La Henriade

Chant VI

ARGUMENT

Après la mort de Henri III, les états de la Ligues’assemblent dans Paris pour choisir un roi. Tandis qu’ils sontoccupés de leurs délibérations, Henri IV livre un assaut à laville ; l’assemblée des états se sépare ; ceux qui lacomposaient vont combattre sur les remparts ; description dece combat. Apparition de saint Louis à Henri IV.

 

C’est un usage antique, et sacré parmi nous
Quand la mort sur le trône étend ses rudes coups,
Et que du sang des rois, si cher à la patrie,
Dans ses derniers canaux la source s’est tarie,
Le peuple au même instant rentre en ses premiersdroits ;
Il peut choisir un maître, il peut changer ses lois
Les états assemblés, organes de la France,
Nomment un souverain, limitent sa puissance.
Ainsi de nos aïeux les augustes décrets
Au rang de Charlemagne ont placé les Capets.
La Ligue audacieuse, inquiète, aveuglée,
Ose de ces états ordonner l’assemblée,
Et croit avoir acquis par un assassinat
Le droit d’élire un maître et de changer l’État.
Ils pensaient, à l’abri d’un trône imaginaire,
Mieux repousser Bourbon, mieux tromper le vulgaire.
Ils croyaient qu’un monarque unirait leurs desseins ;
Que sous ce nom sacré leurs droits seraient plussaints ;
Qu’injustement élu, c’était beaucoup de l’être ;
Et qu’enfin, quel qu’il soit, le Français veut un maître.
Bientôt à ce conseil accourent à grand bruit
Tous ces chefs obstinés qu’un fol orgueil conduit :
Les Lorrains, les Nemours, des prêtres en furie,
L’ambassadeur de Rome, et celui d’Ibérie.
Ils marchent vers le Louvre, où, par un nouveau choix,
Ils allaient insulter aux mânes de nos rois.
Le luxe, toujours né des misères publiques,
Prépare avec éclat ces états tyranniques.
Là, ne parurent point ces princes, ces seigneurs,
De nos antiques pairs augustes successeurs,
Qui, près des rois assis, nés juges de la France,
Du pouvoir qu’ils n’ont plus ont encor l’apparence.
Là, de nos parlements les sages députés
Ne défendirent point nos faibles libertés ;
On n’y vit point des lis l’appareil ordinaire :
Le Louvre est étonné de sa pompe étrangère.
Là, le légat de Rome est d’un siège honoré ;
Près de lui, pour Mayenne, un dais est préparé.
Sous ce dais on lisait ces mots épouvantables :
« Rois, qui jugez la terre, et dont les mains coupables
Osent tout entreprendre et ne rien épargner,
Que la mort de Valois vous apprenne à régner ! »
On s’assemble, et déjà les partis, les cabales,
Font retentir ces lieux de leurs voix infernales.
Le bandeau de l’erreur aveugle tous les yeux.
L’un, des faveurs de Rome esclave ambitieux,
S’adresse au légat seul, et devant lui déclare
Qu’il est temps que les lis rampent sous la tiare ;
Qu’on érige à Paris ce sanglant tribunal,
Ce monument affreux du pouvoir monacal,
Que l’Espagne a reçu, mais qu’elle-même abhorre,
Qui venge les autels et qui les déshonore,
Qui, tout couvert de sang, de flammes entouré,
Égorge les mortels avec un fer sacré :
Comme si nous vivions dans ces temps déplorables
Où la terre adorait des dieux impitoyables,
Que des prêtres menteurs, encor plus inhumains,
Se vantaient d’apaiser par le sang des humains !
Celui-ci, corrompu par l’or de l’Ibérie,
À l’Espagnol qu’il hait veut vendre sa patrie.
Mais un parti puissant, d’une commune voix,
Plaçait déjà Mayenne au trône de nos rois.
Ce rang manquait encore à sa vaste puissance ;
Et de ses vœux hardis l’orgueilleuse espérance
Dévorait en secret, dans le fond de son cœur,
De ce grand nom de roi le dangereux honneur.
Soudain Potier se lève, et demande audience.
Sa rigide vertu faisait son éloquence.
Dans ce temps malheureux, par le crime infecté,
Potier fut toujours juste, et pourtant respecté.
Souvent on l’avait vu, par sa mâle constance,
De leurs emportements réprimer la licence,
Et conservant sur eux sa vieille autorité,
Leur montrer la justice avec impunité.
Il élève sa voix ; on murmure, on s’empresse,
On l’entoure, on l’écoute, et le tumulte cesse.
Ainsi, dans un vaisseau qu’ont agité les flots,
Quand l’air n’est plus frappé des cris des matelots,
On n’entend que le bruit de la proue écumante,
Qui fend, d’un cours heureux, la mer obéissante.
Tel paraissait Potier dictant ses justes lois,
Et la confusion se taisait à sa voix.
« Vous destinez, dit-il, Mayenne au rang suprême :
Je conçois votre erreur, je l’excuse moi-même.
Mayenne a des vertus qu’on ne peut trop chérir ;
Et je le choisirais si je pouvais choisir.
Mais nous avons nos lois, et ce héros insigne,
S’il prétend à l’empire, en est dès lors indigne. »
Comme il disait ces mots, Mayenne entre soudain
Avec tout l’appareil qui suit un souverain.
Potier le voit entrer sans changer de visage :
« Oui, prince, poursuit-il d’un ton plein de courage,
Je vous estime assez pour oser contre vous
Vous adresser ma voix pour la France et pour nous.
En vain nous prétendons le droit d’élire un maître :
La France a des Bourbons ; et Dieu vous a fait naître
Près de l’auguste rang qu’ils doivent occuper,
Pour soutenir leur trône, et non pour l’usurper.
Guise, du sein des morts, n’a plus rien à prétendre ;
Le sang d’un souverain doit suffire à sa cendre :
S’il mourut par un crime, un crime l’a vengé.
Changez avec l’État, que le ciel a changé :
Périsse avec Valois votre juste colère !
Bourbon n’a point versé le sang de votre frère,
Le ciel, le juste ciel, qui vous chérit tous deux,
Pour vous rendre ennemis vous fit trop vertueux.
Mais j’entends le murmure et la clameur publique ;
J’entends ces noms affreux de relaps, d’hérétique :
Je vois d’un zèle faux nos prêtres emportés,
Qui, le fer à la main… Malheureux, arrêtez !
Quelle loi, quel exemple, ou plutôt quelle rage
Peut à l’oint du Seigneur arracher votre hommage ?
Le fils de saint Louis, parjure à ses serments,
Vient-il de ses autels briser les fondements ?
Au pied de nos autels il demande à s’instruire ;
Il aime, il suit les lois dont vous bravez l’empire ;
Il sait dans toute secte honorer les vertus,
Respecter, votre culte, et même vos abus.
Il laisse au Dieu vivant, qui voit ce que nous sommes,
Le soin que vous prenez de condamner les hommes.
Comme un roi, comme un père, il vient vous gouverner ;
Et, plus chrétien que vous, il vient vous pardonner.
Tout est libre avec lui ; lui seul ne peut-ill’être ?
Quel droit vous a rendus juges de notre maître ?
Infidèles pasteurs, indignes citoyens,
Que vous ressemblez mal à ces premiers chrétiens,
Qui, bravant tous ces dieux de métal ou de plâtre,
Marchaient sans murmurer sous un maître idolâtre,
Expiraient sans se plaindre, et sur les échafauds,
Sanglants, percés de coups, bénissaient leursbourreaux !
Eux seuls étaient chrétiens, je n’en connais pointd’autres ;
Ils mouraient pour leurs rois, vous massacrez lesvôtres :
Et Dieu, que vous peignez implacable et jaloux,
S’il aime à se venger, barbares, c’est de vous. »
À ce hardi discours aucun n’osait répondre ;
Par des traits trop puissants ils se sentaientconfondre ;
Ils repoussaient en vain de leur cœur irrité
Cet effroi qu’aux méchants donne la vérité ;
Le dépit et la crainte agitaient leurs pensées ;
Quand soudain mille voix, jusqu’au ciel lancées,
Font partout retentir avec un bruit confus :
« Aux armes, citoyens, ou nous sommesperdus ! »
Les nuages épais que formait la poussière
Du soleil dans les champs dérobaient la lumière.
Des tambours, des clairons, le son rempli d’horreur
De la mort qui les suit était l’avant-coureur.
Tels des antres du Nord échappés sur la terre,
Précédés par les vents, et suivis du tonnerre,
D’un tourbillon de poudre obscurcissant les airs,
Les orages fougueux parcourent l’univers.
C’était du grand Henri la redoutable armée,
Qui, lasse du repos, et de sang affamée,
Faisait entendre au loin ses formidables cris,
Remplissait la campagne, et marchait vers Paris.
Bourbon n’employait point ces moments salutaires
À rendre au dernier roi les honneurs ordinaires,
À parer son tombeau de ces titres brillants
Que reçoivent les morts de l’orgueil des vivants ;
Ses mains ne chargeaient point ces rives désolées
De l’appareil pompeux de ces vains mausolées
Par qui, malgré l’injure et des temps et du sort,
La vanité des grands triomphe de la mort :
Il voulait à Valois, dans la demeure sombre,
Envoyer des tributs plus dignes de son ombre,
Punir ses assassins, vaincre ses ennemis,
Et rendre heureux son peuple, après l’avoir soumis.
Au bruit inopiné des assauts qu’il prépare,
Des états consternés le conseil se sépare.
Mayenne au même instant court au haut des remparts ;
Le soldat rassemblé vole à ses étendards :
Il insulte à grands cris le héros qui s’avance.
Tout est prêt pour l’attaque, et tout pour la défense.
Paris n’était point tel, en ces temps orageux,
Qu’il paraît en nos jours aux Français trop heureux.
Cent forts, qu’avaient bâtis la fureur et la crainte,
Dans un moins vaste espace enfermaient son enceinte.
Ces faubourgs, aujourd’hui si pompeux et si grands,
Que la main de la Paix tient ouverts en tout temps,
D’une immense cité superbes avenues,
Où nos palais dorés se perdent dans les nues,
Étaient de longs hameaux d’un rempart entourés,
Par un fossé profond de Paris séparés.
Du côté du levant bientôt Bourbon s’avance.
Le voilà qui s’approche, et la Mort le devance.
Le fer avec le feu vole de toutes parts
Des mains des assiégeants et du haut des remparts.
Ces remparts menaçants, leurs tours, et leurs ouvrages,
S’écroulent sous les traits de ces brûlants orages ;
On voit les bataillons rompus et renversés,
Et loin d’eux dans les champs leurs membres dispersés.
Ce que le fer atteint tombe réduit en poudre,
Et chacun des partis combat avec la foudre.
Jadis avec moins d’art, au milieu des combats,
Les malheureux mortels avançaient leur trépas ;
Avec moins d’appareil ils volaient au carnage,
Et le fer dans leurs mains suffisait à leur rage.
De leurs cruels enfants l’effort industrieux
A dérobé le feu qui brûle dans les cieux.
On entendait gronder ces bombes effroyables,
Des troubles de la Flandre enfants abominables
Dans ces globes d’airain le salpêtre enflammé
Vole avec la prison qui le tient renfermé ;
Il la brise, et la mort en sort avec furie.
Avec plus d’art encore, et plus de barbarie,
Dans des antres profonds on a su renfermer
Des foudres souterrains, tout prêts à s’allumer.
Sous un chemin trompeur, où, volant au carnage,
Le soldat valeureux se fie à son courage,
On voit en un instant des abîmes ouverts,
De noirs torrents de soufre épandus dans les airs,
Des bataillons entiers par ce nouveau tonnerre
Emportés, déchirés, engloutis sous la terre.
Ce sont là les dangers où Bourbon va s’offrir ;
C’est par là qu’à son trône il brûle de courir.
Ses guerriers avec lui dédaignent ces tempêtes ;
L’enfer est sous leurs pas, la foudre est sur leurstêtes :
Mais la gloire à leurs yeux vole à côté du roi ;
Ils ne regardent qu’elle, et marchent sans effroi.
Mornay, parmi les flots de ce torrent rapide,
S’avance d’un pas grave et non moins intrépide :
Incapable à la fois de crainte et de fureur,
Sourd au bruit des canons, calme au sein de l’horreur,
D’un œil ferme et stoïque il regarde la guerre
Comme un fléau du ciel, affreux, mais nécessaire.
Il marche en philosophe où l’honneur le conduit,
Condamne les combats, plaint son maître, et le suit.
Ils descendent enfin dans ce chemin terrible,
Qu’un glacis teint de sang rendait inaccessible.
C’est là que le danger ranime leurs efforts :
Ils comblent les fossés de fascines, de morts ;
Sur ces morts entassés ils marchent, ils s’avancent ;
D’un cours précipité sur la brèche ils s’élancent.
Armé d’un fer sanglant, couvert d’un bouclier,
Henri vole à leur tête, et monte le premier.
Il monte : il a déjà, de ses mains triomphantes,
Arboré de ses lis les enseignes flottantes.
Les ligueurs, devant lui, demeurent pleins d’effroi :
Ils semblaient respecter leur vainqueur et leur roi.
Ils cédaient, mais Mayenne à l’instant les ranime :
Il leur montre l’exemple, il les rappelle au crime :
Leurs bataillons serrés pressent de toutes parts
Ce roi dont ils n’osaient soutenir les regards.
Sur le mur, avec eux, la Discorde cruelle
Se baigne dans le sang que l’on verse pour elle.
Le soldat, à son gré, sur ce funeste mur,
Combattant de plus près, porte un trépas plus sûr.
Alors on n’entend plus ces foudres de la guerre,
Dont les bouches de bronze épouvantaient la terre ;
Un farouche silence, enfant de la fureur,
À ces bruyants éclats succède avec horreur.
D’un bras déterminé, d’un œil brûlant de rage,
Parmi ses ennemis chacun s’ouvre un passage.
On saisit, on reprend, par un contraire effort,
Ce rempart teint de sang, théâtre de la mort.
Dans ses fatales mains la victoire incertaine
Tient encor près des lis l’étendard de Lorraine.
Les assiégeants surpris sont partout renversés,
Cent fois victorieux, et cent fois terrassés ;
Pareils à l’Océan poussé par les orages,
Qui couvre à chaque instant et qui fuit ses rivages.
Jamais le roi, jamais son illustre rival,
N’avaient été si grands qu’en cet assaut fatal :
Chacun d’eux, au milieu du sang et du carnage,
Maître de son esprit, maître de son courage,
Dispose, ordonne, agit, voit tout en même temps,
Et conduit d’un coup d’œil ces affreux mouvements.
Cependant des Anglais la formidable élite,
Par le vaillant Essex à cet assaut conduite,
Marchait sous nos drapeaux pour la première fois,
Et semblait s’étonner de servir sous nos rois.
Ils viennent soutenir l’honneur de leur patrie,
Orgueilleux de combattre, et de donner leur vie
Sur ces mêmes remparts et dans ces mêmes lieux
Où la Seine autrefois vit régner leurs aïeux.
Essex monte à la brèche où combattait d’Aumale ;
Tous deux jeunes, brillants, pleins d’une ardeur égale,
Tels qu’aux remparts de Troie on peint les demi-dieux.
Leurs amis, tout sanglants, sont en foule autour d’eux :
Français, Anglais, Lorrains, que la fureur assemble,
Avançaient, combattaient, frappaient, mouraient ensemble.
Ange, qui conduisiez leur fureur et leur bras,
Ange exterminateur, âme de ces combats,
De quel héros enfin prîtes-vous la querelle ?
Pour qui pencha des cieux la balance éternelle ?
Longtemps Bourbon, Mayenne, Essex, et son rival,
Assiégeants, assiégés, font un carnage égal.
Le parti le plus juste eut enfin l’avantage :
Enfin Bourbon l’emporte, il se fait un passage ;
Les ligueurs fatigués ne lui résistent plus ;
Ils quittent les remparts, ils tombent éperdus.
Comme on voit un torrent, du haut des Pyrénées,
Menacer des vallons les nymphes consternées ;
Les digues qu’on oppose à ses flots orageux
Soutiennent quelque temps son choc impétueux ;
Mais bientôt, renversant sa barrière impuissante,
Il porte au loin le bruit, la mort, et l’épouvante ;
Déracine, en passant, ces chênes orgueilleux
Qui bravaient les hivers, et qui touchaient les cieux ;
Détache les rochers du penchant des montagnes,
Et poursuit les troupeaux fuyant dans les campagnes :
Tel Bourbon descendait à pas précipités
Du haut des murs fumants qu’il avait emportés ;
Tel, d’un bras foudroyant fondant sur les rebelles,
Il moissonne en courant leurs troupes criminelles.
Les Seize, avec effroi, fuyaient ce bras vengeur,
Égarés, confondus, dispersés par la peur.
Mayenne ordonne enfin que l’on ouvre les portes :
Il rentre dans Paris, suivi de ses cohortes.
Les vainqueurs furieux, les flambeaux à la main,
Dans les faubourgs sanglants se répandent soudain.
Du soldat effréné la valeur tourne en rage ;
Il livre tout au fer, aux flammes, au pillage.
Henri ne les voit point ; son vol impétueux.
Poursuivait l’ennemi fuyant devant ses yeux.
Sa victoire l’enflamme, et sa valeur l’emporte ;
Il franchit les faubourgs, il s’avance à la porte :
« Compagnons, apportez et le fer et les feux,
Venez, volez, montez sur ces murs orgueilleux. »
Comme il parlait ainsi, du profond d’une nue
Un fantôme éclatant se présente à sa vue :
Son corps majestueux, maître des éléments,
Descendait vers Bourbon sur les ailes des vents :
De la Divinité les vives étincelles
Étalaient sur son front des beautés immortelles ;
Ses yeux semblaient remplis de tendresse et d’horreur
Arrête, cria-t-il, trop malheureux vainqueur !
Tu vas abandonner aux flammes, au pillage,
De cent rois tes aïeux l’immortel héritage,
Ravager ton pays, mes temples, tes trésors,
Égorger tes sujets, et régner sur des morts :
Arrête !…  » À ces accents, plus forts que letonnerre,
Le soldat s’épouvante, il embrasse la terre,
Il quitte le pillage. Henri, plein de l’ardeur
Que le combat encore enflammait dans son cœur,
Semblable à l’Océan qui s’apaise et qui gronde :
« Ô fatal habitant de l’invisible monde !
Que viens-tu m’annoncer dans ce séjourd’horreur ? »
Alors il entendit ces mots pleins de douceur :
« Je suis cet heureux roi que la France révère,
Le père des Bourbons, ton protecteur, ton père ;
Ce Louis qui jadis combattit comme toi,
Ce Louis dont ton cœur a négligé la foi,
Ce Louis qui te plaint, qui t’admire, et qui t’aime.
Dieu sur ton trône un jour te conduira lui-même ;
Dans Paris, ô mon fils ! tu rentreras vainqueur,
Pour prix de ta clémence, et non de ta valeur.
C’est Dieu qui t’en instruit, et c’est Dieu quim’envoie. »
Le héros, à ces mots, verse des pleurs de joie.
La paix a dans son cœur étouffé son courroux ;
Il s’écrie, il soupire, il adore à genoux.
D’une divine horreur son âme est pénétrée :
Trois fois il tend les bras à cette ombre sacrée ;
Trois fois son père échappe à ses embrassements,
Tel qu’un léger nuage écarté par les vents.
Du faîte cependant de ce mur formidable,
Tous les ligueurs armés, tout un peuple innombrable,
Étrangers et Français, chefs, citoyens, soldats,
Font pleuvoir sur le roi le fer et le trépas.
La vertu du Très Haut brille autour de sa tête,
Et des traits qu’on lui lance écarte la tempête.
Il vit alors, il vit de quel affreux danger
Le père des Bourbons venait le dégager.
Il contemplait Paris d’un œil triste et tranquille :
« Français, s’écria-t-il, et toi, fatale ville,
Citoyens malheureux, peuple faible et sans foi,
Jusqu’à quand voulez-vous combattre votre roi ? »
Alors, ainsi que l’astre auteur de la lumière,
Après avoir rempli sa brûlante carrière,
Au bord de l’horizon brille d’un feu plus doux,
Et, plus grand à nos yeux, paraît fuir loin de nous,
Loin des murs de Paris le héros se retire,
Le cœur plein du saint roi, plein du Dieu qui l’inspire.
Il marche vers Vincenne, où Louis autrefois,
Au pied d’un chêne assis, dicta ses justes lois,
Que vous êtes changé, séjour jadis aimable !
Vincenne, tu n’es plus qu’un donjon détestable,
Qu’une prison d’État, qu’un lieu de désespoir,
Où tombent si souvent du faîte du pouvoir
Ces ministres, ces grands, qui tonnent sur nos têtes,
Qui vivent à la cour au milieu des tempêtes ;
Oppresseurs, opprimés, fiers, humbles tour à tour,
Tantôt l’horreur du peuple, et tantôt leur amour.
Bientôt de l’occident, où se forment les ombres,
La nuit vint sur Paris porter ses voiles sombres,
Et cacher aux mortels, en ce sanglant séjour,
Ces morts et ces combats qu’avait vus l’œil du jour.

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