Bouvard et Pécuchet

Chapitre 7

 

Des jours tristes commencèrent.

Ils n’étudiaient plus dans la peur de déceptions ; leshabitants de Chavignolles s’écartaient d’eux ; les journauxtolérés n’apprenaient rien – et leur solitude était profonde, leurdésœuvrement complet.

Quelquefois, ils ouvraient un livre, et le refermaient ; àquoi bon ? En d’autres jours, ils avaient l’idée de nettoyerle jardin, au bout d’un quart d’heure une fatigue lesprenait ; ou de voir leur ferme, ils en revenaientécœurés ; ou de s’occuper de leur ménage, Germaine poussaitdes lamentations ; ils y renoncèrent.

Bouvard voulut dresser le catalogue du muséum, et déclara cesbibelots stupides. Pécuchet emprunta la canardière de Langlois pourtirer des alouettes ; l’arme éclatant du premier coup faillitle tuer.

Donc ils vivaient dans cet ennui de la campagne, si lourd quandle ciel blanc écrase de sa monotonie un cœur sans espoir. On écoutele pas d’un homme en sabots qui longe le mur, ou les gouttes de lapluie tomber du toit par terre. De temps à autre, une feuille mortevient frôler la vitre, puis tournoie, s’en va. Des glas indistinctssont apportés par le vent. Au fond de l’étable, une vachemugit.

Ils bâillaient l’un devant l’autre, consultaient le calendrier,regardaient la pendule, attendaient les repas ; – et l’horizonétait toujours le même ! des champs en face, à droitel’église, à gauche un rideau de peupliers ; leurs cimes sebalançaient dans la brume, perpétuellement, d’un airlamentable !

Des habitudes qu’ils avaient tolérées les faisaient souffrir.Pécuchet devenait incommode avec sa manie de poser sur la nappe sonmouchoir. Bouvard ne quittait plus la pipe, et causait en sedandinant. Des contestations s’élevaient, à propos des plats ou dela qualité du beurre. Dans leur tête-à-tête ils pensaient à deschoses différentes.

Un événement avait bouleversé Pécuchet.

Deux jours après l’émeute de Chavignolles, comme il promenaitson déboire politique, il arriva dans un chemin, couvert par desormes touffus ; et il entendit derrière son dos une voix crier: – Arrête !

C’était Mme Castillon. Elle courait de l’autre côté, sansl’apercevoir. Un homme, qui marchait devant elle, se retourna.C’était Gorju ; – et ils s’abordèrent à une toise de Pécuchet,la rangée des arbres les séparant de lui.

– Est-ce vrai ? dit-elle tu vas te battre ?

Pécuchet se coula dans le fossé, pour entendre :

– Eh bien ! oui, répliqua Gorju je vais me battre !Qu’est-ce que ça te fait ?

– Il le demande ! s’écria-t-elle, en se tordant les bras.Mais si tu es tué, mon amour ? Oh reste ! – Et ses yeuxbleus, plus encore que ses paroles, le suppliaient.

– Laisse-moi tranquille ! je dois partir !

Elle eut un ricanement de colère. – L’autre l’a permis,hein ?

– N’en parle pas ! Il leva son poing fermé.

– Non ! mon ami, non ! je me tais, je ne dis rien. Etde grosses larmes descendaient le long de ses joues dans les ruchesde sa collerette.

Il était midi. Le soleil brillait sur la campagne, couverte deblés jaunes. Tout au loin, la bâche d’une voiture glissaitlentement. Une torpeur s’étalait dans l’air – pas un cri d’oiseau,pas un bourdonnement d’insecte. Gorju s’était coupé une badine, eten raclait l’écorce. Mme Castillon ne relevait pas la tête.

Elle songeait, la pauvre femme, à la vanité de ses sacrifices,les dettes qu’elle avait soldées, ses engagements d’avenir, saréputation perdue. Au lieu de se plaindre elle lui rappela lespremiers temps de leur amour, quand elle allait, toutes les nuits,le rejoindre dans la grange ; – si bien qu’une fois son maricroyant à un voleur, avait lâché par la fenêtre un coup depistolet. La balle était encore dans le mur. – Du moment que jet’ai connu, tu m’as semblé beau comme un prince. J’aime tes yeux,ta voix, ta démarche, ton odeur ! Elle ajouta plus bas : – Jesuis en folie de ta personne !

Il souriait, flatté dans son orgueil.

Elle le prit à deux mains par les flancs, – et la têterenversée, comme en adoration.

– Mon cher cœur ! mon cher amour ! mon âme ! mavie ! voyons ! parle ! que veux-tu ? – est-cede l’argent ? on en trouvera. J’ai eu tort ! jet’ennuyais ! pardon ! et commande-toi des habits chez letailleur, bois du champagne, fais la noce ! je te permetstout, – tout ! – Elle murmura dans un effort suprême : jusqu’àelle ! … pourvu que tu reviennes à moi !

Il se pencha sur sa bouche, un bras autour de ses reins, pourl’empêcher de tomber ; – et elle balbutiait : – Chercœur ! cher amour ! comme tu es beau ! mon Dieu, quetu es beau !

Pécuchet immobile, et la terre du fossé à la hauteur de sonmenton, les regardait, en haletant.

– Pas de faiblesse ! dit Gorju. Je n’aurais qu’à manquer ladiligence ! on prépare un fameux coup de chien ; j’ensuis ! – Donne-moi dix sous, pour que je paye un gloria auconducteur.

Elle tira cinq francs de sa bourse. – Tu me les rendras bientôt.Aie un peu de patience ! Depuis le temps qu’il estparalysé ! songe donc ! – Et si tu voulais nous irions àla chapelle de la Croix-Janval – et là, mon amour, je jureraisdevant la sainte Vierge, de t’épouser, dès qu’il seramort !

– Eh ! il ne meurt jamais, ton mari !

Gorju avait tourné les talons. Elle le rattrapa ; – et secramponnant à ses épaules :

– Laisse-moi partir avec toi ! je serai tadomestique ! Tu as besoin de quelqu’un. Mais ne t’en vapas ! ne me quitte pas ! La mort plutôt !Tue-moi !

Elle se traînait à ses genoux, tâchant de saisir ses mains pourles baiser ; son bonnet tomba, son peigne ensuite, et sescheveux courts s’éparpillèrent. Ils étaient blancs sous lesoreilles – et comme elle le regardait de bas en haut, toutesanglotante, avec ses paupières rouges et ses lèvres tuméfiées, uneexaspération le prit, il la repoussa.

– Arrière la vieille ! Bonsoir !

Quand elle se fut relevée, elle arracha la croix d’or, quipendait à son cou – et la jetant vers lui :

– Tiens ! canaille !

Gorju s’éloignait, – en tapant avec sa badine les feuilles desarbres.

Mme Castillon ne pleurait pas. La mâchoire ouverte et lesprunelles éteintes elle resta sans faire un mouvement, – pétrifiéedans son désespoir, – n’étant plus un être, – mais une chose enruines.

Ce qu’il venait de surprendre fut pour Pécuchet comme ladécouverte d’un monde – tout un monde ! – qui avait des lueurséblouissantes, des floraisons désordonnées, des océans, destempêtes, des trésors – et des abîmes d’une profondeurinfinie ; – un effroi s’en dégageait ; qu’importe !il rêva l’amour, ambitionnait de le sentir comme elle, del’inspirer comme lui.

Pourtant, il exécrait Gorju – et, au corps de garde, avait eupeine à ne pas le trahir.

L’amant de Mme Castillon l’humiliait par sa taille mince, sesaccroche-cœurs égaux, sa barbe floconneuse, un air deconquérant ; – tandis que sa chevelure – à lui – se collaitsur son crâne comme une perruque mouillée, son torse dans sahouppelande ressemblait à un traversin, deux canines manquaient, etsa physionomie était sévère. Il trouvait le ciel injuste, sesentait comme déshérité, et son ami ne l’aimait plus. Bouvardl’abandonnait tous les soirs.

Après la mort de sa femme, rien ne l’eût empêché d’en prendreune autre – et qui maintenant le dorloterait, soignerait sa maison.Il était trop vieux pour y songer !

Mais Bouvard se considéra dans la glace. Ses pommettes gardaientleurs couleurs, ses cheveux frisaient comme autrefois ; pasune dent n’avait bougé ; – et à l’idée qu’il pouvait plaire,il eut un retour de jeunesse ; Mme Bordin surgit dans samémoire. – Elle lui avait fait des avances, la première fois lorsde l’incendie des meules, la seconde à leur dîner, puis dans lemuséum, pendant la déclamation, et dernièrement, elle était venuesans rancune, trois dimanches de suite. Il alla donc chez elle, ety retourna, se promettant de la séduire.

Depuis le jour où Pécuchet avait observé la petite bonne tirantde l’eau il lui parlait plus souvent ; – et soit qu’ellebalayât le corridor, ou qu’elle étendit du linge, ou qu’elletournât les casseroles, il ne pouvait se rassasier du bonheur de lavoir, – surpris lui-même de ses émotions, comme dans l’adolescence.Il en avait les fièvres et les langueurs, – et était persécuté parle souvenir de Mme Castillon, étreignant Gorju.

Il questionna Bouvard sur la manière dont les libertins s’yprennent pour avoir des femmes.

– On leur fait des cadeaux ! on les régale aurestaurant.

– Très bien ! Mais ensuite ?

– Il y en a qui feignent de s’évanouir, pour qu’on les porte surun canapé, d’autres laissent tomber par terre leur mouchoir. Lesmeilleures vous donnent un rendez-vous, franchement. Et Bouvard serépandit en descriptions, qui incendièrent l’imagination dePécuchet, comme des gravures obscènes. La première règle, c’est dene pas croire à ce qu’elles disent. J’en ai connu, qui sousl’apparence de Saintes, étaient de véritables Messalines !Avant tout, il faut être hardi !

Mais la hardiesse ne se commande pas. Pécuchet, quotidiennementajournait sa décision, était d’ailleurs intimidé par la présence deGermaine.

Espérant qu’elle demanderait son compte, il en exigea unsurcroît de besogne, notait les fois qu’elle était grise,remarquait tout haut, sa malpropreté, sa paresse, et fit si bienqu’on la renvoya.

Alors Pécuchet fut libre !

Avec quelle impatience, il attendait la sortie de Bouvard !Quel battement de cœur, dès que la porte était refermée !

Mélie travaillait sur un guéridon, près de la fenêtre, à laclarté d’une chandelle. De temps à autre, elle cassait son fil avecses dents, puis clignait les yeux, pour l’ajuster dans la fente del’aiguille.

D’abord, il voulut savoir quels hommes lui plaisaient.Étaient-ce, par exemple, ceux du genre de Bouvard ? Pas dutout ; elle préférait les maigres. Il osa lui demander si elleavait eu des amoureux ? – Jamais !

Puis, se rapprochant, il contemplait son nez fin, sa boucheétroite, le tour de sa figure. Il lui adressa des compliments etl’exhortait à la sagesse.

En se penchant sur elle, il apercevait dans son corsage desformes blanches d’où émanait une tiède senteur, qui lui chauffaitla joue. Un soir, il toucha des lèvres les cheveux follets de sanuque, et il en ressentit un ébranlement jusqu’à la moelle des os.Une autre fois, il la baisa sous le menton, en se retenant de nepas mordre sa chair, tant elle était savoureuse. Elle lui renditson baiser. L’appartement tourna. Il n’y voyait plus.

Il lui fit cadeau d’une paire de bottines, et la régalaitsouvent d’un verre d’anisette.

Pour lui éviter du mal, il se levait de bonne heure, cassait lebois, allumait le feu, poussait l’attention jusqu’à nettoyer leschaussures de Bouvard.

Mélie ne s’évanouit pas, ne laissa pas tomber son mouchoir etPécuchet ne savait à quoi se résoudre, son désir augmentant par lapeur de le satisfaire.

Bouvard faisait assidûment la cour à Mme Bordin.

Elle le recevait, un peu sanglée dans sa robe de soiegorge-pigeon qui craquait comme le harnais d’un cheval, tout enmaniant par contenance sa longue chaîne d’or.

Leurs dialogues roulaient sur les gens de Chavignolles, oudéfunt son mari, autrefois huissier à Livarot.

Puis, elle s’informa du passé de Bouvard, curieuse de connaîtreses farces de jeune homme, sa fortune incidemment, par quelsintérêts il était lié à Pécuchet ?

Il admirait la tenue de sa maison, et quand il dînait chez elle,la netteté du service, l’excellence de la table. Une suite deplats, d’une saveur profonde, que coupait à intervalles égaux unvieux pommard, les menait jusqu’au dessert où ils étaient fortlongtemps à prendre le café ; – et Mme Bordin, en dilatant lesnarines, trempait dans la soucoupe sa lèvre charnue, ombréelégèrement d’un duvet noir.

Un jour, elle apparut décolletée. Ses épaules fascinèrentBouvard. Comme il était sur une petite chaise devant elle, il semit à lui passer les deux mains le long des bras. La veuve sefâcha. Il ne recommença plus mais il se figurait des rondeurs d’uneamplitude et d’une consistance merveilleuses.

Un soir, que la cuisine de Mélie l’avait dégoûté, il eut unejoie en entrant dans le salon de Mme Bordin. C’est là qu’il auraitfallu vivre !

Le globe de la lampe, couvert d’un papier rose, épandait unelumière tranquille. Elle était assise auprès du feu ; et sonpied passait le bord de sa robe. Dès les premiers mots, l’entretientomba.

Cependant, elle le regardait, les cils à demi fermés, d’unemanière langoureuse, avec obstination.

Bouvard n’y tint plus ! – et s’agenouillant sur le parquet,il bredouilla : – Je vous aime ! Marions-nous !

Mme Bordin respira fortement ; puis, d’un air ingénu, ditqu’il plaisantait, sans doute, on allait se moquer, ce n’était pasraisonnable. Cette déclaration l’étourdissait.

Bouvard objecta qu’ils n’avaient besoin du consentement depersonne. Qui vous arrête ? est-ce le trousseau ? Notrelinge a une marque pareille, un B ! nous unirons nosmajuscules.

L’argument lui plut. Mais une affaire majeure l’empêchait de sedécider avant la fin du mois. Et Bouvard gémit.

Elle eut la délicatesse de le reconduire, – escortée deMarianne, qui portait un falot.

Les deux amis s’étaient caché leur passion.

Pécuchet comptait voiler toujours son intrigue avec la bonne. SiBouvard s’y opposait il l’emmènerait vers d’autres lieux, fût-ce enAlgérie, où l’existence n’est pas chère ! Mais rarement ilformait de ces hypothèses, plein de son amour, sans penser auxconséquences.

Bouvard projetait de faire du muséum la chambre conjugale, àmoins que Pécuchet ne s’y refusât ; alors il habiterait ledomicile de son épouse.

Un après-midi de la semaine suivante, – c’était chez elle dansson jardin ; les bourgeons commençaient à s’ouvrir ; etil y avait, entre les nuées, de grands espaces bleus, – elle sebaissa pour cueillir des violettes, et dit, en les présentant :

– Saluez Mme Bouvard !

– Comment ! Est-ce vrai ?

– Parfaitement vrai.

Il voulut la saisir dans ses bras, elle le repoussa. Quelhomme ! – puis devenue sérieuse, l’avertit que bientôt, ellelui demanderait une faveur.

– Je vous l’accorde !

Ils fixèrent la signature de leur contrat à jeudi prochain.

Personne jusqu’au dernier moment n’en devait rien savoir.

– Convenu !

Et il sortit les yeux au ciel, léger comme un chevreuil.

Pécuchet le matin du même jour s’était promis de mourir, s’iln’obtenait pas les faveurs de sa bonne – et il l’avait accompagnéedans la cave, espérant que les ténèbres lui donneraient del’audace.

Plusieurs fois, elle avait voulu s’en aller ; mais il laretenait pour compter les bouteilles, choisir des lattes, ou voirle fond des tonneaux ; cela durait depuis longtemps.

Elle se trouvait en face de lui, sous la lumière du soupirail,droite, les paupières basses, le coin de la bouche un peurelevé.

– M’aimes-tu ? dit brusquement Pécuchet.

– Oui ! je vous aime.

– Eh bien, alors, prouve-le-moi !

Et l’enveloppant du bras gauche, il commença, de l’autre main, àdégrafer son corset.

– Vous allez me faire du mal ?

– Non ! mon petit ange ! N’aie pas peur !

– Si M. Bouvard…

– Je ne lui dirai rien ! Sois tranquille !

Un tas de fagots se trouvait derrière. Elle s’y laissa tomber,les seins hors de la chemise, la tête renversée ; – puis secacha la figure sous un bras – et un autre eût compris qu’elle nemanquait pas d’expérience.

Bouvard, bientôt, arriva pour dîner.

Le repas se fit en silence, chacun ayant peur de se trahir.Mélie les servait impassible, comme d’habitude. Pécuchet tournaitles yeux, pour éviter les siens, tandis que Bouvard considérant lesmurs, songeait à des améliorations.

Huit jours après, le jeudi, il rentra furieux.

– La sacrée garce !

– Qui donc ?

– Mme Bordin.

Et il conta qu’il avait poussé la démence jusqu’à vouloir enfaire sa femme. Mais tout était fini, depuis un quart d’heure, chezMarescot.

Elle avait prétendu recevoir en dot les Écalles, dont il nepouvait disposer – l’ayant comme la ferme, soldée en partie avecl’argent d’un autre.

– Effectivement ! dit Pécuchet.

– Et moi ! qui ai eu la bêtise de lui promettre une faveur,à son choix ! C’était celle-là ! j’y ai mis del’entêtement ; si elle m’aimait, elle m’eût cédé ! Laveuve, au contraire s’était emportée en injures, avait dénigré sonphysique, sa bedaine. Ma bedaine ! je te demande un peu.

Pécuchet cependant était sorti plusieurs fois, marchait lesjambes écartées.

– Tu souffres ? dit Bouvard.

– Oh ! – oui ! je souffre !

Et ayant fermé la porte, Pécuchet après beaucoup d’hésitations,confessa qu’il venait de se découvrir une maladie secrète.

– Toi ?

– Moi-même !

– Ah ! mon pauvre garçon ! qui te l’adonnée ?

Il devint encore plus rouge, et dit d’une voix encore plus basse:

– Ce ne peut être que Mélie !

Bouvard en demeura stupéfait.

La première chose était de renvoyer la jeune personne.

Elle protesta d’un air candide.

Le cas de Pécuchet était grave, pourtant ; mais honteux desa turpitude, il n’osait voir le médecin.

Bouvard imagina de recourir à Barberou.

Ils lui adressèrent le détail de la maladie, pour le montrer àun docteur qui la soignerait par correspondance. Barberou y mit duzèle, persuadé qu’elle concernait Bouvard, et l’appela vieuxroquentin, tout en le félicitant.

– À mon âge ! disait Pécuchet n’est-ce pas lugubre !Mais pourquoi m’a-t-elle fait ça !

– Tu lui plaisais.

– Elle aurait dû me prévenir.

– Est-ce que la passion raisonne ! Et Bouvard se plaignaitde Mme Bordin.

Souvent, il l’avait surprise arrêtée devant les Écalles, dans lacompagnie de Marescot, en conférence avec Germaine, – tant demanœuvres pour un peu de terre !

– Elle est avare ! Voilà l’explication !

Ils ruminaient ainsi leur mécompte, dans la petite salle, aucoin du feu, Pécuchet, tout en avalant ses remèdes, Bouvard enfumant des pipes – et ils dissertaient sur les femmes.

– Étrange besoin, est-ce un besoin ? – Elles poussent aucrime, à l’héroïsme, et à l’abrutissement ! L’enfer sous unjupon, le paradis dans un baiser – ramage de tourterelle,ondulations de serpent, griffe de chat ; – perfidie de la mer,variété de la lune – ils dirent tous les lieux communs qu’elles ontfait répandre.

C’était le désir d’en avoir qui avait suspendu leur amitié. Unremords les prit. – Plus de femmes, n’est-ce pas ? Vivons sanselles ! – Et ils s’embrassèrent avec attendrissement.

Il fallait réagir ! – et Bouvard, après la guérison dePécuchet, estima que l’hydrothérapie leur serait avantageuse.

Germaine, revenue dès le départ de l’autre, charriait tous lesmatins, la baignoire dans le corridor.

Les deux bonshommes, nus comme des sauvages, se lançaient degrands seaux d’eau ; – puis ils couraient pour rejoindre leurschambres. – On les vit par la claire-voie ; – et des personnesfurent scandalisées.

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