan interrompit ici le grand infirmier pour lui dire qu’une pareille injonction lui avait déjà été faite par le bon Stéphano, et qu’il avait trop d’impatience de connaître la vérité pour refuser de se trouver en un lieu où d’aussi précieux éclaircissemens lui étaient promis.

Tandis qu’il parlait, Luciani, jetant les yeux dans la salle, s’aperçut qu’Amédéo n’y était pas ; il demanda avec intérêt de ses nouvelles, et apprit qu’il était descendu dans la forêt pour s’y promener.

« Voilà, dit Luciani, une circonstance bien avantageuse ; il était important de vous séparer de ce jeune homme, car on eût pu faire difficilement pour deux ce qu’on fera pour un ; et puisqu’il a quitté le monastère, je vais faire en sorte qu’il n’y rentre plus : son absence, si elle est remarquée, produira peu d’effet. Nous dirons qu’il se sera égaré, ou plutôt, qu’effrayé des bruits sinistres répandus sur cette habitation, il n’a plus osé y rentrer une fois qu’il l’a eu quittée. »

Lorédan eût pensé peut-être le contraire, mais on ne lui donna pas le temps de faire connaître son opinion : le religieux sortit avec empressement et fut écrire la lettre que nous avons vu remettre à Grimani par Jacomo ; en même temps il chargea celui-ci de lui faire revêtir un costume de Frère noir, et de le conduire dans la cabane de Stéphano, où il avait le moyen de mener Lorédan par une route plus inconnue et moins dangereuse tout à la fois.

Après cette expédition faite, il revint au lieu où Lorédan continuait de se livrer à sa mélancolie, et lui demanda s’il voulait, pour se distraire, prendre l’air sur une tour voisine. Il faut observer que, durant ce temps, plusieurs moines étaient revenus, et que leur surveillance avait recommencé. Lorédan, voyant dans chaque question du grand infirmier, un motif secret de conduite, lui répéta que sa faiblesse était excessive, mais que cependant il aurait besoin d’essayer par la marche, de rendre quelque force à ses nerfs engourdis.

En l’entendant acquiescer à sa proposition, le religieux se tourna vers l’un de ses confrères, et lui demanda, comme étant le plus près de lui, s’il ne voulait pas l’accompagner dans sa petite course ; celui à qui il parlait, soigneusement enveloppé dans son capuce, comme presque tous les autres religieux, lui répondit par une profonde inclination ; et, s’approchant de Lorédan, lui offrit son bras pour lui aider à monter les escaliers de la tour.

Francavilla, soigneux de bien jouer son rôle, n’eut garde de le refuser ; il s’appuya au contraire avec pesanteur, comme quelqu’un qui pose son pied avec peine sur le plancher ; mais à peine eut-il pris le bras de ce religieux, que celui-ci le pressa contre le sien avec une force extraordinaire ; et à la douce émotion qui s’éleva dans le cœur de Lorédan, il ne douta plus que le religieux dont il recevait cette marque d’affection ne fût son ami le prince Luiggi Montaltière, et le mystérieux personnage de la veille.

Cette idée lui donna un saisissement véritable, et il se mit à trembler. O Luiggi ! dit-il d’une voix basse, cher Luiggi, est-ce toi ! À ces mois, son conducteur le regarde fixement, lève les mains vers le ciel, et s’enfuit avec une précipitation extrême.

Luciani, distrait en ce moment, n’avait pu voir la scène qui venait de se passer ; il ne se retourna qu’arraché à ses réflexions par l’exclamation de surprise de Lorédan, et par le bruit des pas du religieux qui se retirait avec vitesse ; il en demeura confondu. Heureusement qu’ils avaient déjà dépassé l’infirmerie, et que nul regard ne veillait sur eux ; il eut l’air, par l’expression de son visage (que seul il ne voilait pas), de demander au pélerin s’il pouvait lui expliquer le motif de cette fuite soudaine ; mais le marquis se refusa à satisfaire sa curiosité, en feignant d’ignorer comme lui la cause d’une démarche bizarre.

Lorédan avait compris que Luiggi désirait garder un profond silence et se dérober aux tendresses de l’amitié ; il s’en voulait de lui avoir laissé connaître qu’il le devinait ; et dorénavant, décidé à respecter des motifs dont il ne pouvait apprécier l’importance, il avait pris la résolution de paraître ne rien apercevoir ; cependant il ne se souciait plus de continuer une course dont le but était manqué, et il demanda à Luciani de rentrer, puisque son compagnon, qui paraissait avoir quelque chose à lui dire, avait changé de pensée.

Le grand infirmier y consentit facilement ; lui-même n’était pas fâché d’aller s’enquérir auprès du mystérieux moine des motifs qui avait dicté sa retraite imprévue ; il ramena donc le pélerin dans l’infirmerie, disant à haute voix à ses confrères que la faiblesse du malade ne lui avait pas permis d’aller plus loin.

Dans ce moment une grande rumeur s’éleva dans l’intérieur du monastère : on entendait courir çà et là ; on ouvrait, on fermait les portes avec violence. Lorédan, à cette rumeur soudaine, se sentit ému ; il tressaillit en regardant Luciani ; celui-ci n’était pas non plus trop à son aise lorsque leur trouble fut augmenté d’une étrange manière, par un religieux, qui, arrivant, annonça que le père abbé avait tout-à-coup interrompu son voyage vers Taormina, et qu’il rentrait à l’heure même.

À la pâleur subite que cette nouvelle répandit sur les traits de Luciani, le marquis Francavilla comprit qu’un danger véritable venait de renaître ; et son âme généreuse s’applaudit à la pensée que le jeune Amédéo était à l’abri de ce péril ; il se résigna aux malheurs qui pouvaient le frapper, et se recommanda à la Providence, dont jusqu’alors la bonté ne l’avait pas abandonné.

Le grand infirmier prenant la parole, dit à haute voix au pélerin : « Demeurez tranquille durant le reste de la journée, je chercherai à revenir vous voir ; mais en ce moment mon devoir m’appelle auprès de notre digne abbé ; je vais lui faire ma révérence et connaître la cause de ce retour qui me surprend étrangement. » Francavilla s’inclina, et d’un coup-d’œil lui fit lire toutes les inquiétudes qui prenaient naissance dans son âme.

Lorédan demeuré seul, chercha à se distraire en parcourant un énorme manuscrit qu’un moine lui offrit ; il y trouva une foule d’histoires plus tragiques les unes que les autres, et peu propres à calmer son inquiétude, car elles ne lui retraçaient que de sanglantes catastrophes ou d’épouvantables apparitions. Ces récits fermentaient dans une tête superstitieuse comme celle de tous ses compatriotes, et loin de le consoler, le plongeaient dans une sourde mélancolie.

Dans le temps que, tout absorbé dans sa lecture, il paraissait ne point s’occuper de ce qui se passait autour de lui, et que d’ailleurs les rideaux du pied de son lit étant tirés, le séparaient du reste de la salle, il entendit un religieux entrer, et dire à l’un de ses compagnons : » Je savais bien qu’il était impossible que notre abbé fut revenu sans un motif bien pressant ; certes, celui qui le ramène est pour lui d’une bien haute importance. On vient de nous appendre, et il le savait déjà, que le marquis Francavilla, suivi d’un de ses parens, rôdait autour de la forêt, et que peut-être même ils n’avaient pas craint d’en dépasser l’enceinte. » Ces mots, quoique prononcés à voix basse, parvinrent à Lorédan. Le livre lui tomba des mains, et il se prépara à voir bientôt paraître les émissaires de son persécuteur. Mais, reprit le second moine, sait-on quel déguisement ils ont pris ; je ne puis croire que le téméraire voulût attaquer les Frères Noirs à force ouverte.

– Non, on n’en parle pas, mais on pourra le deviner ; une surveillance nouvelle va être commandée, et tout nous fait présumer qu’il sera en notre pouvoir avant la fin de la journée.

– Je le souhaite, espérant qu’alors le père abbé se relâchera de sa sévérité extrême, et que le monastère ne sera plus inaccessible aux créatures qui autrefois nous y apportaient des distractions.

– Savez-vous la cause de la haine que le père abbé lui porte.

– Allez le lui demander à lui même ; connaissons-nous le père abbé ? n’est-il pas venu ici sous un nom qu’on nous a défendu de prononcer, et qui n’est pas le sien ? car il est inconnu à tout le monde. Vous savez comme cela s’est fait, un ordre du Pape sollicité par notre défunt abbé, nous a donné d’abord celui-ci pour coadjuteur, et quand notre supérieur a été mort, six jours après, nous sommes devenus les humbles sujets de ce nouveau maître, plus despote, plus impérieux cent fois que le premier.

Cette conversation instruisait Lorédan ; il eût voulu en apprendre davantage, lorsqu’un vent léger venant à lui frapper le visage, attira pour un moment son attention ; il regarda autour de lui d’où pouvait provenir cet air plus frais, et aperçut que la petite porte qui était placée au chevet de son lit, s’ouvrait par un mouvement presqu’insensible. Cette découverte détourna ses tristes idées, et il ne douta point qu’un consolateur ne s’introduisit par cette entrée.

Lorsque la porte eut été un peu plus poussée, un bras passa au travers, et fit signe à Lorédan de venir à lui. Francavilla se préparait à se lever pour obéir à cette injonction, espérant que les rideaux de son lit se trouvant fermés, les religieux qui se promenaient dans la salle ne le pouvaient apercevoir. Mais à l’instant où il se glissait au bas de sa couche, on entendit un grand bruit vers l’entrée de l’infirmerie, et aussitôt on referma brusquement la petite porte.

Lorédan péniblement désappointé, se remit à sa place : toujours inquiet, et craignant quelque nouvelle mésaventure, il ne resta pas long-temps dans son indécision sur la cause de cette rumeur.

On approcha avec fracas de son lit, et les rideaux en ayant été ouverts avec violence, il vit le père prieur accompagné du grand infirmier, de plusieurs autres religieux et frères lais. Cette vue lui annonça son infortune, car la sévérité éclatait dans toutes les contenances, et même la figure de Luciani avait perdu sa bienveillance accoutumée.

– Pélerin, dit le prieur, qu’est devenu votre compagnon ? pourquoi, sorti depuis le matin, n’est-il pas encore revenu dans le monastère ? s’est-il séparé de vous, et a-t-il pu abandonner celui qu’il nomme son frère, au moment où il paraît souffrir ?

– Je serais en peine, révérendissime père, répondit Lorédan en affectant un calme qui n’était pas dans son âme, de vous satisfaire au sujet des questions que vous me faites. Jamais l’amitié de mon frère n’a failli dans les longues traverses que nous avons eues ensemble, et je ne crois pas qu’elle me manque en ce moment. Son absence, il est vrai, se prolonge plus qu’il n’eût dû le faire ; mais je ne sais pas plus que vous la raison qui le retient loin de moi ; plusieurs de ces vénérables religieux sont témoins qu’il a demandé à se promener dans le cloître ou dans le jardin intérieur du monastère. Cette permission lui a été refusée peut-être un peu trop sévèrement, et alors il a désiré descendre dans la forêt : ici cessent les lumières que je pourrais vous donner. Mon frère n’est point revenu ; se sera-t-il égaré, aura-t-il donné dans quelque piège tendu aux voyageurs par ces bandits qui infestent, dit-on, les alentours de Santo-Génaro ? Voilà ce que je ne puis vous dire ; mais qu’il ait eu peur, qu’il m’ait abandonné, je ne le crois point, et cela ne peut pas être.

Ce long discours paraissait plein de franchise, et il eût paru suffisant à des âmes ordinaires ; mais les Frères Noirs étaient trop familiarisés avec les crimes et les perfidies pour ne pas soupçonner partout un peu de dissimulation ; aussi le prieur répliqua au pélerin en ces termes :

– Les brigands dont vous me parlez et qui n’existent peut-être que dans l’imagination de ceux qui cherchent à nous calomnier, n’auraient pas (supposé qu’ils nous environnent), attaqué un voyageur revenant de la Terre-Sainte. Ce n’est point une proie qui leur convienne, et, outre la pauvreté, compagne ordinaire des pélerins, ils auraient à redouter le pouvoir de l’église qui protège de pieux voyageurs. D’après ces considérations il me semble impossible à croire que votre frère soit tombé sous un fer ennemi ; je ne saurais non plus m’imaginer qu’une simple promenade conduise assez loin pour égarer celui qui la fait aux environs du monastère, et les deux motifs qui vous servent à colorer l’absence de votre frère, ou de celui que vous nommez ainsi, ne me paraissent pas devoir être admis. Je penserais et sans craindre de me tromper, qu’ayant satisfait ses désirs curieux, ou rempli sa mission, il est parti pour en aller profiter, et qu’il n’est sorti de Santo-Génaro, que pour se soustraire au juste châtiment mérité par une telle perfidie.

« – Eh ! révérend père, répliqua Lorédan, si vous vouliez réfléchir à tout ceci, vous changeriez bientôt de langage ; pourquoi voulez-vous nous traiter de perfides, nous, pauvres voyageurs qui, conduits par le hasard en ce saint monastère, y avons reçu tous les secours d’une bienveillante hospitalité ; nous qui, depuis notre débarquement à Palerme, avons poursuivi notre chemin sans parler à personne ; et il faudrait placer vos ennemis à Jérusalem, pour admettre la possibilité que nous pussions être leurs agens ; d’ailleurs, en devez-vous avoir ? Est-ce dans la retraite des cloîtres qu’on excite la jalousie, la haine des hommes ? L’éloignement profond dans lequel vous vivez, devrait vous garantir de la crainte de toutes les passions violentes ; elles ne sont le partage que des gens du monde et des méchans.

« – Pélerin, répondit le prieur, plus vous parlez, et moins vous parvenez à conserver l’incognito dont vous espériez vous envelopper ; non, vous n’êtes pas sorti de la classe commune, et dès-lors nous devons avoir de justes raisons pour nous méfier de vous ; enfin nous pourrions croire ce que vous nous dites, si votre compagnon ne s’était point enfui, et si en même-temps, on n’eût pas trouvé assassiné un des soldoyers de notre couvent. »

« – En vous racontant avec simplicité notre histoire, répartit Francavilla, je n’ai pas, je pense, donné à connaître quel était le rang dont nous jouissions, une pareille modestie me semblait convenir à la piété de notre entreprise ; ainsi, vous ne pouvez conclure de ce point rien qui inculpe ma véracité ; et si d’autre part on a rencontré le cadavre d’un de vos hommes d’armes ne puis-je à mon tour craindre que mon frère n’ait subi le même sort ? et, du moins, vous faudra-t-il convenir avec moi que la sûreté de la forêt n’est pas aussi complète que vous avez voulu me le faire croire. »

« – Elle l’était avant que vous et votre compagnon vous y fussiez introduits ; cette sûreté n’a plus existé dès que le marquis Lorédan n’a pas redouté d’en franchir l’enceinte. »

» – Vous croiriez… s’écria involontairement Francavilla. »

« – Oui, nous croyons, interrompit avec vivacité Luciani que votre prétendu frère n’est autre que le baron d’Altanéro ; son audace, sa bravoure nous en sont de sûrs témoignages ; et que vous, Amédéo Grimani, par une générosité mal entendue, vous avez consenti à rester en notre pouvoir pendant son absence. »

Lorédan apprécia toute l’adresse d’un propos pareil, et devina clairement que le grand infirmier cherchait à faire prendre le change sur son compte, et il crut abonder dans son sens en continuant à vouloir soutenir de son mieux le rôle qu’il avait joué jusqu’à cette heure.

« – J’avoue, dit-il, révérendissime père, mon éminente surprise d’une pareille accusation, quoi ! de Paolo Gonsani vous voulez faire un signor Amédéo Grimani, et de mon frère Marcillio, l’illustre marquis et baron de Francavilla ? assurément je n’eusse jamais imaginé une chose pareille, surtout lorsqu’une semblable idée ne repose, selon toute apparence, que sur une conjecture ; il est d’ailleurs, ce me semble, facile de s’assurer de la vérité. »

« – Nous l’aurons bientôt tout entière, répondit le prieur ; avant peu vous paraîtrez devant notre abbé ; il connaît ceux dont la conduite a mérité sa haine, et en vous voyant, il vous rendra d’un seul regard le nom que vous devez porter. »

« – Il n’osera jamais le faire ! s’écria une voix qui partit d’une assez grande distance, mais qui n’en porta pas moins de surprise dans l’âme de tous ceux qui l’entendirent. »

En même temps la conférence fut rompue, le prieur, évidemment inquiet, donna l’ordre de courir s’emparer du téméraire qui se permettait de troubler ainsi, par d’insolentes accusations, la paix du monastère. On obéit à ses ordres, on parcourut tous les lieux environnans, mais on ne découvrit point le personnage qui avait élevé la voix.

Plus les recherches s’annonçaient pour être vaines, plus la confusion du prieur augmentait ; vainement paraissait-il vouloir prendre une contenance assurée, ses efforts étaient inutiles, il ne faisait plus que balbutier, et Lorédan, lui-même, malgré son juste mépris pour un prêtre coupable, avait pour lui quelque pitié.

Voyait enfin qu’on ne pouvait rien découvrir, le père prieur déclara à Francavilla qu’il discontinuait son interrogatoire. « Plus tard, dit-il, on le poursuivra, et jusqu’à ce moment, vous ne sortirez point de l’infirmerie. »

« – Ainsi, dit Lorédan, on attente à ma liberté ! »

« – On en a le pouvoir, pélerin obstiné, répliqua le religieux ; dès-lors soumettez-vous, et apprenez à vous taire. » Ces paroles menaçantes eussent ému davantage Lorédan, si un regard rapide de Luciani ne l’eut rassuré, en lui donnant l’assurance qu’on ne l’abandonnerait pas à la noire méchanceté de ses ennemis.

Francavilla avait crut reconnaître la voix qui avait retenti ; c’était la même dont déjà, par deux fois, les accens avaient frappé son oreille et son cœur, et l’une et l’autre voulaient les attribuer à Luiggi, prince Montaltière ; et sur ce point il ne croyait pas se tromper. Il admirait le courage de cet ami rare, et brûlait plus que jamais du désir de le presser dans ses bras ; agité par cette pensée, il se promenait silencieusement dans la salle de l’infirmerie, où, depuis qu’elle était devenue sa prison, on l’avait laissé seul ; de temps en temps il jetait un regard curieux sur la petite porte placée auprès de son lit, fermement convaincu que sa délivrance lui viendrait de ce côté.

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