La Maternelle

I

L’école est dans une rue pauvre d’un quartierpauvre, assez différent d’un quartier ouvrier proprement dit.

Voici le paysage : les ruisseaux ont unemaladie noire ; la chaussée, de la largeur de deux fiacres,sue gras quand elle n’est pas noyée par la pluie ; lestrottoirs, trop peu respectés des chiens, des enfants et desivrognes, abondent en épluchures traîtresses.

Les boutiques à badigeon sombre portent unegourme négligée d’éclaboussures ; les maisons, au-dessus,tendent leurs faces chiffonnières, cendrées, avec des traînées delarmes couleur de café ; les fenêtres étroites, malsaines,n’ont que de la friperie à laisser voir. Des lanternes interlopes,çà et là, dépassent seules l’alignement.

Une odeur de graillon suspecte et compliquéeest attachée pour toujours à la vieillesse du sol et desimmeubles.

Sur vingt boutiques, on en compte quatorze demarchands de vin et quatre de brocanteurs, il y a levins-restaurant, le vins-épicerie, la fruiterie et vins, levins-crémier, le vins-tabac, le vins-concert et bal musette, lecharbons et vins, le bar, la distillerie, le grand comptoir, et,pour chaque débit, un hôtel meublé.

La rue part du boulevard de Ménilmontant. Lesfiacres y sont rares et les passants peu variés : la majoritédes gens apparaissent en savates et nu-tête ; des journéesentières peuvent s’écouler sans que l’on rencontre un pardessus ouun chapeau de haute forme. Cependant l’animation ne manque pas. Desquantités d’affaires se traitent dehors à grands éclats de voix etcomportent l’appoint de solides horions. Quand l’école n’est pasouverte, des déballages considérables d’enfants jonchent letrottoir et la chaussée.

Un drapeau déteint signale de loin un locald’utilité publique. De près, on reconnaît une école, aux fenêtresélevées du rez-de-chaussée à boiseries jaune foncé et àl’architecture de pierres de taille agrémentée, dans le bas,d’affiches officielles et d’inscriptions scabreuses charbonnées parles gamins. Devant cette façade, le pavé en bois, succédant au pavéde grès, fait taire brusquement les voitures.

Quatre marches extérieures conduisent dans unevaste entrée dallée, peinte en gros vert jusqu’à hauteur d’appui,en vert d’eau jusqu’au plafond et caractérisée par trois tableauxd’honneur publiant les noms des meilleurs élèves. À gauche, la logede la concierge et un escalier d’appartement ; à droite, lebureau de la directrice, le préau et la cantine ; en face, lacour de récréation.

C’est une petite école maternelle de troisclasses, parfaitement insuffisante pour le quartier. Mais, quediable ! la grandeur d’une école dépend du terrain acquis etnon du chiffre de la population.

Une directrice et deux adjointes se partagentun stock d’environ deux cents enfants. La directrice se charge destout petits, de deux à trois ans ; les deux autres divisionscomprennent les moyens, de trois à cinq ans, et les grands, de cinqà sept.

La classe des tout petits et celle des grandssont au rez-de-chaussée, à la suite du préau. Le premier étage estoccupé par la classe des moyens et par l’appartement de ladirectrice.

Dans la cour en rectangle, un marronnier autronc noir est prisonnier, tout seul, à peu de distance du coin oùs’alignent les dix cabines de water-closets. À cet arbrenostalgique, les propriétés mitoyennes ne montrent que leurfond : trois grands murs aveugles, avec des ébrèchements depoutres et de meulières.

Mes fonctions de femme de service ont commencéle 1er octobre. Quelques jours avant, j’étais alléerecevoir ma nomination de la directrice. Car c’est la directricequi nomme ; seulement (il y a un petit seulement) sadélégation est soumise à l’agrément du préfet, et, lorsqu’une placeest vacante, la préfecture a soin d’envoyer plusieurs postulanteset de faire savoir que l’une d’elles, expressément désignée, étantparticulièrement recommandable et recommandée,« l’administration serait très heureuse » de lui voiraccorder la préférence. À part cela, le choix de la directrice estabsolument libre.

Ma directrice est une femme de quarante ans,veuve, encore très belle, extrêmement bien parée, avec toutessortes de recherches pour dissimuler un embonpoint regrettable.J’ai admiré, dans sa réception, une pratique consommée del’amabilité :

– Aimez-vous les enfants ? a-t-elledemandé d’une apostrophe rieuse, en m’analysant d’un regardperplexe, puis, sans écouter mes protestations de dévouement, ellem’a expliqué allègrement mes fonctions, d’après le Règlement,invoqué comme un avantage, à tout bout de phrase.

La femme de service est priée d’arriverstrictement à six heures du matin, pour l’allumage des feux, enhiver, pour l’arrosage de la cour et l’aération des classes en été.À partir de sept heures, en été, et de huit heures, en hiver, elledoit être continuellement à la disposition de la directrice et desadjointes pour tous les soins matériels nécessaires aux enfants etnotamment pour la conduite aux cabinets et aux lavabos, à neufheures, avant l’entrée en classe et à une heure, après le déjeuner.Le matin, pendant la classe, c’est-à-dire de neuf heures un quart àonze heures et demie, elle entretient les feux, prépare les panierset les tables de réfection, répond à tous les appels, en casd’accidents malpropres, et garde les élèves si la directrice ou unemaîtresse a besoin de s’absenter. Ensuite elle habille ceux quivont prendre leur repas dans la famille, elle sert le déjeuner,sous la surveillance d’une maîtresse et aide les tout petits àmanger.

Après le repas et le service de la cour, ilfaut dégraisser les tables et le parquet. À quatre heures,distribution des paniers, habillage et organisation de la sortieavec les maîtresses. Ensuite, nettoyage minutieux des classesévacuées, et, seulement après le départ du dernier enfant, balayagedu préau. Les enfants que les parents viennent chercher peuventrester jusqu’à six heures en hiver, jusqu’à sept heures en été.Dans les temps froids, on monte de la cave environ dix seaux decharbon de terre. En somme, la journée est à peu près terminée àsept heures, en hiver, et à huit, en été.

Je m’inclinai en grande satisfaction. Jen’entrevoyais pas plus de treize à quatorze heures de travailquotidien pour mes quatre-vingts francs par mois et je medisais : il n’y a encore rien de tel que l’Administration.

Avant de me congédier, la directrice ajoutarondement avec un sourire de générosité personnelle :

– Quand deux jours de fête se succèdent,vous employez l’un d’eux, celui que vous voulez, à faire lelessivage général des parquets.

Les impressions de ma première journée furentdiverses et fortes.

Un étonnement, dès le début : je n’étaispas seule de service, j’avais une collègue, particulièrementchargée de la cantine et du bureau de la directrice, mais tenueaussi de me seconder : Mme Paulin, une femmed’aspect torchon et bienveillant, de type méridional, brune,solide, vive et d’âge indéterminé : j’aurais hésité entretrente et cinquante ans.

M’ayant regardée mettre mon tablier bleu surma jupe noire, elle me demanda fort naturellement :

– Vous n’avez pas déjà servi dans unebrasserie ?

À huit heures moins dix, la directrice arrivadans le préau qui fut laissé grand ouvert : une salle de vingtmètres de longueur sur douze de largeur : quatre fenêtres surla rue, trois fenêtres et une sortie sur la cour de récréation.Comme aucune personne étrangère à l’école ne doit pénétrer dans leslocaux, l’entrée du préau, après la porte, est défendue par unebarrière à claire-voie dans laquelle est pratiqué juste le passaged’un enfant.

À huit heures moins cinq, ouverture de laporte de la rue par la concierge, une vieille, à la bouche cousue.Aussitôt, des enfants apparurent dans le préau, comme s’ilspoussaient la trappe d’un piège. La directrice siégeant devant unpupitre, contre la balustrade à droite, – leur consigne est depasser devant elle, de lui remettre, s’il y a lieu, les deux sousde cantine, d’aller poser panier, coiffure et vêtements, au bout dela salle ; sous les fenêtres de la-rue, entre le calorifère etles lavabos, puis d’obliquer vers le mur entre les deux portes declasses, face à l’entrée, où filles et garçons mêlés s’asseyent surdes bancs en trois groupes différents, selon leur importancephysique.

C’était une arrivée ininterrompue, offrantcette première image, en gros : un monde lilliputien avectabliers, mollets nus tout minces et grosses chaussures à cordons.Quelques enfants amenés par leur mère pleuraient en dehors de labalustrade, mais, une fois enclos, ils reniflaient une consolationimmédiate, en s’entendant interpeller gentiment par ladirectrice :

– Eh bien ! eh bien !

Beaucoup arrivaient par paires : detaille inégale, ils se tenaient par la main et traînaient lespieds, puis se séparaient avec un « galochage »rapide.

« Mon Dieu, qu’ils sont petits !Quels brimborions que les élèves d’une écolematernelle ! » Telle fut ma remarque inattendue etj’étais saisie d’une disproportion presque comique entre la hauteurdes bambins et la distance du plafond, à cinq mètres du plancher,car il faut grimper sur une chaise pour ouvrir les fenêtres etelles sont encore surmontées d’un vasistas.

La directrice tapa dans ses mains, sans grandeconviction, vers les bancs grouillants et bruissants.

– Voyons, là-bas, un peu moins devacarme !

Une centaine de jeunes têtes présentèrentpendant cinq secondes l’attention de leurs yeux vifs, puisredevinrent exactement aussi mouvantes et babillantes.

Une autre remarque : il y avait deuxcatégories de « binettes » : les parisiennes pures,plus mièvres et plus ciselées, et les parisiennes d’occasion, plusépaisses, avec des traits rudes, sous lesquels on déchiffrait lenormand ou l’auvergnat.

Je plaçais toujours de nouveaux paniers et denouveaux bérets. Un bruit confus d’éléments régnait dans le préau,j’avais l’impression d’un envahissement total, par écluseslointaines, de l’atmosphère. D’autre part, une dispositioninconnaissable s’éveillait en moi. N’avais-je pas éprouvé, unefois, ce vague attendrissement à la vue de chats nouveau-nés ?Et la question de la directrice me revenait :« Aimez-vous les enfants ? »

J’étais toute drôle : comme gênée etsollicitée.

La directrice me montra un enragébonhomme : je l’avais déjà fait asseoir deux fois, et il étaitencore debout qui interpellait et tirait ses camarades. Pour qu’ilrestât en place, je lui appuyai ma montre à l’oreille, une montred’homme à fort tic tac : « Écoute ! »

Il prononça aussitôt d’un ton d’attentiongrave et dégagé : « Toc, toc, toc, toc ! »puis, levant le nez, avec un sourire malin, supérieur :

– C’est pas une montre que tu me mets là,c’est une auto.

Ah ! cette assurance ! cettepuissance riante et indulgente ! Avait-il trois ans ? Jen’attendais de ce tout petit qu’un gazouillis dénué de sens… Alors,brusquement, ce fut l’entrée de l’enfance dans mon cerveau ;ce fut net, entier, définitif comme une révélation. Jusqu’àprésent, je n’avais guère perçu de rapport vital entre moi et lesenfants ; je ne spécialisais pas de sentiments à leurégard.

L’éclair de ma pensée pénétra l’immensitéinconnue : ce petit être ne sait rien, vous y touchez, il ensort les plus notables réflexions. La clarté de son visage estfaite de myriades d’expressions, comme une nappe d’eau est faite demyriades de molécules et cette transparence enfantine, pareille àcelle de la mer, du ciel, est riche de tous les reflets créésdepuis l’origine du monde et perdus par nous, grandespersonnes ; ce qui naît étant supérieur en passé et en avenirà ce qui a déjà vécu.

Je suis sûre que ma physionomie fut changéepour toujours et je continuai à manipuler les élèves arrivants avecl’aise forcée d’une personne qui a reçu une atteintesubjuguante.

Quelques-uns devisaient tout seuls pendant queje les déshabillais.

Un autre choc : j’admirai subitement ceverbiage spécial caractérisé par la suppression de ne avecpas et par l’absence de liaisons : « C’est pas(h) une montre, c’est (h) une auto », etaussi par l’ignorance des élisions ordinaires : « Il apleuré parce que il voulait pas (h) aller àl’école, si il voulait (h) aller à l’école,si il avait pas du chocolat. »

Ce parler lent, poussif, bonhomme, fait pourconduire l’évidence tranquille, recèle une preuve touchanted’intimité avec soi-même et de franchise confiante ; c’estfoncièrement et uniquement puéril.

Mais la voix de la directrice coupa monattendrissement :

– Rose, Rose, là-bas !…

Un « moyen » pleurait sur sonbanc ; un camarade bien plus petit s’était dérangé et luiessuyait les yeux avec son mouchoir, d’un geste drôle, à distance,comme on effacerait de la craie sur un tableau noir. Il sedépêchait, le visage contracté, tâchant d’empêcher ces pleurs de legagner lui-même.

– Vite, Rose, le moins de contactphysique possible d’enfant à enfant. Je vous ai donné lesinstructions relatives à la lutte contre les maladiescontagieuses.

À huit heures et demie, la directrice futremplacée par une adjointe, Mme Galant, grossefemme assez commune, qui avait l’air d’une marchande des Hallescossue, plutôt que d’une institutrice. La directrice passa dans sonbureau pour recevoir des parents d’élèves postés dans l’entrée.

Pendant la courte cessation de surveillancerésultant du changement de maîtresse, éclata un brouhaha formidabled’enfants dérangés et querelleurs.

– Madame ! Madame !

L’adjointe s’approcha des bancs, harcelée parce mot crié sur tous les tons, archi-aigus, gémisseurs,rageurs :

– Madame ! Madame !

On entendait de véritables miaulements, desvoix de polichinelle.

Mme Galant se pencha, prononçades paroles perdues, allongea des gestes de magnétiseur,d’escamoteur, qui replacèrent les gamins sur leurs bancs, puis,redressée, elle frappa dans ses mains et commanda, s’adressantsurtout au groupe des « moyens », ses élèves :

– Chantons !

On dit qu’il est un petit vieux

Cent bouches s’ouvrirent, rondes, d’où jaillitun son unanime :

On dit qu’il est un petit vieux

Qui vient le soir jeter du sable

Dans tous les pauvres petits yeux

Des enfants qui sortent de table.

J’étais stupéfaite de la façon commode dont lamaîtresse s’était débarrassée des plaintes, des cris, despleurs : « Chantons ! » Et le comble c’étaitqu’en un instant le piaulement était devenu chant dans la bouchedes enfants. C’est-à-dire que la bouche, ouverte pour exhaler ungémissement avait, par un brusque tour de clé, modulé une notegaie.

De nouveaux bambins entraient toujours, enfile interminable.

Le chant augmenta et précisa ma particulièreémotion de débutante et de dépaysée. C’était d’abord l’émotion del’innombrable, une impression d’envahissement non seulement del’espace, mais de moi-même. Je reconnaissais aussi l’école pour unlieu unique, retranché, où les gens, métamorphosés, prenaient unerespiration de commande. Puis, je souriais malgré moi et j’avaiscomme une douce envie de pleurer.

Je sus que mon sentiment majeur était lapitié : le chant commun, traînard, grêle, révélait tout à couples qualités des corps d’où il vibrait. Quelle singularité !Tous ces enfants étaient de l’espèce chétive, de l’humanitémiséreuse.

L’entrée ayant cessé, j’enfilai les bancs duregard ; l’aspect peuple était saisissant : un ensemblede figures pâlotes, propres, mais « pas fraîches » ;on sentait la chair creuse, la substance inférieure, les cheveuxmêmes paraissaient communs et fanés.

Ce n’était pas seulement l’enfance et safragilité, ce n’était pas seulement le mystère des existencescommençantes qui m’inquiétait, c’était la notion pénétrante depauvreté. Tous ces enfants formaient une seule race dénuée, etl’habillement uniforme, – tabliers disgracieux, chaussettes maltirées, souliers mal lacés, – reproduisaient l’aspect miteux etdéteint du quartier.

Obligés de lever la frimousse pour chanter,ils me scrutaient : j’étais du nouveau pour eux. Je sentisleurs yeux clairs me toucher ; puis, on aurait dit que toutesles bouches bâillaient à qui crierait le plus fort, en monhonneur ; puis le nez, les oreilles me sollicitèrent. Lemélange des cheveux de filles et des cheveux de garçons me frappaaussi. Je me rappelle encore deux croix, avec des rubans rouges surdes tabliers noirs et, au bout d’un banc, un garçon : grandfront, nez ébréché, joues caves, bouche de travers ; ilsemblait bramer vers moi un appel interminable.

Avant neuf heures, la directrice revint,suivie de la deuxième adjointe. Celle-ci était toute jeune, brune,grande, mince, bien habillée. Son visage faisait penser à une imagede Diane par la régularité grecque des traits et par une certaineexpression majestueuse donnée au front et à l’abaissement despaupières : « Mortels, ne me touchez pas ! »Mlle Bord avait le gouvernement des« grands ».

Il y eut une rapide inspection de propreté.Quelques enfants furent envoyés au lavabo.Mme Paulin s’élança du fond de sa cantine, fitsemblant de m’aider à passer l’éponge sur un nez sale et, désignantde la tête la jeune adjointe, me confia comme le renseignement leplus important du monde :

– C’est la normalienne.

Là-dessus, elle s’en retourna dans sacuisine ; elle n’était venue que pour me souffler cette graveparole.

Sur un coup de sifflet, trois rangs seformèrent et ce fut la conduite aux cabinets. Je suis chargée dudéboutonnage, du relevage de chemise et du reboutonnage des petitsqui ne savent pas procéder seuls.

Dieu qu’ils sont bas ! pas plus hauts quele siège d’une chaise ! Il ne suffit pas que je me courbe endeux, il faut que je me tienne accroupie ; on ne se doute pascombien cette position est fatigante. Mes clients font la queueprès de moi et arrivent dans mes mains chacun à son tour. J’ouvre,je trousse, très vite… cinq, six, allez ! Je reprends, jerajuste ; allez, allez !

Un blondin drôlement culotté que je croisavoir suffisamment préparé ne bouge pas ; il me considèrefixement et me dit d’un ton d’autorité impatiente :

– Eh bien ! sors-moi mabête !

Le toucher nouveau, inattendu, me donne unecrispation et mes doigts ont peur comme d’une fragilité quipourrait s’écraser. Mais quoi ! il n’y a pas à penser, il y ale devoir : allez, allez ! Je complète mon déboutonnaged’un tâtonnement ; je me hâte, les sourcils serrés, je ne veuxrien éprouver… je farfouille…

– J’en ai pas encore, me dit bonnementune gamine à cheveux ras.

Dès que j’eus fini, s’effectua l’entrée enclasse. Mon service est d’accompagner le rang des tout petits dansla classe de la directrice et de les placer sur les bancs, face aubureau.

– Pour vous les faire connaîtrerapidement, ce qui est indispensable, me dit la directrice,amusez-vous à les séparer par sexe.

Mais je me trouvai fort embarrassée – cesmioches de deux à trois ans étaient tous en robe et ils parlaientmal. Beaucoup n’avaient pas plus une tête de garçon qu’une tête defille.

La directrice ne s’occupait pas de moi ;elle compulsait et signait des papiers.

Impossible de trier mon troupeau : envoici deux que j’ai mis à droite, je les reprends, je les range àgauche ; pour celui-là, j’ai envie d’opérer le changementinverse.

– Comment t’appelles-tu ?

– Zizi.

Je ne suis pas plus avancée.

Heureusement, Mme Paulinapparut :

– Je me doutais que vous seriez le becdans l’eau, dit-elle ; tenez, voilà la manière, quand on neles connaît pas par leurs noms.

Sans s’attarder à des réflexions, elle attrapaZizi à pleines mains, par le milieu du corps, le retourna la têteen bas et regarda la marque, comme on retournerait et regarderaitl’envers d’une potiche. Cette évolution fut si rapide que l’enfantn’eut pas le temps de dire ouf.

– Allez, c’est une fille. Et toi ?…Loulou ? Fais voir un peu ton bulletin. Crac ! les pattesen l’air.

Elle en déchiffra ainsi une douzaine, àl’envers, en moins d’une minute ; absolument le chic del’ouvrière parisienne : vite et bien.

Elle me laissa, et je me tirai d’affairepassablement. Mais j’étais ahurie par le bruit incohérent de mesmarmots ; leurs pieds surtout ne cessaient pas de tapoter etde racler. Mes « chuut » et mes agitations de main neproduisaient aucun effet. Et soudain, derrière moi, la directriceproféra je ne sais quel mot ; épandit je ne sais quelsigne : tout se tut.

Alors, j’entendis et je vis qu’un exercice delecture au tableau était déjà en train, dans la classe des grands,éclairée sur la cour et séparée de celle-ci, donnant sur la rue,par une simple cloison vitrée. J’entendis au premier étage, dans laclasse des moyens, une récitation unanime.

Et je connus le silence particulier d’uneécole : un silence ronflant, vivant. Ou plutôt, faut-il dire,le bruit ordonné, groupé, équivaut au silence. C’est le désordre dubruit qui est fatigant, mais le son réglé d’une classe ne se mêlepas à la représentation d’une autre classe, on l’écarte àvolonté.

– Allez préparer vos paniers pour ledéjeuner ; n’oubliez pas la sciure humide sur le parquet.Surtout ne quittez pas le préau ; ces dames peuvent avoirbesoin de vous d’un instant à l’autre.

Vers dix heures, des pas précipités me firentsursauter : un monsieur s’était introduit dans l’école. Ils’arrêta, le temps de me toiser et de me crier : « Madamela directrice ! » puis il fila tout droit à la petiteclasse.

Mme Paulin accourut, l’aireffrayé :

– C’est le délégué cantonal ! Vousavez été nommée à la place de sa protégée ; il vient voircomment c’est arrivé. Il est furieux. Gare à vous !

– Comment, gare à moi ?

– Dame ! Il vous a déjà regardée dehaut en bas. Et s’il indispose la directrice contre vous ? Ily a cinq ans, le délégué d’avant, un vieux, avait pris la femme deservice en grippe, il a fini par la faire renvoyer.

– Délicieux ! Je vais être heureusedans cette école. Mais je sais que la fonction d’un déléguécantonal est d’examiner la tenue de l’école ; il n’a nullementà s’occuper de moi.

– Oh ! ditMme Paulin avec philosophie, tout le monde peutfaire des misères à une subalterne : y a même pas besoin demotif.

– Est-ce qu’il vient souvent, cedélégué ?

– Pour ça, oui ! C’est de ces gensqui ne savent pas trop ce qu’ils veulent. Les enfants l’intéressentbeaucoup : il aime bien à bavarder, la directrice aussi ;alors, voilà, il s’amène.

– Bon ! Je pourrai l’admirer àloisir. J’ai seulement vu qu’il avait un pardessus noir, unmagnifique chapeau de soie, à preuve qu’il avait oublié de leretirer, dans sa colère. Il est assez jeune ?

– C’te question ! S’il estjeune ? À peine trente ans. Il s’appelle Libois. Il est trèsbien pour un blond : ni trop grand, ni trop petit. Si lanormalienne était maligne…

Je me souviens maintenant de la premièrerécréation : de dix heures un quart à dix heures troisquarts.

Une file d’enfants sortait indéfiniment par laporte de la grande classe et, vue du préau, faisait penser à unemèche noirâtre tirée par une maîtresse le long du mur de lacour.

Subitement, à un signal, la mèche sauta :les enfants jaillirent, s’éparpillèrent, tourbillonnèrent, secroisèrent avec mille éclats de voix. Tous, sans exception, aumoment précis, éprouvèrent le besoin d’exhaler un« aah ! » sauvage, de s’élancer, de faire le moulinavec leurs bras ; toutes les bouches étaient béantes, tous lescorps agités, sans idée, par explosion, exactement. Puis, l’instantd’après, les têtes se cherchèrent, il se forma cinq ou six gros tasmouvants de tabliers et de mollets ; entre ces masses, desbrimborions tournant, recueillis par leurs aînés, des fillettes quise tenaient par le bras, à quatre, et marchaient, très occupées deleur bavardage, et aussi, dans tous les sens, des poursuitesincompréhensibles organisées à grands cris.

Je lançais ma sciure à poignées, à la façond’un garçon de café saupoudrant de sable sa terrasse, je restai lebras en l’air, saisie par un spectacle de foule. Dix fois, despoursuivants hurleurs étaient passés, dédaignés, près d’un groupede « moyens » affairés à échanger des bons points ;soudain, comme par l’effet d’une onde électrique, tout le groupe seprécipita, braillant avec les camarades, sans signification, sansmotif ; alors, d’autres groupes frôlés se joignirent, desgrands entraînèrent leurs petits frères, des causeurs tranquillessautèrent, brusquement emballés, plus éperdus, plus frénétiques,clamant plus fort que les premiers, et ce fut une ruée d’élément,un haro unanime, un emportement destructeur et oppresseur :panique, assaut, joie brute. Puis, brusquement encore et sans causeencore, il y eut baisse et discordance des cris, éparpillement dunombre. Le mal que l’on pourchassait était-il censément puni ?Ou bien le fléau que l’on fuyait était-il évité ? Impossiblede savoir, c’était la foule.

Les adjointes s’émouvaient peu ; ellesréclamaient de la modération par acquit de conscience et nequittaient pas une étroite longueur bitumée devant la classe et lepréau. Les mioches branlants trouvaient un refuge dans la promenadede leurs jupes. Pourtant, quelques-uns furent bousculés.

Les femmes de service mangent dans la cantine,un quart d’heure avant la sortie des élèves. J’ai le grand avantagede recevoir gratis de la viande et des légumes à volonté, (Lacantinière prélève, de droit, deux gamelles et l’on tolère qu’ellepartage avec sa collègue.)

Mme Paulin, qui entend biengarder sur moi un légitime ascendant, me dit avec une sollicitudesévère :

– Vous êtes anémique, il faudra vousbourrer solidement.

Elle essuie le bout de son nez avec son brasnu et me rapporte du bœuf. Elle me regarde grignoter, maternelle,et son visage s’éclaire d’une lueur gaie qui me faitrougir :

– Faut bien que jeunesse se passe.

Et je devine qu’elle excuse, qu’elle admiremon anémie dont les causes folâtres ne lui échappent pas.

C’est une excellente personne ; son zèleamical baisserait, si elle savait qu’il ne m’est rien arrivé, maisrien du tout, dans cette jeunesse qui se passe.

Je bredouille, la bouche pleine :

– Merci, vous êtes trop aimable… je nemangerai jamais tout ça… je vous assure que je suis très bienportante.

Une singulière pudeur m’empêche d’entrer enexplications autres, et je perdrais contenance tout à fait, s’il mefallait fournir ce détail de conséquence :

« Avant d’être ici, je n’avais jamaisquitté ma famille. »

Les enfants qui déjeunent à l’école défilentdans le préau et prennent leur panier, entre le lavabo et lecalorifère.

Je distribue, avec Mme Paulin,les cuillers et les gamelles toutes servies, légumes et viandecoupée.

– Silence et les mains au dos ! Onne commence pas à manger avant que la distribution soitcomplète.

Les enfants doivent apporter leur serviette,leur pain et leur boisson. Quelques-uns ont du vin, beaucoup tropde vin ; très peu ont du dessert.

Mlle Bord est « deservice de déjeuner ». Nous secourons les tout petits, nousobtenons qu’ils fourrent au moins autant de nourriture dans leurbouche que sur la table et sur leur serviette.

Je suis captivée parMlle Bord : son aspect, sa voix, tous sesprocédés sont remplis de pédagogie. Je constate que sa froide etrégulière beauté exerce une souveraine influence sur la gentécolière.

– Quel âge as-tu, toi ?demande-t-elle.

– Quatre ans.

– Eh bien, puisque tu as quitté ta placesans permission, tu n’as plus que deux ans ; voilà tapunition. Tu as beau me regarder, je te dis que tu n’as plus quedeux ans, mon bonhomme.

Le bonhomme, navré, suffoquant, suitmademoiselle, avec des yeux de chien battu.

Autre algarade :

– Mais, voyez donc, Rose, celui-là quiplonge ses mains dans sa gamelle ! Toi, pour le coup, tumangeras ton pain à l’envers. Tu la vois ta tartine, je la retourneà l’envers, et mors dedans, maintenant. Regardez tous : ilmange son pain à l’envers !

Le malheureux, couvert de honte, baisse lespaupières et mâche avec amertume.

J’ai oublié de dire que la directrice m’avaitdemandé très aimablement si je voulais bien qu’on m’appelât de monpetit nom, tout court, Rose. Si j’avais été mariée, on m’auraitdonné mon titre de femme, comme à la cantinière,Mme Paulin. Mais on nommait l’adjointe de la grandeclasse « mademoiselle », la-directrice« madame », la maîtresse de la classe moyenne« Mme Galant » ; quant à moi,vraiment, on ne pouvait se dispenser de cette appellation,d’ailleurs fort seyante : Rose.

J’ai fonctionné l’après-midi, comme le matin,sans trop de maladresse, guidée par ma collègue et par « cesdames ». À quatre heures, avec Mme Galant,j’ai conduit, jusqu’au coin de la rue, le rang des élèves qui s’envont seuls.

Il m’a semblé que je n’avais pas respiré larue depuis un mois. Comme elle a une odeur, une clarté, uneanimation différentes de celles de l’école ! Et comme unenfant vu sur le trottoir ne suggère par les mêmes pensées que vudans l’école !

Une cinquantaine de bambins, que l’on vientchercher séparément, sont restés sur les bancs du préau.

Le dernier enfant parti, les maîtresses, lacantinière parties, une lâche mélancolie me saisit, quand je metrouvai seule, mon balai à la main, dans le vide immense dupréau.

Immobile, je considérais les choses, leurdemandant l’apparence d’être vivantes : les deux cents patèresau mur, les cordes pendantes des vasistas, les quatre tuyaux à gaztombant du plafond avec leurs abat-jour de métal émaillé… Jecomptais les raies du parquet, je cherchais le souvenir des enfantssur les bancs reluisants.

Étais-je assez abandonnée ? Était-ce moicette personne quelconque ; empruntée, dépaysée, en tablierbleu, en costume vulgaire, en coiffure vieillissante ? Cettepersonne au visage réservé jusqu’à être inintelligent ?

J’aurais dû me réjouir, pourtant :d’après leur façon de commander, ces dames m’avaient jugée dupremier coup : une fille pleine de bonne volonté, capable decomprendre le service, mais gnian-gnian, comme on est à lacampagne. Cette appréciation me vaudrait un affable mépris,autrement dit : la paix, la sécurité, le bonheur…

Mon énergie s’affaissait, comme si le bruit del’école l’avait seul soutenue jusque-là : « Voyons, femmede service, moi ?… rien d’autre ?… il faut terriblementtenir à la vie… »

Et, tout à coup, je pensai :

« Il ne faut pas oublier que j’ai unennemi dangereux : le délégué cantonal. Après son départ, ilm’a bien semblé que la directrice m’apostrophait d’un ton plussec. »

Fait curieux : l’idée de lutter meremonta le moral. Comme j’ai des choses amères en moi ! Commecela me soulagerait de pouvoir haïr quelqu’un !

« J’espère bien, monsieur le délégué, quevous serez vaillant à venger votre mécompte. J’ai soufflé la placede votre protégée !… Comme je vous évoque bien ! Vousêtes l’Autorité et vous êtes un monsieur !… Jamais vous neréunirez tout l’odieux que je souhaite, moi, l’ex-jeune fille dumonde ; l’ex-fiancée, « promue » femme de service.Je n’aurais peut-être pas eu le courage de continuer mon durmétier, mais vraiment je tiens à vous fournir l’occasion d’exercervos forces. Comment punissez-vous les femmes qui ontdémérité : par insolence directe, ou bien, traîtreusement, pardélation ? Je veux, quitte à en mourir, compléter monexpérience de la valeur masculine !… J’ai reçu indûmentquelques baisers à valoir sur une dot que je n’ai pas pulivrer ; ils me reviennent aux joues quelquefois, ces baisers…Monsieur le délégué, j’aurais besoin, pour ma guérison, d’êtresouffletée de main d’homme… »

Mais j’aperçus la concierge de l’école qui,les lèvres pincées, m’épiait avec application par la porte vitréede la cour. Je balayai.

Le manque d’habitude produit des résultatsbien ridicules. Ne rentrai-je pas chez moi nantie d’ampoules à neplus pouvoir fermer la main ! Par places, la peau étaitenlevée. J’avais trop serré le balai.

Puis de m’être courbée si bas sur les enfants,je me couchai avec le torticolis, avec mal dans le dos, mal dansles reins, mal dans les jambes.

Le matin, au réveil, chaque mouvementm’arrachait un cri. Mais quoi ! Il fallait marcher ou renoncerà mon emploi.

Je me suis rappelé l’opinion commune en usagepour les douleurs articulaires : « Il faut que ças’échauffe ! » Je me suis bousculée ; ça s’estéchauffé. J’ai pu continuer mon service, mais l’air piteux, voûtée,la bouche entr’ouverte, les yeux abêtis, à cause des lancinementsintolérables.

La directrice, absolument charmante, m’ainterpellée :

– Eh bien, Rose, à la bonne heure !…vous avez pris le courant du premier coup : restez ainsi ettout ira bien.

Mme Paulin, essuyant plus quejamais son nez avec son bras nu, a tourné autour de moi, du matinau soir, comme une mère poule inquiète.

À l’issue de ma troisième journée, au milieude la petite classe, comme je me recueillais dans ce silence avidepropre aux locaux administratifs et qui propage en sonorité creusele moindre heurt du pied contre un meuble, – ce fait stupéfiantm’est apparu nettement : de tout le personnel d’une écolematernelle, c’est la femme de service qui assume le rôle le plusindispensable ; une maîtresse, la directrice même peuts’absenter sans trop d’inconvénient, mais on ne saurait se passerun seul jour des deux manœuvres : la cantinière et la préposéeà la propreté. Cette dernière, – la véritable femme de service, –s’honore de rapports exclusifs avec les enfants ; dix fois,vingt fois par jour, on la requiert dans chaque classe pour unoffice où personne ne peut la remplacer. Je sais même que, par unléger accroc au règlement, on lui confie la surveillance aux heuresextrêmes où les enfants sont peu nombreux dans le préau : dehuit heures à huit heures un quart, le matin, de cinq heures etdemie à six heures, le soir.

Mais, voilà le plus renversant :vis-à-vis des tout petits, elle seule représente l’école. En effet,on ne leur fait pas la classe, à ces mioches, il s’agit en réalitéde les garder et de les soigner. Or, tous les soins appartiennent àla femme de service, d’une part, et, d’autre part, la garde luiincombe une partie du temps, la directrice étant souvent dérangée.Aussi la maîtresse est-elle bien plus éloignée des petiots que lajournalière ; ils s’égalent aux enfants riches qui connaissentbien plus leur gouvernante que leur mère. À la moindre alarme, ilssavent bien : c’est le « tablier bleu » qu’ilscherchent, qu’ils attendent.

Certes, on ne doute pas que ces dames n’aimentleur troupeau : la directrice, notamment, se désole de sonunion stérile et elle adopte, du cœur, tous les bambins gentillets.Mais le dévouement du personnel enseignant n’amoindrit pas la femmede service : déchoir elle ne peut !

Je promenais mon plumeau sur les tablesminuscules, et mon ombre démesurée époussetait le mur, le tableaunoir, les cartes d’histoire naturelle. « Ça yest ! » me dis-je, immobilisée tout à coup par l’évidencede mon souvenir, « en trois jours, les tout petits ont déjàpris possession de moi : ils m’appellent Rose, me tutoient,s’accrochent à ma robe. Que je veuille ou non, je sens bien que jene m’appartiens plus : aujourd’hui, du matin au soir, j’aimanœuvré sans personnalité, captée, tirée, hypnotisée pareux. »

C’est qu’il faut voir ces brimborions, cesriens qui vous viennent à peine au genou : ces corps sanspoids où saillissent des os de chat maigre, ces malheureusesfrimousses cireuses ! Ça ne tient pas debout, ça vacille mêmeassis, il faut continuellement que ça s’appuie des yeux sur unegrande personne. Et il faut voir leur vigilance à ne pas perdre matrace : dans l’isolement et la bousculade de l’école, je suisla consolation et la protection. Il faut absolument que je répondeà cette confiance touchante… C’est un peu fort !… je suisprise malgré moi… Mais quel rôle écrasant ! Pourrai-je ?…Voyons, mes pauvres enfants, je ne suis pas préparée, moi… si voussaviez : je ne suis pas maternelle… je suis une jeune fillequi n’a eu ni frère, ni sœur… J’essaie, je veux bien… un petitjupon détaché, un petit doigt qui a du bobo, voilà, voilà, je faisde mon mieux… Mais, mes pauvres enfants, vous êtes si peuappétissants, si lamentables !… et vous sentez l’aigre, lacrasse, le linge douteux.

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