Acte V
Scène I
Antigone,seule.
À quoi te résous-tu, princesseinfortunée ?
Ta mère vient de mourir dans tesbras ;
Ne saurais-tu suivre ses pas,
Et finir en mourant ta tristedestinée ?
À de nouveaux malheurs te veux-turéserver ?
Tes frères sont aux mains, rien ne les peutsauver
De leurs cruelles armes.
Leur exemple t’anime à te percer leflanc ;
Et toi seule verses des larmes,
Tous les autres versent du sang.
Quelle est de mes malheurs l’extrémitémortelle ?
Où ma douleur doit-elle recourir ?
Dois-je vivre ? dois-je mourir ?
Un amant me retient, une mèrem’appelle :
Dans la nuit du tombeau je la vois quim’attend ;
Ce que veut la raison, l’amour me ledéfend
Et m’en ôte l’envie.
Que je vois de sujets d’abandonner lejour !
Mais, hélas ! qu’on tient à la vie,
Quand on tient si fort à l’amour !
Oui, tu retiens, Amour, mon âmefugitive ;
Je reconnais la voix de monvainqueur :
L’espérance est morte en mon cœur,
Et cependant tu vis, et tu veux que jevive ;
Tu dis que mon amant me suivrait autombeau,
Que je dois de mes jours conserver leflambeau
Pour sauver ce que j’aime.
Hémon, vois le pouvoir que l’amour a surmoi :
Je ne vivrais pas pour moi-même,
Et je veux bien vivre pour toi.
Si jamais tu doutas de ma flamme fidèle…
Mais voici du combat la funeste nouvelle.