Acte IV
Scène I
Axiane,seule.
N’entendrons-nous jamais que des cris devictoire,
Qui de mes ennemis me reprochent lagloire ?
Et ne pourrai-je au moins, en de si grandsmalheurs,
M’entretenir moi seule avecque mesdouleurs ?
D’un odieux amant sans cesse poursuivie,
On prétend malgré moi m’attacher à lavie :
On m’observe, on me suit. Mais, Porus, necrois pas
Qu’on me puisse empêcher de courir sur tespas.
Sans doute à nos malheurs ton cœur n’a pusurvivre.
En vain tant de soldats s’arment pour tepoursuivre :
On te découvrirait au bruit de tesefforts,
Et s’il te faut chercher, ce n’est qu’entreles morts.
Hélas ! en me quittant, ton ardeurredoublée
Semblait prévoir les maux dont je suisaccablée,
Lorsque tes yeux, aux miens découvrant talangueur,
Me demandaient quel rang tu tenais dans moncœur,
Que sans t’inquiéter du succès de tesarmes,
Le soin de ton amour te causait tantd’alarmes.
Et pourquoi te cachais-je avec tant dedétours
Un secret si fatal au repos de tesjours ?
Combien de fois, tes yeux forçant marésistance,
Mon cœur s’est-il vu près de rompre lesilence !
Combien de fois, sensible à tes ardentsdésirs,
M’est-il, en ta présence, échappé dessoupirs !
Mais je voulais encor douter de tavictoire :
J’expliquais mes soupirs en faveur de lagloire,
Je croyais n’aimer qu’elle. Ah !pardonne, grand roi,
Je sens bien aujourd’hui que je n’aimais quetoi.
J’avouerai que la gloire eut sur moi quelqueempire ;
Je te l’ai dit cent fois. Mais je devais tedire
Que toi seul en effet m’engageas sous seslois.
J’appris à la connaître en voyant tesexploits,
Et de quelque beau feu qu’elle m’eûtenflammée,
En un autre que toi je l’aurais moinsaimée.
Mais que sert de pousser des soupirssuperflus
Qui se perdent en l’air et que tu n’entendsplus ?
Il est temps que mon âme, au tombeaudescendue,
Te jure une amitié si longtempsattendue ;
Il est temps que mon cœur, pour gage de safoi,
Montre qu’il n’a pu vivre un moment aprèstoi.
Aussi bien, penses-tu que je voulussevivre
Sous les lois d’un vainqueur à qui ta mortnous livre ?
Je sais qu’il se dispose à me venirparler,
Qu’en me rendant mon sceptre il veut meconsoler.
Il croit peut-être, il croit que ma haineétouffée
À sa fausse douceur servira de trophée.
Qu’il vienne. Il me verra, toujours digne detoi,
Mourir en reine, ainsi que tu mourus enroi.