Scène IV
Taxile,Cléofile
Cléofile
Ah ! quittez cette ingrate princesse,
Dont la haine a juré de nous troubler sanscesse,
Qui met tout son plaisir à vousdésespérer.
Oubliez…
Taxile
Non, ma sœur, je la veux adorer.
Je l’aime ; et quand les vœux que jepousse pour elle
N’en obtiendraient jamais qu’une haineimmortelle,
Malgré tous ses mépris, malgré tous vosdiscours,
Malgré moi-même, il faut que je l’aimetoujours.
Sa colère après tout n’a rien qui mesurprenne :
C’est à vous, c’est à moi qu’il faut que jem’en prenne.
Sans vous, sans vos conseils, ma sœur, quim’ont trahi,
Si je n’étais aimé, je serais moins haï.
Je la verrais, sans vous, par mes soinsdéfendue,
Entre Porus et moi demeurersuspendue ;
Et ne serait-ce pas un bonheur tropcharmant
Que de l’avoir réduite à douter unmoment ?
Non, je ne puis plus vivre accablé de sahaine ;
Il faut que je me jette aux pieds del’inhumaine.
J’y cours : je vais m’offrir à servir soncourroux,
Même contre Alexandre, et même contrevous.
Je sais de quelle ardeur vous brûlez l’un pourl’autre,
Mais c’est trop oublier mon repos pour levôtre,
Et sans m’inquiéter du succès de vos feux,
Il faut que tout périsse, ou que je soisheureux.
Cléofile
Allez donc, retournez sur le champ debataille ;
Ne laissez point languir l’ardeur qui voustravaille.
À quoi s’arrête ici ce courageinconstant ?
Courez : on est aux mains, et Porus vousattend.
Taxile
Quoi ? Porus n’est point mort ?Porus vient de paraître ?
Cléofile
C’est lui. De si grands coups le font tropreconnaître.
Il l’avait bien prévu : le bruit de sontrépas
D’un vainqueur trop crédule a retenu lebras.
Il vient surprendre ici leur valeurendormie,
Troubler une victoire encor malaffermie ;
Il vient, n’en doutez point, en amantfurieux,
Enlever sa maîtresse, ou périr à ses yeux.
Que dis-je ? Votre camp, séduit par cetteingrate,
Prêt à suivre Porus, en murmures éclate.
Allez, vous-même, allez, en généreuxamant,
Au secours d’un rival aimé si tendrement.
Adieu.