Scène II
Jocaste
Dureront-ils toujours ces ennuis sifunestes ?
N’épuiseront-ils point les vengeancescélestes ?
Me feront-ils souffrir tant de cruelstrépas,
Sans jamais au tombeau précipiter mespas ?
Ô ciel, que tes rigueurs seraient peuredoutables
Si la foudre d’abord accablait lescoupables !
Et que tes châtiments paraissent infinis,
Quand tu laisses la vie à ceux que tupunis !
Tu ne l’ignores pas, depuis le jour infâme
Où de mon propre fils je me trouvai lafemme,
Le moindre des tourments que mon cœur asoufferts
Égale tous les maux que l’on souffre auxenfers.
Et toutefois, ô dieux, un crimeinvolontaire
Devait-il attirer toute votrecolère ?
Le connaissais-je, hélas ! ce filsinfortuné ?
Vous-mêmes dans mes bras vous l’avezamené.
C’est vous dont la rigueur m’ouvrit ceprécipice.
Voilà de ces grands dieux la suprêmejustice !
Jusques au bord du crime ils conduisent nospas,
Ils nous le font commettre, et ne l’excusentpas !
Prennent-ils donc plaisir à faire descoupables,
Afin d’en faire après d’illustresmisérables ?
Et ne peuvent-ils point, quand ils sont encourroux,
Chercher des criminels à qui le crime estdoux ?