Agatha Christie Le cheval pâle

Ginger me faisait face, à une table du Cacatoès blanc où nous nous étions donné rendez-vous. Les mêmes cheveux roux ébouriffés, les taches de rousseur, les yeux verts et vifs. Elle avait sa tenue d’artiste londonienne : un pantalon très étroit, une chemise de jersey et des chaussettes noires, mais c’était la même Ginger et elle me plaisait beaucoup.

— J’ai eu du mal à retrouver votre trace, dis-je. J’ignorais jusqu’à votre nom…

Et je lui racontai l’histoire que j’avais dite à Hermia. Cela dura moins longtemps puisqu’elle connaissait le Cheval pâle et ses occupantes. Lorsque j’eus terminé, je gardai les yeux baissés. Je ne voulais pas voir son amusement indulgent, ou son incrédulité.

— C’est tout ? demanda Ginger d’un ton vif.

— Oui.

— Qu’avez-vous l’intention de faire ?

— Vous pensez… que je dois faire quelque chose ?

— Mais évidemment ! Quelqu’un doit agir ! On ne peut pas laisser une bande organisée faire disparaître des gens sans réagir !

— Mais, que puis-je faire ?

Pour un peu, je lui aurais sauté au cou.

Elle buvait à petits coups, en fronçant les sourcils. Une sensation de chaleur me parcourut. Je n’étais plus seul !

— Il faut que vous trouviez tout ce que cela signifie.

— Je suis d’accord. Mais comment ?

— Il semble y avoir un ou deux indices. Je pourrais peut-être vous aider.

— Vous le feriez ? Mais votre travail ?

— On a du temps entre les heures de bureau.

Elle fronça les sourcils, de nouveau.

— … Cette fille, dit-elle. Celle que vous avez vue au cours d’un souper. Poppy… Elle sait quelque chose… c’est évident.

— Oui, mais elle est terrifiée. Elle n’a pas voulu parler.

— C’est là que je puis être utile. Elle me dira des choses qu’elle vous tairait. Pouvez-vous faire en sorte que nous nous rencontrions ? Votre ami et elle, vous et moi ? Une revue, un dîner… Mais, peut-être serait-ce trop cher ?

Je la rassurai sur ce point.

— … Quant à vous…

Elle resta songeuse une minute.

— Le mieux serait que vous vous occupiez de Thomasina Tuckerton.

— Mais elle est morte.

— Et quelqu’un désirait sa mort, si votre idée est juste ! Et cela a été arrangé au Cheval pâle. Il semble y avoir deux possibilités. La belle-mère ou la fille avec laquelle elle s’est battue. Ce jeune homme qu’elle avait séduit, peut-être voulait-elle l’épouser. Cela ne faisait pas l’affaire de la belle-mère… ni celle de l’autre fille, si elle aimait le garçon. L’un des deux peut avoir été au Cheval pâle. On peut trouver quelque chose de ce côté. Comment s’appelait la fille ?

— Lou, il me semble.

— Des cheveux raides blond cendré, taille moyenne, le postérieur assez bas ?

La description convenait.

— Il doit s’agir de Lou Ellis. Elle a pas mal d’argent, elle aussi…

— Elle n’en donne pas l’impression.

— C’est le genre. Mais elle en a. Elle pourrait payer les honoraires des trois sorcières. Je ne pense pas qu’elles travaillent gratis.

— Cela me paraît improbable.

— Allez voir la belle-mère. C’est votre affaire plus que la mienne.

— Je ne sais même pas où elle habite.

— Luigi connaissait Tommy. Il saura dans quelle région elle habitait. Mais quels idiots nous sommes ! Vous avez vu l’avis de son décès dans le Times. C’est facile à retrouver.

— Il me faudrait un prétexte pour faire parler la belle-mère.

Ginger ne s’embarrassa pas pour si peu.

— Vous êtes quelqu’un. Un historien. Vous faites des conférences… Mrs Tuckerton sera très impressionnée et flattée de vous recevoir.

— Mais sous quel prétexte ?

— L’intérêt que vous portez à sa maison. Si c’est une vieille boîte, il y a sûrement quelque chose à faire.

— Je n’y entends rien.

— Comment le saura-t-elle ? Les gens sont toujours persuadés qu’une bâtisse d’un siècle est susceptible d’intéresser un historien ou un archéologue. Elle doit bien avoir quelques vieux tableaux. Peu importe. Vous prenez rendez-vous, vous lui passez de la pommade, vous faites du charme et vous dites avoir rencontré sa fille… sa belle-fille… vous compatissez… Et, brusquement, une allusion au Cheval pâle. Soyez sinistre, si vous y tenez.

— Et, ensuite ?

— Vous observez ses réactions. Si elle n’a pas la conscience tranquille, en entendant parler du Cheval pâle, je la défie de ne pas se trahir.

— Et… si elle réagit ?

— Nous saurons, et c’est l’important, que nous sommes sur la bonne voie. Dès que nous aurons une certitude, nous foncerons !

« … Autre chose, ajouta-t-elle, songeuse. Pourquoi la Grey vous a-t-elle raconté tout cela ? Pourquoi s’est-elle tellement avancée ?

— Par bêtise.

— Non, ce n’est pas cela. Pourquoi vous a-t-elle choisi ? Je me demande si elle ne sert pas de lien.

— De lien ?

— Une seconde… que je mette de l’ordre dans mes idées.

J’attendis. Ginger hocha la tête avec vigueur.

— Admettons… admettons que cela se passe ainsi. Poppy sait, vaguement peut-être, mais elle sait ce qui se passe au Cheval pâle. Elle me paraît être de ce genre de fille insignifiante dont on ne se méfie pas. On l’a peut-être entendue au cabaret bavarder avec vous, et quelqu’un l’a priée brutalement de « la fermer ». Le lendemain, vous venez lui poser des questions. Terrifiée, elle refuse de répondre. Mais cela se sait. Pourquoi montrez-vous cette curiosité ? Vous n’êtes pas de la police. Seriez-vous un client éventuel ?

— Mais…

— C’est de la logique pure. Des bruits ont couru, vous voulez en avoir le cœur net… en tirer parti. Et vous paraissez à la fête de Much Deeping. On vous amène au Cheval pâle, sur votre demande, bien sûr. Et qu’arrive-t-il ? Thyrza Grey vous joue le grand jeu.

— Oui. C’est possible. La croyez-vous capable de faire ce qu’elle dit, Ginger ?

— Selon moi, non. Mais il y a des choses si surprenantes : surtout en matière d’hypnotisme. L’étrange pouvoir de la suggestion… Cela paraît relever du charlatanisme mais… En ce qui concerne Thyrza… Je ne pense pas qu’elle ait raison… mais j’ai grand peur qu’elle puisse avoir raison !

— Oui.

— Je peux retrouver Lou et la sonder. Mais la première chose à faire est de voir Poppy.

Cela marcha très bien. David était libre, trois jours plus tard. Nous nous donnâmes rendez-vous au théâtre et il arriva, Poppy à sa remorque. Nous choisîmes le Fantaisie pour souper. Ginger et Poppy, parties de conserve pour se poudrer le nez, reparurent – au bout d’un certain temps – en excellents termes. Nous ne parlâmes que de sujets fort anodins et, la soirée terminée, je reconduisis Ginger chez elle.

— Pas grand-chose à signaler, dit-elle, joviale. J’ai vu Lou. Le garçon pour lequel elle s’est battue est, à ce qu’il me semble, un sale individu que les filles s’arrachent. Il serrait Lou de près lorsque Tommy est entré en scène. Lou, plaquée, s’est fâchée. C’était pour l’argent de Tommy qu’il la lâchait, a-t-elle prétendu. Mais, à l’entendre, ce n’était pas une bataille sérieuse, rien qu’un « accrochage ».

— Un accrochage… Elle a arraché les cheveux de Tommy.

— Je vous répète ce qu’elle m’a dit.

— Elle a été bavarde, à ce que je vois.

— Elles adorent raconter leurs petites affaires à qui veut les entendre. Au fait, Lou a un nouveau petit ami, aussi peu intéressant que le premier. Elle l’adore. Elle ne me paraît pas connaître le Cheval pâle. J’en ai parlé, elle n’a pas réagi. Je crois qu’on peut la rayer de notre liste. Qu’avez-vous fait avec la belle-mère ?

— Elle voyage à l’étranger. Elle revient demain. J’ai dicté une lettre à ma secrétaire pour lui demander un rendez-vous.

— Parfait. Cela commence à remuer. Qu’est-il advenu de la femme qui avait fait appeler le Père Gorman ? Est-elle morte ? Qui était-elle ?

— Elle est morte. Je ne sais pas grand-chose sur elle. Elle s’appelait Davis, je crois.

— Si nous pouvions en apprendre plus long, peut-être saurions-nous comment elle a obtenu les renseignements confiés au Père Gorman.

Le lendemain, de bonne heure, j’eus Corrigan au téléphone et lui posai la question.

— Un instant, j’ai noté quelques détails. Voici… Mrs Davis s’appelait en fait Archer, son mari était un petit bandit. Elle l’avait quitté et repris son nom de jeune fille.

— Où est-il, cet Archer ?

— Il est mort. Un type sans intérêt. Un petit voleur à l’étalage.

— Il n’y a pas grand-chose là-dedans.

— Non. La maison pour laquelle travaillait Mrs Davis, la C.R.C., une entreprise publicitaire, semble ne rien savoir d’elle.

Je remerciai et raccrochai.

CHAPITRE XII

LE RÉCIT DE MARK EASTERBROOK

Trois jours plus tard, Ginger me téléphona.

— J’ai quelque chose pour vous. Un nom et une adresse. Inscrivez-les.

Je pris mon bloc.

— Allez-y.

— Bradley, 78, Municipal Square Buildings, Birmingham.

— Je veux bien être pendu si j’y comprends quelque chose.

— Je suis comme vous et je doute que Poppy sache exactement ce que cela veut dire.

— Poppy ? Est-ce… ?

— Oui. Je l’ai travaillée ferme. Je vous l’avais dit ! Quand elle a été apprivoisée, ça a été facile.

— Comment vous y êtes-vous prise ?

Ginger rit.

— Secrets féminins, vous ne comprendriez pas. Toujours est-il que nous avons déjeuné ensemble. J’ai parlé de ma vie sentimentale… et des obstacles qui l’encombraient… un homme marié à une femme impossible… catholique se refusant à lui accorder le divorce… faisant de sa vie un enfer. Et, de plus, paralysée, souffrant le martyre, mais destinée à vivre cent ans. Ce serait un bienfait pour elle de mourir. J’ai ajouté que je songeais sérieusement au Cheval pâle, mais que je ne savais pas comment m’y prendre et que cela devait être extrêmement cher. Poppy a reconnu l’avoir entendu dire. J’ai dit alors que j’avais des espérances. Ce qui est vrai : un grand-oncle, un amour, dont je ne souhaite nullement la mort ! Mais c’est utile. J’ai exprimé l’espoir qu’un acompte, au début, serait accepté, peut-être. Mais comment faire ? C’est alors que Poppy m’a fourni nom et adresse. « Allez-y, m’a-t-elle dit, pour fixer les détails financiers. »

— C’est fantastique !

— Oui, plutôt.

— Elle vous a dit cela, comme ça… sans avoir peur ?

— Vous ne comprenez pas ! dit Ginger, impatientée. Ce qu’elle m’a dit ne compte pas. Et, après tout, Mark, si ce que nous pensons est exact, il faut à cette affaire une certaine publicité. Il faut renouveler la clientèle.

— Nous sommes fous.

— Entendu, nous le sommes. Irez-vous à Birmingham voir ce Mr Bradley ?

— Oui, dis-je. Je vais le voir… s’il existe.

Je ne pouvais pas y croire. Ce en quoi je me trompais.

Municipal Square Buildings était une énorme ruche dont chaque alvéole contenait un bureau. Le soixante-dix-huit se trouvait au troisième étage. La porte vitrée portait en lettres noires : « C.R. Bradley. Agent d’affaires. » Et, au-dessous, en caractères plus petits : « Entrez sans frapper. »

J’entrai, me trouvai dans une étroite antichambre vide. Face à moi, une porte entrouverte marquée du mot : « Privé. »

— Entrez, je vous prie, entendis-je.

J’obéis. La pièce, assez grande, abritait un bureau, deux chaises d’aspect confortable, un téléphone, un classeur et Mr Bradley lui-même.

Un petit homme brun, aux yeux noirs, rusés. Vêtu de sombre, c’était l’image de la respectabilité.

— Fermez la porte, voulez-vous, dit-il d’un ton plaisant. Et prenez un siège. Une cigarette ? Non ? Alors, en quoi puis-je vous être utile ?

Je le regardai. Je ne savais par quoi commencer, que dire. Me jetai-je à l’eau ? Fus-je poussé par l’expression de ses petits yeux ?

— Combien ? dis-je.

Cela le surprit un peu et je le notai avec satisfaction. Mais, malgré cela, il ne parut pas songer un instant qu’un détraqué venait de passer son seuil.

Il leva les sourcils.

— Eh bien, eh bien, vous n’aimez pas perdre votre temps.

— Votre réponse ? insistai-je.

Il hocha la tête d’un air gentiment réprobateur.

— Ce n’est pas une façon d’agir. Procédons comme il se doit.

Je haussai les épaules.

— Comme vous voudrez. Et comment « doit-on » ?

— Nous ne nous sommes même pas présentés mutuellement. J’ignore votre nom.

— Pour l’instant, je n’éprouve aucune envie de vous le dire.

— Prudent ?

— Prudent.

— Remarquable qualité… bien que parfois un peu gênante. Qui vous a envoyé à moi ? Quel est notre ami commun ?

— Je ne puis vous le dire. Un de mes amis a un ami qui connaît l’un des vôtres.

Mr Bradley opina du chef.

— Beaucoup de mes clients me viennent de cette façon. Certains problèmes sont… disons délicats. Vous connaissez ma profession, je présume ?

Il n’attendit pas ma réponse et me la fournit lui-même.

— … Je m’occupe de chevaux. Cela vous intéresse ?

— Je ne joue pas aux courses, répondis-je sans me compromettre.

— Il y a autre chose, la course, la chasse, la monte. Je m’attache au côté sportif. Le pari.

Il marqua un temps d’arrêt, puis d’un ton indifférent… trop indifférent :

— … Songez-vous à un cheval en particulier ?

Je haussai les épaules et brûlai mes vaisseaux.

— À un cheval pâle…

— Ah ! Très bien. Excellent. Mais ne soyez donc pas nerveux. Il n’y a aucune raison.

— Que vous dites ! répliquai-je brutalement.

Mr Bradley se fit encore plus doucereux.

— Je comprends parfaitement vos sentiments. Mais je vous assure qu’il n’y a pas de quoi s’inquiéter. Je suis avocat… radié, bien sûr. Sans quoi je ne serais pas ici. Mais je connais la loi, n’en doutez pas. Tout ce que je recommande est parfaitement légal. Je ne fais qu’enregistrer des paris. On peut parier ce que l’on veut : qu’il pleuvra le lendemain ; que les Russes enverront un homme dans la lune ; que votre femme aura des jumeaux. Vous pouvez parier que Mr B. mourra avant Noël, ou que Mrs C. vivra jusqu’à cent ans. Vous vous basez sur votre intuition, ou votre instinct, ce que vous voudrez. C’est simple.

J’avais l’impression d’entendre un chirurgien me rassurer avant de m’opérer.

— Je ne comprends pas cette histoire de Cheval pâle, dis-je lentement.

— Et cela vous ennuie ? Oui, cela tracasse beaucoup de gens. Franchement, je ne comprends pas moi-même. Mais les résultats sont merveilleux.

— Ne pourriez-vous m’en dire davantage ?

J’étais dans la peau de mon personnage, à présent, prudent, impatient et… terrifié. Cette attitude n’était pas neuve pour Mr Bradley.

— Ne connaissez-vous pas du tout l’endroit ?

Je réfléchis, très vite. Il eût été imprudent de mentir.

— Je… eh bien… j’y ai été avec des amis. On m’y a emmené…

— Charmante vieille auberge, restaurée de façon parfaite. Vous avez donc fait sa connaissance ? Je veux parler de mon amie, de Miss Grey ?

— Oui… oui… bien sûr. Une femme extraordinaire.

— N’est-ce pas ? Extraordinaire. Elle vous stupéfie. Quels dons !

— Et ce qu’elle raconte ! C’est… c’est impossible !

— Voilà ! Ce qu’elle prétend comprendre et faire est impossible ! Tout le monde le dirait. Devant un tribunal, par exemple…

Le regard des petits yeux noirs fouillait les miens.

— … Devant un tribunal, répéta Bradley, cela semblerait ridicule ! Si cette femme se levait et s’accusait de meurtre à distance, par la puissance de la volonté ou tout autre terme qu’il lui plairait d’employer, on ne la prendrait pas au sérieux. Même si sa déposition était vraie (ce que des gens intelligents comme vous ou moi ne pouvons croire un instant), elle ne serait pas admise légalement. Un meurtre à distance, ridicule. Et c’est là que réside la beauté de la chose… si vous y songez.

Il cherchait à me rassurer. Si j’engageais Thyrza Grey à user de sa puissance maléfique, je ne risquais rien, du point de vue légal. Mon scepticisme naturel reprit vite le dessus.

— Mais, bon sang ! m’écriai-je. C’est fantastique, impensable ! Je n’en crois pas un mot !

— Je suis entièrement de votre avis. Thyrza Grey est une femme douée de pouvoirs étranges auxquels on a peine à croire. Elle est écossaise et ce que l’on appelle la seconde vue est commun à cette race. Cela existe. Mais ce à quoi je crois, et sans hésitation : (il se pencha sur moi) Thyrza Grey sait, longtemps à l’avance, quand quelqu’un doit mourir ! C’est un don. Elle le possède.

Il se redressa, me regarda avec attention. J’attendis.

— … Imaginons un cas. Quelqu’un, vous-même, ou une autre personne, désire vivement savoir quand… disons la tante Eliza doit mourir. Cela peut servir, avouez-le, de connaître un détail de ce genre. Rien de déplaisant… une simple question d’affaires. Arrivera-t-il, dirons-nous, certaine somme bien utile en novembre prochain ? Si on le sait, avec certitude, on peut faire des projets. La mort est une affaire tellement risquée. La chère vieille Eliza peut vivre, avec l’aide des médecins, dix ans encore. Cela vous plairait, bien sûr, vous l’aimez beaucoup, la pauvre. Mais ce serait si agréable de savoir.

« … Comme je vous le disais, je suis joueur. Je parierais sur n’importe quoi. Vous venez me trouver. Naturellement, vous n’allez pas parier sur la mort de la vieille dame. Cela répugnerait à vos sentiments délicats. Nous présentons cela d’autre façon. Vous me pariez une certaine somme que la tante Eliza sera fraîche comme l’œil au prochain Noël. Je vous parie que non. »

Les petits yeux me fouillaient…

— … Rien là-contre, n’est-ce pas ? C’est simple. Nous discutons à ce sujet. Je prétends que la tante mourra, vous vous obstinez à dire le contraire. Nous préparons un contrat que nous signons. Je vous donne une date. À quinze jours de cette date, avant ou après, on annoncera les funérailles de la tante Eliza. Vous dites que non. Si vous avez raison… je vous paye. Si vous vous trompez, vous me payez.

Je le regardais, m’efforçant de ressentir les sentiments d’un homme qui désire se débarrasser d’une vieille dame fortunée. Non. Il m’était plus facile de m’imaginer saigné à blanc depuis des années par un maître chanteur. Je ne pouvais plus y tenir. Je voulais sa mort, et je n’avais pas le courage de le tuer moi-même, mais je donnerais n’importe quoi… oui, n’importe quoi…

Je parlai d’une voix rauque, mais avec assurance.

— Vos conditions ?

Mr Bradley changea d’attitude. Il devint gai, presque facétieux.

— Nous y voilà ! Ou plus exactement, vous y étiez déjà. « Combien ? » m’avez-vous demandé. Vous m’avez plutôt surpris. Je n’avais jamais entendu quelqu’un en arriver aussi vite au fait.

— Vos conditions ?

— Cela dépend de nombreux éléments. Dans beaucoup de cas, la somme dont peut disposer le client joue un rôle primordial. Pour un mari gênant, un maître-chanteur… Enfin, pour être précis, je ne parie pas avec des clients pauvres… sauf dans un cas comme celui dont je vous ai parlé, où la fortune de la tante Eliza est à considérer. Les conditions se font par accord mutuel. Nous y avons intérêt, chacun de notre côté. La côte est de cinq cents contre un, en général.

— Cinq cents contre un, c’est exorbitant.

— Je cours un risque. Si la tante Eliza était déjà inscrite pour le grand départ, vous le sauriez déjà et ne viendriez pas me trouver. Prophétiser la mort de quelqu’un sous deux semaines entraîne de longs paris. Cinq mille contre cent, cela n’a rien d’excessif.

— Et si vous perdez ?

Bradley haussa les épaules.

— Ce serait dommage. Je paierais.

— Et si je perds et ne paye pas ?

Bradley ferma à demi ses petits yeux.

— Je ne vous le conseillerais pas, dit-il avec douceur.

Un léger frisson me parcourut.

Je me levai.

— Je… il me faut réfléchir.

Mr Bradley retrouva aussitôt ses manières affables.

— Mais bien sûr ! Il ne faut jamais se hâter. Si vous vous décidez, revenez et nous étudierons l’affaire dans ses détails. Prenez votre temps.

Je sortis, l’écho de ces mots résonnant encore dans mes oreilles : « Prenez votre temps… »

CHAPITRE XIII

LE RÉCIT DE MARK EASTERBROOK

Je me décidai à interviewer Mrs Tuckerton avec le plus parfait manque d’enthousiasme. Malgré l’avis de Ginger, j’étais loin de trouver cela prudent. Tout d’abord, je ne me sentais pas à la hauteur de la tâche que je m’assignais. Je doutais fortement de mon habileté à jouer la comédie.

Ginger, avec l’ardeur terrifiante qu’elle était capable de déployer quand elle le voulait, m’avait donné ses instructions par téléphone.

— Ce sera très simple. La maison est de Nash. Mais d’une facture inhabituelle chez lui. Une de ses inspirations néo-gothiques !

— Et pourquoi désirerais-je la voir ?

— Vous avez l’intention d’écrire un article ou un livre sur les influences modifiant les styles architecturaux. Quelque chose dans ce genre.

— Cela me paraît un bel attrape-nigaud.

— Ridicule, dit Ginger avec force. Quand il est question de littérature ou d’art, les gens les plus sérieux et les moins discutables écrivent n’importe quoi. Je pourrais vous citer des chapitres entiers d’absurdités.

— C’est pourquoi vous feriez beaucoup mieux l’affaire que moi.

— C’est là où vous vous trompez. Mrs Tuckerton peut chercher dans le Bottin mondain, elle vous y trouvera. Mais pas moi.

Je m’avouai battu mais non convaincu.

À l’issue de mon entretien avec Bradley, Ginger et moi-même nous avions tenu conseil. Cela lui avait paru moins incroyable qu’à moi.

— À présent, nous savons qu’il existe un organisme chargé de faire disparaître les gens.

— De façon surnaturelle !

— Vous vous cramponnez à vos idées. Les gris-gris de Sybil, le charlatanisme dont elle s’entoure, tout vous désaxe. Si Bradley s’était révélé un pseudoastrologue, oui. Mais, comme il semble n’être qu’un sale petit bandit ferré en droit, cela prend forme. Si bizarre que cela puisse paraître, ces trois femmes du Cheval pâle ont mis en pratique quelque chose qui marche.

— Si vous en êtes convaincue, alors, pourquoi voir Mrs Tuckerton ?

— Précaution supplémentaire. Nous savons ce que Thyrza dit pouvoir faire. Nous connaissons de quelle façon on règle le côté financier de l’opération. Nous avons quelques détails concernant trois des victimes. Il nous faut connaître le point de vue du client.

— Et si Mrs Tuckerton ne révèle rien qui puisse laisser entendre qu’elle a été cliente ?

— Nous reporterons notre enquête ailleurs.

C’est ainsi que je me retrouvai devant la porte de Carraway Park, château de proportions modestes, répondant peu, à mon avis, au style de Nash. Mais j’étais très peu documenté sur la question.

Un valet misérable, vêtu d’alpaga râpé, répondit à mon coup de sonnette.

— Mr Easterbrook ? Madame attend monsieur, dit-il.

Il m’introduisit dans un salon meublé avec un soin excessif. Tout, autour de moi, était dispendieux et dépourvu de goût. Un ou deux beaux tableaux pour une profusion de peintures sans beauté. Des flots de brocart jaune. L’arrivée de Mrs Tuckerton me dispensa de poursuivre mon examen.

Je ne sais à quoi je m’étais attendu mais je fus très surpris : une femme, jeune encore, et parfaitement commune. Rien de remarquable en elle. La bonté ne devait pas être sa qualité dominante. Les lèvres, en dépit d’une généreuse application de rouge, étaient minces et serrées. Les yeux, bleu pâle, donnaient l’impression d’évaluer le prix de toute chose. Elle devait être du genre de femme habituée à distribuer des pourboires mesquins. Les femmes comme elle sont légion mais, en général, moins richement habillées et habilement maquillées.

— Mr Easterbrook ?

Ma visite, c’était évident, la ravissait.

— … Je suis tellement heureuse de vous voir, que ma maison puisse vous intéresser ! Bien sûr, je savais, par mon mari, qu’elle avait été construite par Nash, mais jamais je n’aurais pensé qu’elle puisse retenir votre attention !

— Voyez-vous, madame, elle n’est pas de la facture habituelle à Nash et, de ce fait, euh…

Elle me tira d’embarras.

— Je suis d’une terrible ignorance en ce qui concerne… l’architecture, l’archéologie, enfin toutes ces choses. Mais, ne m’en veuillez pas…

Loin de lui en vouloir, je lui en savais gré.

— … Évidemment, tout cela est passionnant.

— Nous autres, spécialistes, sommes parfaitement ennuyeux, lui dis-je.

Elle se récria, me demanda si je désirais prendre le thé avant de visiter la maison ou effectuer la visite avant de prendre le thé.

Je n’avais pas songé à cette éventualité, mon rendez-vous étant fixé à trois heures trente, mais je choisis de commencer par faire le tour du propriétaire.

Elle me guida, bavardant inlassablement, ce qui m’était d’un grand secours.

Ma visite s’annonçait bien, me dit-elle, la maison était à vendre.

— Elle est trop grande pour moi… depuis la mort de mon mari… Je n’aurais pas aimé que vous la voyiez vide. Une maison doit être occupée pour qu’on l’apprécie, n’est-ce pas, monsieur ?

Pour ma part, je l’eusse préférée inhabitée et débarrassée de son mobilier, mais ce n’était pas une chose à dire. Je demandai à mon hôtesse si elle avait l’intention de rester dans le voisinage.

— Je ne sais pas au juste. J’ai envie de voyager un peu, d’aller au soleil. Je déteste ce triste climat. Je projette d’aller passer l’hiver en Égypte. J’y ai été, il y a deux ans. Quel pays merveilleux ! Mais, suis-je sotte, vous devez le connaître par cœur !

J’ignorais tout de l’Égypte et le lui dis.

— Je n’en crois rien, rétorqua-t-elle d’un ton léger. Voici la salle à manger. Elle est octogonale. C’est bien le terme ?

J’acquiesçai, admirai et, la visite terminée, nous nous retrouvâmes dans le salon. Mrs Tuckerton sonna pour le thé. Celui-ci fut apporté par le valet à l’aspect poussiéreux. La grosse théière en argent aurait eu besoin d’un sérieux astiquage.

Mrs Tuckerton soupira quand nous fûmes seuls.

— Les domestiques sont impossibles, aujourd’hui. À la mort de mon mari, le couple qui était dans la maison depuis près de vingt ans a donné son congé, prétextant qu’il prenait sa retraite. Mais on m’a dit qu’il s’était replacé autre part. Et ces gages qu’on leur donne ! N’est-ce pas incroyable, avec ce qu’ils mangent, sans parler du blanchissage !

Oui, songeais-je, ces yeux pâles, cette bouche mince décelaient bien l’avarice.

Il n’était pas difficile de faire parler Mrs Tuckerton. Elle aimait se raconter. Un air attentif, un mot d’encouragement de temps à autre, et j’appris sur elle beaucoup plus qu’elle ne le crût.

Je sus ainsi qu’elle avait épousé Thomas Tuckerton, un veuf, cinq ans auparavant. Elle était « beaucoup, beaucoup plus jeune que lui ». Elle l’avait rencontré dans un grand hôtel du bord de la mer, qu’elle fréquentait « comme quatrième au bridge ». Ce détail lui échappa sans qu’elle s’en rendît compte. Il avait une fille dans une école des environs. Pauvre Thomas, il était si seul… Sa première femme était morte depuis plusieurs années, et elle lui manquait beaucoup.

Et Mrs Tuckerton continua de se dépeindre. Une jeune femme au cœur tendre prenant pitié d’un homme vieillissant, solitaire. La mauvaise santé de celui-ci, le dévouement de celle-là.

— Évidemment, dans les derniers temps de sa maladie, je n’ai pu avoir aucun ami personnel.

Thomas Tuckerton aurait-il trouvé indésirables certaines relations masculines de sa femme ? Cela expliquerait les termes du testament dont Ginger avait demandé communication à l’Administration.

Des legs à des vieux domestiques, à des filleules et une pension à sa femme – convenable, mais nullement généreuse ; l’usufruit à vie d’une certaine somme. Le reste de ses biens, qui dépassaient cent mille livres, à sa fille Thomasina Ann, pour lui revenir en toute propriété le jour de ses vingt et un ans, ou le jour de son mariage. En cas de sa mort avant sa majorité, l’argent revenait à sa belle-mère. Il n’y avait, semblait-il, aucun autre membre de la famille.

La prise, pensais-je, fut bonne et Mrs Tuckerton aimait l’argent, cela se voyait, se sentait à première vue. Elle avait été pauvre, évidemment, jusqu’à ce qu’elle épousât son riche veuf. Et, peut-être cela lui était-il monté à la tête. Longtemps embarrassée d’un mari invalide, elle aspirait au jour où elle serait libre, encore jeune, et riche au-delà de toutes ses espérances.

Le testament fut une déception. Elle avait rêvé mieux qu’une rente modeste. Elle espérait croisières luxueuses, robes, bijoux ou, peut-être, la joie pure de posséder de l’argent pour le seul plaisir de le voir s’entasser, à la banque.

Et tout avait été donné à la fille qui, selon toute vraisemblance, n’aimait pas sa belle-mère et, avec la cruauté de la jeunesse, le lui avait fait savoir. Cette fille qui serait riche à moins que…

À moins que ?… Cela suffisait-il ? Pouvais-je vraiment croire que cette femme à l’élégance de mauvais goût, débitant des lieux communs à une telle cadence, était capable de préparer froidement, avec l’aide du Cheval pâle, la mort d’une jeune fille ?

Non, cela m’était impossible.

Cependant, il me fallait jouer mon rôle.

— Il me semble, dis-je presque brutalement, avoir rencontré votre fille, votre belle-fille.

Elle me regarda un peu surprise, mais peu intéressée.

— Thomasina ? Vraiment ?

— Oui. À Chelsea.

— Oh ! Chelsea ! Oui, cela ne m’étonne pas. (Elle soupira.) Les jeunes filles d’aujourd’hui ! On ne peut rien en faire. Cela chagrinait beaucoup son père. Je ne pouvais rien faire, bien sûr. Jamais elle ne m’écoutait. (Nouveau soupir.) À l’époque de notre mariage, elle était déjà grande, savez-vous. Une belle-mère…

Elle secoua la tête.

— C’est une situation toujours délicate, dis-je.

— J’ai fait des concessions, j’ai tout tenté.

— Je n’en doute pas.

— Mais en vain. Évidemment, Tom ne lui aurait pas permis de se montrer insolente avec moi, mais elle me rendait vraiment la vie intenable. En un sens, j’ai été soulagée quand elle a insisté pour quitter la maison, mais j’ai compris l’effet produit sur Tom. Elle s’est entourée de gens impossibles.

— J’ai… il m’a semblé, en effet…

— Pauvre Thomasina…

Mrs Tuckerton remit en place une boucle blonde, puis elle leva les yeux sur moi : « Oh ! mais peut-être ne le savez-vous pas ? Elle est morte, il y a un mois. Une encéphalite aiguë. C’est une maladie fréquente chez les êtres jeunes… je crois. C’est si triste. »

— Je savais qu’elle était morte, dis-je en me levant. Je vous remercie, madame, de m’avoir fait visiter votre maison.

Elle me tendit la main. Je fis quelques pas vers la sortie, puis me retournai :

— … Au fait. Je crois que vous connaissez le Cheval pâle, n’est-ce pas ?

Sa réaction ne laissa aucun doute. Ses yeux pâles se dilatèrent sous l’effet d’une peur intense. Sous le maquillage, son visage perdit toute couleur.

— Le Cheval pâle ? répéta-t-elle d’une voix perçante. Que voulez-vous dire ? Je ne connais aucun cheval pâle.

Je jouai l’étonnement.

— 0h ! Je ferais erreur ? C’est une vieille auberge très intéressante… à Much Deeping. Je m’y trouvais, il y a quelques jours. Cela a été transformé de façon charmante. J’étais persuadé avoir entendu prononcer votre nom… peut-être votre belle-fille s’y est-elle rendue… ou quelqu’un portant le même nom que le vôtre. L’endroit jouit d’une… certaine réputation.

Ma sortie me satisfit énormément. Dans un des miroirs du hall, je vis le reflet de Mrs Tuckerton qui me regardait, les yeux agrandis. Elle était terrifiée et j’eus la vision de ce qu’elle serait dans quelques années… Ce n’était pas réjouissant.

CHAPITRE XIV

LE RÉCIT DE MARK EASTERBROOK

— Donc, à présent, nous sommes certains, dit Ginger.

— Nous l’étions déjà.

— Oui… Mais c’est une confirmation.

Je me représentais Mrs Tuckerton se rendant à Birmingham… rencontrant Bradley. La nervosité de la femme, la bonhomie rassurante de l’homme soulignant l’absence de risques à courir – il avait dû insister sur ce point avec Mrs Tuckerton. Je la voyais repartir, sans s’être compromise, laissant l’idée prendre racine. Peut-être avait-elle rendu visite à sa belle-fille, ou celle-ci était-elle venue passer le week-end chez elle. Il avait pu être question de mariage. Et, tout le temps, régnant en maîtresse, l’idée de l’ARGENT… pas une misérable somme, mais une fortune susceptible de tout offrir. Et cette merveille allant à cette fille dégénérée, dépourvue de bonnes manières, hantant les bars de Chelsea, dans une tenue indescriptible, en compagnie de voyous de son espèce… C’était injuste !

Puis une autre visite, à Birmingham… la discussion des accords. Bradley avait dû avoir du fil à retordre avec elle ! Enfin, le contrat dûment signé, que s’était-il passé, ensuite ?

Là, mon imagination ne m’était d’aucun secours. Je sortis de ma méditation pour voir Ginger qui m’étudiait.

— Alors, vous avez suivi la dame à Birmingham, et tout reconstruit ?

— Oui, effectivement, mais que s’est-il passé ensuite ?

— Tôt ou tard, il faudra apprendre ce qui se trafique au Cheval pâle.

— Comment ?

— Je ne sais pas… ce ne sera pas facile. Personne de ceux qui y sont allés, qui s’en sont servi, ne parlera. Je me demande…

— Nous pourrions aller trouver la police ?

— Oui. Après tout, nous disposons de quelque chose de bien défini, à présent. Suffisamment pour agir.

Je hochai la tête.

— Une preuve d’intention. Nous ne savons encore rien du procédé exact.

— Il nous faut l’apprendre. Mais comment ?

— Il faudrait voir, ou entendre de ses propres yeux et oreilles. Mais il n’y a aucun endroit où se cacher dans cette espèce de grange où, je suppose que… l’opération a lieu.

Ginger se redressa, secoua la tête comme un jeune terrier.

— Il n’y a qu’un moyen ! Soyez un véritable client.

Je la regardai, ébahi.

— Un véritable client ?

— Vous ou moi, cela n’a pas d’importance, désirons nous débarrasser de quelqu’un. L’un de nous doit aller voir Bradley et s’entendre avec lui.

— Cela ne me plaît pas du tout, dis-je sèchement.

— Pourquoi ?

— Parce que… cela présente de sérieux dangers.

— Pour nous ?

— Peut-être. Mais je pensais… à la victime. Il nous en faut une… pour avoir un nom à donner. On ne peut pas l’inventer. Ils se renseignent certainement.

Ginger réfléchit, puis acquiesça.

— Oui. La victime doit exister et avoir une adresse.

— C’est ce que je n’aime pas.

— Et il nous faut une bonne raison pour nous en défaire.

— Il faudrait le consentement de la personne choisie, dis-je lentement. C’est beaucoup demander.

— Il ne faut rien négliger. Mais, comme vous le disiez l’autre jour, ils se trouvent dans une impasse. Cette affaire doit être tenue secrète… mais les clients doivent en connaître l’existence.

— Ce qui me stupéfie, c’est que la police ne paraît pas en avoir entendu parler.

— Et c’est justement ce qui me fait penser que c’est, dans le véritable sens du terme, une affaire d’amateurs. On n’y emploie aucun criminel professionnel. C’est essentiellement « privé ». Admettons, à présent, que vous ou moi tenions absolument à nous débarrasser de quelqu’un. Qui pourrions-nous choisir ? Il y a bien mon cher vieil oncle Merwyn… je récolterai un joli magot quand il passera l’arme à gauche. Il n’a pas d’autres héritiers que moi et un vague cousin, en Australie. Mais il a plus de soixante-dix ans et il est presque gâteux. Il semblerait donc plus intelligent de ma part d’attendre sa mort… à moins que j’aie un terrible besoin d’argent… et ce serait difficile à faire admettre. D’ailleurs, je l’aime beaucoup et, gâteux ou pas, la vie lui plaît et pour rien au monde je ne voudrais courir le risque de l’en priver d’une minute ! Et, de votre côté ? Avez-vous un parent quelconque disposé à vous laisser son argent ?

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