Lady Roxana

Préface

 

L’histoire de cette belle dame porte avec elleson propre témoignage. Si elle n’est pas aussi belle que la damemême est représentée l’être, si elle n’est pas aussi divertissanteque le lecteur le peut désirer, ni beaucoup plus qu’il ne peutraisonnablement s’y attendre, et si toutes les parties les plusdivertissantes n’en sont pas appropriées à l’instruction et auperfectionnement du lecteur, le narrateur déclare que ce doit êtrela faute de son récit ; il aura habillé l’histoire devêtements inférieurs à ceux que la dame dont il rapporte lesparoles, préparait pour l’offrir au monde.

Il prend la liberté de dire que ce récitdiffère de la plupart des pièces contemporaines de ce genre, bienque quelques-unes d’entre elles aient rencontré dans le monde untrès bon accueil. Je dis qu’il en diffère en un point considérableet essentiel, à savoir qu’il est fondé sur la vérité desfaits ; de sorte que l’œuvre n’est pas un conte, mais unehistoire.

La scène est placée si près du lieu où lapartie principale de l’action s’est passée, qu’il a été nécessairede déguiser les noms et les personnages, de peur que le souvenird’événements, qui ne sauraient être encore complètement oubliésdans ce quartier de la ville, ne soit ravivé, et que les faits nepuissent être restitués trop clairement par bon nombre de gensvivant encore aujourd’hui, qui, par les détails, reconnaîtraientles personnages.

Il n’est pas toujours nécessaire que les nomsdes personnages se découvrent, et l’histoire peut n’en être pasmoins utile de mainte façon. Si nous étions toujours obligé ou denommer les personnages, ou de ne pas faire le récit, il enrésulterait cette seule conséquence : c’est que beaucoupd’histoires agréables et charmantes seraient ensevelies dansl’ombre, et que le monde serait à la fois privé du plaisir et duprofit qu’il y trouve.

L’auteur déclare qu’il connaissaitparticulièrement le premier mari de cette dame, le brasseur, et sonpère, et aussi ses difficultés d’argent ; et il sait que toutecette première partie du récit est vraie.

Ceci peut, il l’espère, être une garantie dela bonne foi du reste, bien que la fin de l’histoire se passe àl’étranger et ne puisse pas être si facilement attestée que lecommencement. Cependant, comme c’est la dame elle-même qui l’aracontée, nous avons d’autant moins de motifs de mettre en doute lavérité de cette dernière partie.

À la manière dont elle raconte son histoire,il est évident qu’elle n’insiste nulle part pour se justifier.Encore moins offre-t-elle sa conduite, ou même aucun trait de saconduite, si ce n’est son repentir, comme modèle à imiter. Aucontraire, elle fait de fréquentes digressions pour censurer etcondamner justement ses propres actes. Combien de fois nes’adresse-t-elle pas les reproches les plus passionnés, nousfournissant des réflexions pleines de justesse pour les cassemblables !

Il est vrai qu’elle a trouvé un succèsinespéré dans toutes ses fautes. Mais même dans la plus grandeélévation de sa prospérité, elle reconnaît fréquemment que lesplaisirs dus à sa mauvaise conduite ne valaient pas le repentir, etque toute les satisfactions qu’elle avait, toute sa joie enprésence de sa fortune, non, pas même toute l’opulence où ellenageait, ni son éclat extérieur, ni l’appareil et les honneurs quil’accompagnaient, ne pouvaient calmer son esprit, ni faire taireles reproches de sa conscience, ou lui procurer une heure desommeil, lorsque de justes réflexions la tenaient éveillée.

Les généreuses déductions qui se tirent decette partie de l’histoire valent autant que tout le reste, et,étant le but avoué de la publication, la justifient pleinement.

S’il y a des passages dans ce récit où, étantobligé de rapporter une action mauvaise, on semble la décrire tropclairement, l’auteur déclare qu’on a pris tout le soin imaginablede se garder des indécences et des expressions immodestes ; etl’on espère que vous n’y trouverez rien qui puisse exciter unesprit vicieux, mais que vous y trouverez, au contraire, à chaquepage, beaucoup pour le décourager et le confondre.

Les scènes de crime ne peuvent guère êtrereprésentées de manière que quelques-uns n’en fassent un criminelusage. Mais lorsque le vice est peint sous ses viles couleurs, cen’est pas pour le faire aimer, mais pour l’exposer au mépris ;et si le lecteur fait un mauvais usage d’un tel tableau, laméchanceté lui en appartient tout entière.

D’un autre côté, les avantages du présentouvrage sont si grands, et le lecteur vertueux y trouveral’occasion de tant de perfectionnements, que nous ne faisons pas dedoute que ce récit, quelque médiocrement raconté qu’il soit, nepénètre jusqu’à lui dans ses meilleures heures de loisir, et nesoit lu avec délices et profit à la fois.

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