Aventures de Lyderic

Chapitre 8

 

Au bout de huit jours, le vaisseau qui devait transporterGunther et Lyderic en Islande étant prêt, ils partirent accompagnésde cent des meilleurs chevaliers du pays des Higlands. En partant,Lyderic donna à Chrimhilde les deux femmes du roi Alberic, dontelle fit à l’instant même ses dames d’honneur, afin de pouvoircauser tout à son aise avec elles de celui qui, pour la posséder,allait tenter une entreprise si périlleuse.

Vers le soir du troisième jour de la navigation, on aperçut unegrande lueur à l’horizon, et les deux jeunes gens ayant interrogéle pilote, celui-ci répondit que ce devait être l’embrasement duchâteau de Ségard.

En effet, à mesure que la nuit s’avança, l’incendie devint plusvisible ; on distinguait les hautes murailles crénelées quibrûlaient sans se consumer, car elles étaient en pierresd’amiante ; puis, dans ces murailles, des portes au nombre dedix, dont chacune était gardée par un dragon.

Au point du jour, le vaisseau, toujours guidé par l’embrasementcomme par un immense phare, aborda dans un beau port que dominaitle château. Gunther voulait aussitôt s’élancer à terre et essayerde passer à travers les flammes ; mais Lyderic le retint, luidisant qu’il avait, lui, tous les moyens de mener l’entreprise àbien ; qu’il le laissât donc faire, et qu’il lui en rendraitbon compte.

Le roi resta donc sur le vaisseau avec ses cent cavaliers, etLyderic, ayant mis Balmung à son côté, passé son fouet d’or à saceinture et posé sur sa tête le casque qui rend invisible, sautasur le rivage, et, sans se donner la peine de choisir une porteplutôt qu’une autre, s’avança vers celle qui était la plus prochede la mer.

Elle était gardée par une hydre monstrueuse qui avait six têtes,dont trois veillaient sans cesse, tandis que les trois autresdormaient.

Lyderic s’avança résolument vers elle ; et, quoiqu’il fûtinvisible, l’hydre entendit le bruit de ses pas ; aussitôt lestrois têtes qui veillaient réveillèrent les trois têtes endormies,et toutes les six se dressèrent en jetant des flammes du côté d’oùvenait le bruit.

Ces flammes étaient si vives et si ardentes, que leur chaleur,jointe à celle des murailles, ne permettait pas à Lydericd’approcher de l’hydre à la longueur de Balmung ; force luifut donc de remettre son épée au fourreau et de se contenter de sonfouet d’or ; mais il s’en escrima si heureusement, qu’au boutde quelques secondes l’hydre tourna le dos et se mit à fuir.

Lyderic la poursuivit et entra avec elle dans la ville ;là, l’ayant forcée d’entrer dans un cul-de-sac, il la fouetta sibien, qu’elle cessa de jeter des flammes pour jeter du sang.

Lyderic profita de ce changement, repassa son fouet à saceinture, tira Balmung, coupa l’une après l’autre les six têtes dumonstre, et continua son chemin.

Il n’y avait point à se perdre, toutes les rues étaient tiréesau cordeau et toutes correspondaient au palais de la princesse, quiétait situé au centre de la ville.

Lyderic s’avança vers ce palais au milieu d’un silenceétrange : tout le long de la route, il trouvait descommissionnaires endormis sur leurs crochets ; des facteurs lebras étendu vers la sonnette de la maison où ils portaient deslettres ; des cochers assis sur le siège de leur voiture, lefouet à la main, des chasseurs derrière ; des marchands et desmarchandes assis sur le pas de la porte ; une procession quiallait à l’église, et tout cela dormait profondément etsilencieusement, à l’exception du joueur de serpent, qui soufflaitde telle façon, que l’on aurait pu croire qu’il continuait à jouerde son instrument.

Le comte de Flandre continua son chemin et entra dans lepalais.

Le même silence qu’au-dehors y régnait.

Le gardien du donjon dormait en tenant sa trompe à lamain ; les chiens étaient couchés près de la porte ; lesoiseaux se tenaient perchés sur les arbres ; les mouchesétaient immobiles sur les murs.

À mesure que Lyderic pénétrait dans les appartements, il luiétait facile de voir que le sommeil avait surpris les habitants duchâteau au milieu d’une fête : les antichambres étaientpleines de laquais qui étaient debout, portant des plateaux serviset rapportant des plateaux vides.

Enfin il entra dans la salle de bal, et il trouva tous lesconviés achevant une contredanse, les uns ayant le bras et lesautres la jambe en l’air : rien d’ailleurs n’était changé à lafigure ; les musiciens avaient l’archet sur les cordes deleurs violons et la bouche au bec de leurs clarinettes.

Sur une espèce de trône était couché un beau chevalier portantune armure étincelante de pierreries et le front couvert d’uncasque d’or.

Comme il semblait le roi de la fête, Lyderic alla droit à lui etdétacha son casque ; mais alors de magnifiques cheveux blondsse répandirent sur ses épaules, et un délicieux visage de femme luiapparut, encadré par eux comme dans une auréole d’or.

Lyderic approcha sa joue de la sienne pour sentir si ellerespirait encore ; un souffle doux et parfumé lui prouva quela vie n’avait point cessé d’animer ce beau corps.

Alors Lyderic, ayant la bouche si près de cette bouche decorail, ne put résister au désir d’y déposer un baiser, mais sidoucement, qu’à peine ses lèvres eurent touché les lèvres de labelle guerrière, celle-ci tressaillit et ouvrit les yeux.

En même temps qu’elle, tout se réveilla : les musiciensreprirent leur ritournelle, les danseurs achevèrent leur gigue, etles laquais entrèrent avec leurs rafraîchissements.

– Sois le bienvenu, jeune homme, dit Brunehilde à Lyderic,car les prophètes ont dit que je ne serais réveillée que par celuià qui appartiendraient un jour cette ceinture et cet anneau.

– Hélas ! belle princesse, répondit en souriantLyderic, tant de bonheur ne m’est point réservé. Je ne suis qu’unambassadeur, et je viens vous demander votre main pour Gunther, roides Higlands, dont je vais épouser la sœur.

– Ah ! ah ! dit Brunehilde en donnant à l’instantmême à son visage l’expression du plus profond dédain ; vousentendez, messieurs et mesdames, celui qui nous envoie demandernotre main n’a pas jugé que nous fussions digne des périls auxquelsil fallait s’exposer pour parvenir jusqu’à nous, et il nous aenvoyé un ambassadeur plus brave que lui.

– Je vous demande pardon, adorable princesse, repritLyderic. Je ne suis pas plus brave que Gunther ; mais lacondition que j’avais mise en l’accompagnant était qu’il melaisserait tenter l’aventure. Arrivé dans le port, je l’ai sommé detenir sa parole, et il a bien fallu qu’il la tînt, car vous savezque c’est le premier devoir de tout brave chevalier que d’êtrefidèle à ses engagements.

– C’est bien, c’est bien, dit Brunehilde presque sansécouter Lyderic. Et celui qui vous envoie sait quelles épreuvesdoit subir celui qui veut être mon époux ?

– Oui, noble princesse, répondit Lyderic, et, comme cesépreuves sont les plus dangereuses, celles-là Gunther se les estréservées.

– Retournez donc vers lui, dit alors Brunehilde, etdites-lui qu’il se tienne prêt à accomplir les épreuves que je luiimposerai demain matin ; mais sachez en même temps que, s’ilsuccombe, vous et lui périrez tous les deux.

Lyderic voulut ajouter quelques mots de galanterie pour prendrecongé ; mais Brunehilde ne lui en donna pas le temps, et, luitournant dédaigneusement le dos, elle passa dans la chambrevoisine.

Lyderic retourna vers Gunther.

Il trouva le roi qui l’attendait avec impatience, et lui racontacomment tout s’était passé, et comment il devait subir le lendemainles épreuves dont il fallait sortir vainqueur pour devenir le maride Brunehilde et roi d’Islande.

Puis il ajouta la menace qu’avait faite Brunehilde de lesenvoyer à la mort tous les deux si Gunther n’était pasvainqueur.

Gunther demanda alors à Lyderic s’il ne voulait pas lui laisserachever les épreuves seul et s’en retourner dans l’Île desHiglands, lui promettant que, de quelque manière que tournassentles choses, sa sœur Chrimhilde n’en serait pas moins safemme ; mais Lyderic, pensant que Gunther aurait besoin de luipendant les épreuves, refusa, en lui disant que telles n’étaientpoint leurs conventions, et qu’il désirait jusqu’au bout partagersa fortune.

Gunther, qui, de son côté, était bien aise d’avoir Lyderic prèsde lui, n’insista pas davantage, et les deux amis attendirent avecimpatience le lendemain.

Le moment du départ du vaisseau était fixé à six heures dumatin, et Gunther était prêt à l’heure dite, lorsqu’en regardantautour de lui il chercha vainement Lyderic.

Il commençait déjà à être fort inquiet de son absence et àcraindre quelque trahison lorsqu’il entendit à son oreille une voixqui lui disait :

– Ne crains rien, Gunther, je suis près de toi et ne tequitterai pas, et peut-être te serai-je plus utile ainsi que sij’étais visible à tous les yeux.

À ces mots, il reconnut la voix de Lyderic, et il futtranquillisé.

Alors il se mit en route avec ses cent chevaliers et s’avançavers la ville.

Mais bientôt il en vit sortir Brunehilde, à la tête de cinqcents soldats, qui enveloppèrent Gunther et ses cent chevaliers, demanière à ce que, si le roi échouait dans les épreuves, ni lui niaucun des hommes de sa suite ne pussent échapper.

Gunther commença à s’inquiéter, et demanda à voixbasse :

– Lyderic, es-tu là ?

– Oui, répondit Lyderic. Et Gunther se tranquillisa.

Arrivé devant la belle guerrière, le roi mit pied à terre, et seprésenta à elle comme celui qui sollicitait l’honneur de devenirson époux.

Alors Brunehilde sourit dédaigneusement en regardant Gunther, etlui dit :

– Il est une loi du ciel et de la terre pour que toutmariage soit heureux, c’est que la femme doit obéissance à sonmari : or, pour que la femme obéisse, il faut qu’ellerencontre un homme supérieur à elle ; or, j’ai juré den’épouser, moi, que celui qui sera plus adroit, plus fort et plusléger que moi, car à celui-là seulement je consentirai à obéir. RoiGunther, es-tu prêt à tenter les trois épreuves qu’il me conviendrade t’imposer ?

– Je suis prêt, dit Gunther.

– Alors, si cela est votre bon plaisir, monseigneur, commevous êtes tout armé et moi aussi, nous commencerons par la jouteApportez les lances.

Aussitôt huit écuyers apportèrent deux lances, si lourdes qu’ilfallait être quatre hommes pour porter chacune d’elles.

Gunther les regarda avec inquiétude, car elles étaient aussigrosses que le mât de son vaisseau, et il ne croyait même pas qu’ilpût les soulever.

Lyderic vit son inquiétude et lui dit :

– Ne crains rien, et fais-moi place sur le devant de laselle c’est toi qui feras le geste, et c’est moi qui porterai etqui recevrai le coup.

Ces paroles rassurèrent Gunther, de sorte qu’il accepta sanshésiter, ce qui parut fort étonner Brunehilde, qui prit une desdeux lances, qu’elle souleva avec une facilité extraordinaire, et,mettant son cheval au galop, elle alla se placer à l’endroit d’oùelle devait courir.

Quant à Gunther, il souleva la sienne avec la même aisance quesi c’était un fétu de paille, ce qui excita un long murmured’admiration parmi les assistants, et il alla se placer à cent pas,en face de Brunehilde.

Les juges donnèrent le signal, les chevaux partirent au galop,et les deux adversaires se rencontrèrent au milieu du chemin, et,au grand étonnement de tout le monde, la lance de Gunther se brisaen morceaux sur le bouclier d’or de Brunehilde, mais en la frappantd’un tel choc, que la belle guerrière fut renversée jusque sur lacroupe de son cheval, de sorte que son casque tomba et laissa voirson visage tout enflammé de colère et de honte, quant à Gunther,comme le choc avait atteint Lyderic, il était resté ferme etinébranlable sur ses arçons.

– Je suis vaincue, dit la reine en jetant sa lance, passonsà la seconde épreuve.

Et elle descendit de cheval.

– Tu ne t’en vas pas ? dit Gunther à Lyderic.

– Non, sois tranquille, répondit Lyderic.

– Bien, dit Gunther.

Et alors il reçut d’un visage modeste et souriant lescompliments de ses cent cavaliers, qui lui dirent que jamais ils nelui avaient vu déployer une pareille foi ce, et pour la premièrefois le roi Gunther reconnut en lui-même que ses courtisans luidisaient la vérité.

Pendant ce temps, douze hommes apportaient une énorme pierredont l’aspect seul fit frissonner Gunther.

– Vois-tu ce qu’ils font ? demanda tout bas Gunther àLyderic.

– Oui, dit Lyderic, mais ne t’inquiète pas.

– Roi Gunther, dit Brunehilde, tu vois bien cettepierre ? je vais la jeter jusqu’à cette petite montagne quiest à cinquante pas de nous à peu près ; si tu la jettes plusloin, je me reconnaîtrai vaincue, comme lorsque tu as brisé malance.

– Cinquante pas ! murmura tout bas Gunther.Peste !

– Ne crains rien, dit Lyderic, je mettrai ma main dans latienne : tu feras le mouvement, et c’est moi qui lalancerai.

Alors Brunehilde prit la pierre d’une seule main, la fit tournerdeux ou trois fois au-dessus de sa tête comme un berger fait d’unefronde, et la lança avec tant de force, qu’au lieu de s’arrêter aubas de la montagne, comme elle l’avait dit, la pierre monta enroulant jusqu’à la moitié, puis, entraînée par son poids, retombajusqu’au but qui lui avait été marqué.

Les chevaliers de Gunther tremblèrent ; ceux de Brunehildeapplaudirent.

Les douze hommes allèrent chercher la pierre, qu’ilsrapportèrent à grand-peine à l’endroit d’où l’avait lancéeBrunehilde.

Alors Gunther la prit, et, sans effort apparent, sans avoirbesoin de la faire tourner autour de sa tête, comme un joueur deboule lance sa boule, il lança la pierre, qui alla tomber dupremier coup plus loin qu’elle n’avait été même en roulant, et qui,continuant de rouler à son tour, franchit la montagne jusqu’à sonsommet, et, comme l’autre versant descendait vers la mer, elle eutencore assez d’impulsion pour franchir la cime, et, suivant lapente opposée, s’en aller en bondissant s’engloutir dans lamer.

Cette fois-ci, ce ne furent plus des applaudissements, mais descris d’admiration qui accueillirent cette preuve de la force deGunther.

Chacun voulant voir où s’était arrêtée la pierre courut à lamontagne, et vit au milieu de la mer, toute bouillonnante encore,s’élever la pointe d’un écueil nouveau et inconnu.

Brunehilde était pâle de colère ; elle rappela tout sonpeuple.

– Or çà, dit-elle, venez ici, car tout n’est point finiencore, et il nous reste une dernière épreuve. Roi Gunther,ajouta-t-elle en se retournant, tu vois ce précipice ?

– Oui, dit Gunther.

– Comme tu le vois, il a vingt-cinq pieds de large ;quant à sa profondeur, elle est inconnue, et une pierre comme celleque nous venons de lancer mettrait plusieurs minutes à en trouverle fond. Un jour que je poursuivais un élan à la chasse, l’élan lefranchit et crut être en sûreté, mais je le franchis derrière lui,je le joignis et je le tuai. Es-tu prêt à me poursuivre comme jepoursuivais l’élan et à le franchir derrière moi ?

– Hum ! fit Gunther.

– Accepte, dit Lyderic.

– Je suis prêt, répondit Gunther ; mais n’ôtons-nouspas notre armure ?

– Permis à toi d’ôter ton armure, roi Gunther, ditdédaigneusement Brunehilde ; mais, moi, je garderai lamienne.

– Garde ton armure, dit tout bas Lyderic.

– Je ferai comme vous ferez, répondit Gunther.

Alors la belle guerrière s’élança, légère comme une biche, et,sans crainte, sans hésitation, elle franchit le précipice ;mais cela si justement, que le bout de son pied à peine toucha del’autre côté, et que tous les assistants jetèrent un cri, croyantqu’elle allait retomber en arrière dans le précipice.

– À ton tour, roi Gunther, dit alors en se retournantBrunehilde.

– Comment allons-nous faire ? dit Gunther àLyderic.

– Je te prendrai par le poignet, répondit Lyderic, et jet’enlèverai avec moi.

– Ne va pas me lâcher, dit Gunther.

– Sois tranquille, répondit Lyderic.

Pour toute réponse, Gunther se mit à courir avec une tellerapidité, qu’à peine pouvait-on le suivre des yeux ; puis,arrivé au bord, il s’enleva comme s’il eût eu les ailes d’un aigle,et retomba de l’autre côté à plus de dix pieds plus loin quen’avait fait Brunehilde.

– Roi Gunther, dit Brunehilde, tu m’as vaincue dans lestrois épreuves que je t’avais imposées ; je n’ai donc plusrien à dire. Tu m’as conquise, je suis ta femme.

– Et toi, dit tout bas Gunther à Lyderic, tu es le mari dema sœur. Et, tandis que Gunther baisait la main de Brunehilde,Lyderic serrait la main de Gunther.

Gunther et Brunehilde s’avancèrent alors vers les assistants ense tenant par la main, et Brunehilde leur présenta Gunther commeson époux.

Cette nouvelle excita, tant parmi les chevaliers de l’Islandeque parmi ceux de l’Écosse, de grands transports de joie, car,selon eux, avec un tel roi et avec une telle reine, ils n’avaientrien à craindre d’aucun peuple étranger.

Lyderic ôta son casque, et, étant redevenu visible, il saluaGunther et Brunehilde comme s’il arrivait seulement à cette heuredu vaisseau. Mais à peine Brunehilde daigna-t-elle leregarder ; quant à Gunther, quelque envie qu’il eût del’embrasser, il se contenta de lui serrer la main.

Il fut convenu que les deux noces se feraient ensemble dans lacapitale des Higlands, seulement on resta quinze jours encore àSégard, pour que Brunehilde réglât avant son départ toutes lesaffaires de son royaume.

Puis, ces quinze jours écoulés, on partit, et un vent favorableconduisit le vaisseau dans la capitale des Higlands.

La princesse Chrimhilde fut bien heureuse de revoir Lyderic, etd’apprendre de la bouche même de son frère qu’il lui avait rendu detels services qu’il lui avait accordé sa main ; elle reçutaussi la reine Brunehilde comme une sœur à laquelle elle étaitdisposée d’avance à accorder toute son amitié : quant àcelle-ci, son accueil fut, selon son habitude, froid et fier, carelle méprisait beaucoup les jeunes filles qui, comme Chrimhilde, nes’étaient jamais occupées que de toilette et de broderies.

Quant aux deux petites dames d’honneur, elles furent fortcontentes aussi de revoir leur libérateur, car elles se trouvaientbien heureuses près de la princesse Chrimhilde, qui avait pourelles toutes sortes de bontés, et à qui, en échange, ellesmontraient à faire des broderies miraculeuses de finesse etd’éclat.

Les deux noces se firent en grande pompe, et il y eut, pendantles trois jours qui les précédèrent, force joutes et tournois.Mais, le jour même du mariage, Lyderic reçut des lettres de sa mèrequi le rappelaient dans ses États : la bonne vieille princessese mourait d’envie de revoir son fils, et le suppliait de revenirauprès d’elle avec sa belle-fille qu’elle avait grande envie devoir, lui disant que, s’il tardait seulement de huit jours à semettre en route, il la trouverait morte d’ennui et de chagrin. Ildit donc à la princesse sa femme qu’il devait partir le plus tôtpossible, et, comme celle-ci n’avait d’autre volonté que celle deson mari, elle lui offrit de se mettre en route dès lelendemain : seulement Chrimhilde demanda à Lyderic lapermission de faire cadeau à sa belle-sœur de la moitié de sesperles, de ses rubis, de ses escarboucles et de ses diamants, ce àquoi Lyderic consentit bien volontiers ; mais Brunehilderenvoya fièrement les pierreries à sa belle-sœur, en lui faisantdire que ses bijoux, à elle, étaient sa lance, sa cuirasse, sonbouclier, son casque et son épée.

Ce renvoi fut un nouveau motif à Lyderic de partir promptement,car il vit bien que, s’il était resté plus longtemps à la cour duroi son frère, la mésintelligence n’aurait point tardé à se mettreentre les deux femmes.

Lyderic et Chrimhilde partirent donc pour le château de Buck,qu’habitait toujours la vieille princesse, et ils y arrivèrent aubout de trois jours de route.

Ermengarde fut bien joyeuse de revoir son fils, et elle fit àChrimhilde un véritable accueil de mère.

Au reste, tout allait parfaitement dans les États du comte deFlandre, ses peuples, étant plus heureux qu’ils n’avaient jamaisété, ne demandaient rien autre chose au ciel que la conservationd’un si bon prince.

Au bout de neuf mois juste, la princesse Chrimhilde accouchad’un beau garçon, qui reçut au baptême le nom d’Andracus.

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