La Henriade

Chant IX

ARGUMENT

Description du temple de l’Amour : la Discordeimplore son pouvoir pour amollir le courage de Henri IV. Ce hérosest retenu quelque temps auprès de Mme d’Estrées, si célèbre sousle nom de la belle Gabrielle. Mornay l’arrache à son amour, et leroi retourne à son armée.

 

Sur les bords fortunés de l’antique Idalie,
Lieux où finit l’Europe et commence l’Asie,
S’élève un vieux palais respecté par les temps :
La Nature en posa les premiers fondements ;
Et l’art, ornant depuis sa simple architecture,
Par ses travaux hardis surpassa la nature.
Là, tous les champs voisins, peuplés de myrtes verts,
N’ont jamais ressenti l’outrage des hivers.
Partout on voit mûrir, partout on voit éclore
Et les fruits de Pomone et les présents de Flore ;
Et la terre n’attend, pour donner ses moissons,
Ni les vœux des humains, ni l’ordre des saisons.
L’homme y semble goûter, dans une paix profonde,
Tout ce que la nature, aux premiers jours du monde,
De sa main bienfaisante accordait aux humains,
Un éternel repos, des jours purs et sereins,
Les douceurs, les plaisirs que promet l’abondance,
Les biens du premier âge, hors la seule innocence.
On entend, pour tout bruit, des concerts enchanteurs
Dont la molle harmonie inspire les langueurs ;
Les voix de mille amants, les chants de leurs maîtresses
Qui célèbrent leur honte, et vantent leurs faiblesses.
Chaque jour on les voit, le front paré de fleurs,
De leur aimable maître implorer les faveurs ;
Et, dans l’art dangereux de plaire et de séduire,
Dans son temple à l’envi s’empressent de s’instruire.
La flatteuse Espérance, au front toujours serein,
À l’autel de l’Amour les conduit par la main.
Près du temple sacré les Grâces demi-nues
Accordent à leurs voix leurs danses ingénues,
La molle Volupté, sur un lit de gazons,
Satisfaite et tranquille, écoute leurs chansons.
On voit à ses côtés le Mystère en silence,
Le Sourire enchanteur, les Soins, la Complaisance,
Les Plaisirs amoureux, et les tendres Désirs,
Plus doux, plus séduisants encor que les Plaisirs.
De ce temple fameux telle est l’aimable entrée.
Mais, lorsqu’en avançant sous la voûte sacrée,
On porte au sanctuaire un pas audacieux,
Quel spectacle funeste épouvante les yeux !
Ce n’est plus des Plaisirs la troupe aimable et tendre :
Leurs concerts amoureux ne s’y font plus entendre.
Les Plaintes, les Dégoûts, l’Imprudence, la Peur,
Font de ce beau séjour un séjour plein d’horreur.
La sombre Jalousie, au teint pâle et livide,
Suit d’un pied chancelant le Soupçon qui la guide :
La Haine et le Courroux, répandant leur venin,
Marchent devant ses pas, un poignard à la main.
La Malice les voit, et d’un souris perfide
Applaudit, en passant, à leur troupe homicide.
Le Repentir les suit, détestant leurs fureurs,
Et baisse en soupirant ses yeux mouillés de pleurs.
C’est là, c’est au milieu de cette cour affreuse,
Des plaisirs des humains compagne malheureuse,
Que l’Amour a choisi son séjour éternel.
Ce dangereux enfant, si tendre et si cruel,
Porte en sa faible main les destins de la terre,
Donne, avec un souris, ou la paix, ou la guerre,
Et, répandant partout ses trompeuses douceurs,
Anime l’univers, et vit dans tous les cœurs.
Sur un trône éclatant contemplant ses conquêtes,
Il foulait à ses pieds les plus superbes têtes ;
Fier de ses cruautés plus que de ses bienfaits,
Il semblait s’applaudir des maux qu’il avait faits.
La Discorde soudain, conduite par la Rage,
Écarte les Plaisirs, s’ouvre un libre passage,
Secouant dans ses mains ses flambeaux allumés,
Le front couvert de sang, et les yeux enflammés :
Mon frère, lui dit-elle, où sont tes traits terribles ?
Pour qui réserves-tu tes flèches invincibles ?
Ah ! si de la Discorde allumant le tison,
Jamais à tes fureurs tu mêlas mon poison ;
Si tant de fois pour toi j’ai troublé la nature,
Viens, vole sur mes pas, viens venger mon injure :
Un roi victorieux écrase mes serpents ;
Ses mains joignent l’olive aux lauriers triomphants :
La Clémence avec lui marchant d’un pas tranquille,
Au sein tumultueux de la guerre civile,
Va sous ses étendards, flottants de tous côtés,
Réunir tous les cœurs par moi seul écartés :
Encore une victoire, et mon trône est en poudre.
Aux remparts de Paris Henri porte la foudre :
Ce héros va combattre, et vaincre, et pardonner ;
De cent chaînes d’airain son bras va m’enchaîner.
C’est à toi d’arrêter ce torrent dans sa course ;
Va de tant de hauts faits empoisonner la source ;
Que sous ton joug, Amour, il gémisse abattu ;
Va dompter son courage au sein de la vertu.
C’est toi, tu t’en souviens, toi dont la main fatale
Fit tomber sans effort Hercule aux pieds d’Omphale.
Ne vit-on pas Antoine amolli dans tes fers,
Abandonnant pour toi les soins de l’univers,
Fuyant devant Auguste, et, te suivant sur l’onde,
Préférer Cléopâtre à l’empire du monde ?
Henri te reste à vaincre, après tant de guerriers :
Dans ses superbes mains va flétrir ses lauriers ;
Va du myrte amoureux ceindre sa tête altière ;
Endors entre tes bras son audace guerrière ;
À mon trône ébranlé cours servir de soutien :
Viens, ma cause est la tienne, et ton règne est lemien. »
Ainsi parlait ce monstre ; et la voûte tremblante
Répétait les accents de sa voix effrayante.
L’Amour, qui l’écoutait, couché parmi des fleurs,
D’un souris fier et doux répond à ses fureurs.
Il s’arme cependant de ses flèches dorées :
Il fend des vastes cieux les voûtes azurées,
Et, précédé des Jeux, des Grâces, des Plaisirs,
Il vole aux champs français sur l’aile des Zéphyrs.
Dans sa course d’abord il découvre avec joie
Le faible Simoïs, et les champs où fut Troie ;
Il rit en contemplant, dans ces lieux renommés,
La cendre des palais par ses mains consumés.
Il aperçoit de loin ces murs bâtis sur l’onde,
Ces remparts orgueilleux, ce prodige du monde,
Venise, dont Neptune admire le destin,
Et qui commande aux flots renfermés dans son sein.
Il descend, il s’arrête aux champs de la Sicile,
Où lui-même inspira Théocrite et Virgile,
Où l’on dit qu’autrefois, par des chemins nouveaux,
De l’amoureux Alphée il conduisit les eaux.
Bientôt, quittant les bords de l’aimable Aréthuse,
Dans les champs de Provence il vole vers Vaucluse,
Asile encor plus doux, lieux où, dans ses beaux jours,
Pétrarque soupira ses vers et ses amours.
Il voit les murs d’Anet, bâtis aux bords de l’Eure ;
Lui-même en ordonna la superbe structure :
Par ses adroites mains avec art enlacés,
Les chiffres de Diane y sont encor tracés.
Sur sa tombe, en passant, les Plaisirs et les Grâces
Répandirent les fleurs qui naissaient sur leurs traces.
Aux campagnes d’Ivry l’Amour arrive enfin.
Le roi, près d’en partir pour un plus grand dessein,
Mêlant à ses plaisirs l’image de la guerre,
Laissait pour un moment reposer son tonnerre.
Mille jeunes guerriers, à travers les guérets,
Poursuivaient avec lui les hôtes des forêts.
L’Amour sent, à sa vue, une joie inhumaine ;
Il aiguise ses traits, il prépare sa chaîne ;
Il agite les airs que lui-même a calmés ;
Il parle, on voit soudain les éléments armés.
D’un bout du monde à l’autre appelant les orages,
Sa voix commande aux vents d’assembler les nuages,
De verser ces torrents suspendus dans les airs,
Et d’apporter la nuit, la foudre, et les éclairs.
Déjà les Aquilons, à ses ordres fidèles,
Dans les cieux obscurcis ont déployé leurs ailes ;
La plus affreuse nuit succède au plus beau jour ;
La Nature en gémit, et reconnaît l’Amour.
Dans les sillons fangeux de la campagne humide ;
Le roi marche incertain, sans escorte et sans guide ;
L’Amour, en ce moment, allumant son flambeau,
Fait briller devant lui ce prodige nouveau.
Abandonné des siens, le roi, dans ces bois sombres,
Suit cet astre ennemi, brillant parmi les ombres :
Comme on voit quelquefois les voyageurs troublés
Suivre ces feux ardents de la terre exhalés,
Ces feux dont la vapeur maligne et passagère
Conduit au précipice, à l’instant qu’elle éclaire.
Depuis peu la fortune, en ces tristes climats,
D’une illustre mortelle avait conduit les pas.
Dans le fond d’un château tranquille et solitaire,
Loin du bruit des combats elle attendait son père,
Qui, fidèle à ses rois, vieilli dans les hasards,
Avait du grand Henri suivi les étendards.
D’Estrée était son nom : la main de la nature
De ses aimables dons la combla sans mesure.
Telle ne brillait point, aux bords de l’Eurotas,
La coupable beauté qui trahit Ménélas ;
Moins touchante et moins belle à Tarse on vit paraître
Celle qui des Romains avait dompté le maître,
Lorsque les habitants des rives du Cydnus,
L’encensoir à la main, la prirent pour Vénus.
Elle entrait dans cet âge, hélas ! trop redoutable,
Qui rend des passions le joug inévitable.
Son cœur, né pour aimer, mais fier et généreux,
D’aucun amant encor n’avait reçu les vœux :
Semblable en son printemps à la rose nouvelle,
Qui renferme en naissant sa beauté naturelle,
Cache aux vents amoureux les trésors de son sein,
Et s’ouvre aux doux rayons d’un jour pur et serein.
L’Amour, qui cependant s’apprête à la surprendre,
Sous un nom supposé vient près d’elle se rendre :
Il paraît sans flambeau, sans flèches, sans carquois ;
Il prend d’un simple enfant la figure et la voix.
« On a vu, lui dit-il, sur la rive prochaine,
S’avancer vers ces lieux le vainqueur de Mayenne. »
Il glissait dans son cœur, en lui disant ces mots,
Un désir inconnu de plaire à ce héros.
Son teint fut animé d’une grâce nouvelle.
L’Amour s’applaudissait en la voyant si belle :
Que n’espérait-il point, aidé de tant d’appas !
Au-devant du monarque il conduisit ses pas.
L’art simple dont lui-même a formé sa parure
Paraît aux yeux séduits l’effet de la nature :
L’or de ses blonds cheveux, qui flotte au gré des vents,
Tantôt couvre sa gorge et ses trésors naissants,
Tantôt expose aux yeux leur charme inexprimable.
Sa modestie encor la rendait plus aimable :
Non pas cette farouche et triste austérité
Qui fait fuir les Amours, et même la beauté ;
Mais cette pudeur douce, innocente, enfantine,
Qui colore le front d’une rougeur divine,
Inspire le respect, enflamme les désirs,
Et de qui la peut vaincre augmente les plaisirs.
Il fait plus (à l’Amour tout miracle est possible) ;
Il enchante ces lieux par un charme invincible.
Des myrtes enlacés, que d’un prodigue sein
La terre obéissante a fait naître soudain,
Dans les lieux d’alentour étendent leur feuillage :
À peine a-t-on passé sous leur fatal ombrage,
Par des liens secrets on se sent arrêter ;
On s’y plaît, on s’y trouble, on ne peut les quitter.
On voit fuir sous cette ombre une onde enchanteresse ;
Les amants fortunés, pleins d’une douce ivresse,
Y boivent à longs traits l’oubli de leur devoir.
L’Amour dans tous ces lieux fait sentir son pouvoir :
Tout y paraît changé ; tous les cœurs y soupirent :
Tous sont empoisonnés du charme qu’ils respirent :
Tout y parle d’amour. Les oiseaux dans les champs
Redoublent leurs baisers, leurs caresses, leurs chants.
Le moissonneur ardent, qui court avant l’aurore
Couper les blonds épis que l’été fait éclore,
S’arrête, s’inquiète, et pousse des soupirs :
Son cœur est étonné de ses nouveaux désirs :
Il demeure enchanté dans ces belles retraites,
Et laisse, en soupirant, ses moissons imparfaites.
Près de lui, la bergère, oubliant ses troupeaux,
De sa tremblante main sent tomber ses fuseaux.
Contre un pouvoir si grand qu’eût pu faire d’Estrée ?
Par un charme indomptable elle était attirée ;
Elle avait à combattre, en ce funeste jour,
Sa jeunesse, son cœur, un héros, et l’Amour.
Quelque temps de Henri la valeur immortelle
Vers ses drapeaux vainqueurs en secret le rappelle :
Une invisible main le retient malgré lui.
Dans sa vertu première il cherche un vain appui :
Sa vertu l’abandonne, et son âme enivrée
N’aime, ne voit, n’entend, ne connaît que d’Estrée.
Loin de lui cependant tous ses chefs étonnés
Se demandent leur prince, et restent consternés.
Ils tremblaient pour ses jours ; aucun d’eux n’eût pucroire
Qu’on eût, dans ce moment, dû craindre pour sa gloire :
On le cherchait en vain ; ses soldats abattus,
Ne marchant plus sous lui, semblaient déjà vaincus.
Mais le génie heureux qui préside à la France
Ne souffrit pas longtemps sa dangereuse absence :
Il descendit des cieux à la voix de Louis,
Et vint d’un vol rapide au secours de son fils.
Quand il fut descendu vers ce triste hémisphère,
Pour y trouver un sage il regarda la terre.
Il ne le chercha point dans ces lieux révérés,
À l’étude, au silence, au jeûne consacrés ;
Il alla dans Ivry : là, parmi la licence
Où du soldat vainqueur s’emporte l’insolence,
L’ange heureux des Français fixa son vol divin
Au milieu des drapeaux des enfants de Calvin :
Il s’adresse à Mornay. C’était pour nous instruire
Que souvent la raison suffit à nous conduire,
Ainsi qu’elle guida, chez des peuples païens,
Marc-Aurèle, ou Platon, la honte des chrétiens.
Non moins prudent ami que philosophe austère,
Mornay sut l’art discret de reprendre et de plaire :
Son exemple instruisait bien mieux que ses discours :
Les solides vertus furent ses seuls amours.
Avide de travaux, insensible aux délices,
Il marchait d’un pas ferme au bord des précipices.
Jamais l’air de la cour, et son souffle infecté,
N’altéra de son cœur l’austère pureté.
Belle Aréthuse, ainsi ton onde fortunée
Roule, au sein furieux d’Amphitrite étonnée,
Un cristal toujours pur, et des flots toujours clairs,
Que jamais ne corrompt l’amertume des mers.
Le généreux Mornay, conduit par la Sagesse,
Part, et vole en ces lieux où la douce Mollesse
Retenait dans ses bras le vainqueur des humains,
Et de la France en lui maîtrisait les destins.
L’Amour, à chaque instant, redoublant sa victoire,
Le rendait plus heureux, pour mieux flétrir sa gloire.
Les plaisirs, qui souvent ont des termes si courts,
Partageaient ses moments et remplissaient ses jours.
L’Amour, au milieu d’eux, découvre avec colère,
À côté de Mornay, la Sagesse sévère :
Il veut sur ce guerrier lancer un trait vengeur ;
Il croit charmer ses sens, il croit blesser son cœur :
Mais Mornay méprisait sa colère et ses charmes ;
Tous ses traits impuissants s’émoussaient sur ses armes.
Il attend qu’en secret le roi s’offre à ses yeux,
Et d’un œil irrité contemple ces beaux lieux.
Au fond de ces jardins, au bord d’une onde claire,
Sous un myrte amoureux, asile du mystère,
D’Estrée à son amant prodiguait ses appas ;
Il languissait près d’elle, il brûlait dans ses bras.
De leurs doux entretiens rien n’altérait les charmes :
Leurs yeux étaient remplis de ces heureuses larmes,
De ces larmes qui font les plaisirs des amants :
Ils sentaient cette ivresse et ces saisissements,
Ces transports, ces fureurs, qu’un tendre amour inspire,
Que lui seul fait goûter, que lui seul peut décrire.
Les folâtres Plaisirs, dans le sein du repos,
Les Amours enfantins désarmaient ce héros :
L’un tenait sa cuirasse encor de sang trempée,
L’autre avait détaché sa redoutable épée,
Et riait, en tenant dans ses débiles mains
Ce fer, l’appui du trône et l’effroi des humains.
La Discorde de loin insulte à sa faiblesse ;
Elle exprime, en grondant, sa barbare allégresse.
Sa fière activité ménage ces instants :
Elle court de la Ligue irriter les serpents ;
Et tandis que Bourbon se repose et sommeille,
De tous ses ennemis la rage se réveille.
Enfin dans ces jardins, où sa vertu languit,
Il voit Mornay paraître : il le voit, et rougit.
L’un de l’autre, en secret, ils craignaient la présence.
Le sage, en l’abordant, garde un morne silence ;
Mais ce silence même, et ces regards baissés,
Se font entendre au prince, et s’expliquent assez.
Sur ce visage austère, où régnait la tristesse,
Henri lut aisément sa honte et sa faiblesse.
Rarement de sa faute on aime le témoin :
Tout autre eût de Mornay mal reconnu le soin.
« Cher ami, dit le roi, ne crains point ma colère ;
Qui m’apprend mon devoir est trop sûr de me plaire :
Viens, le cœur de ton prince est digne encor de toi :
Je t’ai vu, c’en est fait, et tu me rends à moi ;
Je reprends ma vertu, que l’Amour m’a ravie :
De ce honteux repos fuyons l’ignominie ;
Fuyons ce lieu funeste, où mon cœur mutiné
Aime encor les liens dont il fut enchaîné.
Me vaincre est désormais ma plus belle victoire :
Partons, bravons l’Amour dans les bras de la Gloire ;
Et bientôt, vers Paris répandant la terreur,
Dans le sang espagnol effaçons mon erreur.
À ces mots généreux, Mornay connut son maître.
« C’est vous, s’écria-t-il, que je revoisparaître ;
Vous, de la France entière auguste défenseur ;
Vous, vainqueur de vous-même, et roi de votre cœur !
L’Amour à votre gloire ajoute un nouveau lustre :
Qui l’ignore est heureux, qui le dompte est illustre. »
Il dit. Le roi s’apprête à partir de ces lieux.
Quelle douleur, ô ciel ! attendrit ses adieux !
Plein de l’aimable objet qu’il fuit et qu’il adore,
En condamnant ses pleurs, il en versait encore.
Entraîné par Mornay, par l’Amour attiré,
Il s’éloigne, il revient, il part désespéré.
Il part. En ce moment d’Estrée, évanouie,
Reste sans mouvement, sans couleur, et sans vie ;
D’une soudaine nuit ses beaux yeux sont couverts.
L’Amour, qui l’aperçut, jette un cri dans les airs ;
Il s’épouvante, il craint qu’une nuit éternelle
N’enlève à son empire une nymphe si belle,
N’efface pour jamais les charmes de ces yeux
Qui devaient dans la France allumer tant de feux.
Il la prend dans ses bras ; et bientôt cette amante
Rouvre, à sa douce voix, sa paupière mourante,
Lui nomme son amant, le redemande en vain,
Le cherche encor des yeux, et les ferme soudain.
L’Amour, baigné des pleurs qu’il répand auprès d’elle,
Au jour qu’elle fuyait tendrement la rappelle ;
D’un espoir séduisant il lui rend la douceur,
Et soulage les maux dont lui seul est l’auteur.
Mornay, toujours sévère et toujours inflexible,
Entraînait cependant son maître trop sensible.
La Force et la Vertu leur montrent le chemin ;
La Gloire les conduit, les lauriers à la main ;
Et l’Amour indigné, que le devoir surmonte,
Va cacher loin d’Anet sa colère et sa honte.

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