Alexandre le Grand

Acte III

Scène I

 

Axiane,Cléofile

 

Axiane

Quoi, Madame ? en ces lieux on me tientenfermée ?

Je ne puis au combat voir marcher monarmée,

Et commençant par moi sa noire trahison,

Taxile de son camp me fait uneprison ?

C’est donc là cette ardeur qu’il me faisaitparaître !

Cet humble adorateur se déclare monmaître !

Et déjà son amour, lassé de ma rigueur,

Captive ma personne au défaut de moncœur !

 

Cléofile

Expliquez mieux les soins et les justesalarmes

D’un roi qui pour vainqueur ne connaît que voscharmes,

Et regardez, Madame, avec plus de bonté

L’ardeur qui l’intéresse à votre sûreté.

Tandis qu’autour de nous deux puissantesarmées,

D’une égale chaleur au combat animées,

De leur fureur partout font voler leséclats,

De quel autre côté conduiriez-vous vospas ?

Où pourriez-vous ailleurs éviter latempête ?

Un plein calme en ces lieux assure votretête :

Tout est tranquille…

 

Axiane

Et c’est cette tranquillité

Dont je ne puis souffrir l’indigne sûreté.

Quoi ? lorsque mes sujets, mourant dansune plaine,

Sur les pas de Porus combattent pour leurreine,

Qu’au prix de tout leur sang ils signalentleur foi,

Que le cri des mourants vient presque jusqu’àmoi,

On me parle de paix, et le camp de Taxile

Garde dans ce désordre une assiettetranquille ?

On flatte ma douleur d’un calmeinjurieux !

Sur des objets de joie on arrête mesyeux !

 

Cléofile

Madame, voulez-vous que l’amour de monfrère

Abandonne au péril une tête sichère ?

Il sait trop les hasards…

 

Axiane

Et pour m’en détourner

Ce généreux amant me faitemprisonner !

Et tandis que pour moi son rival sehasarde,

Sa paisible valeur me sert ici degarde !

 

Cléofile

Que Porus est heureux ! le moindreéloignement

À votre impatience est un cruel tourment,

Et si l’on vous croyait, le soin qui voustravaille

Vous le ferait chercher jusqu’au champ debataille.

 

Axiane

Je ferai plus, Madame : un mouvement sibeau

Me le ferait chercher jusque dans letombeau,

Perdre tous mes États, et voir d’un œiltranquille

Alexandre en payer le cœur de Cléofile.

 

Cléofile

Si vous cherchez Porus, pourquoim’abandonner ?

Alexandre en ces lieux pourra le ramener.

Permettez que veillant au soin de votretête,

À cet heureux amant l’on garde saconquête.

 

Axiane

Vous triomphez, Madame ; et déjà votrecœur

Vole vers Alexandre et le nommevainqueur ;

Mais sur la seule foi d’un amour qui vousflatte,

Peut-être avant le temps ce grand orgueiléclate :

Vous poussez un peu loin vos vœuxprécipités,

Et vous croyez trop tôt ce que voussouhaitez.

Oui, oui…

 

Cléofile

Mon frère vient, et nous allons apprendre

Qui de nous deux, Madame, aura pu seméprendre.

 

Axiane

Ah ! je n’en doute plus, et ce frontsatisfait

Dit assez à mes yeux que Porus est défait.

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