Scène II
Alexandre,Axiane,Cléofile
Alexandre
Eh bien, Porus respire.
Le ciel semble, Madame, écouter vossouhaits ;
Il vous le rend…
Axiane
Hélas ! il me l’ôte à jamais !
Aucun reste d’espoir ne peut flatter mapeine ;
Sa mort était douteuse, elle devientcertaine :
Il y court, et peut-être il ne s’y vientoffrir
Que pour me voir encore, et pour mesecourir.
Mais que ferait-il seul contre toute unearmée ?
En vain ses grands efforts l’ont d’abordalarmée,
En vain quelques guerriers, qu’anime son grandcœur,
Ont ramené l’effroi dans le camp duvainqueur :
Il faut bien qu’il succombe, et qu’enfin soncourage
Tombe sur tant de morts qui ferment sonpassage.
Encor si je pouvais, en sortant de ceslieux,
Lui montrer Axiane et mourir à sesyeux !
Mais Taxile m’enferme ; et cependant letraître
Du sang de ce héros est allé serepaître :
Dans les bras de la mort il le varegarder,
Si toutefois encore il ose l’aborder.
Alexandre
Non, Madame, mes soins ont assuré sa vie.
Son retour va bientôt contenter votreenvie.
Vous le verrez.
Axiane
Vos soins s’étendraient jusqu’à lui ?
Le bras qui l’accablait deviendrait sonappui ?
J’attendrais son salut de la maind’Alexandre ?
Mais quel miracle enfin n’en dois-je pointattendre ?
Je m’en souviens, Seigneur, vous me l’avezpromis,
Qu’Alexandre vainqueur n’avait plusd’ennemis.
Ou plutôt ce guerrier ne fut jamais levôtre :
La gloire également vous arma l’un etl’autre ;
Contre un si grand courage, il vouluts’éprouver,
Et vous ne l’attaquiez qu’afin de lesauver.
Alexandre
Ses mépris redoublés qui bravent ma colère
Mériteraient sans doute un vainqueur plussévère ;
Son orgueil en tombant semble s’êtreaffermi ;
Mais je veux bien cesser d’être sonennemi.
J’en dépouille, Madame, et la haine et letitre.
De mes ressentiments je fais Taxilearbitre :
Seul il peut, à son choix, le perdre oul’épargner,
Et c’est lui seul enfin que vous devezgagner.
Axiane
Moi, j’irais à ses pieds mendier unasile ?
Et vous me renvoyez aux bontés deTaxile ?
Vous voulez que Porus cherche un appui sibas ?
Ah, Seigneur, votre haine a juré sontrépas !
Non, vous ne le cherchiez qu’afin de ledétruire.
Qu’une âme généreuse est facile àséduire !
Déjà mon cœur crédule, oubliant soncourroux,
Admirait des vertus qui ne sont point envous.
Armez-vous donc, Seigneur, d’une valeurcruelle,
Ensanglantez la fin d’une course sibelle ;
Après tant d’ennemis qu’on vous vitrelever,
Perdez le seul enfin que vous deviezsauver.
Alexandre
Eh bien ! aimez Porus sans détourner saperte ;
Refusez la faveur qui vous étaitofferte ;
Soupçonnez ma pitié d’un sentimentjaloux ;
Mais enfin, s’il périt, n’en accusez quevous.
Le voici. Je veux bien le consulterlui-même :
Que Porus de son sort soit l’arbitresuprême.