La Maternelle

IV

Quand je suis dans la classe des tout petits,à les amuser avec les guignols, avec les constructions, à leurrépéter les formules de la directrice, premières notions du bien etdu mal, à les empêcher de s’égratigner, je trouve encore le moyen,à travers la cloison vitrée, de noter l’ordre des leçons de lanormalienne. Je laisse passer sans attention le calcul, lagéographie, la lecture, le dessin, l’écriture, les exercicesmanuels, mais les causeries de morale m’émeuvent toujours. Lanormalienne les répand dans la perfection ; un manuel luifournit des canevas qu’elle développe d’abondance et selon laméthode. Je la vois, debout dans son bureau, sa voix sonne d’unesincérité pénétrante, son visage fin nuance et anime lespropositions, son corps flexible situe les choses ; tous lesélèves se penchent, obéissent à un rythme et, en un instant, unetotale harmonie possède la classe.

« Écoutez bien comment le petit Gaston aété puni pour n’avoir pas obéi à sa maman… » C’est la grandeœuvre ! Le récit familier, c’est la source où rafraîchir etvivifier cette fragile humanité.

15 janvier. – Un fait est venubrusquement bouleverser mes idées, puis leur imposer un coursnouveau, torrentiel.

Ah çà ! est-ce que les bienfaits del’école ne seraient que théoriques et apparents ? est-ce quel’enseignement commettrait cette erreur prodigieuse de ne pas tenircompte de la réalité, de se baser sur le convenu, sans souci duvrai ?

C’était après quatre heures, je revenais deconduire le rang au coin de la rue, avecMme Galant. La mère Doré demandait sa fille, unebrunette louchante, d’une joliesse maladive, et elle parlait à ladirectrice par-dessus la barrière du préau. Je me mis à transporterprès de la sortie les paniers restés entre le poêle et lelavabo.

Et voilà que j’entends cet énoncé d’uneconviction sévère :

– Punissez-la, madame la directrice, carelle est vicieuse et je ne veux pas de ça… Mademoiselle, à cinqans, se connaît déjà et ne demande qu’à se montrer… Je ne veux pasde ce vice-là maintenant… quand elle aura l’âge, elle aural’âge…

Et la femme, en scandant cette dernièrephrase, arborait les signes hautains d’une expérience absolue,indiquant que le vice était de rigueur, promettant de l’admettrequand il faudrait et promettant que ce serait trèsprochainement.

J’écarquillai les yeux : la mère Doré estgrande, robuste, la poitrine canonnante. Les bras nus ; bruneavec un peigne de cuivre dans les cheveux étagés impérialement,elle a une mine de voracité charnelle fixée par l’habitude, unelaideur de Junon sans âge, à traits grecs exagérés, grossis,couperosée par les liqueurs chères aux laveuses.

Elle détenait un air parfait de« parent d’élève » ; elle était bien dansla fonction, rien de faux ne jurait dans son accent, ni dans sapose ; c’était bien la mère, avec son droit calme et supérieurde diriger l’enfant, droit sacré, fortifié, éternisé par l’ensembledes institutions et des idées ; et elle s’appuyait solidement,normalement, sur l’école.

La directrice obligée d’acquiescer hochait latête vers l’enfant.

Et, dans le même instant, juxtaposée à lapuissance de la mère Doré, j’ai revu la sérénité, la fascinationirrésistible de la directrice, de la normalienne, deMme Galant, haussées dans leur chaire et proclamantà leurs troupes :

« Vous devez obéissance à vos parents –vous devez suivre l’exemple de vos parents ; tout ce que vosparents disent, ordonnent et font est bien dit, bien ordonné, bienfait, car ils incarnent la sagesse éprouvée en dehors de laquellevous seriez perdus. »

Eh, oui ! les devoirs envers la famille,devoirs de soumission et de conformisme, c’est la leçon de tous lesjours, c’est l’anneau de départ qui commande l’enchainement dureste.

Cependant, la mère Doré s’en allait ; oncriait les noms d’autres enfants, je donnais les capuchons, lespaniers.

Je sentais comme des griffes qui labouraienten moi cette notion : mais non ! les parents ne sont pasparfaits, bien au contraire ; ce qu’ils font est rarement bienfait ; il ne faut pas que les enfants les imitent… Eh, mais,alors… alors l’enseignement de l’école se trompe !

J’étais tout ahurie, je boutonnais de travers,je confondais les paniers, je présentais un béret à Bonvalot !une coiffure sur les cheveux délavés de Bonvalot ! C’étaitaussi cocasse que d’allouer des gants à un manchot. La directricem’appelait, je n’entendais pas ; une courbature extraordinairem’était causée par l’exercice habituel de m’accroupir, de merelever, de m’accroupir encore devant les tout petits.Mme Paulin traversait silencieusement le préau avecun seau plein de son mouillé pour le balayage des classes, jesursautais : « Hein ? qu’est-ce que vousvoulez ? »

Pendant la dernière heure de garde, j’étaisencore mal équilibrée. Je ne trouvais rien à dire à « mafille » Irma Guépin, j’ai fini par remarquerbêtement :

– Tiens, tu n’as plus ton rubanmauve ?

– Celui acheté avec les sous deM. Libois ? Non, je ne l’ai plus, il est tombé dans laboue.

Elle m’a contemplée fixement avec un rireémoustillant, selon son habitude. Pourquoi ai-je rougi jusqu’auxcheveux ? Pourquoi cette moiteur aux mains, – et cettesingulière sensation de vide quand Irma a été partie ?

Ce soir, dans ma chambre, là, posément,j’essaie de mettre un peu d’ordre dans mes idées. Voyons, je suisbien de sang-froid, les choses n’ont pas changé : voici mafumeuse, et ma table de jeu, et le piton à rideau, là-haut… Ehbien, la population du quartier, ces gens, les parents des enfants,je les vois bien aller et venir dans la rue, je connais leurextérieur, leurs gestes, leur langage et je sais le secret de leuractivité ; ce sont, pour la plupart, des pauvres hères assezbas, travaillant trop ou croupissant trop, mangeant mal, buvantmal, tournant dans un cercle étroit de souffrance, de laideur,d’ignorance et de préjugé, ayant une petite animation cérébraledésastreusement entretenue, une intelligence de samedi de paie, decafé-concert, de lendemain de noce et de tirage au sort… Ehbien ! tout examiné, le but serait que les enfants diffèrentd’eux le plus possible ; je n’extravague pas !

Réfléchissons maintenant à cet enseignement siintransigeant sur le chapitre spécial de la famille ; voyons,je ne me trompe pas non plus, j’entends bien raconter tous lesjours l’histoire du petit mouton qui n’a pas voulu passer juste parle chemin où passait sa mère et qui, à cause de cela, a été mangépar le loup. Que signifie cette infaillibilité des parents ? Àquoi tend ce dogme à voie unique ? Si ce n’est àrendre la génération qui vient d’éclore pareille à sadevancière ?

On ne se contente pas de dire :« Vous devez écouter les bons conseils de tranquillité, depropreté, de sobriété », non ! une insistancegénéralisante semble prévoir les ordres inadmissibles et prescrirela soumission passive même à l’absurde, même au mal.

Jusqu’à présent, les leçons de docilitém’avaient paru indispensables, adressées à des enfants de deux àsept ans. Quoi de plus naturel ? « Va faire lescommissions. – Mange ta soupe comme papa. – Imite la tenueconvenable des grandes personnes. » Oui ! Mais il fautpenser à leur terrible faculté de tirer la conséquence totale d’uneidée : « Si l’exemple des parents est bon pour une chose,il est bon pour toutes », disent les enfants. Leur logiquerudimentaire, de roc, de fer, est impénétrable à tout raisonnementcontradictoire et « distingueur » ; elle se confondavec le sentiment de la « justice égale », lequelprédomine immanquablement, étant dérivé lui-même de l’instinct deconservation. (Jolie phrase et d’un poids montagneux ! Ellen’a que le défaut d’infirmer la donnée précédente – pas plus ;– car si la dialectique enfantine même est à voie unique,les préceptes absolus ne nuisent pas expressément, ou tout aumoins, à quoi servirait-il de faire des réserves ?)

Quoi conclure ? On ne peut pourtant pasprescrire aux enfants de n’écouter personne en dehors de l’école etde discerner seuls le bien et le mal… Je m’étais couchée, je mesuis relevée. Les échos du soir étaient venus me tenir compagnie,comme d’habitude : ce furent d’abord, envoyés par la maison,un cognement de querelle de ménage, sourd, consistant et un autrecognement de « correction d’enfant » plus écraseur ;puis, envoyés par la rue, l’appel « à l’assassin » et lagalopade ordinaire des bottes de sergents de ville traînantderrière elles une queue de rumeurs. On ne se lève pas pour si peu.Mais, de longs cris montent de chez la sage-femme, des hurlementsaffreux de douleur et aussi des râles de fécondité,d’assouvissement, qui se répercutent dans ma chair en une tristesseintolérable. Je me remets à écrire sans bas, en camisole, je veuxavoir froid, je veux que mes jambes se glacent.

Je me rappelle des récréations où le courantest de jouer au papa et à la maman : cela tourne toujours detelle sorte que, malgré les remontrances antérieures, Adam embaucheune bande pour faire la noce. Des chérubins roses, des fillettesaux yeux bleus hallucinants d’infinie candeur, des innocents dedeux ans, savent déjà la règle du jeu.

– Ohé, les autres ! on est enbombe.

– Tu paies un verre ?

– Viens donc, on a touché sa paie.

– Mais non, on est des« tonscrits » avec des « liméros ».

Ils se tiennent à sept, huit, par le bras, ilschantent avec des gestes, des zigzags de godaille. Les voixprennent le ton crapuleux :

– Eh bin, de quoi ? tu vas pasturbiner, j’espère !

La troupe grossit. Quelle ardeur ! quelletransfiguration ! Les plus misérables, les petits à nez salequi ont toujours froid, ressuscitent. Richard l’affreux, qui nejoue jamais, cesse d’être délaissé ; on l’accepte, brasdessus, bras dessous. Julia Kasen se trémousse au bras deBonvalot.

Il est défendu d’imiter l’homme soûl, dans lacour ; on entraîne Vidal, il ne demande pas mieux que demarcher en tête du cortège. Quelle joie hurlante ! Vidalbossu, déjeté, sans équilibre sur de pauvres jambes tordues, sedéplaçant avec un sautèlement, un battement de membres, uneoblicité tombante d’oiseau blessé ou de crapaud mutilé. Vidal faitle pochard, au naturel !

La folie gagne.

La Souris, chargée de son précieux fardeau, sedécide : avec son air de femme sérieuse voulant que son enfantait sa part comme les autres, elle crie : « Attendez-moidonc ! et mon poussin ! il en est aussi ! »

Ah ! c’est bon d’avoir froid ! Maiscette femme hurlante n’en finira donc pas ?… Tiens,je ris maintenant.

Un jeudi matin, j’ai reconduit le plus jeunefrère de Léon Ducret qui avait été pris de vertige en arrivant àl’école. Dans la cour de sa maison, la concierge avait voulu tuerun lapin en lui crevant simplement un œil et en le suspendant parune patte la tête en bas. La marmaille du lieu faisait cercle, prèsde la pompe. Le lapin gigotait depuis longtemps sans doute, cartoute une pluie de sang était visible au mur et sur les pavés.Comme je passais, la concierge en colère gourmandait :

– Ah çà ! Tu n’en finiras doncpas de mourir, toi, ce matin ?

Elle employait le ton sévère des parents quine tolèrent pas qu’on prenne de mauvaises habitudes.

Je ris. Il me semble que je n’ai plus dejambes… Je crois bien que l’enseignement moral se fiche dumonde : il supposerait tranquillement que les parents, nonseulement sont exempts de tout défaut, mais possèdent les plushautes vertus et beaucoup d’argent avec. Cet enseignementainsi basé serait d’un comique prodigieux dans mon quartier desPlâtriers.

J’ai vu tant de drames en reconduisant lesenfants ! et ces drames dont j’aurais désiré enfouir lesouvenir, les cris de la femme les arrachent et les étalent.

La directrice est logée au-dessus du préau. Unsoir elle descend :

– Comment ! Gabrielle Fumet estencore là ? On l’a oubliée, renduisez-la bien vite.

Elle va consulter les fiches dans son cabinetet me rapporte l’adresse : rue de Palikao, 20.

Au cinquième étage. La porte s’ouvre decinquante centimètres. J’aperçois une femme sur une chaise, quicoud et deux enfants tout habillés sur un lit. Je n’entre pas etpour cause.

La femme s’excuse, par l’entre-bâillement,d’avoir laissé sa fille ; elle n’a pas d’horloge et elleespérait qu’il n’était pas si tard. Mon Dieu, quelle heure est-ildonc ?

– Sept heures et demie.

Elle sursaute et fond en larmes.

– Ah Dieu ! voilà que mes doigts seralentissent !

Et elle me raconte (toujours parl’entrebâillement) :

– Je couds des épaulettes, six sous lecent. Jusqu’à présent j’abattais à toute vitesse mes cinquante àl’heure. Mais voilà un cent pas fini, je l’ai commencé vers cinqheures.

Je reste là, je bredouille uneconsolation : elle se sera trompée d’heure.

La petite Gabrielle se glisse devant moi etgrimpe sur le lit.

– Déchausse-toi, au moins, dit la mèretoujours pleurante ; elle continue, de mon côté :

– Je suis veuve, il faut pourtant quej’arrive à gagner mes trente sous pour nous quatre. Et vous voyez,quand je suis levée, il faut que les enfants soient sur le lit, jene me couche que lorsqu’ils sont partis. Je sors sur le carré pourqu’ils se préparent ; il n’y a pas de place par terre pournous quatre ensemble.

Brusquement, elle s’effare :

– Eh, mais ! je suis là, monaiguille arrêtée !

Elle s’est accordé la récréation, le luxe depleurer !

Une voix d’enfant vieille et sentencieuses’échappe du lit :

– Oui, tes yeux vont se brouiller, tu vasbousiller et tu auras encore « du refusé ».

Je me suis esquivée, en me demandant quelsalaire fantastique pouvait toucher celui ou celle qui assumait cemétier terrifiant de refuser de l’ouvrage fait à la veuveFumet ! Je ne l’ai pas dépeinte, elle… parce qu’il faudraitdes mots trop livides ; mon sang se retire, je me trouveraismal.

Voilà pourquoi j’ai ri tout à l’heure.Gabrielle Fumet est une élève de Mme Galant etj’évoque cette maîtresse, dans son bureau, grosse, bonne, avec uneaccentuation posée, pénétrante, des gestes sûrs etréglementaires ; elle dit : Écoutez bien cettehistoire : « La chambre de Louise », et son jeu dephysionomie friand fait ouvrir les yeux, les becs et les âmes.

« Huit heures sonnent à l’horloge ;Louise va partir à l’école. Elle va chercher son panier dans sachambre. À la bonne heure ; voilà une chambre dans un ordreparfait. Rien ne traîne sur les meubles. Les chaises sont à leurplace. Le petit lit blanc est admirablement fait. On aperçoit despantoufles bleues dessous. Les effets de nuit sont soigneusementpliés. Tous les jouets sont rangés avec goût dans une armoire. Lapoupée et le trousseau sont dans un tiroir. C’est que Louise abeaucoup d’ordre et de soin. Jamais elle n’égare son mouchoir nises rubans. C’est une grande qualité que l’ordre et tous lesenfants devraient ressembler à Louise. Dans une maison, il fautune place pour chaque chose et chaque chose à saplace. »

Je ris tout haut !… La veuve Fumet,obligée d’attendre pour se coucher que ses enfants soient partis…Ah, ah, ah ! Gabrielle toute ratatinée, à qui sa mère doitrecommander de ne pas grandir, pour laisser un peu de place ;cette pauvrette moribonde, le cou tendu, le bec ouvert, recevant lapâtée morale de Mme Galant !

Ma maison plonge enfin dans le silence. Lafemme a dû finir d’accoucher ou de mourir. Délimitons l’importancedes choses. Évidemment, il y a deux parts : l’enseignement desconnaissances primaires, inerte, et l’enseignement moral, sensible.Ce n’est pas la géographie ni le calcul plus ou moins justementserinés qui influencent l’enfant pour toute la vie, ce qu’un enfantsubit de grave à l’école, c’est la culture des sentiments.Il apprend à vouloir ou à refuser. Il ne fait que tâter constammentavec l’instinct ce qui convient ou ne convient pas à sa proprepousse. Je me représente d’imperceptibles prolongements de nerfsdans l’espace, fouillant, s’allongeant, se retirant à la manièredes cornes d’escargot. L’école propose des préférences, deshabitudes, des directions à ces invisibles tentaculesnerveuses.

Comment, à la fois, montrer à l’enfant dupossible à aimer – et rejeter l’erreur routinière de luirendre chères sa servitude, ses tares ?

Justement hier, – non, avant-hier, –M. le délégué cantonal, dans une conversation avec ladirectrice, a émis cette opinion.

– On n’introduit rien dans unenfant ; il possède des germes, les uns ataviques, les autresactuels, que l’on développe ou que l’on étouffe, pas plus…

Très juste ? mais cela n’améliore pasl’enseignement.

M. Libois s’approchait machinalement dulavabo où j’étais occupée. J’ai eu l’impression qu’il haussait lavoix, qu’il façonnait sa phrase, pour que la directrice ne fût passeule à jouir de son discours. La normalienne était dans lepréau.

Je lavais une bosse, dans les cheveux d’unbambin. M. Libois est intervenu en sa qualité dedocteur :

– Ça ne te fait pas mal là ?… nilà ?

Il se pourrait que la vibration mâle de savoix eût un charme pour les enfants ; ils sourient avecconfiance, ils n’ont pas peur de ses mains longues de savant.

M. Libois m’a demandé du ton le plusnaturel :

– Petit traumatisme ?

On appelle cela, je crois, « jeter unesonde ».

Et moi, surprise par cette interpellation, aulieu de feindre de ne pas comprendre son mot grec, j’ai répliquécomme une étourdie :

– Ce n’est pas une plaie, une simpleecchymose.

J’ai senti, d’un choc, son regard et ma bêtisetout à la fois, comme un inculpé saisit, à l’avidité du juged’instruction, qu’il a parlé imprudemment.

M. Libois a tourné les talons trop vite,tel un visiteur indélicat qui emporte un objet chipé.

Après tout, je m’en moque de sa curiosité.

16 janvier. – Ce matin, la rue et lafaçade de l’école m’ont semblé toutes changées ; il gelait aumoins à dix degrés ; la rue déserte et sonore dormait comme lacour triste d’un vieil et sale immeuble. Devant ma porte, un grospavage extraordinairement bossué et défoncé résume le délabrementdu quartier ; plus loin, le bout de pavage en bois paraîtemprunté à une partie riche de Paris ; la façade de l’écolecubique, en pierres de taille, d’une estompe de monument, avec sondrapeau, ses affiches au rez-de-chaussée, tranche sans pouvoirs’accorder avec le gris jaune des maisons en plâtre, ni avec lesdevantures de boutique en bois peint de rouges variés.

J’ai attendu dans l’entrée que la conciergeeût tourné le compteur et allumé le gaz. La lumière a jailli toutd’un coup, et j’ai regardé, comme si je ne les avais jamais vus, lavieille femme toujours muette, la loge, le cabinet et l’escalier dela directrice, les murs peints couleur vert d’eau et les troistableaux d’honneur.

J’ai vite fermé les vasistas du préau, desclasses et commencé l’allumage des poêles. Les bouts de cordes sebalancent longtemps, comme, dans ma chambre, fait le cordon derideau au-dessus de ma fenêtre : bonjour, bonjour. Un petitbéret de fille oublié, coiffant une seule des deux cents patères dupréau, évoquait une idée d’enfance et aurait suffi à indiquer à unétranger l’usage de la vaste salle, meublée, tout autour, de bancstrès bas. L’odeur de crayon, de chien mouillé et de pommes de terrefrites, que je ne remarquais plus les jours précédents, m’a causéune espèce de crainte administrative ; le bruit de mes pas m’afait sentir le vide et la grandeur des classes. J’étais dépayséecomme après des vacances.

Mme Paulin est arrivée, bonnefemme, indulgente, charitable ; elle m’a dit :

– Vous avez des yeux comme des entonnoirsà baisers… Alors, c’était son jour à votre ami ?

Elle approuvait que sa jeune collègue se fûtpayé un peu de bon temps. J’ai souri, les bras tirés par mes seauxde charbon.

Mme Paulin m’a porté plusieursseaux, d’un poêle à l’autre, par complaisance et elle emmanchait degrands coups de tisonnier, en maugréant :

– Vous avez bien raison de profiter devotre jeunesse ; seulement je voudrais vous voir mangerdavantage…, y a rien dans c’te poitrine-là, ma petite…M. Libois m’a demandé si nous étions bien nourries…

Y a rien !… Il est de fait que je merétrécissais, tout incomplète.

L’arrivée des enfants m’a beaucoupsecourue ; d’autant plus que le premier entré a été un petitboiteux qui fait toujours le chien après moi : il enfonce satête dans mon tablier, frotte ses cheveux, relève son museau quivoudrait lécher et, plusieurs fois, avant d’atteindre sa place, ilse retourne, s’arrête sur une patte et me contemple, souriant debonté espiègle.

Par ce froid terrible, les enfants apportentdes têtes violacées et pochées d’ivrognes pleurards. Des petitesfilles clopinent raidies, cassées en deux comme des vieilles, lesmains ramenées au creux de l’estomac, un panier au coude, au lieude cabas. Je dénoue les grands fichus de laine attachés derrière ledos ; des avortons allongent leurs mains tuméfiées devant montablier bleu, comme ils les approcheraient d’un poêle brûlant.

Dans le bruit grandissant des galoches et desnez mouchés, j’étais dolente, le cerveau usé, le cœur fondant, sansaucune envie de critiquer. J’avais froid aussi ; le préau etles classes ne s’attiédissent à dix degrés que vers neuf heures etles seize degrés réglementaires, on ne les obtient que le soir,parce qu’il faut aérer à chaque sortie des classes, quelle que soitla température.

Bonvalot « radine » sans hâte, levisage plus coupant que d’habitude, l’air d’un condamné qui ne veutpas trembler. Des bambins mal éclos n’ont que leur tablier et unerobe au ras du derrière ; quand ils se baissent, quand ilss’asseyent, on voit bleuir des coins de chair et leur mine piteuse,étonnée, dit qu’ils ne savent pas au juste d’où ils souffrent, nipourquoi ils souffrent.

Les voix gelées sont affaiblies, les toux sontgrossies ! Lorsque je fourgonne le feu, une trentaine de toutpetits me surveillent avec avidité ; ils attendent que je leurprocure la chaleur, comme ils attendent que je distribue lesgamelles.

L’inspection de propreté. Le froid a mangé lacrasse des mains comme il a supprimé la boue de la rue.

La conduite aux cabinets. Péniblenécessité ; un vent griffeur souffle dans la cour. La-misèredes accoutrements se révèle : des loques innommables serventde chemises, de jupons, de caleçons. Pitié ! Des innocentsn’ont même pas chaud à leur pauvre ventre ! Mes pauvrespetits ! les garçons… on ne leur trouve plus rien ; despoupées, dont le dessous n’est pas assez protégé, tournent unregard désespérant, comme lointain et anxieux.

La directrice m’a laissé sa classe.

– Faites-leur exécuter des mouvements debras pour les réchauffer ; j’ai mes écritures de décembre àterminer.

J’entends la normalienne :

– Puisque vous avez trop froid pourécrire, si vous êtes raisonnables, je vous raconterai encore« la Mésange »… Adam !

Je me suis ensoleillée de contentement et dedésir comme les élèves de mademoiselle. « La Mésange »c’est une vraie récompense d’écouter cette histoire d’oiseaux quiont des petits.

Avant la délectation de « laMésange », j’inventorie avec réconciliation les deuxclasses : les pancartes d’animaux et de plantes, les armoires,les tables et les rangées d’enfants. Un mélange de chaleur, d’odeuret de bruit me pénètre, je soupire longuement et me regonfle. Jesens, comme au toucher, l’existence multiple, la respiration del’école.

Mademoiselle va commencer. Droite,sculpturale, le visage blanc et doux, au-dessus de son costumenoir, elle a bien l’âme institutrice ; quelque chose d’unique,de professionnel s’émane d’elle et les enfants apprivoisésperçoivent bien qu’elle est d’une race à part.

Comme sa voix claire et prenante porte jusqu’àmoi, au travers de la cloison, j’interromps les mouvements de braset je dis à mes tout petits, d’un air de malicemystérieuse :

– Vous ne savez pas ? Nous allonsécouter une belle histoire de Mademoiselle, comme si nousétions des grands !

Et nous voilà tous enchantés de cette espècede larcin, de cette audition chipée aux grands.

Je sais que Mademoiselle illustrera son récitde dessins au tableau noir, merveilleux instantanés faits desimples lignes ; je profiterai des pauses pour répéter lesdonnées principales à mes mioches. Ils placent les mains sur lesgenoux et lèvent le nez ; les uns bayent d’attention, d’autresrentrent leur lèvre inférieure et avancent leurs dents du haut à lamoitié de leur menton ; des filles pincent un petit becpointu.

« La Mésange », je veux l’écrired’un souvenir exact, parce que j’ai entendu la normalienne affirmerà Mme Galant que c’était une relation vraie où pasun détail n’était inventé. (Notre délégué cantonal l’aurait écoutéeune fois avec la plus vive émotion. Un bon point, monsieur !Vous serez un excellent père.)

« Une vieille dame habitait à la campagneavec son chat nommé Mistigris. La maison était blanche avec un toitrouge, on y entrait par un perron, c’est-à-dire un escalier depierre, comme celui de l’école, qui avait cinq marches et une rampeen fer.

« Le jardin, devant la maison, étaitentouré d’un mur blanc, au-dessus duquel on pouvait passer la têteet il était tout plein de soleil, parce que les poiriers, lespruniers et les cerisiers n’étaient guère plus hauts que lemur ; mais, en face du perron, il y avait un très grosmarronnier, plus grand que celui de notre cour, qui donnait un belombrage sur la maison. Les arbres à fruits étaient placés sur deuxrangs et, entre eux on voyait une corbeille de fleurs dans le genrede celles des Buttes-Chaumont au mois de mai et on aurait dit d’uneplace de fête où les abeilles, les oiseaux et les papillons necessaient de passer et de se balancer.

« Chaque jour, après déjeuner, la vieilledame venait s’asseoir sur un fauteuil d’osier, au bas du perron etelle mettait ses lunettes et elle faisait de la tapisserie enlevant les yeux de temps en temps sur le marronnier où les feuillesremuaient doucement et faisaient un chuchotement comme certainsélèves qui se figurent qu’on ne les entend pas.

« Mistigris, qui ne quittait jamais samaîtresse, s’installait sur la dernière marche. Assis, la queuesous les pattes, sans bouger, il regardait les abeilles, lespapillons qui tournaient autour des fleurs. Des grains d’orremuaient dans ses yeux et il avait l’air d’écouter avec ses yeuxle bruit d’une charrette sur la route, le sifflet du chemin de fertrès loin. Si une mouche s’approchait, il faisait un mouvement detête ; il surveillait aussi, de côté, sa maîtresse quitravaillait et quand il avait bien vu que rien n’était changé dansle monde, il se léchait les pattes, se mettait en rond etdormait.

« Un jour, comme la vieille dame allaits’asseoir dans son fauteuil d’osier, voilà qu’elle entend des crisd’oiseaux, ah, mais ! des cris aigus, précipités, affreux etelle voit deux mésanges qui voletaient comme des perdues autour dumarronnier ; les ailes battaient vite et faisaient penser àdes mains malheureuses qui tremblent, qui ne savent pas où seposer ; les petits oiseaux approchaient des branches,s’éloignaient, approchaient encore : Mistigris était dansl’arbre auprès d’un nid où les petits montraient leur bec etc’étaient le père et la mère qui criaient pour le chasser.

« Aussitôt la vieille dame, touteffrayée, appelle Mistigris ! Mistigris ! mais il ne veutpas venir, alors elle cherche quoi faire, elle ramasse des caillouxet les lance entre les branches.

« Mistigris tourne bien la têtebrusquement, d’un côté, de l’autre, comme un malfaiteur inquiet,mais les cailloux ne l’atteignent pas ; il se jette sur le nidet vite, vite, il croque les petits, malgré l’égosillement affreuxdes deux mésanges.

« Il descend de l’arbre, en voulant avoirl’air ignorant et tranquille ; mais, avec des précautions depoltron, il avance une patte, puis l’autre, lentement.

« Dès qu’il est par terre, la vieilledame, pleurante et indignée, le gronde sévèrement.

« C’est abominable ce qu’il a fait là, etil n’a pas d’excuse, il venait de déjeuner ; et quand même ilaurait eu faim, jamais, jamais il ne devait manger les petitsoiseaux.

« Mistigris rampait, levait à moitié satête sournoise ; il voulait faire croire qu’il ne savaitpas : on lui avait appris que c’était bien d’attraper lessouris, alors il attrapait toutes les petites bêtes.

« Non ! la dame disait qu’il nedevait jamais tuer, même des souris ; car les souris sont depauvres animaux qui ne font pas grand dégât.

« Et elle le chassa en jetant son derniercaillou :

« – Allez-vous-en, vilainmonstre !

« Mistigris s’en alla bouder dans lamaison dont la porte restait ouverte.

« Le lendemain, comme d’habitude, aprèsle déjeuner, la dame vient s’asseoir au bas du perron, à l’ombre.Mistigris derrière elle arrive, en s’étirant comme unparesseux ; il se place sur la dernière marche. Aussitôt, ah,mon Dieu ! une plainte déchirante sort du marronnier. C’est lamésange, la mère des petits oiseaux mangés, qui est perchée près dunid vide et qui reconnaît Mistigris. Elle lui envoie un cri,quelque chose comme un cui, cui, prolongé, mais non, un criimpossible à répéter et qui doit signifier : « Rends-moimes petits, rends-moi mes petits ! »

« Et voilà cette plainte qui continuelente, pénétrante, toujours pareille. Alors, ce même gémissement,sans arrêter, toujours, toujours, cela fait une tristesse qui restedans l’air comme du gris de brouillard et qui s’élargit ;toujours, toujours.

« Les autres oiseaux du jardin setaisent ; on dirait que les feuilles cessent de bouger, queles fleurs se baissent, que les papillons se cachent.

« Ce n’est pas seulement une plainted’oiseau que l’on entend, c’est bien plus grand : c’est uneplainte de maman ! On dirait qu’il y a aussi l’arbre, lesoleil, le ciel qui pleurent avec la mésange. Figurez-vous toutesles choses qui pleurent autour de vous. Sachez alors que toutes lesmamans du monde, les mamans des enfants et les mamans des animaux,pleurent de la même manière quand on leur a pris leur petit,puisque l’on a fait du mal à la vie que nous respirons, puisquec’est tout qui souffre du même coup, c’est la maison et c’est larue !

« Les chats ne comprennent pas le langagedes oiseaux ; mais Mistigris a compris tout de suite lamésange, comme si c’était sa mère, à lui, qui pleurait !« Cui, cui, rends-moi mes petits, rends-moi mespetits ! »

« Il a regardé vite, là-haut, dans lemarronnier, puis le voilà qui a fait semblant de ne pas entendre,il tourne le front du côté des poiriers et des pruniers, ils’occupe des mouches qui volent là-bas, il cligne ses yeux, commesi leur poussière d’or le gênait, et il a l’air de compter lesfleurs penchées, plus loin encore, tout là-bas.

« Mais la mésange est toujours là, sur labranche qui lève son petit bec, et le baisse et le relève, droitvers lui, sans arrêt, toujours, toujours, pleurant la mêmeplainte : « Rends-moi mes petits ! rends-moi mespetits ! »

« Malgré lui, peu à peu, Mistigris ramèneses moustaches devant l’arbre, il les incline et flaireattentivement la pierre du perron à ses pieds.

« Mais la mésange continue de crier.

« Et peu à peu, la tête de Mistigris serelève, il faut qu’il regarde ! il faut qu’il entende !il faut qu’il reste là, les yeux fixés sur la mésange qui leharcèle.

« Alors les cris de la maman qui sepenche et se redresse sans faiblir sont comme des aiguilles quechaque balancement enfoncerait ; des frissons remuent le dosde Mistigris, ses poils font l’effet de l’herbe soufflée par levent. Il se tient de plus en plus tendu d’attention, forcé delaisser entrer toute la peine et tout le reproche de la mère. Et levoilà torturé aussi de cette tristesse de toutes les choses qui sejette et s’amasse en lui. Il ouvre la bouche pour miauler, aucunbruit ne sort. Il veut se détourner, mais non, sa tête revient, ilfaut qu’il écoute.

« Encore des frissons le long de soncorps, et la plainte frappe sans rémission, toujours pareille et ilest malheureux, il ne peut rien, rien. Cela devient tellementintolérable qu’il arrive à faire vers sa maîtresse un miaulementsuppliant :

« – Je t’en prie, délivre-moi, fais-lataire !

« La vieille dame écoute l’oiseau,malheureuse aussi, les deux mains sur ses genoux, ayant laissétomber sa tapisserie par terre. Elle répond tout bas,gravement :

« – Non, non, Mistigris, tu as mangé sespetits.

« Mistigris reste cloué là et ne répètemême pas son miaulement misérable.

« Tout à coup, il essaie encore de jetersa tête de biais, son dos tressaille d’une secousse violente et sesoreilles s’aplatissent : voilà qu’il a peur !

« En effet, le cri de la mèrechange ; maintenant c’est un cri de colère :« Ah ! tu ne veux pas me rendre mes petits-! » C’estun cri de colère terrible, irrésistible ; il révolte l’airtout autour.

« Et un oiseau arrive près de la mésange,sur une branche : c’est le père des petits oiseaux mangés.

« – Va ! va ! crie la mère.

« Alors, excité, le père s’envole, faitun cercle, sans bruit, vers Mistigris et revient à l’arbre.Mistigris effrayé ne bouge pas et, malgré ses prunelles qui neveulent pas, il voit l’oiseau ! Il entend le silence des ailesil sent leur battement.

« – Va ! Va !

« Alors, le mâle décrit des courbes deplus en plus rapprochées de Mistigris ; et chaque fois aussiil revient se percher de plus en plus près de Mistigris. Il ne lequitte pas, il le vise, il mesure la distance, le voici sur la plusbasse branche, le voici sur la rampe du perron, le voici sur unemarche.

« Mistigris baisse le cou, il respire endessous, de côté, il ne peut plus bouger ; le cri terrible dela mère le paralyse.

« Et soudain, oui là vraiment, le petitoiseau pas plus gros qu’une noix s’abat sur le front du chat, entreles oreilles et tiens donc, tiens donc, à coups de bec,furieusement, sur son nez : tiens donc, méchant ! mangeurde pauvres petits innocents.

« Puis il s’envole, va rejoindre la mèremésange.

« Un grand silence. Tout le jardinregarde Mistigris.

« Mistigris abattu, sentant que toute lanature est contre lui, toutes les choses et tout ce qui respire, nepouvant plus rester devant l’arbre, ne pouvant plus rester devantles plantes ni devant la lumière, Mistigris se coule misérable, latête basse, la queue basse, vers la maison ; il se traîne dansun coin noir.

« Et tous les jours, au moins pendant unmois, dès que Mistigris, après le déjeuner, apparaissait auprès desa maîtresse, la mère mésange était là dans l’arbre qui l’attendaitet qui commençait aussitôt sa plainte déchirante, incessante ettoujours pareille : « Cui, cui, rends-moi mes petits,rends-moi mes petits ! »

« Mistigris l’écoutait, la tête fixe.

« Puis, le mâle arrivait.

« Mais Mistigris s’en allait dès qu’il levoyait voler en rond et s’approcher.

« Enfin, Mistigris n’eut plus le couragede se poser sur le perron. Il descendait les cinq marches,apercevait la mésange dans l’arbre et s’en retournait…

« Cette bonne mésange, ses petits lui ontété rendus ; le nid est refait, le nid est habité.

« Mistigris a regardé le nid renaître, duhaut du perron et un jour il a compris qu’il était pardonné. Ilrevient s’asseoir à sa place ordinaire sur la dernière marcheauprès de la vieille dame qui fait de la tapisserie.

« La mère mésange ne se plaint plus, onvoit sa tête qui sort du nid. Elle et Mistigris restent des heuresà se regarder, sans crainte, sans méchanceté. Mistigris, devenutrès sage, songe profondément. Il songe qu’une maman de mésange estplus forte qu’un chat armé de ses griffes et de ses crocs ; ilsonge à cette chose qui torture les chats mangeurs d’oiseaux, ilsonge à cette chose qui fait renaître les petits oiseauxmangés.

« De temps en temps, le mâle apporte labecquée. La mère se lève, les petits becs s’agitent dans lenid.

« Alors, Mistigris fait semblant d’avoirentendu du bruit dans la maison ; il se dérange tout doucementet se pose, tournant le dos à l’arbre. »

Je n’essaierai pas de restituer par des motsla beauté haute, électrisante, de la normalienne, auteur de cerécit.

Je ne peux pas dire non plus toutes lesémotions des deux classes.

Seulement ceci :

À l’endroit où le chat croque les petits,plusieurs mioches se sont vite serrés l’un contre l’autre et sontdemeurés recroquevillés, conscients d’être bons à manger, euxaussi. Une fillette a entouré sa sœur jumelle de son bras, et sesyeux noirs, bougeurs, scintillaient comme des diamants au soleil.Un tout petit a lancé les mains en avant :

– Rose, prends-moi !

Enfin, à ce passage : « Cette bonnemésange, ses petits lui ont été rendus… Mistigris a regardé le nidrenaître… » là, un nouveau de la grande classe, dont je nesais pas le nom, s’est dressé frémissant, menaçant, les yeuxretournés, brute altérée de justice :

– Je veux pas qu’il lesremange !

Tel fut son accent sauvage, tel fut son coupde mâchoire aveugle, que j’ai compris l’exactitude de symboliser lepeuple par un lion très noble et très massif.

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