Le Docteur Omega (Aventures fantastiques de trois Français dans la Planète Mars)

Chapitre 5DANS LES TERRES DE MARS

En effet, un monstre grimaçant… une sorted’homme fabuleux nous fixait de ses yeux ronds sans paupières…énormes et saillants.

Il s’était cramponné aux écrous du projectileet résistait victorieusement au remous produit par le sillage denotre véhicule. À un moment, il rampa jusqu’à l’avant de l’obus ens’aidant de ses mains et de ses pieds qui étaient palmés comme ceuxd’un cormoran.

Nous pûmes alors examiner ce singuliervisiteur.

C’était bien un homme… mais un homme horrible,d’un aspect repoussant, cent fois plus hideux que ces démonsétranges sculptés sur les portiques de nos vieillescathédrales…

Sa face, d’un bleu foncé tirant sur le violet,rappelait vaguement celle d’un hamadryas… son front était lisse etfuyant, son nez large et aplati.

À la place des oreilles il avait deux troussanguinolents semblables à des ouïes de poisson…

Sa bouche largement fendue était armée d’unequadruple rangée de crocs pointus qui se resserraient ous’écartaient suivant que le monstre ouvrait plus ou moins lamâchoire.

Cependant la teinte de cet étrange vertébrén’était pas uniforme et la couleur de son corps contrastaitsingulièrement avec celle de sa tête.

Sa poitrine et son ventre étaient recouvertsd’écailles vertes… Quant à ses mains et à ses pieds, ils étaientd’un rouge vif qui allait en s’assombrissant vers lesextrémités…

Cet homme sous-marin paraissait en proie à uneviolente colère… il poussait des cris rauques et l’on entendait surles parois du Cosmosle grincement de ses griffes…

– Ce vilain bipède, dit le docteur, estbien capable de briser notre vitre de répulsite… Voyez comme il sedémène… il est d’une force prodigieuse… à tout prix il faut nous endébarrasser…

– Et comment ? murmura Fred… On nepeut cependant pas sortir de l’obus pour lui administrer unecorrection…

– Si nous allégions le véhicule,observai-je, afin de remonter à la surface… peut-être bien que cecurieux s’enfuirait dès qu’il apercevrait le jour…

Le docteur Oméga ne répondit pas.

Il s’était dirigé vers la dynamo et paraissaittrès occupé à dérouler des fils recouverts de gutta-percha.

Nous le vîmes alors relier ces fils entre euxet les fixer à un écrou qu’il se mit à dévisser soigneusement… Puisil donna l’ordre à Fred d’actionner la dynamo.

Soudain nous entendîmes un cri lugubre… Lemonstre venait d’être foudroyé.

Grâce à une décharge électrique des pluspuissantes, le savant s’était débarrassé d’un redoutableennemi.

Nous regardâmes alors par le hublot, et à lalueur de notre phare, nous aperçûmes l’homme sous-marin qui, lesbras en croix, les yeux révulsés, s’enfonçait lentement dansl’abîme.

– Il a été bien touché, s’écria Fred, enbattant des mains.

– Oui, fit le docteur… la déchargeélectrique l’a atteint en pleine tête.

– En voilà un qui ne s’attendait certespas à être électrocuté, fis-je en riant.

– Il est bien dommage, dit le docteur,que nous ayons été obligés de le tuer !

– Et pourquoi cela ?

– J’étais en train de l’étudier à traversle hublot et j’avais déjà recueilli d’intéressantes observations…Je songeais même au moyen de m’en emparer… ou tout au moins de leretenir captif derrière notre véhicule… mais il fallait en finir,car ce bipède ne cherchait qu’à casser les vitres.

– Dame ! dit Fred après nous avoirbien regardés, il voulait sans doute nous toucher…

– C’est vraiment un homme sous-marin,ajouta le docteur, un de ces « Thalassites » dont parlePline l’Ancien… La description qu’il en a faite correspondabsolument aux remarques que j’ai notées…

« Il est à présumer qu’à une certaineépoque – il y a de cela des milliers d’années – les mers de notreplanète étaient aussi peuplées de ces monstres qui ont disparu peuà peu ou se sont modifiés et, de transformations entransformations, sont devenus des phoques ou des morses…

« C’est égal, il faudra que je me procureun spécimen de cette espèce… je réfléchirai à cela… Songez donc…quelle gloire si nous revenions sur la Terre avec un aussi curieuxanimal !

– En effet, dis-je, mais nous ne sommespas encore au bout de notre voyage et il est fort possible que noustrouvions sur les terres de Mars des monstres aussi intéressantsque celui dont nous venons de nous débarrasser.

– Aussi intéressants, j’en doute,répondit le docteur… Ce Thalassite était vraiment merveilleux danssa laideur… enfin, nous verrons…

Les roches transparentes dont j’ai parlé plushaut augmentaient à vue d’œil.

Maintenant, il y en avait partout.

Tour à tour elles prenaient des formesbizarres : on eût dit des géants lumineux tapis dans laprofondeur des flots comme en quête d’une proie invisible.

Ces montagnes sous-marines brillaient du plusbel éclat. Elles étaient tantôt d’un rose tendre, tantôt d’un rougeéclatant. Et, chose étrange, la mer éclairée par ces rocs lumineuxrenvoyait parfaitement les images…

L’ombre du Cosmos qui présentait sonflanc à ces pierres spéculaires s’y reflétait comme une torpilledémesurément grossie.

Autour de nous l’eau bouillonnait en petitesvagues courtes et scintillait en paillettes d’or.

Jamais plus imposant spectacle ne s’étaitoffert à mes yeux…

On se serait cru transporté tout à coup dansquelque pays idéal… dans un royaume de rêve gouverné par desesprits invisibles.

Bientôt les lueurs s’atténuèrent et nouscommençâmes à voguer au milieu de ténèbres veloutées ; cen’était pas, pour ainsi dire, l’obscurité complète, mais une sortede crépuscule étrange.

Nous étions comme environnés d’un brouillardtranslucide.

Un bruit singulier, semblable au grondementd’une cataracte souterraine, se faisait entendre depuis quelquesinstants et les eaux, qui, jusqu’alors, étaient absolumenttranquilles, commencèrent à s’agiter et à bourdonner avecfureur.

Le docteur regarda par le hublot d’avant etparut subitement très inquiet, car le Cosmos, malgré sonpoids respectable, était ballotté comme une simple coquille denoix.

La situation paraissait grave.

– Il faut descendre, dit le savant… nousne pouvons demeurer dans ces régions troublées… Fred, ouvrez viteles réservoirs de ballast.

Fred obéit aussitôt.

Il abaissa un levier, il y eut un petitclapotement, et l’eau entra en sifflant dans les flancs duCosmos, qui commença à s’enfoncer.

Quand le savant jugea la quantité de lestsuffisante, il fit refermer la soupape, et le sous-marin, qui étaitdescendu de plusieurs mètres, commença à s’équilibrer dans des eauxplus tranquilles.

La lumière avait reparu et nous reconnûmesqu’elle était encore produite par des roches lumineuses, seulementces roches, au lieu d’être droites et inégales comme celles quenous avions rencontrées précédemment, se continuaient à l’infiniavec une régularité parfaite.

Elles affectaient à présent la forme d’uneimmense digue construite par la main des hommes.

Mais quels hommes avaient pu ainsi égaliserces sommets de pierre ?

Le paysage – si l’on peut s’exprimer ainsi –s’était entièrement modifié.

De grands arbres spongieux, des alguesgigantesques, s’élevaient de-ci de-là, mais, chose singulière, ilrégnait au milieu de ces forêts sous-marines une sorte de symétriebien faite pour surprendre.

Des routes… des sentiers les traversaient entous sens et nous crûmes même remarquer à certains endroits devastes places circulaires vers lesquelles convergeaient toutes cesartères…

Il était impossible que le caprice des eauxeût ainsi façonné ces voies.

Plus nous avancions et plus augmentait notresurprise.

Tout à coup, nous aperçûmes une agglomérationde huttes ayant toutes la forme de ruches d’abeilles…

– Oh ! s’écria Fred… desmaisons !…

– Tu es fou, dit le savant.

– Fou tant que vous voudrez, docteur,mais je maintiens ce que je dis… Parfaitement, ce sont des maisonset la preuve… c’est que j’aperçois des hommes qui en sortent…

Le docteur braqua sa jumelle et ne putréprimer un mouvement de surprise.

– Mais oui… s’écria-t-il… Fred a raison…ce sont bien des habitations que nous voyons… des habitationsd’hommes sous-marins !…

À peine avait-il achevé ces mots que nous noussentîmes attirés doucement vers les profondeurs… puis peu à peu noshublots s’obscurcirent comme si on les eût recouverts d’unvoile…

– Qu’y a-t-il ? que signifiecela ? s’écria le docteur Oméga, en se précipitant au hublotd’avant.

Bientôt il jeta un cri.

– Ce sont eux !… ce sont eux !rugit-il.

– Eux ?… m’exclamai-je.

– Oui… les hommes sous-marins… Tenez… onpeut les distinguer… ils nagent au-dessus de nous… il doit même yen avoir sur la coque du Cosmos… ils nous entourentd’algues et de lianes… Ils essaient de nous attirer àeux !…

Et à travers une luminosité pâle, jedistinguai des centaines d’êtres repoussants, au ventre vert et auxmains rouges, qui se cramponnaient à notre véhicule, en faisantd’effroyables contorsions…

– Nous sommes perdus, pensai-je…

Fred s’était jeté à genoux et se frappait latête de ses poings :

– Oh !… mon Dieu !… mon Dieu…c’est affreux ! murmurait-il d’une voix dolente… Périr de lamain de ces monstres !…

Quant à moi, j’étais littéralement atterré etn’avais même plus la force de faire un mouvement.

Par bonheur, le docteur Oméga était de ceshommes que leur sang-froid n’abandonne jamais, une de ces naturessolidement trempées dont la raison ne connaît point dedéfaillances. En présence du péril, il semblait même avoir retrouvédes qualités nouvelles de décision et d’énergie.

Se précipitant vers Fred qui se lamentaittoujours, il le rudoya… le secoua avec violence…

– Vite !… vite !…imbécile !… au lieu de geindre comme tu le fais, mais coursdonc à la pompe de ballast… Eh bien ! m’entends-tu ?

Et comme le pauvre garçon le regardait avecdes yeux épouvantés, le savant le saisit par les épaules et lepoussa brutalement vers le fond du véhicule.

Fred se mit à pomper avec une énergiefarouche.

– Eh bien ! et vous ? me dit ledocteur, que faites-vous là ?… Mais aidez-le donc… Il faut quenous remontions à tout prix.

Je me jetai sur un des leviers de la pompe etdéployai une vigueur dont je ne me serais jamais cru capable.

Peu à peu le Cosmos, que nousdélestions de sa charge d’eau, s’éleva doucement, malgré lesefforts désespérés que nos ennemis faisaient pour le retenir, etbientôt il ne tarda pas à acquérir une vélocité prodigieuse.

Les algues et les lianes qui obscurcissaientles hublots se détachèrent enfin, chassées par un torrent de bullesécumantes, et nous pûmes alors regarder autour de nous. Les hommessous-marins avaient disparu.

Comme nous continuions à monter, je demandaiau docteur s’il ne serait pas prudent d’enrayer cetteascension.

– Non… dit-il… au contraire… il estnécessaire que nous revenions à l’air libre car l’oxygène va nousmanquer…

En effet, je m’aperçus que je commençais àrespirer difficilement, et que Fred était tout cramoisi.

Après des manœuvres assez compliquées, nousvîmes enfin une lumière d’un blanc jaunâtre… la mer s’éclairaitinsensiblement, mais le jour qui nous enveloppait n’avait rien decommun avec la merveilleuse transparence que nous avions rencontréedans les profondeurs.

Le docteur Oméga avait équilibré leCosmos avec une telle justesse que le véhicule vinteffleurer la surface des eaux.

Lorsque nous eûmes ouvert la soupapesupérieure, une bouffée d’air pénétra dans le projectile mais cetair, bien que très frais, nous prit désagréablement à lagorge ; il semblait saturé de soufre, et nous fûmes pendantquelques secondes comme suffoqués.

Le savant nous expliqua que cette odeur desoufre était produite par le contact de l’air nouveau avec l’oxydede carbone contenu dans le Cosmos.

Ce phénomène fut heureusement de courte duréeet nous commençâmes bientôt à respirer normalement.

Un jour d’un blanc laiteux éclairaitl’intérieur du véhicule et nous aveuglait littéralement… Nousclignions des yeux comme des hiboux surpris par l’aurore.

Notre hublot d’avant était à moitié sorti del’eau, de sorte que nous pouvions inspecter les nouvelles régionsdans lesquelles nous nous trouvions.

À perte de vue c’était une plaine liquidecouverte de glaçons sur laquelle çà et là pointaient de grandsicebergs étincelants.

Une lorgnette à la main, le docteur regardaitdevant lui.

Tout à coup, il se mit à sautiller sur place,en s’écriant :

– La Terre !… la Terre !…

Fred et moi nous nous précipitâmes au hublot,mais nous n’aperçûmes absolument rien.

Ce ne fut qu’au bout de quelques minutes quenous pûmes enfin distinguer dans les lointains bleuâtres une ligned’une blancheur éclatante qui barrait l’horizon.

– Nous approchons !… nousapprochons !… disait à chaque instant le docteur, en sefrottant les mains.

Et il frappait le parquet de tôle de ses deuxpieds… impatient d’aborder sur cette terre mystérieuse qu’aucunhomme de notre planète n’avait encore foulée.

Le brave savant s’était métamorphosé… Safigure était rayonnante… ses yeux luisaient comme deux ampoulesélectriques et sa houppette de cheveux blancs se redressaitjoyeusement sur sa tête.

J’étais loin, je l’avoue, de partager sonenthousiasme.

Une crainte secrète me torturait… Quels êtresétranges allions-nous trouver sur les terres de Mars ?…Seraient-ce des monstres hideux, sauvages et féroces ?…Seraient-ce au contraire de bons humains inoffensifs etaccueillants ?…

Maintenant, la ligne blanche qui terminait lamer se précisait à vue d’œil et je reconnus une montagne de glaceentourée de récifs bleus.

Nous approchions… Le docteur, attentif à lamanœuvre, demeurait immobile.

Soudain, il s’écria :

– Attention !… Fred… aumoteur !… Halte !…

Les pistons cessèrent de battre et leCosmos demeura sur place, la pointe légèrement inclinée enavant à un mètre à peine du rivage.

– Maintenant, dit le docteur, il s’agitde ne pas reprendre notre vol vers la terre… Fred, ouvre la soupapeet sors du Cosmos… Quand tu seras sur le sol, je tejetterai une amarre que tu enrouleras solidement autour d’un de cesrocs…

Le colosse se hissa par l’ouverture située àla partie supérieure du véhicule, puis il sauta sur la glace. Ledocteur et moi nous nous apprêtions à lui jeter un câble, mais Fredavait disparu !…

Où pouvait-il être ? Était-il tombé dansquelque précipice ?

Je poussai un grand cri :

– Fred !…

Le colosse reparut, mais chose curieuse, ilnous fit l’effet d’un bonhomme en baudruche ballotté par le vent…Il allait d’un glacier à l’autre, avec des bonds formidables.

– Fais de tout petits pas, lui cria ledocteur.

Fred obéit et reparut enfin près du rivage. Jelui jetai un câble pesant qui fendit cependant l’espace avec unefacilité surprenante…

Notre compagnon saisit cette amarre, l’attachasolidement à un énorme bloc de glace et s’écria :

– Ça y est… vous pouvez débarquer… Venez…venez vite… vous allez voir ce que c’est drôle, on vole comme desoiseaux dans ce patelin-là !

Nous atteignîmes le rivage, mais nousdépassâmes cependant de quelques coudées l’endroit où se tenaitFred.

Quand enfin nous fûmes tous trois réunis, nousattirâmes le Cosmosà nous en raccourcissant sonamarre.

Notre véhicule était maintenant presque sortide l’eau, et son enveloppe de répulsite, quoique très diminuée etrepliée sur l’arrière, tendait à l’attirer vers les régionssupérieures.

Pendant que nous jetions d’autres câblesautour du projectile, le docteur nous expliquait le curieuxphénomène qui bouleversait ainsi sur la planète Mars toutes leslois de la locomotion.

– Ici, nous dit-il, la densité n’étantpas la même que sur la terre, le poids des corps devient plusléger… L’intensité de la pesanteur terrestre étant représentée par100 n’est plus que de 37 exactement à la surface de cette planète…Par suite, un kilogramme terrestre transporté ici ne pèse plus que376 grammes… Un homme de 70 kilos est donc réduit à 26 et, lapesanteur ne contrariant plus ses mouvements, au lieu d’uneenjambée d’un mètre, il peut facilement en faire de trois ou quatremètres.

Fred n’en revenait pas.

Le docteur retourna dans le Cosmospour y prendre sa longue-vue. Je le suivis et me munis d’une tigede fer qui pouvait à la rigueur remplacer un alpenstock.

Nous partîmes en exploration.

Mais nous n’avions pas fait cent mètres quenous entendîmes un bruissement confus assez semblable à celui queferait le vent en soufflant sur les roseaux.

Et soudain des cris s’élevèrent… des cristristes et monotones, pareils à ceux des crapauds.

Nous nous arrêtâmes surpris, et regardâmesautour de nous.

Horreur !… nous étions environnés d’unefoule de gnomes qui s’approchaient avec précaution, dans le butévident de nous cerner et de nous mettre à mal…

C’étaient les habitants de Mars !…

– Oh !… comme ils ont de drôles detêtes ! s’écria Fred.

Effectivement, les Martiens n’étaient pasprécisément ce que l’on peut appeler de beaux spécimens de la racehumaine.

Ils étaient tout au plus hauts de cinquantecentimètres et leur corps était supporté par de petites jambesgraciles, conformées comme des pattes de sauterelles…

Leur tête énorme et ronde ressemblait à uneboule… Deux yeux verts convexes et cerclés de rouge éclairaientleur face blafarde…

À la place du nez ils avaient une petitetrompe recourbée et leur bouche sans lèvres affectait la forme d’unlosange.

Au lieu de bras ils possédaient de longstentacules qui se tortillaient affreusement avec de petitssifflements.

Leur corps paraissait diaphane et luisaitcomme une vessie enduite de graisse.

En marchant ils imitaient le bruit que fontles coléoptères avec leurs élytres.

Ces êtres immondes ne m’inspiraient point defrayeur, mais plutôt un profond sentiment de dégoût… Je redoutaisleur contact comme on craint celui d’une araignée ou d’un rat…

Le nombre des Martiens augmentait à vue d’œil…il en sortait de partout… On eût pu croire qu’à chaque seconde laterre en vomissait des centaines.

Le docteur très calme les observaitcurieusement en naturaliste qui se trouve tout à coup en faced’animaux inconnus…

Quant à Fred il riait aux éclats et envoyait àl’armée martienne force quolibets.

Il était visible que ce petit peuple étaitfort courageux et qu’il n’allait pas hésiter à nous livrercombat…

Le docteur Oméga, très humanitaire, essaya deparlementer… Nous le vîmes faire des gestes rapides, étendre lesmains, les ramener sur sa poitrine, s’incliner avec bienveillance,mais les gnomes devinrent plus agressifs.

Trois d’entre eux se précipitèrent sur lesavant et lui entourèrent les jambes de leurs tentacules enpoussant des cris stridents.

– Ma foi, tant pis, dit le docteur, ilfaut les exterminer. Allons !… du courage !

Fred n’avait pas besoin de cetterecommandation. En un tourne-main il eut tordu le cou des troisMartiens qui se cramponnaient aux jambes du docteur.

Puis, cette exécution accomplie, il fondit surles plus rapprochés.

Alors nous vîmes un spectacle lamentable. Cesnains étaient d’une structure si fragile que, d’un seul coup depied, Fred en mit quatre hors de combat… Sous sa botte, les têtesde ces petits monstres éclataient comme des calebassesdesséchées.

Cependant les ennemis nous harcelaient de plusbelle. J’entrai alors en scène avec ma barre de fer et je fis unvrai carnage.

Le docteur frappait de droite et de gaucheavec son télescope et cet inoffensif instrument devenait entre sesmains plus meurtrier qu’une masse d’armes…

Bientôt des centaines de cadavres jonchèrentle sol et les Martiens en déroute disparurent derrière lesglaciers.

– Si tous les habitants de Mars, ditFred, ne sont pas plus solides que ces cocos-là, nous pouvons êtretranquilles…

Le docteur s’était baissé et examinaitcurieusement le corps pantelant d’un Martien, qu’il tournait etretournait en tous sens.

– Voyez, dit-il, ces pauvres êtres nesont vraiment pas armés pour la lutte… leurs membres sont fragilescomme du verre.

Et sans effort il brisa la jambe d’un cadavre…Il y eut un petit bruit sec comparable à celui d’une baguette debois mort que l’on casse entre les doigts.

– Ils sont cependant conformés comme laplupart des vertébrés, reprit le savant… Voyez leur tête… elle esténorme… leur cerveau est volumineux… Comment se fait-il que cesêtres, qui sont certainement intelligents, n’aient pas trouvé lemoyen de se créer des moyens de défense… Après tout, ils n’en ontpeut-être pas besoin… Pouvaient-ils se douter qu’un jour demisérables terriens viendraient les massacrer ?

Et je surpris sur le visage du docteur Omégaune lueur de compassion…

Quant à moi, j’étais troublé… Le spectacle deces nains étendus pêle-mêle les uns sur les autres avait quelquechose d’impressionnant et je ne pouvais regarder sans émotiontoutes ces pauvres petites figures au masque horrible etdouloureux…

Nous nous apprêtions à poursuivre notre routequand un hurlement effroyable retentit à quelques pas de nous.

Instinctivement nous nous rapprochâmes les unsdes autres, rivés au sol par l’épouvante…

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