La Dégringolade, Tome 3

III

C’était de la part de miss Dodge une siterrible dérogation à ses principes sévères et un tel acte decourage que Raymond demeurait confondu de la promptitude de sarésolution.

Ce n’était pas précisément le « pain deses vieux jours » qu’elle allait risquer, car il était clairque jamais Mlle Simone ne laisserait manquer derien sa dévouée gouvernante, mais elle allait s’exposer à uneséparation dont l’idée lui était plus pénible que celle de lamort.

Et Raymond qui ne l’avait seulement pasremerciée, qui l’avait laissée s’éloigner sans savoir où et commentelle lui apprendrait le résultat de sa démarche !…

Mais il ne s’en tourmentait pas outre mesure.Grâce à ce logement qu’il avait loué, il savait qu’il seraittoujours à même de rejoindre la digne institutrice dès qu’ellerisquerait un pied dehors.

La décision de Mlle Simoneétait un bien autre sujet d’angoisses.

Consentirait-elle à cette aventure que luifaisait demander Raymond, et qu’il eût payée de la moitié de sonsang ?

Il était persuadé que c’était comme autrefois,comme toujours, à la fortune de la pauvre enfant qu’on en voulait,et rien qu’à sa fortune, et il se disait :

– Que je lui parle, et je la décide àl’abandonner à qui la convoite si ardemment, cette fortunemaudite.

C’était l’espérance, la fleur vivace quirésiste à tous les orages, qui refleurissait dans son âme.

Et le bien-être qu’il en ressentait sereflétait si visiblement sur son visage, que lorsqu’il rentra pourdîner :

– Tu es satisfait de ta journée, monfils ? lui demanda Mme Delorge, qui étaitcertes à mille lieues de soupçonner la nature de ses soucis.

– Oui, ma mère, répondit-il.

– Tu as revu nos amis, sans doute ?Tu as pu t’assurer par toi-même de la réalité de nosespérances.

– J’ai vu Me Roberjot,dit-il, pour dire quelque chose, car la confiance candide de samère le gênait beaucoup.

Mais si Mme Delorge se paya deses vagues réponses, il n’en devait pas de même être deMlle Pauline. Se trouvant seule, après le dîner,avec son frère :

– Pauvre Raymond, lui dit-elle, en luiprenant la main, tu es donc moins malheureux !…

Il ne put retenir un mouvement d’impatience,dépité de l’insistance de sa sœur à pénétrer son secret.

– Qu’imagines-tu donc ?…

Il la regardait dans les yeux. Elle devintcramoisie, et, essayant de dissimuler son embarra sous un éclat derire :

– Dame ! répondit-elle, je ne saispas… au juste. Seulement la politique tracasseMe Roberjot bien autrement que toi, et jamais je nelui ai vu des regards comme les tiens…

Et comme il se taisait :

– Je n’insisterai pas, ajoutasérieusement la jeune fille. Et cependant, j’aurais peut-être desconfidences à échanger contre les tiennes.

À tout autre moment, Raymond eût voulu avoirl’explication de cette phrase au moins singulière. L’égoïsme de lapassion retint les questions sur ses lèvres.

Il se dit en lui-même :

– Oh ! oh ! il paraît queMlle Pauline Delorge aime quelqu’un, et c’est là cequi la rend si clairvoyante.

Puis il n’y pensa plus du reste de la soirée,qu’il passa entre sa mère et sa sœur. Et lorsqu’il eut regagné sachambre, il ne songeait qu’à une chose, c’est que le lendemainétait le premier jour de l’An, et que très probablement il n’auraitpas deux heures à lui pour courir jusqu’à la rue deGrenelle-Saint-Germain.

Il ne se trompait pas. C’était chezMme Delorge que, depuis des années, venaientdéjeuner, le premier janvier, les rares amis qui lui étaient restésfidèles.

Dès neuf heures, arrivaientMme Cornevin et ses filles, puis l’excellentM. Ducoudray, l’œil plus brillant que les pierres d’une pairede boucles d’oreilles qu’il apportait àMlle Pauline.

Me Roberjot ne tarda pas àapparaître, les bras chargés de bonbons ; et dès sonentrée :

– Eh bien ! s’écria-t-il, le voicidonc venu, le premier jour de cette fameuse année de 1870 qui doitdonner à la France le bonheur et la liberté !…

– Amen ! fitM. Ducoudray. Et en attendant, nous sommes toujours sansministère.

– Toujours, réponditMe Roberjot, de ce ton de bonne humeur qui avaitrésisté à tous les tracas et à toutes les déceptions de sa vie.Ah ! l’enfantement est laborieux. Mais soyez sans inquiétude,demain l’Officiel parlera, et nous connaîtrons enfin leministère Ollivier.

Raymond s’était rapproché.

– Et pensez-vous toujours, demanda-t-il,qu’il doit être l’avant-dernier ministère du secondEmpire !

– Je le pense plus que jamais… s’écrial’avocat.

Et sans soupçonner, certes, quels effroyablesmalheurs allaient fondre sur la France, en cette sinistre année de1870 :

– Dans un an, ajouta-t-il, à pareil jour,je vous donne rendez-vous. Alors, vous me direz ce que sont devenustous ceux qui jouissent de leur reste, le comte de Combelaine et leduc de Maumussy, et cette chère princesse d’Eljonsen, et monexcellent ami Verdale !…

Le lendemain, ainsi qu’il l’avait annoncé, leJournal officiel publiait le nom des hommes choisis parÉmile Ollivier, et qui allaient constituer avec lui ce ministèrefameux qui portera dans l’histoire le nom de ministère du 2janvier.

Et la vérité vraie, incontestable sinonincontestée, est que la France eut, ce jour-là, comme unéblouissement d’espérance et de liberté.

En lisant le nom des hommes qui allaientprendre la direction des affaires, on crut que la ruine prochaine,dont les symptômes se multipliaient de plus en plus alarmantsdepuis quelques mois, allait être conjurée.

On crut qu’une transaction pacifique éviteraitles horreurs d’une lutte sanglante sur des décombres.

– On va donc respirer ! disait-on.La sécurité va donc renaître ! Les affaires vont doncreprendre !…

Que devenaient dans de telles circonstancesles théories de Mme Delorge, qui avait toujoursattendu, qui attendait encore avec une imperturbable confiancequelque dégringolade effroyable, soudaine, foudroyante, quilivrerait à sa vengeance les assassins, dix-huit ans impunis, deson mari !…

Et Raymond lui-même ne s’était-il pas parfois,dans le secret de son cœur, bercé de ce décevant espoir, quequelque grande commotion politique détacheraitMme de Maillefert de ses amitiés nouvelles etsauverait Mlle Simone ?

– Chimères !… se disait-ilmaintenant. Illusions vaines !… C’est sur moi, sur moi seul,qu’un homme doit compter !…

Ce qui n’était pas une illusion, c’est que, deplus en plus, la situation de Mlle Simone étaitmenacée.

La veille même, une lettre qu’il avait reçuede M. de Boursonne était venue confirmer ses craintes etl’avertir de se hâter.

« Il court ici de singuliers bruits,écrivait le vieil ingénieur, et avec une persistance qui me lesfait prendre au sérieux, malgré leur invraisemblance.

« On assure queMlle Simone, ne devant plus revenir à Maillefert,se décide à vendre toutes ses propriétés, et même le château.D’après M. Bizet de Chenehutte, qui est décidément un bravegarçon, la vente aurait lieu dans les premiers jours du moisprochain. Ce qui désole les gens du pays, c’est qu’on annonce quetout est d’avance acheté en bloc par un gros capitaliste deParis.

« Comme de raison, je vous fais grâce descommentaires.

« Vous, là-bas, vous devez savoir lavérité. Mandez-la moi donc, s’il vous plaît, pour que je conservema réputation d’homme bien informé. Et par là même occasion,dites-moi un peu ce que vous devenez. »

Hélas !… Raymond n’en savait pas plus queson vieil ami.

Aussi, est-ce avec la résolution plus quejamais arrêtée de parvenir, coûte que coûte, jusqu’àMlle Simone, qu’il arriva vers deux heures à sonappartement de la rue de Grenelle-Saint-Germain.

Une surprise immense l’y attendait.

Lorsqu’il entra dans la loge pour prendre saclef :

– On est venu vous demander ce matin,monsieur, lui dit la concierge.

Sa première idée fut que la vieille femme,dans une intention qui lui échappait, plaisantait.

Qui donc savait qu’il avait loué cetappartement ? Personne.

Et l’eût-on su, comment eût-on pu venir l’ydemander, puisqu’au lieu de son nom, il avait donné celui de lafamille de sa mère ?

– Quand donc est-on venu ?interrogea-t-il.

– Ce matin.

– Qui ?

– Un monsieur, vêtu dans le derniergenre, tout ce qu’il y a de plus comme il faut. J’étais en train debalayer mes escaliers : il appelle, moi je me penche sur larampe, et je lui crie :

– Qu’est-ce que vous voulez ?

Il lève la tête :

– Je voudrais savoir, répond-il, si monami est chez lui.

– Quel ami ?

– Eh ! celui qui a aménagé autroisième avant-hier.

– M. de Lespéran,alors ?

– Précisément.

– Là-dessus, je lui dis que vous étiezabsent, et il a paru très contrarié. Il m’a cependant remerciéetrès poliment, et il est parti en disant qu’il repasserait…

Raymond réfléchissait, et à son premierétonnement, l’inquiétude succédait.

Ce mystérieux visiteur ne s’était pas présentéen demandant M. de Lespéran. Il s’était arrangé de tellesorte que c’était la portière qui lui avait appris sous quel noms’était établi rue de Grenelle son nouveau locataire.

Mais il semblait à Raymond très important quela concierge ne soupçonnât rien.

– Ce doit être, dit-il, quelqu’un de mesamis. Vous a-t-il laissé son nom ?…

– Ma foi, non !…

– Et vous ne le lui avez pasdemandé ? Non. C’est vraiment bien fâcheux. Pourtant, si vouspouviez me donner son signalement exact !… Voyons, commentétait-il, jeune, vieux ?…

– Ni l’un ni l’autre.

– Grand ou petit ? Mince ougros ?…

– Entre les deux.

– Brun ou blond ?

– Oh ! pour cela, tout ce qu’il y ade plus blond, blond ardent, s’entend.

– Avait-il un accent ?

– Je n’ai pas remarqué.

Tout espoir d’être renseigné s’évanouissait.Raymond comprit qu’insister serait inutile.

– Une autre fois, dit-il à la portière,il faudra, je vous prie, demander le nom des gens qui viendront enmon absence.

Mais cette insouciance qu’il affectait, elleétait bien loin de son âme.

De ce fait résultait pour lui la certitudequ’il était suivi, épié. Par qui ? dans quel but ?

Une fois, le souvenir de Laurent Cornevintraversa son esprit. Il le repoussa.

– Si Laurent, se dit-il, avait à meparler, il viendrait me trouver chez ma mère ou m’écrirait pour medonner un rendez-vous…

N’importe, c’était un souci nouveau ajouté àtous ceux de Raymond ; souci cuisant s’il en fut, irritant, detoutes les minutes.

Il cessait de s’appartenir, en quelque sorte.Il ne devait plus faire un pas, désormais, sans être tourmenté decette idée qu’il traînait à ses talons quelque mouchard immonde,qu’il était incessamment épié, que chacune de ses démarches avaitun témoin invisible, tapi dans l’ombre et dressant un rapport…

Une telle infamie était bien digne deM. Philippe, conseillé par M. de Combelaine.

Cette journée, du reste, qui commençait simal, ne lui devait pas être favorable.

C’est en vain que, jusqu’à la nuit, il demeural’œil cloué à l’ouverture qu’il avait pratiquée à la persienne, iln’aperçut ni Mlle Simone, ni miss Lydia Dodge.

Et il ne fut pas plus heureux les jourssuivants, encore que littéralement il ne bougeât plus de sonobservatoire ; si bien qu’à la fin de la semaine il ne savaitplus que croire ni qu’imaginer.

Miss Dodge l’avait-elle donc trompé ?N’avait-elle paru céder à ses instances que pour se débarrasser delui ? Avait-elle au contraire tenu sa promesse et avait-elleété impitoyablement renvoyée ?

Le désespoir s’emparait de Raymond,lorsqu’enfin le dimanche matin, un peu avant huit heures, justecomme il venait d’arriver, il vit apparaître sur le perronMlle Simone.

Elle était habillée ; elle allaitsortir ; elle sortait.

Mais ce n’était pas comme d’ordinaire lafidèle Lydia Dodge qui l’accompagnait. C’était une femme de chambreque Raymond ne connaissait pas, qui devait être une des femmes dela duchesse, et qui portait un livre d’heures…

Il n’en descendit pas moins en toute hâte etassez vite pour que Mlle Simone n’eût pas disparuquand il arriva dans la rue.

Mais elle était loin, déjà ; ellemarchait d’un bon pas… Elle suivait la rue deGrenelle-Saint-Germain, elle tournait la rue Casimir-Périer… Ilétait clair qu’elle se rendait à Sainte-Clotilde.

Raymond, alors, la devança et se retourna.Leurs yeux se rencontrèrent. Elle tressaillit et baissa la tête,mais elle ne s’arrêta pas et entra dans l’église…

– Et cependant elle m’a vu, pensait-il,elle m’a reconnu !… Tout espoir est-il donc perdu ?…

Ce qui le préoccupait, c’était de savoir paroù Mlle Simone sortirait, afin de la devancer et dese trouver sur son passage.

Bientôt il n’eut plus de doute.

La messe terminée, elle resta agenouilléequelques instants encore, puis, se levant, elle traversa la nef, sedirigeant vers la grande porte qui donne sur le square.

Il sortit alors par une des portes latérales,et tournant l’église au pas de course, il arriva au bas desmarches, juste comme Mlle Simone lesdescendait.

Il hésitait à l’aborder, pourtant, à cause decette femme de chambre étrangère… Mais elle n’hésita pas, elle.Venant droit à lui :

– Ce que vous faites là est mal, monsieurDelorge !… lui dit-elle.

Lui était saisi de douleur de retrouverMlle Simone si pâle et si amaigrie. Elle n’étaitplus que l’ombre d’elle-même.

Ce qui n’empêche que c’est d’une voix ferme,et en le regardant fixement, qu’elle ajouta :

– N’avez-vous donc pas reçu ma dernièrelettre ?

– Pardonnez-moi.

– Ne vous y disais-je pas dem’oublier ? qu’il le fallait ?…

Raymond hochait la tête.

– Dans cette dernière lettre,répondit-il, vous me disiez : « Je suis la plus misérabledes créatures. » Alors moi je viens vous dire :« Mon âme, mon intelligence, ma vie, tout vous appartient.Est-ce que tout entre nous, joie ou malheur, ne doit pas êtrecommun ? » Qu’arrive-t-il ? J’ai le droit de vous ledemander, j’ai le droit de le savoir. Il faut que je vous voie, queje vous parle…

Elle devenait indécise, mais la femme dechambre se rapprochait :

– Eh bien !… soit, dit-ellevivement ; à quatre heures, demain, ici…

Certes, il n’y avait rien dans l’attitude deMlle de Maillefert, dans son accent ni dansses regards qui pût encourager les espérances de Raymond…

Mais le pire malheur n’était-il pas préférableà ses horribles perplexités ?…

Aussi le lendemain, bien avant l’heureindiquée, il était devant Sainte-Clotilde et errait lentementautour du square.

Le ciel était gris, le temps froid, le soldétrempé. Le jardin était désert. Personne ne passait le long desgrilles…

Mais la nuit venait, avancée par lebrouillard. Quatre heures sonnèrent. L’instant d’après, deux femmesapparurent au coin de la rue Casimir-Périer : miss Lydia etMlle Simone…

La pauvre gouvernante n’avait donc pas étérenvoyée !

Vivement Raymond s’avança… MaisMlle Simone l’avait aperçu, et venant àlui :

– Offrez-moi votre bras, lui dit-elled’une voix brève, et marchons…

Il obéit ; et tout aussitôt :

– Car vous en êtes venu à vos fins,poursuivit durement la jeune fille. Vous l’exigiez, me voici…

– Je l’exigeais !…

– Assurément, et à ce point que c’étaitcomme une persécution. Mon frère ne vous a-t-il pas rencontré déjà,près de notre hôtel, et n’est-ce pas sa modération seule qui aévité une altercation ?…

Un geste de colère, de regret peut-être,échappa à Raymond.

– C’est juste, fit-il. M. Philippene m’a même pas frappé.

– Et ce n’est pas tout !… Vous avezcirconvenu ma gouvernante et vous l’avez décidée à enfreindre mesordres et à violenter ma volonté !…

Était-ce bien Mlle Simone quiparlait ainsi !… Était-ce possible !… Était-cevraisemblable !…

– Je voulais vous voir, commença Raymond,je voulais…

– À quoi bon !… interrompit la jeunefille, d’un accent tranchant et froid comme l’acier. Est-ce pour mecontraindre à vous répéter ce que je vous ai écrit ? Soit, jevous le répète : Nous sommes à tout jamais séparés, nousdevons nous oublier, il le faut, je le veux…

Elle parlait très haut, sans aucune réserve,comme si elle eût été hors d’elle-même… Si bien qu’il était fortheureux que le square fût désert, et que d’ailleurs miss Dodgeveillât.

– Eh bien ! s’écria Raymond, c’estde cette séparation que j’ai à vous demander compte…

– À moi ! prononça la jeune fille,d’un ton que n’eût pas désavoué sa mère. Et de quel droit ?Depuis quand ne suis-je plus libre et maîtresse de mesactions ? Ce que je fais, il me plaît de le faire…

Heureusement, il est de ces exagérations qui,dépassant le but, le découvrent.

À mesure que Mlle Simone letraitait plus durement, le jour se faisait dans l’esprit deRaymond. Il s’arrêta court, et plongeant dans les yeux de la jeunefille un de ces regards qui remuent la vérité au plus profond del’âme :

– Ah ! ce que vous faites estsublime !… s’écria-t-il.

– Monsieur, balbutia-t-elle,décontenancée. Raymond…

Mais lui, sans se laisserinterrompre :

– Me jugez-vous donc si au-dessous devous, continua-t-il, que je ne puisse vous comprendre ?…Détrompez-vous. Croyant que je dois vous perdre, vous essayezd’atténuer mon désespoir. Quand une abominable intrigue vousarrache à mon amour, vous voulez paraître me renier volontairement.Vous élevant pour moi jusqu’à l’héroïsme du sacrifice, vous tâchezde vous perdre dans mon cœur, avec cette pensée que, si je pouvaisvous mépriser, je vous regretterais moins et me consolerais…

Sous la flamme de cette parole, elle sedébattait, elle essayait de protester.

– Vous oubliez donc, continuait Raymond,le serment que nous avons juré !… C’est ensemble que nousdevons lutter la lutte de la vie, ensemble que nous devons périr ouêtre sauvés…

Visiblement,Mlle de Maillefert avait trop compté sur sesforces : elle faiblissait.

– Je vous en conjure, murmura-t-elle, neme parlez pas ainsi…

– Il le faut, je le dois, et vous… vousme devez la vérité…

– Eh bien ! donc… commençal’infortunée.

Mais elle s’arrêta aussitôt, avec un mouvementd’horreur, et violemment :

– Jamais !… s’écria-t-elle, jamais,c’est impossible…

Raymond sentait la victoire lui échapper.

– Faudra-t-il donc, s’écria-t-il, que jevous sauve malgré vous !…

Elle se redressa sur ce mot, et admirabled’énergie :

– Qui vous dit que je veux êtresauvée ? prononça-t-elle. Je ne dois pas l’être, je ne leserai pas. Il est trop tard, d’ailleurs. Tout ce que vous tenteriezmaintenant ne servirait plus qu’à rendre peut-être inutile unhorrible sacrifice librement consenti. Pour vous, j’aurais dû nepas venir. Pour moi, j’emporte l’espérance que le souvenir de lapauvre Simone ne vous sera pas sans douceur… Car, ne vous abusezpas, c’est la dernière fois que nous nous revoyons…

– Non, je ne vous laisserai pas partirainsi.

Déjà elle avait repris le bras de missLydia.

– N’insistez pas, dit-elle, laissez-moitout mon courage, j’en ai besoin… Adieu !

Lorsque Raymond revint à lui, après avoir errétoute la soirée par les rues de Paris, il était sur le boulevard,devant un groupe où un homme disait :

– Victor Noir a été tué par le princePierre Bonaparte, j’en suis sûr, j’arrive d’Auteuil…

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