Agatha Christie Le cheval pâle

Le lendemain matin, j’essayai, en vain, d’atteindre Jim Corrigan. Je laissai un message, lui demandant de venir entre six et sept heures. Il était fort occupé et je n’espérai pas beaucoup le voir, mais il arriva à sept heures moins dix.

Je lui préparai à boire et lui expliquai le motif de mon appel.

— Tu dois te demander pourquoi je t’ai convoqué de façon si comminatoire, mais il s’est produit quelque chose qui peut avoir un rapport avec l’affaire dont nous avons parlé la dernière fois.

— Qu’était-ce ? euh… ah ! oui ! L’histoire du Père Gorman.

— Oui. Tout d’abord : Le Cheval pâle. Cela te dit-il quelque chose ?

— Le Cheval pâle ? Non… je ne vois pas. Pourquoi ?

— Parce que je crois que cela peut avoir un rapport avec la liste que tu m’as montrée. J’ai été à la campagne, avec des amis, à Much Deeping. On m’a conduit dans une ancienne auberge qui s’appelait le Cheval pâle.

— Attends ! Much Deeping ?… N’est-ce pas dans les environs de Bournemouth ?

— À une quinzaine de kilomètres.

— Je ne pense pas que tu aies rencontré un certain Venables ?

— Oui, je l’ai vu.

— Tu l’as vu ? Tu as du pot, toi ! À quoi ressemble-t-il ?

— C’est un homme remarquable.

— En quoi ?

— Par sa puissante personnalité, d’abord, bien qu’il soit paralysé…

Corrigan m’interrompit brusquement :

— Quoi ?

— Il a eu la poliomyélite, il y a quelques années. Il est paralysé de la taille aux pieds.

Corrigan se rejeta sur le dossier de sa chaise avec une grimace de dégoût.

— Ça démolit tout ! Je me disais que c’était trop beau pour être vrai.

— Je ne te comprends pas du tout.

— Il faut que tu voies l’inspecteur Lejeune. Ce que tu viens de me dire l’intéressera. Lorsque l’on a tué Gorman, Lejeune a demandé aux gens qui l’auraient vu ce soir-là de se faire connaître. La plupart des renseignements n’avaient aucun intérêt, bien entendu. Mais un pharmacien du voisinage, un certain Osborne, a déclaré avoir vu le Père Gorman suivi de près par un homme dont il a fait une excellente description. Et, il y a quelques jours, Lejeune a reçu une lettre de cet Osborne, qui a pris sa retraite et vit à Bournemouth, dans laquelle il disait avoir vu son homme lors d’une fête de charité. Il s’est renseigné et a appris qu’il s’appelait Venables.

— Oui, il a assisté à cette fête. Mais il lui aurait été absolument impossible de suivre le Père Gorman. Osborne s’est trompé.

— Il en a fait une description très minutieuse : un nez en bec d’aigle, une pomme d’Adam très prononcée…

— Oui, cela correspond, mais cependant…

— Je sais. Osborne n’est pas infaillible. Il a été le jouet d’une ressemblance. Mais c’est troublant de t’entendre parler du même pays… Qu’est-ce que c’est que cette histoire de Cheval pâle ?

— Tu ne voudras pas me croire.

— Vas-y toujours.

Je lui rapportai ma conversation avec Thyrza Grey.

Sa réaction fut immédiate.

— Quelles balivernes ! Qu’est-ce qui te prend, Mark ? Des poulets blancs… pour les sacrifices, je suppose ? Un médium, la sorcière du coin et une vieille fille qui expédient un rayon garanti mortel. C’est fou, mon vieux… absolument fou !

— Oui, c’est fou ! répétai-je, morne.

— Oh ! ça suffit. Mark ! Tu me ferais croire qu’il y a quelque chose là-dedans. Tu y crois, toi ?

— Laisse-moi d’abord te poser une question. Est-il vrai que chacun, inconsciemment, désire mourir ?

Corrigan hésita un instant avant de répondre.

— Je ne suis pas psychiatre. Entre nous, je crois que la moitié d’entre eux sont aussi un peu givrés. Ils se grisent de phrases. Et ils dépassent la mesure. Je peux t’assurer que la police ne prend pas pour parole d’Évangile tout ce que disent les experts médicaux pour excuser le comportement d’un criminel.

— Tu préfères ta théorie sur l’action glandulaire ?

— Ça va, ça va ! J’admets être, moi aussi, un théoricien. Mais mon raisonnement est basé sur de bonnes données physiques. Quant à cette histoire de subconscient, peuh !

— Tu n’y crois pas ?

— Bien sûr que j’y crois. Mais il ne faut pas exagérer. Il y a quelque chose dans ce « désir de mourir », mais pas autant qu’on veut le faire entendre. Achète donc un traité de psychologie.

— Thyrza Grey prétend connaître tout ce qu’il y a à savoir sur ce sujet.

— Thyrza Grey ! Qu’est-ce que peut comprendre une veille fille racornie à la psychologie ? C’est de la fichaise !

— C’est ce qu’ont toujours prétendu les gens pour des découvertes ne correspondant pas à leurs conceptions : des cuirassés ? Fichaise ! Des avions ? Fichaise ! Des…

Il m’interrompit.

— Alors, tu as tout avalé ? L’hameçon, la ligne et le bouchon ?

— Nullement. Je voulais simplement savoir s’il y avait, à cela, une base scientifique.

Il renifla avec mépris.

— Une base scientifique ! Mon œil !

— Parfait. Mais tu pourrais au moins me dire où tu en es avec ta liste de noms ?

— On a travaillé dur, mais ça prend du temps. Il est difficile d’identifier des noms sans prénoms et sans adresse.

— Prends cela sous un angle différent. Je te parie que depuis un an, un an et demi, chacun de ces noms a figuré sur un avis de décès. Ai-je tort ?

Il me lança un coup d’œil acéré.

— Tu as raison… c’est ça le pire.

— Ils ont une chose en commun : la mort.

— Oui, mais cela peut avoir moins d’importance qu’il y paraît. Sais-tu combien il meurt de gens chaque jour, en Angleterre ? Et beaucoup de ces noms sont très courants… ce qui ne facilite pas les choses.

— Delafontaine, dis-je. Mary Delafontaine. Voilà un nom peu commun. L’enterrement a eu lieu mardi dernier, je crois.

— Comment le sais-tu ?

— Par l’une de ses amies.

— Cette mort était parfaitement naturelle. En fait, la police a fait une enquête ; tous les décès étaient normaux. S’il y avait eu « accident », cela pourrait être suspect. Mais pneumonie, hémorragie cérébrale, tumeur du cerveau, calculs biliaires, un cas de poliomyélite… rien de suspect, je te dis.

— C’est cela. Aucun accident. Une maladie parfaitement courante et la mort. Exactement ce dont parle Thyrza Grey.

— Vas-tu prétendre que cette femme peut provoquer chez une personne qu’elle n’a jamais vue une pneumonie dont elle mourra ?

— Je ne prétends rien de la sorte. C’est elle. Je trouve cela fantastique et je voudrais le croire impossible. Mais il demeure des faits pour le moins curieux. Cette évocation du Cheval pâle, alors que l’on parlait de faire disparaître un gêneur. Ce Cheval pâle existe et la femme qui y habite proclame que ce genre d’opération est faisable. L’homme que l’on prétend avoir vu suivre le Père Gorman, le soir de sa mort, vit dans le voisinage.

— Ce ne pouvait pas être Venables puisque, tu le dis toi-même, il est paralysé.

— Du point de vue médical, cette paralysie ne pourrait pas être simulée ?

— Bien sûr que non. Les membres sont atrophiés.

— Cela paraît évidemment régler la question, admis-je avec un soupir. Quel dommage ! S’il existe une organisation spécialisée, comment dirais-je… en « suppressions humaines », j’aurais très bien vu Venables à sa tête. Les meubles et les objets d’art qu’il possède représentent une véritable fortune. D’où cet argent vient-il ?

« … Tous ces gens qui se sont éteints confortablement dans leur lit, poursuivis-je, qui a profité de leur mort ?

— Il y a toujours quelqu’un auquel la mort d’un tiers rapporte à un degré ou à un autre. Lady Hesketh-Dubois, comme tu dois le savoir, laisse à peu près cinquante mille livres. Un neveu et une nièce les héritent. Le neveu vit au Canada. La nièce est mariée dans le nord de l’Angleterre. Ils n’ont besoin d’argent ni l’un ni l’autre. Le père de Thomasina Tuckerton lui avait laissé une belle fortune qui devait revenir à sa femme – la belle-mère de Thomasina – si la jeune fille mourait célibataire avant sa majorité. La belle-mère semble irréprochable. Puis il y a votre Mrs Delafontaine… C’est une cousine qui touche…

— Ah ! oui. Et cette cousine ?

— Elle vit au Kenya avec son mari.

— Tous magnifiquement absents.

Corrigan me lança un coup d’œil réprobateur.

— Des trois Sandford qui ont avalé leur extrait de naissance, l’un laisse une femme beaucoup plus jeune que lui et qui s’est remariée… sans perdre de temps. Ce Sandford, un catholique, ne voulait pas divorcer. Un certain Sidney Harmondsworth, mort des suites d’une hémorragie cérébrale, était soupçonné par le Yard d’augmenter ses revenus en pratiquant un chantage discret. Pas mal de gens bien placés ont dû être joliment soulagés de le voir disparaître.

— Tu en conviendras, tous ces décès sont venus à point. Et, au sujet de Corrigan ?

— C’est un nom courant. Il en est mort beaucoup… mais autant qu’on le sache, sans profit pour personne.

— Tu es donc la prochaine victime. Prends garde !

— Je n’y manquerai pas. Mais ne va pas croire que ta sorcière va m’expédier un cancer du duodénum ou la grippe espagnole !

— Jim ! Je veux étudier cette affaire de Thyrza Grey. Veux-tu m’aider ?

— Ah ! non ! Je ne peux pas comprendre qu’un type instruit comme toi se laisse prendre à toutes ces fichaises !

— Ne pourrais-tu pas trouver un autre mot ?

— Balivernes, si tu préfères.

— Pas davantage.

— On peut dire que tu es entêté.

— Il le faut bien !

CHAPITRE X

Glendower Close était une voie nouvellement percée qui affectait la forme d’un demi-cercle. Les ouvriers y travaillaient encore. À mi-parcours, une grille sur laquelle on avait inscrit un nom : Everest.

Dans le jardin, un homme plantait des oignons. Lejeune reconnut Osborne sans difficulté. Il poussa la grille. Osborne se redressa pour voir qui envahissait son domaine. À la vue du visiteur, le plaisir ajouta à la couleur déjà riche de ses joues. Il était en manches de chemise et portait de lourdes chaussures, mais cette tenue retirait peu à son aspect méticuleux.

— Bonjour, inspecteur ! s’écria-t-il. Votre visite me fait honneur ! J’ai reçu votre réponse à ma lettre mais jamais je n’aurais espéré vous voir en personne. Soyez le bienvenu dans mon petit château, dans mon Everest. Ce nom vous surprend, peut-être ? J’ai suivi, dans le détail, l’expédition de sir Edmund Hilary ! Quel homme ! quelle gloire pour notre pays ! Mais entrez donc !

Osborne précéda l’inspecteur dans la petite maison. Elle était fort bien tenue, mais parcimonieusement meublée.

— Je ne suis pas encore installé, expliqua l’ancien pharmacien. J’assiste aux ventes aux enchères ; on y trouve du bon mobilier pour le quart du prix demandé dans les magasins. Que puis-je vous offrir ? Du sherry, de la bière, du thé ?

Lejeune choisit la bière.

Mr Osborne s’éloigna pour revenir, un instant plus tard, porteur de deux pichets d’étain crêtés de mousse.

— Un peu de repos ne nous fera pas de mal. Everest. Ah ! Ah ! J’ai toujours aimé la plaisanterie.

Ils burent.

— … Mon renseignement vous a-t-il rendu service ?

— Pas autant que nous l’avions espéré, malheureusement.

— Ah ! je suis déçu, je l’avoue. Bien que je conçoive qu’il n’y ait aucune raison pour qu’un monsieur suivant la même route que le Père Gorman soit son meurtrier. C’eût été trop beau. Et ce Mr Venables est riche, respecté, et fréquente les gens de la meilleure société.

— Le fait est, dit Lejeune, que cela n’a pas pu être Mr Venables que vous avez vu.

Mr Osborne se leva brusquement.

— Oh ! c’était lui ! J’en suis absolument certain. Jamais je n’oublie un visage.

— Vous vous êtes probablement trompé quand même. Mr Venables est une victime de la poliomyélite. Il est paralysé depuis trois ans et ne peut absolument pas se servir de ses jambes.

— La poliomyélite ! s’écria Osborne. Oh ! ça, alors… Cela paraît régler la question. Mais cependant… excusez-moi, inspecteur. Ne m’en veuillez pas mais… en avez-vous une preuve médicale ?

— Oui. Mr Venables se fait soigner par sir William Dugdale, d’Harley Street, un professeur des plus éminents.

— Bien sûr, bien sûr, le nom est célèbre. Eh bien, j’ai l’impression d’avoir fait fausse route. J’étais tellement sûr… Et je vous ai dérangé pour rien.

— Ne prenez pas cela ainsi, dit vivement Lejeune. Votre renseignement garde sa valeur. L’homme que vous avez vu ressemble beaucoup à Mr Venables et, comme celui-ci a un type très marqué, cela limite le rayon d’action.

— C’est exact, reconnut Osborne, un peu rasséréné. Il ne doit pas y avoir tant de criminels répondant à son signalement. Dans vos fichiers, au Yard…

Plein d’espoir, il regardait l’inspecteur.

— Ce n’est peut-être pas si simple que cela. L’homme peut ne pas être fiché. Et, comme vous le disiez, rien ne prouve qu’il ait quelque chose à voir avec le meurtre du Père Gorman.

Mr Osborne parut, de nouveau, très déprimé.

— Pardonnez-moi. C’est curieux… J’aurais aimé témoigner pour meurtre… Et, je vous l’assure, on ne m’aurait pas fait changer d’avis. Je serais resté sur mes positions !

Lejeune, pensif, regardait son hôte.

— … Quoi ? s’impatienta ce dernier.

— Pourquoi seriez-vous resté sur vos positions ?

Le pharmacien eut l’air étonné.

— Parce que je suis certain… Oh ! oui, je vois à quoi vous pensez. Je me suis trompé d’homme et ma certitude est sans objet. Et, pourtant, je la ressens…

— Vous devez vous demander le motif de ma présence chez vous puisque j’ai eu la preuve médicale que Mr Venables n’était pas le suspect ? Je suis venu parce que la précision de votre description m’a frappé. Souvenez-vous-en, il y avait du brouillard, ce soir-là. Je me suis rendu dans votre pharmacie. Debout sur votre seuil, j’ai regardé de l’autre côté de la rue. Il m’a paru que, par une soirée de brouillard, il devait être pratiquement impossible de distinguer clairement les traits de quelqu’un.

— Dans une certaine mesure, vous avez raison. Le brouillard montait, mais de façon irrégulière. Il restait des places claires. C’est ainsi que j’ai pu voir le Père Gorman et l’homme qui le suivait. De plus, quand celui-ci a été à ma hauteur, il a manœuvré un briquet pour allumer sa cigarette. J’ai fort bien vu son profil, à ce moment : le nez, le menton, la pomme d’Adam. Il n’était jamais venu chez moi, sans quoi je m’en serais souvenu.

— Oui, dit Lejeune, pensif.

— Un frère, peut-être, suggéra vivement Osborne. Un jumeau ?

Lejeune sourit et secoua la tête.

— C’est très commode dans un roman. Mais, dans la vie… Cela n’arrive pratiquement jamais.

— Non… évidemment. Cependant, une ressemblance de famille.

— Pour autant que nous le sachions, Mr Venables n’a pas de frère.

— Pour autant que vous le sachiez ? répéta Osborne.

— Bien que de nationalité britannique, il est né à l’étranger. Ses parents ne l’ont amené en Angleterre qu’à l’âge de onze ans.

— Vous ne savez pas grand-chose de lui, de sa famille ?

— Non, reconnut Lejeune. Ce n’est pas chose facile, à moins d’aller lui poser des questions directes… et nous n’avons aucun motif pour le faire.

Il existait évidemment d’autres moyens d’agir mais il n’avait pas l’intention de le dire à Osborne.

— … Donc, poursuivit-il en se levant, certificat médical à part, vous êtes certain d’être tombé juste ?

— Oh ! oui. Pour moi, savez-vous, c’est devenu un véritable passe-temps que de me souvenir des visages – il eut un petit rire – combien de mes clients ai-je surpris en leur rappelant des descriptions remontant à plusieurs mois. Les gens aiment qu’on se souvienne d’eux. Je me suis entraîné dès mon plus jeune âge. Au bout d’un certain temps, cela devient automatique. Il n’y a aucun effort à faire.

Lejeune soupira.

— J’aimerais disposer d’un témoin comme vous à la barre !

Mr Osborne parut très satisfait.

— C’est un don, dit-il, modeste. Pour ma part, j’ai cultivé le mien. Qu’on m’apporte un plateau chargé d’objets les plus divers, il me faudra quelques secondes pour les enregistrer et en donner la liste. Cela surprend tout le monde. Cela n’a rien de merveilleux. Une question d’habitude. Je suis assez bon prestidigitateur également. Excusez-moi, mais qu’avez-vous dans votre poche ?

Il se pencha et retira un petit cendrier de la poche de l’inspecteur.

— … Inspecteur ! Et vous êtes de la police ?

Il rit de bon cœur et Lejeune avec lui. Puis Osborne poussa un soupir.

— … J’ai une jolie maison. Les voisins paraissent aimables. J’ai rêvé de cette vie pendant des années mais, je vous l’avoue, mon affaire me manque. Une allée et venue perpétuelle ; des gens à étudier. Je désirais un jardin peuplé de papillons et d’oiseaux, mais je n’aurais pas cru que l’espèce humaine me manquerait tellement… Je suis allé passer un week-end en France. C’est bien, je dois le dire, mais j’ai compris, nettement, que l’Angleterre me suffisait. La nature est étrange ! Je n’avais qu’une idée : prendre ma retraite et, maintenant, je songe fermement à acheter une part dans une pharmacie de Bournemouth… juste pour avoir quelque chose à faire sans l’obligation d’être au magasin à heures fixes.

« … Au revoir, inspecteur. Je suis désolé de n’avoir pu vous aider. S’il y avait quelque chose…

— Je vous le ferais savoir, assura Lejeune.

— Cela promettait, pourtant…

— Je sais. Quel dommage que le rapport médical soit si net, mais on n’y peut rien, n’est-ce pas ?

— Euh…

Lejeune s’éloigna rapidement. Osborne, debout à la grille, le suivit des yeux.

« Rapport médical ! Un médecin ! S’il connaissait la moitié de ce que je sais en ce qui les concerne ! Pauvres naïfs ! Un médecin ! »

CHAPITRE XI

LE RÉCIT DE MARK EASTERBROOK

Hermia d’abord, ensuite Corrigan.

Je m’étais rendu ridicule, c’était un fait ! J’avais marché comme un imbécile. Thyrza Grey m’avait hypnotisé, sans doute. Je n’étais qu’un âne crédule et superstitieux.

J’allais tout laisser tomber !

En un écho lointain, j’entendis la voix pressante de Mrs Dane Calthrop : Il faut faire quelque chose !

C’était facile à dire.

Il faut quelqu’un pour vous aider.

Ni Hermia, ni Corrigan ne voulaient jouer le jeu. Je ne connaissais personne d’autre.

À moins que…

Je décrochai le téléphone, appelai Mrs Oliver.

— Allô ! Ici, Mark Easterbrook.

— Oui.

— Pourriez-vous me donner le nom de la jeune fille avec laquelle nous étions chez mes cousins ?

— Je m’y attendais ! Elle s’appelle Ginger.

— Cela, je le sais. Mais encore ?

— Encore quoi ?

— Elle doit bien avoir un nom de famille ?

— Évidemment. Mais je l’ignore. Je ne me souviens pas l’avoir entendu. Je ne l’avais jamais vue. Téléphonez donc à Rhoda pour le lui demander.

Cette idée ne me plaisait pas du tout.

— Oh ! non, c’est impossible.

— C’est simple comme bonjour. Dites que vous avez perdu son adresse, que vous ne pouvez pas vous souvenir de son nom et que vous avez promis de lui envoyer un de vos livres, ou de lui retourner un mouchoir qu’elle vous a prêté parce que vous saigniez du nez, ou lui fournir l’adresse d’un ami fortuné qui veut faire restaurer un de ses tableaux. Cela vous convient-il ? Je puis vous trouver autre chose ?

— Cela me suffit amplement, merci mille fois.

Je raccrochai, redécrochai et parlai presque aussitôt à Rhoda.

— Ginger ? Elle habite à Mews. 45, Calgary Place. Attends une minute, je te donne son numéro de téléphone. Capricorne 35987. Ça va ?

— Oui, merci. Mais son nom ! Je l’ignore.

— Son nom ? Oh ! Corrigan. Katherine Corrigan. Que dis-tu ?

— Rien. Merci, Rhoda.

Quelle coïncidence. Corrigan ! Peut-être était-ce un présage ? J’appelai Capricorne 35987.

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