Contes d’entre chien et loup

LA GRANDE EXPÉRIENCE DE KEINPLATZ

The GreatKeinPlatz Experiment.

Entre toutes les sciences qui posaient desdevinettes aux enfants des hommes, celles qui passionnaient leprofesseur von Baumgarten se rapportaient à lapsychologie et aux rapports imprécis entre l’esprit et la matière.Anatomiste célèbre, chimiste réputé, autorité européenne enphysiologie, il éprouva un véritable soulagement à abandonner cesspécialités et à utiliser ses connaissances acquises dans l’étudede l’âme et dans la mystérieuse parenté des esprits. Au début,quand jeune encore il commençait à fouiller les secrets dumesmérisme, il avait l’impression d’errer dans un pays inconnu oùtout était chaos et obscurité à l’exception de certains faits,inexplicables et sans relations mutuelles, qui se dressaient sur saroute. Les années passant et le savoir de l’éminent Professeurs’étant accru (car le savoir engendre le savoir, autant que lecapital porte intérêt), une bonne partie de ce qui lui avait paruétrange commença à revêtir un aspect neuf. De nouvelles chaînes deraisonnements lui devinrent familières, et il aperçut des liens làoù il n’en avait discerné aucun. Grâce à des expériences quis’étalèrent sur vingt ans, il rassembla une base de faits surlaquelle il eut l’ambition d’édifier une nouvelle science exactequi embrasserait le mesmérisme, le spiritisme et toutes lesdoctrines analogues. Les choses lui furent facilitées par saconnaissance parfaite des éléments les plus complexes de laphysiologie animale, qui traitent des influx nerveux et du travaildu cerveau : Alexis von Baumgarten était en effetprofesseur-régent de physiologie à l’Université de Keinplatz, et ildisposait de toutes les ressources de son laboratoire pour sesrecherches les plus poussées.

Grand et mince, le professeur von Baumgartenavait un visage taillé à coups de serpe et des yeux gris aciersingulièrement vifs et pénétrants. La méditation avait sillonné sonfront de rides et contractait ses sourcils épais, si bien qu’ilavait constamment l’air bougon ; on se serait néanmoins trompéen prenant cette apparence pour une réalité, car s’il étaitaustère, il avait bon cœur. Les étudiants l’aimaientbeaucoup ; ils faisaient cercle autour de lui après ses cours,et ils l’écoutaient avidement formuler des théoriesextraordinaires. Fréquemment il faisait appel à des volontairesparmi eux pour tenter une expérience ; il avait peu d’élèvesqu’il n’eût point projetés dans une extase mesmérienne.

Le plus enthousiaste de ces jeunes adeptes dela science s’appelait Fritz von Hartmann. Ses camaradess’étonnaient parfois qu’un garçon farouche et insouciant, à coupsûr le plus impétueux des jeunes originaires de la vallée du Rhin,consacrât tant de temps à déchiffrer des ouvrages abstrus ou àassister le Professeur dans ses expériences. En vérité, Fritz étaitun malin qui savait ce qu’il faisait. Plusieurs mois auparavant ilavait offert son cœur à la jeune Élise, blonde aux yeux bleus, quiétait la fille du Professeur. Bien qu’il eût réussi à entendre desa bouche qu’elle n’était pas indifférente à ses assiduités, iln’avait jamais osé se présenter à ses parents en qualité de fiancé.Il aurait donc éprouvé bien des difficultés à voir la jeune filles’il n’avait découvert l’expédient de se rendre utile auProfesseur. Par ce biais il se rendait souvent à la maison du vieuxsavant, et il se soumettait gaillardement à toutes les expériencespossibles, et imaginables du moment qu’il avait la chanced’apercevoir les yeux brillants d’Élise ou de toucher sa petitemain.

Le jeune Fritz von Hartmann était un assezbeau garçon, et une respectable quantité d’hectares lui tomberaientdans la main, comme on dit, le jour où mourrait son père. Beaucoupde parents se seraient contentés d’un tel prétendant pour leurfille. Mais Madame fronçait le sourcil quand elle le découvraitchez elle, et elle reprochait au Professeur d’avoir introduit unloup auprès de leur agnelle. Le fait est que Fritz n’avait pasbonne réputation à Keinplatz. Il ne s’y passait pas de rixe, ni deduel, ni de mauvais coup sans que le jeune Rhénan n’y tînt lavedette. Personne n’usait d’un langage plus libre et plusviolent ; personne ne buvait davantage ; personnen’aimait mieux jouer aux cartes ; personne n’était plusfainéant, sauf dans ce domaine très particulier. Rien desurprenant, par conséquent, à ce que la bonne Madame von Baumgartenrappelât sa fraulein sous son aile, et méprisât lesattentions de ce mauvais sujet. Quant à l’éminent Professeur, ilétait bien trop absorbé par ses travaux personnels pour avoir uneopinion.

Depuis de nombreuses années, un problème letracassait. Toutes ses expériences, toutes ses théories tournaientautour d’un seul point. Cent fois par jour, le Professeur sedemandait si un esprit humain pouvait quitter son corps quelquetemps et le réintégrer ensuite. La première fois que cettehypothèse s’était présentée à son esprit, il s’était révolté :elle heurtait trop violemment les idées préconçues et les préjugésde sa première éducation. Graduellement toutefois, au fur et àmesure qu’il progressait sur le chemin de ses recherchesoriginales, il s’affranchit des vieilles entraves et devint prêt àaffronter n’importe quelle conclusion qui cadrerait avec les faits.Différentes choses l’amenèrent à croire que l’esprit pouvaitexister hors de la matière. Finalement l’idée lui vint que par uneexpérience audacieuse et jamais tentée le problème pourrait setrouver résolu définitivement.

« Il est évident, écrivait-il dans soncélèbre article sur les entités invisibles qui parut à l’époquedans le Keinplatz wochenliche Medicalschrift et quiconfondit tous les milieux scientifiques, que dans certainesconditions l’âme ou l’esprit se sépare spontanément du corps. Dansle cas d’une personne mesmérisée, le corps repose dans un étatcataleptique, mais l’esprit l’a quitté. Peut-être me répondra-t-onque l’âme y est demeurée, mais dans un état de sommeil. Je répliquequ’il n’en est certainement pas ainsi : comment rendre compteautrement de l’état de voyance, qui est tombé dans le discrédit parsuite de la coquinerie de certains gredins, mais qui est tout demême un fait démontré et incontestable ? Moi-même, avec unsujet sensible, j’ai pu obtenir une description exacte de ce qui sepassait dans une pièce ou une maison voisine. Comment expliquer cesavoir, sinon par l’hypothèse que l’âme du sujet avait quitté soncorps et vagabondait à travers l’espace ? Pendant un momentelle est rappelée par la voix de l’opérateur et elle dit ce qu’ellea vu, puis elle reprend son vol dans les airs. Puisque l’esprit estpar nature invisible, nous ne pouvons pas le voir aller etvenir ; mais nous voyons l’effet de ces allées et venues dansle corps du sujet, tantôt rigide et inerte, tantôt luttant pourdécrire ses impressions qui ne lui sont jamais parvenues par desmoyens naturels. Je ne vois qu’une démonstration possible du fait.Bien que nous soyons dans notre chair impuissants à voir cesesprits, nos propres esprits, si nous pouvions les séparer de noscorps, prendraient conscience de leur présence. J’ai doncl’intention, en gros, de mesmériser l’un de mes élèves. Ensuite jeme mesmériserai moi-même d’une manière qui m’est devenue familière.Après quoi, si ma théorie est juste, mon esprit n’éprouvera aucunedifficulté à entrer en communication avec l’esprit de mon élève,nos deux esprits étant séparés de leur corps. J’espère avoir lapossibilité de publier les résultats de cette expérienceintéressante dans un prochain numéro du Keinplatz wochenlicheMedicalschrift. »

Quand le bon Professeur eut tenu parole etpublié le compte rendu de son expérience, son récit parut siextraordinaire qu’il fut accueilli par une incrédulité générale. Leton de certains journaux fut même très offensant dans leurscommentaires. Furieux, le savant déclara qu’il ne rouvrirait plusjamais la bouche sur ce sujet. Il tint parole. Cependant lanarration qui va suivre est tirée des sources les plusauthentiques, et les faits relatés peuvent être considérés commepratiquement exacts.

Peu après le jour où le Professeur révélal’idée de l’expérience mentionnée plus haut, il croisa en rentrantchez lui une bande d’étudiants tapageurs qui sortaient d’un cabaretvoisin et qui avaient à leur tête le jeune Fritz von Hartmann,largement imbibé. Comme il venait de passer plusieurs heuresfatigantes dans son laboratoire, il les aurait volontiers évitésmais son élève lui barra le passage.

– Holà, mon digne maître !s’écria-t-il en tirant le vieux savant par la manche et encheminant à côté de lui. J’ai quelque chose à vous dire, et ilm’est plus facile de vous le dire maintenant, quand la bonne bièreronronne dans ma tête, qu’à tout autre moment.

– Qu’est-ce donc, Fritz ? s’enquitle physiologiste en le regardant d’un air doux et surpris.

– J’ai appris, mein Herr, quevous alliez tenter une expérience formidable, que vous vouliezsortir une âme d’un corps, puis l’y faire rentrer ensuite. Est-cevrai ou non ?

– C’est vrai, Fritz.

– Et avez-vous considéré, mon cherMonsieur, que vous pourriez avoir des difficultés à trouverquelqu’un qui se prêterait à une expérience pareille ?Potztausend ! Supposez que l’âme s’envole et neveuille plus revenir : ce serait une vilaine affaire !Qui va courir ce risque ?

– Mais, Fritz ! s’écria leProfesseur tout démonté par ce point de vue sur l’affaire. Jecomptais sur votre concours, moi. Voyons, vous n’allez pas me fairefaux bond ! Réfléchissez à l’honneur et à la gloire !

– Turlututu ! ricana l’étudiant.Vais-je être toujours payé de fariboles ? Ne suis-je pas restédeux heures sur un isolateur de verre pendant que vous répandiez del’électricité dans mon corps ? N’avez-vous pas stimulé mesnerfs phréniques, détruit ma digestion avec un courant galvaniqueautour de mon estomac ? Vous m’avez mesmérisé trente-quatrefois, et qu’y ai-je gagné ? Rien ! Or maintenant, vousvoulez faire sortir mon âme, comme vous démonteriez une montre.C’est plus que ne peuvent supporter la chair et le sang !

– Mon Dieu ! s’écria le Professeurconsterné. C’est très vrai, Fritz. Je n’y avais jamais penséauparavant ! Si vous pouviez me suggérer une forme decompensation, vous me trouveriez tout disposé à vousl’accorder.

– Alors, écoutez-moi, dit Fritzsolennellement. Si vous me donnez votre parole qu’après cetteexpérience vous m’accorderez la main de votre fille, je consentiraià vous assister. Sinon, ne comptez plus sur moi ! Voilà mesconditions.

– Mais qu’en dirait ma fille ?demanda le Professeur après avoir avalé sa salive.

– Élise serait ravie, répondit le jeunehomme. Nous nous aimons depuis longtemps.

– Alors elle sera votre femme, déclara lephysiologiste avec décision. Car vous êtes un jeune homme de grandcœur et l’un des meilleurs névrosés que je connaisse. Jeprécise : quand vous n’êtes pas sous l’influence del’alcool ! J’accomplirai mon expérience le quatre du moisprochain. Soyez à midi au laboratoire de physiologie. Ce sera unemanifestation splendide, Fritz. Von Gruben viendra d’Iéna, etHinterstein de Bâle. Les plus grands savants de l’Allemagne du Sudseront présents.

– Je serai ponctuel ! promitl’étudiant.

Ils se séparèrent. Le Professeur regagna sonlogis d’un pas lourd, en songeant au grand événement tout proche,tandis que le jeune homme titubait en quête de ses bruyantscompagnons, la tête pleine de son Élise aux yeux bleus ainsi que dumarché qu’il venait de conclure avec son futur beau-père.

Le Professeur n’avait nullement exagéré enparlant de l’intérêt que soulevait un peu partout sa nouvelleexpérience psychologique. Bien avant l’heure, la salle étaitenvahie par une galaxie de savants. En dehors des célébrités qu’ilavait nommées, le grand professeur Lurcher, qui venait de fonder saréputation par un ouvrage remarquable sur les centres cervicaux,était venu de Londres. Plusieurs lumières du spiritisme avaientégalement consenti à de longs déplacements pour être présents, demême qu’un ministre swedenborgien qui espérait que l’expériencepourrait projeter une nouvelle lueur sur les doctrines de laRose-Croix.

Cette éminente assemblée éclata enapplaudissements quand le professeur von Baumgarten et son sujetapparurent sur l’estrade. Le conférencier, en quelques mots bienchoisis, exposa son opinion et expliqua comment il se proposait dela soumettre à un test décisif.

– Je soutiens, dit-il, que lorsqu’unepersonne est sous une influence mesmérienne, son esprit est pendantquelque temps libéré de son corps, et je défie n’importe quid’avancer une autre hypothèse expliquant la voyance. J’espère doncqu’en mesmérisant mon jeune ami et en me mesmérisant moi-mêmeensuite, nos esprits seront capables de converser ensemble, tandisque nos corps demeureront inertes. Au bout d’un certain temps, lanature reprendra ses droits, nos esprits réintégreront leurs corpsrespectifs, et tout redeviendra comme avant. Avec votreautorisation, nous allons maintenant commencer notreexpérience.

Les applaudissements fusèrent à nouveau ;après quoi l’assistance observa un silence expectatif. En quelquespasses rapides, le Professeur mesmérisa le jeune homme, quis’effondra sur sa chaise, pâle et rigide. Puis il tira de sa pocheun globe de verre, et, en concentrant son regard sur ce globe et enfaisant un gros effort mental, il parvint à se placer dans le mêmeétat. C’était un spectacle étrange et impressionnant que de voir cevieil homme et le jeune étudiant assis tous deux en catalepsie. Oùdonc leurs âmes s’étaient-elles envolées ? Telle était laquestion que se posaient tous les assistants.

Cinq minutes s’écoulèrent, puis dix, puisquinze, et encore quinze autres : le Professeur et son élèveétaient toujours assis et inertes sur l’estrade, et les savantsassemblés n’avaient pas encore entendu le moindre son ; tousles yeux étaient concentrés sur les deux figures blêmes, pourguetter le premier signe de leur réanimation. Près d’une heures’écoula avant que les spectateurs fussent récompensés de leurpatience. De vagues couleurs revinrent sur les joues du professeurvon Baumgarten : l’âme rétintégrait son habitation terrestre.Soudain il étira ses longs bras maigres, comme s’ils’éveillait ; il se frotta les yeux, se leva et regarda autourde lui ; il n’avait pas l’air de savoir où il se trouvait.

– Tausend Taulel !s’exclama-t-il avant de débiter tout un chapelet de jurons del’Allemagne du Sud au grand étonnement de son assistance et auscandale du disciple de Swedenborg. Où diable suis-je donc, et parle tonnerre que s’est-il passé ? Oh oui, je me rappellemaintenant ! L’une de ces idiotes expériences mesmériennes…Cette fois il n’y a pas de résultat, car je ne me rappelle rien dutout depuis que j’ai perdu conscience. Ainsi vous avez tous voyagépour des nèfles, mes bons camarades de la science ? Ah, c’estune bien bonne blague !

Sur ces mots le professeur-régent dephysiologie éclata de rire et se tapa sur les cuisses d’une manièreparticulièrement indécente. Ses invités étaient tellement exaspérésde se voir pareillement traités que des désordres auraient sûrementéclaté si le jeune Fritz von Hartmann qui sortait de sa léthargien’était judicieusement intervenu. S’avançant jusqu’au bord del’estrade, l’étudiant entreprit d’excuser la conduite répréhensibledu Professeur.

– Je regrette de dire, déclara-t-il, quec’est un genre d’hurluberlu, en dépit du sérieux qu’il affectait audébut de l’expérience. Il souffre encore d’une réactionmesmérienne, et vous ne pouvez le tenir pour responsable de sonlangage. Quant à l’expérience elle-même, je ne la considère pascomme un échec. Il est très possible que nos esprits se soiententretenus dans l’espace pendant l’heure qui s’est écoulée ;mais malheureusement notre grossière mémoire corporelle estdistincte de notre esprit, et nous ne pouvons pas nous rappeler cequi s’est passé. Je vais dorénavant consacrer mon énergie à trouverun moyen grâce auquel des esprits pourront se rappeler ce qu’ilsont fait dans leur état de liberté, et j’espère que lorsque jel’aurai trouvé, j’aurai le plaisir de vous revoir tous ici danscette salle, et de vous communiquer mes résultats.

Ce petit discours, prononcé par un étudiant sijeune, provoqua un vif étonnement dans l’auditoire : certainsse sentirent confusément offensés et trouvèrent qu’il prenait desairs trop importants. Dans leur majorité toutefois, les assistantsle considérèrent comme un jeune homme de grand avenir ; enquittant la salle ils ne pouvaient que comparer sa conduite pleinede dignité avec la légèreté de son Professeur qui, pendant lesobservations de son élève, était demeuré dans son coin à rire debon cœur, nullement consterné par l’échec de sa tentative.

Ces hommes de science repartaient avecl’impression qu’ils n’avaient rien vu de notable ; pourtantl’une des choses les plus surprenantes de l’histoire du mondevenait de se produire sous leurs yeux. Le professeur von Baumgartenavait reçu confirmation de sa théorie suivant laquelle, pendant uncertain temps, son esprit et celui de son élève avaient désertéleurs corps respectifs. Mais une bizarre complication imprévueavait surgi : l’esprit de Fritz von Hartmann avait réintégréle corps d’Alexis von Baumgarten, et l’esprit d’Alexis vonBaumgarten était rentré dans le corps de Fritz von Hartmann. D’oùla grossièreté du langage argotique qui était tombé des lèvres dugrave Professeur ; d’où, aussi, la déclaration pleine de tenuede l’étudiant insouciant. C’était un événement sansprécédent ! Personne ne s’en était rendu compte, les deuxintéressés encore moins que les spectateurs.

Le corps du Professeur, prenant subitementconscience d’une grande sécheresse au fond de sa gorge, sortit dansla rue ; il riait encore du résultat de l’expérience, carl’âme de Fritz von Hartmann qui y logeait se réjouissait d’avoirgagné une fiancée aussi facilement. Son premier mouvement futd’aller la voir, mais à la réflexion il jugea qu’il valait mieuxattendre que Madame von Baumgarten fût informée par son mari del’accord intervenu. Il descendit donc vers la taverne du GrünerMann, qui était le lieu de rendez-vous préféré des pireschahuteurs, et il brandit joyeusement sa canne en entrant dans lepetit salon où étaient déjà réunis Spiegel, Muller et unedemi-douzaine d’autres gais compagnons.

– Ah, ah, mes enfants ! cria-t-il,Je savais que je vous trouverais ici. Buvez, buvons tous, commandezce que vous voulez ! Aujourd’hui j’offre une tournéegénérale !…

Si l’homme vert de l’enseigne avaitbrusquement fait son entrée dans la salle de café et réclamé unebouteille de vin, les étudiants n’auraient pas été plus ahuris.Pendant deux ou trois minutes ils le regardèrent complètementabasourdis, sans être capables de répondre quoi que ce soit à soninvitation cordiale.

– Donner und Blitzen ! criale Professeur en colère. Qu’est-ce qui vous prend ? Vous êteslà à me regarder comme des pourceaux collés sur un banc. Qu’ya-t-il ?

– C’est un honneur… inattendu !balbutia Spiegel.

– Honneur ? De la crotte !répondit le Professeur. Pensez-vous que, parce que je viensd’exhiber du mesmérisme à de vieux fossiles, je serais trop fierpour m’associer à de chers vieux amis comme vous ? Quittez cefauteuil, Spiegel mon garçon, pour que je préside !Bière ? Vin ? Schnaps ? Commandez ce que vouspréférez, mes enfants : c’est moi qui régale !

Jamais le Grüner Mann ne connut d’après-midiplus agité. Les pots mousseux de bière et les bouteilles au longcol de vin du Rhin circulèrent avec entrain. Peu à peu lesétudiants perdaient leur timidité en face de leur Professeur.Celui-ci d’ailleurs criait, chantait, vociférait, rugissait :il mit en équilibre sur son grand nez une longue pipe, et il offritde disputer un cent mètres contre n’importe qui. Le cabaretier etsa servante échangeaient derrière la porte des réflexions quitraduisaient leur étonnement devant un pareil comportement :étaient-ce là, disaient-ils, manières dignes d’un professeur-régentde la vieille Université de Keinplatz ? Ils eurent encore biendes choses à se raconter plus tard, car le savant défonça lechapeau haut de forme du cabaretier et alla embrasser la servantedans la cuisine.

– Messieurs !… commença leProfesseur.

Il s’était dressé au haut bout de la table,légèrement vacillant, et il balançait son verre de vin devant songrand nez.

– …Je dois vous expliquer à présentquelle est la cause de cette réjouissance.

– Écoutez ! Silence ! hurlèrentles étudiants en martelant la table de leurs pots de bière. Undiscours ! Un discours !

– Le fait est, mes amis, déclara leProfesseur dont les yeux étincelaient derrière les lunettes, quej’espère me marier bientôt.

– Marié ! s’écria un étudiant plushardi que les autres. Madame est donc morte ?

– Madame qui ?

– Hé bien, Madame von Baumgarten,naturellement !

– Ah, ah ! s’exclama le Professeuren riant. Je vois que vous êtes au courant de mes petitesdifficultés. Non, elle n’est pas morte ; mais j’ai de bonnesraisons pour croire qu’elle ne s’opposera pas à mon mariage.

– C’est vraiment très gentil de sapart ! remarqua un étudiant.

– En fait, reprit le Professeur, elledoit être maintenant persuadée qu’il lui faut m’aider à trouver unefemme. Elle et moi, nous ne nous sommes jamais bien entendus ;mais j’espère que nos différends touchent à leur terme, et quelorsque je serai marié, elle viendra habiter chez moi.

– Quelle heureuse famille ! soupiraun loustic.

– C’est ma foi vrai ! Et je compteque vous assisterez tous à mon mariage. Je ne citerai aucun nom,mais je bois à ma petite fiancée !

– À la santé de sa petite fiancée !rugirent les mauvais garçons dans de grands éclats de rire. À sasanté ! Sie soll leben… Hoch !

Et la fête reprit avec encore plusd’animation. Chaque étudiant voulut imiter le Professeur et boireun toast à la santé de la fille de son cœur.

Pendant ces réjouissances au Grüner Mann, unescène fort différente se déroulait ailleurs. Le jeune Fritz vonHartmann, nanti d’un visage solennel et d’un air distingué, avaitconsulté divers instruments mathématiques, aprèsl’expérience ; ensuite il avait lancé un ordre péremptoire augardien du laboratoire, il était sorti et il avait pris lentementla direction de la maison du savant. Devant lui, il aperçut vonAlthaus, professeur d’anatomie ; il accéléra le pas et lerattrapa.

– Dites-moi, von Althaus !s’écria-t-il en lui tapant sur le bras. L’autre jour, vous m’aviezdemandé un renseignement sur la paroi médiane des artèrescérébrales. J’ai découvert…

– Donnerwetter ! s’exclamavon Althaus qui était un vieillard irascible. Que signifie cetteimpertinence ? Je vous traînerai devant le Conseil deDiscipline de l’Université pour votre extravagance,Monsieur !

Sur cette menace il pivota sur ses talons ets’éloigna. Von Hartmann fut très surpris par cette réception :« Voilà une conséquence de l’échec de mon expérience » sedit-il. Et il poursuivit tristement sa route.

De nouvelles surprises l’attendaientcependant. Deux étudiants coururent derrière lui pour le rattraper.Ces jeunes gens, au lieu de lever leurs casquettes ou de luitémoigner la moindre marque de respect, poussèrent un sauvagehurlement de joie et se saisirent chacun d’une manche de vonHartmann en voulant le tirer avec eux.

– Gott in Himmel !rugit von Hartmann. Que signifie une insulte aussidélibérée ? Où m’emmenez-vous ?

– Casser la tête d’une bouteille devin ! répondirent les deux étudiants. Venez donc ! C’estune invitation que vous n’avez jamais refusée.

– Jamais je n’ai vu pareilleinsolence ! cria von Hartmann. Lâchez-moi le bras, ou je vousferai renvoyer ! Laissez-moi, je vous dis ! !

Avec une rage incontrôlable il distribua forcecoups de pied.

– Oh, si vous le prenez comme ça, allezoù bon vous semble ! lui dirent les étudiants. Nous boironsbien sans vous.

– Je vous connais. Vous me paierezcela ! leur lança von Hartmann.

Il continua son chemin vers ce qu’il supposaitêtre sa propre maison, très échauffé par les deux incidents.

Madame von Baumgarten, qui regardait par lafenêtre parce qu’elle s’étonnait que son mari fût en retard pour ledéjeuner, aperçut le jeune étudiant sur la route. Comme nousl’avons dit, elle professait à son égard une vive antipathie etlorsqu’il s’aventurait chez elle, c’était sous la protection duProfesseur. Sa surprise de le voir arriver seul s’accrut encorequand il ouvrit la porte à claire-voie et s’engagea dans l’alléeavec l’air de quelqu’un qui se croit le maître de la situation.Pouvant à peine se fier à ses yeux, elle se précipita vers laporte, tous ses instincts maternels en émoi. Des fenêtres du haut,la belle Élise avait également remarqué la démarche audacieuse deson amoureux ; son cœur se mit à battre vite, autant d’orgueilque de consternation.

– Bonjour, Monsieur ! dit MadameBaumgarten à l’intrus en lui barrant majestueusement le seuil.

– C’est en vérité un bon jour,Martha ! répliqua l’autre. Allons, ne restez pas ici comme unestatue de Junon, mais dépêchez-vous de servir le déjeuner, car jesuis à peu près mort de faim.

– Martha ! Le déjeuner ! répétala femme du Professeur qui manqua de tomber à la renverse.

– Oui, le déjeuner, Martha, ledéjeuner ! hurla von Hartmann qui devenait susceptible. Ya-t-il dans cette requête quelque chose d’extraordinaire, alorsqu’un homme a passé sa matinée à travailler ? J’attendrai dansla salle à manger. Servez-moi n’importe quoi : des saucisses,des choux, des prunes, ce que vous aurez sous la main. Mais quefaites-vous à me regarder bouche bée ? Femme, allez-vous ouiou non agiter vos jambes ?…

Cette dernière phrase, accompagnée d’unvéritable trépignement de rage, eut pour effet de faire fuir labonne Madame von Baumgarten ; elle s’enferma dans sa cuisineoù elle piqua une crise de nerfs. Entre temps, von Hartmann étaitentré dans la salle à manger, et s’était jeté sur le canapé. Ilétait d’une humeur noire.

– …Élise ! appela-t-il. Au diableles femmes ! Élise !

Convoquée sur ce ton plutôt rude, la jeunefille descendit timidement de sa chambre.

– Mon amour ! s’écria-t-elle enl’enlaçant tendrement.

Je sais que vous avez agi ainsi pour l’amourde moi. C’était une ruse pour me voir, dites ?

Von Hartmann fut tellement indigné par cettenouvelle agression qu’il resta sans voix ; il ne put quelancer des regards furieux et serrer les poings, tout en sedéfendant contre les baisers de la jeune fille. Quand il recouvritenfin l’usage de la parole, il se laissa emporter par un telouragan de colère qu’Élise recula et, épouvantée, se laissa tomberdans un fauteuil.

– Jamais je n’ai vécu une tellejournée ! vociféra von Hartmann en tapant du pied. Monexpérience a échoué. Von Althaus m’a outragé. Deux étudiants m’ontraccolé sur la route. Ma femme manque de s’évanouir quand je luidemande à déjeuner, et ma fille s’élance sur moi pour m’étreindrecomme un ours sauvage !

– Vous êtes malade, mon chéri ! Vousavez la cervelle à l’envers. Vous ne m’avez pas embrassée unefois !

– Non, et je n’ai pas l’intention de lefaire ! déclara von Hartmann avec décision. Vous devriez avoirhonte de vous. Pourquoi n’allez-vous pas me chercher mespantoufles, ni aider votre mère à me servir mon déjeuner ?

– Est-ce donc pour en arriver là, s’écriaÉlise en enfouissant son visage dans son mouchoir, que je vous aimepassionnément depuis plus de dix mois ? Que j’ai bravé lecourroux de ma mère ? Oh, vous avez brisé mon cœur ! Oui,vous l’avez brisé !

Elle se mit à sangloter désespérément.

– En voilà plus que je ne puistolérer ! gronda von Hartmann. Que diable veut dire cettefille ? Qu’ai-je donc fait il y a dix mois pour vous inspirerune affection aussi particulière ? Puisque vous m’aimez tant,vous feriez mieux d’aller me chercher des saucisses et un peu depain, au lieu de débiter tant d’absurdités !

– Oh, mon chéri ! cria lamalheureuse jeune fille en se jetant dans les bras de celui qu’ellecroyait être son Fritz. Dites-moi que vous ne faites que plaisanterpour effrayer votre petite Élise !

Le hasard voulut qu’au moment de cetteétreinte passionnée autant qu’imprévue von Hartmann se fût adossécontre l’extrémité du canapé lequel, comme c’est souvent le casavec le mobilier allemand, était délabré et bancal. Le hasardvoulut encore que sous l’extrémité du canapé il y eût une cuvepleine d’eau, dans laquelle le physiologiste procédait à certainesexpériences sur des œufs de poisson, et qu’il gardait dans la salleà manger pour la maintenir à température égale. Le poidssupplémentaire de la jeune fille se combina avec l’impétuosité deson élan pour mettre un terme à la carrière du canapé ;l’infortuné étudiant bascula en arrière dans la cuve : sa têteet ses mains s’y coincèrent incommodément, tandis que sesextrémités inférieures s’agitaient désespérément dans les airs. Lacoupe de son amertume déborda. Non sans difficulté il parvint às’extraire de sa position déplaisante, émit un cri inarticuléd’exaspération, prit son chapeau et sortit sans vouloir écouter lessupplications d’Élise. Trempé, dégouttant d’eau, il retourna versla ville, afin de trouver dans un cabaret la nourriture et lesaises qui lui étaient refusées chez lui.

Pendant que l’esprit de von Baumgarten logédans le corps de von Hartmann se hâtait sur le chemin en lacets quimenait à la petite ville, il aperçut un homme âgé qui venait danssa direction et qui, manifestement, était pris de boisson. VonHartmann se gara sur le côté de la route pour observer cet individuqui titubait en zigzaguant et en chantant d’une voix éraillée unrefrain d’étudiant. D’abord il ne fut intéressé que par lecontraste entre une apparence vénérable et un état aussitriste ; et puis il se rendit compte qu’il connaissait biencet homme, sans toutefois pouvoir se rappeler quand et où ill’avait rencontré. Cette impression devint si forte que lorsquel’inconnu parvint à sa hauteur, il se planta devant lui etl’examina attentivement.

– Alors, mon fils ? interrogeal’ivrogne en examinant à son tour von Hartmann et en se balançantdevant lui. Où diable vous ai-je déjà vu ? Je vous connaisaussi bien que je me connais moi-même. Qui diableêtes-vous ?

– Je suis le professeur von Baumgarten,répondit l’étudiant. Puis-je vous demander qui vous êtes ?Votre physionomie ne m’est pas inconnue.

– Vous ne devriez jamais mentir, jeunehomme ! dit l’autre. Vous n’êtes sûrement pas le Professeur,car c’est un vieux bonhomme laid et au bord de la tombe, alors quevous êtes un jeune gaillard aux larges épaules. Je m’appelle Fritzvon Hartmann pour vous servir.

– Certainement pas ! s’exclama lecorps de von Hartmann. Vous pourriez être son père tout au plus.Mais dites-moi, Monsieur, savez-vous que vous portez mes boutons deplastron et ma chaîne de montre ?

– Donnerwetter ! hoquetal’autre. Si vous n’avez pas là le pantalon à cause duquel montailleur va me saisir, que je ne boive plus jamais debière !

Accablé par les incidents étranges dont ilavait été victime toute la journée, von Hartmann passa une main surson front et baissa les yeux. Le hasard voulut (encore) qu’ilaperçût la réflection de sa propre tête dans une mare que la pluieavait laissée sur la route. À son immense stupéfaction il constataqu’il avait la tête d’un jeune étudiant et qu’à tous points de vueil était la vivante antithèse de la silhouette grave et austère oùson esprit avait l’habitude de loger. En quelques instants sacervelle agile fit le tour des événements et arriva à la conclusioninévitable. Il faillit s’effondrer sous le choc !

– Himmel ! s’écria-t-il. Jevois tout. Nos âmes se sont trompées de corps. Je suis vous, etvous êtes moi. Ma théorie est démontrée, mais à quel prix !L’esprit le plus savant de l’Europe peut-il se promener sous unextérieur aussi frivole ? Oh, voilà anéantis les travaux detoute une existence !

De désespoir, il se frappait la poitrine.

– Dites ! fit observer le véritablevon Hartmann dans le corps du Professeur. Je vois bien la force devos remarques, mais je vous prie de ne pas me taper dessus commecela. Vous avez reçu mon corps en excellent état ; mais jem’aperçois que vous l’avez mouillé et meurtri, et que vous avezéparpillé du tabac à priser sur ma chemise.

– Qu’importe ! cria l’autre d’unevoix morose. Il nous faudra demeurer tels que nous sommes. Mathéorie est prouvée d’une manière éclatante, mais le prix en estterrible !

– Si je le croyais aussi, réponditl’esprit de l’étudiant, je serais en effet assez peiné. Queferais-je avec ces vieux membres tout raides ? Commentcourtiserais-je Élise et la persuaderais-je que je ne suis pas sonpère ? Dieu merci, en dépit de la bière qui m’a enivré, jevois un moyen d’en sortir !

– Lequel ? interrogea le Professeurhaletant.

– Hé bien, en recommençant l’expérience.Libérons encore une fois nos esprits ; il est probable qu’ilsréintégreront leurs corps respectifs.

Jamais noyé ne se cramponna plus fermement àun fétu de paille que l’esprit de von Baumgarten à cettesuggestion. Dans une hâte fébrile il tira son propre corps sur lecôté de la route et le mit en extase mesmérienne. Puis il tira desa poche le globe de cristal, et tomba dans le même état.

Des étudiants, des paysans qui passèrent parlà furent bien étonnés de voir l’éminent professeur de physiologieet son élève préféré assis tous deux sur un talus très crotté, etcomplètement insensibles. Au bout d’une heure, toute une foules’était rassemblée ; les curieux venaient de décider de fairevenir une ambulance pour les transporter à l’hôpital, quand lesavant ouvrit les yeux et regarda autour de lui. Pendant quelquesinstants il eut l’air d’avoir oublié comment il se trouvaitlà ; mais bientôt il étonna l’assistance en agitant ses brasmaigres au-dessus de sa tête et en hurlant deravissement :

– Gott sei gedanket ! Jesuis redevenu moi-même ! Je le sens !

L’ahurissement des spectateurs ne fut pasmoins grand quand l’étudiant se leva d’un bond, poussa le mêmecri ; tous deux se mirent à danser une sorte de pas de joie aumilieu de la route.

Pendant quelque temps, les habitants deKeinplatz eurent des doutes sur l’équilibre mental des deux acteursde cette scène. Lorsque le Professeur publia le compte rendu de sonexpérience dans le Medicalschrift, comme il l’avaitpromis, il se heurta de la part de ses collègues à toutes sortes desuggestions plus ou moins nettement formulées mais qui serésumaient à ceci : il ferait bien de veiller à sa santémentale, car une autre publication de ce genre le conduirait toutdroit dans un asile d’aliénés. Quant à l’étudiant, l’expérience luienseigna également qu’il aurait intérêt à se taire.

Ce soir-là en tout cas, quand l’éminentProfesseur rentra chez lui, il ne reçut pas l’accueil cordial qu’ilétait en droit d’espérer après ses étranges aventures. Il fut aucontraire rudement houspillé par sa femme et sa fille, à la foisparce qu’il puait la bière, le vin et le tabac, et aussi parcequ’il avait été absent quand un jeune polisson avait envahi samaison et les avaient insultées. Il fallut beaucoup de temps pourque l’atmosphère domestique de la demeure du Professeur sepacifiât, et beaucoup plus de temps encore pour que le visagesympathique de von Hartmann reparût sous son toit. La persévérancetoutefois renverse tous les obstacles : l’étudiant réussit àapaiser les deux femmes furieuses et à regagner le cœur d’Élise. Iln’a plus aujourd’hui à redouter les foudres de Madame vonBaumgarten, car il est devenu le Hauptmann von Hartmann, des uhlansdu Kaiser, et la tendre Élise lui a déjà offert deux petits uhlansen signe de gage de sa clémence.

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer