Le Double

Chapitre 13

 

Le temps semblait vouloir prendre un tour favorable. La neigemouillée, qui jusque-là tombait abondamment, devint de plus en plusrare et bientôt s’arrêta complètement. On pouvait voir le ciel oùs’allumaient, çà et là, quelques étoiles. Il faisait toujours froidet humide. La rue était sale. Tout cela accablait M. Goliadkine quiavait déjà peine à respirer. Son pardessus trempé pesait lourdementsur ses épaules et semblait imbiber ses membres d’une tièdehumidité. Les jambes de notre héros, déjà assez affaiblies,pliaient sous le poids des vêtements mouillés. Des frissons defièvre parcouraient son corps tels des moustiques insatiables etlancinants. Son corps exténué sécrétait une sueur froide, maladive.Telle était sa détresse qu’il en oublia même de répéter avec safermeté habituelle sa phrase favorite : « Tout peut encores’arranger, tout doit certainement, infailliblement s’arranger. »Néanmoins, surmontant sa défaillance, notre héros, qui ne perdaitpas courage, se reprit et murmura : « Pour le moment, tout ça n’apas d’importance ». Il essuya son visage ruisselant de gouttes quidégoulinaient en tous sens de son chapeau rond, trempé à tel pointqu’il ne pouvait plus retenir l’eau de la pluie. « Tout ça n’a pasd’importance », répéta notre héros ; il s’assit sur un grosbillot qui traînait à côté d’un tas de bois dans la cour d’OlsoufiIvanovitch. Il n’était plus question de rêvasser de sérénadesespagnoles et d’échelle de soie. Il s’agissait plutôt de trouver unpetit coin confortable, sinon très chaud, un petit coin intime etobscur. Il était fortement tenté – disons-le en passant – par lepetit réduit proche du vestibule de service où jadis, au début deses aventures, il était resté près de deux heures entre l’armoireet les vieux paravents, au milieu d’un amoncellement de chiffons,de hardes et de vieilleries.

Notons que M. Goliadkine attendait déjà depuis plus je deuxheures dans la cour d’Olsoufi Ivanovitch. Notons également que lepetit réduit intime et confortable présentait aujourd’hui quelquesinconvénients qui n’existaient pas alors. Tout d’abord, l’endroitavait été certainement remarqué et signalé. On devait monter bonnegarde autour de cet endroit depuis le fameux esclandre dubal ; et, d’autre part, il était obligé d’attendre dans lacour un signal de Clara Olsoufievna.

Il était certain qu’elle l’avertirait par un signal quelconque.C’était certain : « Ce n’est pas, d’ailleurs, nous qui avonsdéclenché toute cette affaire, ce n’est pas à nous de la terminer.» Sur ce, M. Goliadkine se souvint d’un passage de roman qu’ilavait lu il y a fort longtemps, et au cours duquel l’héroïne, dansdes circonstances absolument identiques à celles de ce soir,avertissait son amant, Alfred, en attachant un ruban rose à lafenêtre. Mais aujourd’hui dans la nuit, avec le brouillard etl’humidité du climat de Saint-Pétersbourg, un ruban rose ne pouvaitconvenir, il ne fallait pas y penser. « Non, pas questiond’échelles de soie, décida notre héros. Je ferais mieux de meblottir dans un petit coin discret et obscur… » Il se réfugia dansun coin de la cour situé en face des fenêtres à côté d’une pile debois. Certes on circulait beaucoup dans cette cour : des cochers,des postillons déambulaient au milieu de grincements d’essieux etde hennissements de chevaux… néanmoins l’endroit était assezconfortable ; M. Goliadkine était dans l’ombre et peu luiimportait d’être remarqué ou non des cochers. Il voyait tout et nepouvait être vu de l’appartement. Les fenêtres étaient brillammentilluminées. Olsoufi Ivanovitch devait encore donner une grandesoirée. Toutefois, on n’entendait pas de musique. « Ce n’est pas unbal, c’est une réunion d’un autre genre, se dit notre héros, assezangoissé. Mais est-ce bien pour aujourd’hui ce rendez-vous ?…N’y a-t-il pas une erreur de date. C’est possible. Tout estpossible… Voici ce qui a pu se passer… La lettre a pu être écriteet envoyée la veille et je ne l’ai reçue qu’aujourd’hui par suited’une négligence de Petrouchka, de cet odieux scélérat. Ou bien,elle a été écrite demain… c’est-à-dire que le rendez-vous étaitfixé pour demain… que je devais venir l’attendre demain avec lavoiture… »

Le sang de M. Goliadkine se glaça à cette hypothèse. Pour lavérifier il plongea la main dans sa poche. À son grand étonnementil n’y trouva pas la lettre. « Que se passe-t-il ? murmuranotre héros à demi anéanti. Où ai-je pu la laisser ?L’aurais-je perdue ? Ah, il ne manquait que ça, fit-il engémissant. Et si elle tombe dans des mains ennemies ? C’estpeut-être déjà fait. Ah ! mon Dieu ! Que va-t-ilarriver ? Ça fera un scandale… Ah ! destin, destinmisérable !… » Il pensa aussitôt à son sosie et se mit àtrembler comme une feuille. L’indigne personnage, en lui jetant sonpardessus sur la tête, avait peut-être profité de sa confusion pourlui soustraire la lettre dont il avait eu vent par les ennemis deM. Goliadkine… « D’autant qu’il a l’habitude d’intercepter, sedit-il, quant aux preuves… mais à quoi bon les preuves ?… »Après un premier accès de stupeur et d’effroi, le sang affluaviolemment à la tête de notre héros. Il poussa un grincement,saisit des mains sa tête brûlante et s’effondra sur le billot. Ilsombra dans la méditation… sans parvenir à fixer ses pensées. Desvisages défilaient devant ses yeux, tantôt vagues, tantôt plusnets, des événements depuis longtemps oubliés, les mélodies dequelques chansons stupides venaient se présenter à sa mémoire… Ilétait au comble de l’anxiété, d’une indescriptible anxiété… «Ah ! mon Dieu, mon Dieu, répétait notre héros, reprenantconscience et étouffant un lourd sanglot, mon Dieu, donne force etfermeté à mon esprit plongé dans un gouffre sans fond de malheurs.Je suis perdu, je suis anéanti, aucun doute n’est possible à cesujet. C’est dans l’ordre des choses. Il ne peut en être autrementJ’ai perdu ma place, je l’ai certainement perdue… je ne pouvais pasne pas la perdre. Bon, supposons même que les choses s’arrangentd’une manière ou d’une autre. Supposons que mon petit magot suffisepour les premiers jours. Il faudra louer un autre appartement,trouver quelques meubles… je n’aurai plus Petrouchka… Bon, je puisme passer de cette fripouille… J’habiterai chez des gens ; çapeut s’arranger. Je pourrai sortir et rentrer quand il me plaira.Il n’y aura plus Petrouchka pour me faire la tête lorsque jerentrerai tard. C’est l’avantage de la sous-location ; c’estbien connu, ça. Bon. Disons donc que c’est bien comme ça. Mais jesuis toujours à parler d’autre chose, de tout autre chose… » À cetinstant, la pensée de sa situation présente traversa son esprit. Ilregarda autour de lui. « Ah ! mon Dieu, mon Dieu !Ah ! Seigneur, mais à quoi donc étais-je en train depenser ?… » gémit notre héros, absolument désemparé, pressantdes mains sa tête enfiévrée…

– Vous avez l’intention de partir bientôt ? fit une voixau-dessus de lui. M. Goliadkine tressaillit et leva les yeux. Ilvit devant lui son cocher. L’homme était, lui aussi, trempéjusqu’aux os et transi. L’impatience et le désœuvrement lui avaientsuggéré l’idée de jeter un coup d’œil sur M. Goliadkine tapiderrière le tas de bois.

– Mais, mon ami, je ne sais pas… je compte partir bientôt, oui,très bientôt, mon ami… Patiente un peu…

Le cocher se retira, marmonnant entre ses dents. « Qu’a-t-il àgrogner ? murmura en larmoyant notre héros, je l’ai loué pourtoute la soirée… Je suis, me semble-t-il, dans mon droit… n’est-cepas ? Je l’ai loué pour toute la soirée, un point c’est tout.Qu’il soit ici ou ailleurs, c’est le même prix. Tout dépend de monbon vouloir. Je suis libre de partir ou de rester ici derrière letas de bois… et ça ne te regarde pas. Tu n’as pas le droit deprotester. Ton maître a envie de rester ici, derrière le tas debois… eh bien, il y reste… il n’empiète sur les droits depersonne ! Parfaitement !… Oui, parfaitement,mademoiselle, tenez-vous le pour dit. Quant à votre cabane,sachez-le tien, mademoiselle, personne n’habite les cabanes de nosjours. Tenez-vous le pour dit ! Et sachez aussi quel’immoralité ne paye pas en notre siècle de lumière ; vous enêtes d’ailleurs un exemple lamentable… Mademoiselle a décidé que jetravaillerais dans un bureau et que nous vivrions au bord de lamer… Eh bien, sachez-le bien, mademoiselle, il n’y a pas de bureauxau bord de la mer, et quant à faire de moi un chef, il ne faut pasy penser. Bon ! Supposons, par exemple, que je fasse unedemande… je me présente, je dis : « Voilà, Monsieur, nommez-moichef de bureau et… défendez-moi de mes ennemis… » Eh bien,mademoiselle, on me répondra ceci : « Il y a déjà assez de chefs debureau comme cela… » Et quant à vous, mademoiselle, vous n’êtesplus chez Mme Falbala, qui vous donnait des leçons de moralité,leçons dont vous êtes une illustration vivante et lamentable. Lamoralité consiste à rester à la maison, mademoiselle, à honorervotre père et à ne pas penser trop tôt au mariage. On vous trouverades fiancés, quand il sera temps. Tenez-vous le pour dit. Il fautévidemment développer certains talents. Il est bon de savoir jouerdu piano, connaître le français, apprendre un peu d’histoire et degéographie, d’histoire sainte et d’arithmétique – ceci estindiscutable… Mais il ne faut guère plus. Ah ! il y a encorela question de la cuisine. L’art culinaire doit faire partie del’éducation de toute jeune fille convenable. Maintenant revenons ànotre projet. Tout d’abord, on ne vous laissera pas partir, matoute belle demoiselle. Et si vous vous échappez, on vouspoursuivra. Après quoi, on vous mettra sous tutelle, on vousenfermera dans un couvent. Et alors, ma chère demoiselle, quem’ordonnerez-vous de faire ? Devrais-je, à l’instar decertains héros de stupides romans, venir tous les jours contemplerdu haut d’une colline voisine les murs glacés de votreprison ? Devrais-je, à cette vue, fondre en larmes et courir,tel un personnage de ces mauvais poètes et romanciersallemands ? Est-ce cela que vous voulez,mademoiselle ?

« Permettez-moi de vous faire observer amicalement, toutd’abord, que les histoires de ce genre n’ont plus cours chez nous,ensuite, que vous et vos parents méritez quelques bonnes racléespour les romans français que vous avez lus et qu’on vous a donnés àlire… Apprenez que les romans français ne vous enseignent rien debon. On n’y trouve que poison… un poison délétère,mademoiselle.

» Vous pensez sans doute, qu’on peut s’enfuir impunément et seréfugier dans une cabane au bord de la mer… Une fois là, nous nousmettrons à roucouler, à parler sentiments et nous passerons notrevie heureux et comblés… Et avec cela, un petit rejeton, un oiselet,sans doute ?… Après quoi, on viendra voir votre père, leconseiller d’État Olsoufi Ivanovitch, et on lui dira : « Voilà, moncher, voilà notre oiselet… Oubliez en cette occasion votremalédiction et bénissez-nous… » Non, je vous le répète,mademoiselle, on n’agit pas de la sorte !

» Quant aux roucoulades et aux amours, n’y comptez pas. De nosjours le mari est le maître, mademoiselle. Une femme honnête etbien éduquée doit essayer, par tous les moyens, à lui rendre la vieagréable. En notre siècle de progrès, on ne tient pas auxmanifestations de tendresse, mademoiselle. L’époque de J.-J.Rousseau est révolue. De nos jours, il en est autrement. Un marirentre du travail. Supposons qu’il a faim ; il dira ; «Ma chérie, j’aimerais bien manger un petit morceau pour tromper lafaim, par exemple, un peu de hareng fumé avec un verre de vodka. »Eh bien, mademoiselle, vous devez toujours tenir prêts, harengs etvodka. Et voilà le mari qui se met à manger avec appétit un petitmorceau, sans même vous regarder, mademoiselle. Il se contente devous dire : « Va donc à la cuisine, mon petit chat, et veille bienau dîner, mon chéri. » Il vous embrassera une fois par semaine, etencore sans trop de passion, ma chère ; voilà comment ça sepasse aujourd’hui, mademoiselle. Oui, je répète, un petit baisersans trop de passion. Voilà ce qui vous arrivera, si on veut bienraisonner, si on veut voir les choses comme elles sont… Et queviens-je faire dans cette affaire ? Pourquoi me rendez-vouscomplice de vos fantaisies, mademoiselle ? Évidemment, vousprétendez que je suis « un homme généreux, dévoué, un homme cher àvotre cœur »… Mais, tout d’abord, mademoiselle, sachez que je nesuis pas fait pour vous. Je ne suis pas un maître dans l’art ducompliment, vous le savez bien, vous-même ; je déteste lespetites futilités parfumées qu’on débite aux dames. Je ne suis pasbon pour jouer les amants langoureux…

» Et d’ailleurs, mon physique ne s’y prête pas ! Vous netrouverez en nous ni vanité, ni prétention, ni hypocrisie,Mademoiselle, nous vous l’avouons en toute sincérité. Oui, voilàcomment nous sommes ! Nous avons un caractère droit et loyalet un esprit sain. Les intrigues ne nous intéressent pas. Je nesuis pas un intrigant et j’en suis fier ! Voilà !… Je neporte pas de masque quand je suis au milieu de gens honnêtes etpour tout vous dire… »

Subitement M. Goliadkine tressaillit. La barbe roussecomplètement trempée du cocher apparut à nouveau au-dessus du tasde bois.

– Je viens tout de suite, mon ami, j’arrive, mon ami, oui,j’arrive tout de suite, bredouilla notre héros.

Le cocher se gratta la nuque, promena sa main sur sa barbe, fitun pas en avant… puis s’arrêta et fixa un regard plein de méfiancesur M. Goliadkine.

– Je viens, mon ami. Vois-tu, mon ami… Je dois attendre encoreun peu… Juste une seconde, mon brave… Comprends-tu, monami… ?

– N’avez-vous pas l’intention de partir d’ici ? fit enfinle cocher en s’approchant résolument de notre héros.

– Mais non, mon ami… je viens. Vois-tu, mon ami j’attendsici…

– Je vois…

– Vois-tu, mon ami, je dois… À propos, de quel village es-tu,mon cher ?

– Je suis né chez mes maîtres…

– Et ce sont de bons maîtres ?

– Ma foi…

– Bon, mon ami. Reste un moment ici, mon cher. Vois-tu, mon ami…es-tu depuis longtemps à Saint-Pétersbourg ?

– Depuis un an…

– Es-tu content, mon ami ?

– Ma foi…

– C’est bien, mon ami, c’est bien. Remercions-en la Providence,mon cher. Un conseil, mon ami : recherche toujours les honnêtesgens. Ils sont devenus rares, aujourd’hui, mon cher. Un homme braveet honnête te donnera à boire et à manger ; il te soignera ette lavera. Vois-tu, mon ami, parfois les larmes apparaissent aumilieu de l’or… Tu en vois un exemple lamentable devant toi… Voilàcomment vont les choses, mon cher…

Le cocher parut prendre en pitié M. Goliadkine et répondit :

– Bon, je vous attendrai. Restez-vous longtempsencore ?

– Non, mon ami, non. Sais-tu, je commence déjà à perdrepatience, mon cher… Je ne compte plus attendre longtemps… qu’enpenses-tu, mon ami ? Je fais confiance à ton jugement. Jecrois que ce n’est plus la peine d’attendre ici…

– Alors, vous ne pensez plus partir ?

– Non, mon ami, non… mais je te donnerai quand même un bonpourboire… c’est promis. Combien te dois-je, mon brave ?

– Eh bien, ce que vous m’avez promis, Monsieur. J’ai attendulongtemps, Monsieur. Vous n’allez tout de même pas me frustrer,Monsieur.

– Voilà pour toi, mon cher, voilà.

M. Goliadkine remit au cocher les six roubles promis. Il étaitfermement décidé à ne plus perdre de temps. Il voulait partir coûteque coûte. D’ailleurs les ponts étaient coupés, désormais. Il avaitlicencié le cocher et n’avait, par conséquent, aucune raisond’attendre. Il sortit de la cour, franchit la porte cochère ettourna à gauche. Puis, sans se retourner, radieux et haletant, ilse mit à courir. « Tout peut encore s’arranger pour le mieux,pensait-il ; quant à moi, j’ai évité, de cette façon, un grandmalheur. »

De fait, M. Goliadkine se sentit tout à coup extraordinairementléger et apaisé. « Ah ! pourvu que tout s’arrange au mieux »,soupirait notre héros, sans trop oser y croire, cependant. Voilà ceque je vais faire… non, il vaut mieux, plutôt… ou encore, oui,voilà ce qu’il faut que je fasse…

Divaguant de la sorte, cherchant toujours à sortir de sonincertitude, notre héros parvint au pont Semionovski. Une fois là,il prit la sage et suprême décision de revenir sur ses pas. « C’estpréférable, se dit-il, j’ai intérêt à adopter cette attitude… uneattitude de spectateur, impartial… un spectateur et rien de plus.Je serai un simple spectateur, étranger à toute cette affaire. Quoiqu’il arrive, je reste en dehors de l’histoire, je ne suis pasresponsable. Voilà ! Voilà ce que je dois faire dorénavant.»

Ayant pris cette décision, notre héros revint sur ses pas.L’heureuse idée d’adopter à l’avenir une attitude de spectateurrenforçait sa confiance. « C’est préférable ainsi, se répétait-il,c’est préférable. On n’est responsable de rien et, en même temps,on assiste à tout… voilà ! C’est la meilleure solution, sansdiscussion possible… »

Entièrement rassuré, M. Goliadkine reprit son poste derrière letas de bois, refuge confortable et protecteur. Il fixa sonattention sur les fenêtres. Il n’eut pas longtemps à regarder et àattendre, cette fois. Subitement, une étrange agitation semanifesta derrière toutes les fenêtres du logement d’OlsoufiIvanovitch. Des visages apparurent, les rideaux furent tirés ;les invités se pressèrent en groupes contre les vitres. Tousparaissaient chercher quelque chose dans la cour. Protégé par sontas de bois, notre héros se mit, de son côté, à suivre avecattention et curiosité les mouvements des gens. Il allongeait satête, tantôt à droite tantôt à gauche, dans la mesure où l’ombre,projetée sur lui par le tas de bois, le permettait. Soudain sonsang se glaça ; il frissonna et faillit tomber d’effroi, à larenverse. Il eut subitement l’absolue intuition qu’on cherchait nonpas n’importe qui ou n’importe quoi, mais qu’on le cherchait lui,lui M. Goliadkine. Tous les regards étaient tournés vers lui… Fuirétait impossible. On l’aurait repéré… Glacé d’épouvante, il serecroquevilla, se serra contre les bûches et se rendit compte, aumême moment, que l’ombre perfide le trahissait, ne protégeait plustout son corps. Avec quelle joie notre héros n’eut-il pointaccepté, en cet instant, de se métamorphoser en souris pours’infiltrer dans le plus petit interstice, pour pouvoir se glisserentre les bûches et y rester bien paisiblement. Ah ! si celaavait été possible ! Malheureusement c’était absolumentimpossible. Au comble de la terreur, il se décida à lever les yeuxet les fixer droit sur les fenêtres. C’était préférable ! Maissoudain, ce fut l’anéantissement total. M. Goliadkine brûlait dehonte ; il se rendit compte qu’on l’avait repéré. On l’avaitreconnu. Tous l’avaient reconnu, tous lui faisaient des signes dela main. Tous lui adressaient des saluts de la tête. Tousl’appelaient. Il entendit le bruit de vasistas qu’on ouvrait. Ilentendit des voix qui toutes lui criaient quelque chose…

« Je m’étonne qu’on ne fouette pas ces filles dès l’enfance… »bredouillait notre héros absolument désemparé. Tout à coup, « Il »(on sait qui) apparut sur le perron. Il n’avait ni son chapeau nison manteau. Il paraissait essoufflé. Il descendit les marches etse précipita vers M. Goliadkine, sémillant, sautillant, manifestantla joie extrême qu’il avait de retrouver son grand ami.

– Iakov Petrovitch, gazouillait ce personnage bien inutile,Iakov Petrovitch, vous ici ? Vous allez prendre froid, IakovPetrovitch. Il fait glacial ici. Venez dans l’appartement.

– Non, ce n’est rien, Iakov Petrovitch, ce n’est rien, réponditnotre héros d’une voix résignée.

– Mais c’est impossible, Iakov Petrovitch. On vous demande, onvous réclame respectueusement, on vous attend. On m’a dit : «Faites-nous plaisir et amenez-nous Iakov Petrovitch. »Voilà !

– Non, Iakov Petrovitch, marmonnait M. Goliadkine, brûlant àpetit feu et glacé, tout à la fois, de honte et de terreur.

– Nenni, nenni, gazouillait l’affreux individu. Nenni, nenni.Pour rien au monde. Allons, venez, ajouta-t-il d’une voixautoritaire et il entraîna notre héros vers le perron. M.Goliadkine aîné voulut se débattre, mais il lui parut gênant derésister et se battre sous les yeux de tous les invités. Il avança.On ne peut dire qu’il marchait, car il ne savait déjà lui-même cequ’il faisait et ce qui se passait. Et d’ailleurs, tout celan’avait plus d’importance.

Avant qu’il ait pu reprendre ses esprits, il se trouva dans lagrande salle de réception. Il était pâle, défait, échevelé,désemparé. D’un regard trouble il embrassa l’assistance.Horreur ! La salle et les pièces voisines étaient bourrées demonde. Une multitude d’hommes. Tout un parterre de dames. Tous sepressaient autour de lui, tous avançaient vers lui, et cette merhumaine entraînait notre héros vers un coin de la salle. Il s’enrendit compte. Une idée traversa son esprit : « Ce n’est pas versla porte ». En effet, ce n’était pas vers la porte qu’on lepoussait, mais vers le paisible fauteuil où se trouvait OlsoufiIvanovitch. Près du fauteuil, il vit Clara Olsoufievna.

Elle était blême, et semblait triste et lasse, malgré l’éclat desa toilette. Notre héros remarqua particulièrement les petitesfleurs blanches piquées dans ses noirs cheveux. C’était d’un beleffet. De l’autre côté du fauteuil, il vit Vladimir Semionovitch,en frac noir avec, à la boutonnière, sa nouvelle décoration. Onamena M. Goliadkine droit devant Olsoufi Ivanovitch. On le tenaitpar les bras, d’un côté, son sosie, qui avait pris, pour lacirconstance, un air distingué et digne, ce qui fit grand plaisir ànotre héros, de l’autre André Philippovitch dont le visage avaitune expression solennelle.

« Que veut dire tout cela ? » se demanda M. Goliadkine.Mais, lorsqu’il se rendit compte qu’on l’amenait devant OlsoufiIvanovitch, il fut illuminé par une idée. Il pensa subitement à lalettre interceptée… Il était maintenant devant le fauteuild’Olsoufi Ivanovitch.

« Que dois-je faire maintenant ? » se demandait notrehéros, en proie à une angoisse insurmontable. Je dois adopter uneattitude fière, une attitude franche, non dénuée de noblesse et dediscrétion ; toutefois, je dois dire : « Voici, Messieurs,voici… »

Pourtant, ce qu’il redoutait tant, n’arriva pas en réalité.Olsoufi Ivanovitch l’accueillit avec une certaine affabilité. Il nelui tendit pas la main, mais le regarda longuement en hochant satête grise et respectable. Il hocha la tête d’un air grave etsolennel, mais non sans bienveillance. Ce fut du moins l’impressionde notre héros. Il crut même voix briller une larme dans l’œiltrouble du vieillard. En levant les yeux, M. Goliadkine, crut voirapparaître des larmes sur les cils de Clara Olsoufievna. VladimirSemionovitch lui parut également très ému. Même le maintien digneet imperturbable d’André Philippovitch reflétait une certainecompassion. Quant au jeune homme, que nous avions mentionné aucours du bal, en disant qu’il ressemblait fort à un vieuxconseiller d’État, il profita de ce moment d’émotion générale pouréclater en sanglots… Tout cela ne fut peut-être qu’une illusion dessens de notre héros. Lui-même pleurait et sentait ses larmesbrûlantes couler le long de ses joues glacées… D’une voix coupée desanglots, il voulut s’adresser à son ancien protecteur pour luiépancher son cœur.

Il se sentait maintenant réconcilié avec toute l’humanité etavec son propre destin. Il se sentait rempli d’amour, non seulementpour le digne vieillard, mais aussi pour tous ses invités et mêmepour le malfaisant sosie, qui, en cet instant, ne lui paraissaitêtre ni malfaisant ni sosie, mais un homme normal et fort aimable :M. Goliadkine voulut parler à Olsoufi Ivanovitch, mais ; letrop-plein de son âme l’en empêcha. Il ne put prononcer un mot etse contenta de poser sa main sur le cœur dans un geste large etdémonstratif… André Philippovitch, afin d’éviter au sensiblevieillard des émotions trop fortes, entraîna notre héros dans uncoin de la salle et l’y abandonna, lui laissant, toutefois, uneliberté absolue. Tout en souriant et marmonnant entre ses dents,notre héros se mit à se frayer un chemin à travers la foulecompacte. Il était décontenancé par les événements, mais se sentaitentièrement réconcilié avec les hommes et sa destinée. Il avançait.Les gens se rangeaient sur son passage et le regardaient avec uneétrange curiosité et un air de compassion énigmatique.

Notre héros parvint à une pièce voisine. Il y fut accueilli avecla même sollicitude. Il se rendait vaguement compte qu’une filenombreuse se pressait sur ses pas. Il sentait que les genssurveillaient chacun de ses gestes. Il les entendait discuter ensourdine de quelque chose de très important. Il les voyait parler,hocher la tête, chuchoter, se contredire, se disputer âprement… Ilaurait voulu savoir de quoi ils discutaient, pourquoi ilschuchotaient et se disputaient. Il se retourna et vit son sosie àses côtés. Il éprouva aussitôt un besoin insurmontable de saisir lamain de cet homme et de l’entraîner à l’écart. Là, il le supplia del’aider dans toutes les circonstances futures et de ne pointl’abandonner en un moment aussi critique. M. Goliadkine jeunesecoua sa tête avec gravité et serra fortement la main de notrehéros, qui sentit battre violemment son cœur oppressé par untrop-plein d’émotions. Il suffoquait, il se sentait écrasé detoutes parts. Il avait peine à supporter tous ces regards qui leperçaient, le dévoraient, l’anéantissaient… M. Goliadkine aperçut,en passant, le conseiller qui portait perruque. Le conseiller lefixait d’un regard sévère, scrutateur, qui ne s’accordait point àla sympathie de tous… M. Goliadkine voulut aller à lui, sourire,s’expliquer d’un mot avec lui ; mais il ne put. Pour un momentil oublia la réalité, perdit la mémoire et le sentiment… Lorsqu’ilrevint à lui, il constata qu’il circulait au milieu d’un largecercle de convives. Tout à coup on appela de la pièce voisine : M.Goliadkine ! Ce fut un cri soudain qui passa sur les groupes.Tout le monde s’agita bruyamment, on se hâta vers les portes dupremier salon, on y porta presque M. Goliadkine. Le conseiller à laperruque et au cœur impitoyable se trouva à côté de M. Goliadkine.Le conseiller lui prit la main, le fit asseoir à ses côtés, en facemais à distance respectueuse du fauteuil d’Olsoufi Ivanovitch. Lesconvives formèrent un cercle à plusieurs rangs et s’assirent autourde M. Goliadkine et d’Olsoufi Ivanovitch. Ils se turent ets’apaisèrent. Le silence était grave. On regardait OlsoufiIvanovitch, on semblait attendre un événement extraordinaire. M.Goliadkine remarqua que l’autre M. Goliadkine et AndréPhilippovitch s’étaient placés aux côtés du fauteuil d’OlsoufiIvanovitch, en face du conseiller… Le silence se prolongeait.C’était l’attente…

« C’est ainsi dans les familles, quand un parent doit partirpour un lointain voyage ; il n’y aurait plus maintenant qu’àse lever et à prier », pensa notre héros. Ses réflexions furentinterrompues par l’agitation soudaine des invités. Mais personne nesemblait surpris. « Il arrive… il arrive », disait-on.

« Qui donc arrive ? » se demandait M. Goliadkine, quitressaillit d’une sensation bizarre.

« Il est temps », fit le conseiller à perruque, en regardantavec attention André Philippovitch. De son côté, ce dernier levales yeux sur Olsoufi Ivanovitch. Le digne vieillard hochasolennellement la tête en signe d’approbation.

– Levez-vous, dit le conseiller, en soulevant M. Goliadkine.

Tout le monde se leva. Le conseiller prit M. Goliadkine aîné parla main. André Philippovitch fit de même avec M. Goliadkine jeune.Les deux fonctionnaires amenèrent solennellement face à face lesdeux jumeaux, au milieu de la foule attentive et anxieuse. Notrehéros promena son regard étonné autour de lui, mais aussitôt on lerappela à l’ordre, en lui montrant son sosie qui lui tendait lamain.

« On veut nous réconcilier », se dit notre héros et tendit, àson tour, sa main avec attendrissement. Après la main, il tendit satête. Son sosie en fit de même…

Il sembla à notre héros que son perfide ami lui souriait, touten clignant insolemment des yeux, à la dérobée, vers lesspectateurs qui les entouraient. Oui, il crut voir une expressionde mauvais augure sur le visage infâme de l’imposteur, une grimaceque le traître faisait au moment même où il allait donner sonbaiser de Judas.

M. Goliadkine entendit des cloches résonner dans sa tête. Sesyeux se brouillèrent. Il lui sembla qu’une multitude, une fileinterminable de Goliadkine, tous absolument semblables, faisaientau même instant irruption dans la salle, en enfonçant les portes…Mais il était trop tard… Déjà retentissait le baiser sonore etperfide et…

Ici prend place un événement absolument inattendu… Les deuxbattants de la porte d’entrée s’ouvrirent avec fracas ; unhomme, dont la vue seule glaça d’effroi notre héros, parut sur leseuil. Les pieds de M. Goliadkine s’enracinèrent au plancher. Uncri d’épouvante s’étrangla dans sa gorge oppressée…

Disons, toutefois, que M. Goliadkine avait prévu tout celadepuis longtemps ; il avait déjà pressenti cette situation. Lenouvel arrivant s’avança grave et solennel. Notre héros connaissaitbien ce visage. Il l’avait vu très souvent, pas plus tardqu’aujourd’hui même… L’homme était de haute taille et de fortecorpulence. Il portait un habit noir. Son cou s’ornait d’une croixde respectable dimension. Il ne lui manquait qu’un cigare auxlèvres, pour que la ressemblance fût parfaite… Son regard, commenous l’avons déjà dit, glaça d’effroi M. Goliadkine. Grave etmajestueux, il s’approcha du misérable héros de notre roman. M.Goliadkine lui tendit la main. L’homme prit la main, et entraîna lemalheureux à sa suite… Désemparé, le visage décomposé, notre hérosregarda autour de lui…

« C’est Christian Ivanovitch Rutenspitz, c’est le docteur enmédecine et en chirurgie, c’est votre vieil ami, Iakov Petrovitch», gazouilla une voix odieuse à l’oreille de notre héros. Cedernier se retourna. L’homme qui venait de lui parler n’était autreque l’infâme sosie à l’âme détestable et perfide. Son visagerayonnait de joie, d’une joie cruelle et de mauvais augure. Il sefrottait les mains avec allégresse, tournait joyeusement la tête entous sens, allait de l’un à l’autre, ravi et triomphant. Il étaitprêt à danser d’enthousiasme.

Soudain, il bondit en avant, arracha une bougie de la main d’undomestique et s’avança, éclairant Christian Ivanovitch et M.Goliadkine, qui le suivirent.

Notre héros entendit distinctement tous les spectateurs se ruerà leur suite. Ils se pressaient, s’écrasaient, et répétaient tousen chœur les paroles de l’imposteur : « Ne craignez rien, ce n’estrien, Iakov Petrovitch ; ce n’est que votre vieil ami, votrevieille connaissance, Christian Ivanovitch Rutenspitz. »

Ils sortirent dans le vestibule, puis dans l’escalierbrillamment éclairé. Une foule nombreuse se pressait dansl’escalier. La porte d’entrée s’ouvrit bruyamment. M. Goliadkine setrouva sur le perron, toujours en compagnie du médecin. Dans lacour stationnait une voiture attelée de quatre chevaux quipiaffaient d’impatience. En trois bonds, l’odieux imposteur setrouva devant la voiture et tira la portière. D’un geste persuasif,Christian Ivanovitch engagea notre héros à monter. En vérité, iln’était guère utile de persuader M. Goliadkine. Il y avaitsuffisamment de monde pour le faire monter…

Délirant de terreur, M. Goliadkine se retourna. L’escalierilluminé était bourré de monde. Des yeux pleins de curiosité lefixaient de toutes parts. Sur le palier du premier étage, OlsoufiIvanovitch, en personne, présidait à la cérémonie. Il se tenait surson siège d’infirme et contemplait la scène avec attention etcompassion. Tout le monde attendait. Lorsque notre héros seretourna un murmure d’impatience parcourut la foule.

« J’espère qu’il n’y a, en tout ceci, rien de blâmable… rien quipuisse susciter la sévérité et attirer sur moi l’attentiongénérale… en ce qui concerne ma vie publique ? » murmura notrehéros, complètement désemparé. Un tumulte de voix s’éleva autour delui. Des gens hochaient la tête en signe de dénégation. Des larmesjaillirent des yeux de M. Goliadkine.

« En ce cas, je suis d’accord… je confie entièrement mon sort àChristian Ivanovitch… »

À peine eut-il prononcé les pactes par lesquelles il remettaitson sort entre les mains de Christian Ivanovitch, que tous lesassistants poussèrent ensemble des exclamations, des cristerribles, assourdissants, des cris de joie et de triomphe. L’échofuneste de ces clameurs courut tout le long de la multitude.

Christian Ivanovitch et André Philippovitch prirent M.Goliadkine chacun par un bras et se mirent à le hisser dans lavoiture. Suivant sa lâche habitude, son sosie le poussait parderrière. Pour la dernière fois, l’infortuné M. Goliadkine seretourna et parcourut du regard l’assistance. Il frissonnait detous ses membres comme un petit chat sur lequel on jurait versé ungrand broc d’eau froide – si on veut bien nous permettre cettecomparaison. Il monta dans la voiture. Christian Ivanovitch lesuivit aussitôt. On ferma la portière. On entendit le bruit dufouet sur les flancs des chevaux qui démarrèrent entraînantl’équipage… Tout le monde se précipita derrière la voiture.

Les cris frénétiques de tous ses ennemis accompagnèrent sondépart.

Pendant quelques instants encore il parvint à distinguerquelques visages autour des portières de la voiture quil’emportait.

Mais, petit à petit, ses ennemis furent distancés. Bientôt il neles vit plus. L’indigne sosie de M. Goliadkine fut celui qui restale plus longtemps dans leur sillage. Les mains dans les poches despantalons verts de son uniforme, il courait, le visage radieux. Ilbondissait tantôt à droite, tantôt à gauche de la voiture. Àplusieurs reprises, il s’accrocha à la voiture et envoya en guised’adieu, des baisers aériens à son infortuné ami.

Mais la fatigue prit le dessus. Ses apparitions devinrent plusrares et bientôt il disparut complètement.

Une sourde douleur tenaillait le cœur de M. Goliadkine. Son sangen ébullition battait à ses tempes. Il suffoquait. Il eût aimé sedéboutonner, mettre à nu sa poitrine, la frotter de neige,l’arroser d’eau fraîche. Bientôt il sombra dans l’inconscience laplus complète… Quand il revint à lui, il constata que la voitureroulait sur une route qu’il ne connaissait pas. À droite et àgauche il vit des bois. La campagne était déserte et aride…Soudain, il défaillit en voyant deux yeux de flamme qui le fixaientdans l’obscurité, deux yeux qui étincelaient d’une joie infernaleet funeste.

« Ce n’est pas Christian Ivanovitch. Qui est-ce ? Est-celui ? Lui ? Non, c’est Christian Ivanovitch, mais c’estun autre Christian Ivanovitch. C’est un Christian Ivanovitcheffrayant…

– Christian Ivanovitch, je n’ai rien fait, il me semble…Christian Ivanovitch, commença notre héros d’une voix timide etchevrotante, cherchant à adoucir, par sa docilité et son humilité,le cœur du terrible médecin.

– Vous aurez droit à un logement gratis, avec chauffage,éclairage et service, ce que vous ne méritez pas, fit ChristianIvanovitch.

Sa réponse sévère sonna comme un verdict impitoyable auxoreilles de notre héros. M. Goliadkine poussa un cri et saisit satête dans ses mains. Hélas, depuis longtemps il avait pressentitout cela.

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