Les Mystères du peuple – Tome IX

Chapitre 4POITIERS

Jeanne à Poitiers. – La reine Yolande de Sicile etle conseil de matrones. – L’examen. – L’évêque de Chartres. –Maître Éraut et François Garivel, conseillers du roi. – GuillaumeAymeri, frère prêcheur. – Pierre Seguin, carmélite. – Réponsesde la Pucelle. – Salettre aux Anglais. – Départ pour Orléans.

 

Jeanne, à son arrivée à Poitiers, où siégeaitle parlement, demeura chez maître Jean Rabateau, et futconfiée à sa femme, bonne et digne personne, qu’elle charma par sapiété, son innocence et sa douceur ; elle partagea le lit deson hôtesse, pleura toute la nuit en pensant à l’injurieux etimpudique examen qu’elle devait subir le lendemain, en présence dela reine Yolande de Sicile et de plusieurs autres nobles dames,parmi lesquelles se trouvait la dame de Gaucourt. Son mari, dévouéaux perfides projets de Georges de La Trémouille, avait obtenuqu’elle fût comprise au nombre des femmes chargées de constater lavirginité de Jeanne ; il espérait ainsi être certainement despremiers instruits du résultat de l’épreuve.

Elle eut lieu cette épreuve infâme !…Aucun doute ne resta sur la pureté de Jeanne…

Ah ! c’est la rougeur au visage,l’indignation au cœur, les larmes aux yeux, que j’écris ces lignes,fils de Joel !… Hélas ! pensez à la honte mortelle, àl’affliction douloureuse de la chaste fille des champs, soumise àcet outrageant examen !… elle dont l’une des plus saillantesvertus était une pudeur exquise !…

……  … . .

Bon nombre de conseillers royaux ou membres duparlement, assistés de plusieurs clercs en théologie, entre autresFRÈRE SÉGUIN, de l’ordre des carmélites, FRÈRE AYMERI, de l’ordredes prêcheurs, MAÎTRE ÉRAUT et MAÎTRE FRANÇOIS GARIVEL, conseillersdu roi, se rendirent, vers le milieu du jour, au logis de JeanRabateau, afin de procéder à l’interrogatoire de Jeanne ; elleles attendait, toujours vêtue de ses habits d’homme.

Figurez-vous, fils de Joel, une vaste sallebasse, en son milieu une table, autour de laquelle se rangent ceshommes appelés à constater que la Pucelle est ou n’est pas possédéedu malin esprit. Les uns sont en froc brun ou en robe blanche àcapuce noire ; d’autres en robes rouges fourrées d’hermine.Leur aspect est défiant, ironique ou sévère. Ils ont été choisis àdessein par l’évêque de Chartres ; il les préside en saqualité de chancelier de France ; ce saint homme, âme damnéede Georges de La Trémouille, a vu avec un secret dépit la pureté deJeanne reconnue par le concile de matrones ; mais, malgré cepremier échec aux méchants desseins dont il est complice, il espèreque la pauvre paysanne, troublée à l’aspect imposant du docte etredoutable tribunal, abasourdie de subtiles ou insidieusesquestions sur les matières théologiques les plus ardues, secompromettra, se perdra par ses réponses. Plusieurs courtisans,ayant foi dans la mission de la jeune inspirée, l’ont suivie àPoitiers, afin d’assister à son interrogatoire ; ils sepressent à l’entrée de la salle.

Jeanne est introduite ; elle s’avance,pâle, triste, les yeux baissés. Telle est sa délicate et fièresusceptibilité, qu’à la vue de ces conseillers, de ces prêtres, deces hommes, instruits de l’humiliant examen qu’elle vientde subir, Jeanne, quoique sa pureté virginale ait été constatée, sesent presque autant confuse que si on l’eût déclarée impure !pour une âme aussi chaste, aussi élevée que la sienne, l’ombre d’unsoupçon, même évanoui, devient un irréparable outrage !Cependant, elle domine sa confusion, invoque l’appui de ses bonnessaintes ; et il lui semble entendre leur voix mystérieusemurmurer doucement à son oreille :

« – Va, fille de Dieu ! ne crainsrien, le Seigneur est avec toi… Réponds sincèrement,hardiment ; tu sortiras triomphante de cette nouvelleépreuve… »

L’ÉVÊQUE DE CHARTRES fait signe à Jeanne des’approcher de la table, et lui dit d’une voix grave, presquemenaçante : – Jeanne, nous sommes envoyés de par le roi pourt’examiner et t’interroger… n’espère pas nous abuser par desmensonges.

JEANNE. – Je n’ai jamais menti !… je vousrépondrai… Mais vous êtes de savants clercs, moi, je ne sais ni Ani B… je ne puis vous dire autre chose, sinon que j’ai mission deDieu de faire lever le siège d’Orléans[52]…

FRÈRE SÉGUIN, aigrement. – Tuprétends que le Seigneur Dieu t’envoie devers le roi ?… L’onne doit point te croire ; les saintes Écritures défendentd’ajouter foi aux paroles des personnes qui se disent inspiréesd’en haut, si elles ne donnent un signe certain de la divinité deleur mission… Or, quel signe peux-tu donner de la tienne ?

JEANNE. – Les signes que je donnerai serontmes actes.

MAÎTRE ÉRAUT. – Quels seront cesactes ?

JEANNE. – Ceux que je dois accomplir par lavolonté de Dieu.

FRANÇOIS GARIVEL. – Mais, enfin, quelssont-ils, ces actes ?

JEANNE. – Ils sont au nombre de trois.

FRÈRE SÉGUIN. – Quel est le premier ?

JEANNE. – La levée du siège d’Orléans ;après quoi je chasserai les Anglais de la Gaule.

MAÎTRE ÉRAUT. – Ensuite ?

JEANNE. – Je ferai sacrer le dauphin àReims.

FRÈRE SÉGUIN. – Et puis ?

JEANNE. – Je rendrai Paris au roi.

Les membres du tribunal, malgré leurspréventions ou leur mauvais vouloir contre Jeanne, qu’ils voientpour la première fois, sont non moins frappés de sa beauté, de sonattitude, que de la précision de ses réponses, empreintes d’unirrésistible accent de conviction ; l’auditoire, composé despartisans de Jeanne, parmi lesquels se trouve Jean de Novelpont,témoigne par un murmure approbateur l’impression de plus en plusfavorable que leur causent les paroles de la jeune fille ;certains membres du tribunal paraissent aussi ressentir pour elleun intérêt croissant. L’évêque de Chartres, alarmé de cessymptômes, s’adressant à Jeanne presque avec colère, luidit :

– Tu promets de faire lever le sièged’Orléans ? de chasser les Anglais de la Gaule ? de fairesacrer le roi à Reims et de lui rendre Paris ? Ce sont là devains mots !… Nous ne te croirons pas, si tu ne nous donnes unsigne prouvant que tu es véritablement inspirée de Dieu etchoisie par lui pour accomplir ces choses…

JEANNE, avec impatience. – Encore unefois, je ne suis pas venue à Poitiers pour faire montre designes ! Donnez-moi des gens d’armes, conduisez-moi devantOrléans ; le siège sera bientôt levé et les Anglais chassés duroyaume. Tel sera le signe de ma mission… Si vous ne mecroyez pas, venez guerroyer à mes côtés ; vous verrez si, Dieuaidant, je ne tiens pas ma promesse !

MAÎTRE ÉRAUT. – Ma mie, ton assurance estgrande ; où la puises-tu ?

JEANNE. – Dans ma confiance à la voix de meschères saintes ; elles me conseillent et m’inspirent au nom deDieu !

FRÈRE SÉGUIN, brusquement. – Tuparles de Dieu… y crois-tu seulement ?

JEANNE. – J’y crois plus que vous, quisupposez que l’on peut n’y pas croire !…

FRÈRE AYMERI, avec un accent limousintrès-grotesque. – Tu dis, Jeanne, que des voix te conseillentau nom de Dieu ? En quelle langue te parlent cesvoix ?

JEANNE, souriant à demi. – Dans unelangue meilleure que la vôtre, messire[53]…

Cette plaisante et fine repartie fait éclaterde rire les partisans de Jeanne, hilarité partagée par plusieursmembres du tribunal ; ils commencent à penser que, malgré labassesse de sa condition, la gardeuse de bétail n’est point unecréature vulgaire. Quelques-uns voient en elle une inspirée ;d’autres, moins crédules, se disent que, grâce à sa beauté, à sonesprit, à sa vaillante résolution, elle pourrait, en l’étatdésespéré des choses, devenir un instrument précieux pour laguerre ; enfin, ils songent que déclarer Jeanne possédée dudémon, et repousser ainsi l’aide inattendu qu’elle apporte au roi,serait les exposer à de graves reproches de la part des partisansde Jeanne témoins de son interrogatoire, reproches bientôtaccueillis, répétés par la clameur publique. L’évêque de Chartres,complice de La Trémouille et de Gaucourt, pénètre facilement lesdispositions du tribunal, et, de plus en plus courroucé, s’écrie,s’adressant à ceux qui l’assistent comme juges : – Messires,les saints canons nous défendent d’ajouter foi aux paroles de cettefille ; et les saints canons sont notre livre ànous !

JEANNE, redressant fièrement la tête.– Et moi, je vous dis que le livre du Seigneur qui m’inspire vautmieux que les vôtres ! et dans ce livre-là, nul prêtre, sisavant qu’il soit, ne saurait lire !…

MAÎTRE ÉRAUT. – La religion défend aux femmesde porter des habits d’homme, sous peine de péché mortel ;pourquoi les avez-vous revêtus ?

JEANNE. – Il me faut bien prendre des habitsd’homme, puisque je dois guerroyer avec des hommes jusqu’à la finde ma mission ; ils n’auront ainsi aucune mauvaise penséecontre moi.

MAÎTRE FRANÇOIS GARIVEL. – Ainsi, vous, unefemme, vous ne craindrez pas de répandre le sang, enbataillant ?

JEANNE, avec une douceur angélique. –Dieu me préserve de répandre le sang !… j’ai horreur dusang !… Je ne veux tuer personne ; je ne porterai à laguerre qu’un bâton ou un étendard, pour guider les gens d’armes… jelaisserai toujours mon épée au fourreau.

MAÎTRE ÉRAUT. – En supposant que notreassemblée déclare au roi, notre sire, qu’il peut, en sûreté deconscience, vous confier des hommes d’armes afin que vous tentiezde faire lever le siège d’Orléans, quels moyens emploieriez-vouspour arriver à ce but ?

JEANNE. – Afin d’éviter, s’il est possible,l’effusion du sang, je sommerai d’abord les Anglais, de par Dieuqui m’envoie, de lever le siège d’Orléans et de retourner dans leurpays ; s’ils refusent d’obéir à ma lettre, je marcherai contreeux à la tête de l’armée royale, et, avec l’aide du ciel, je lesbouterai hors de la Gaule !…

L’ÉVÊQUE DE CHARTRES, avec dédain. –Tu veux écrire aux Anglais, et tu viens de nous dire que tu nesavais ni A ni B ?

JEANNE. – Je ne sais écrire, mais je sauraisdicter.

L’ÉVÊQUE DE CHARTRES. – Je te prends au mot.Voici des plumes, un parchemin ; je serai ton secrétaire…Voyons, dicte-moi ta lettre aux Anglais ; ce sera, sur ma foi,d’un beau style !

Un grand silence se fait. L’évêque,triomphant, prend la plume, croyant avoir tendu un piège dangereuxà la pauvre fille des champs, incapable, selon lui, de dicter unelettre à la hauteur des circonstances ; les partisans deJeanne eux-mêmes, quoique très-irrités du mauvais vouloir del’évêque contre elle, craignent de la voir succomber à cettenouvelle épreuve.

L’ÉVÊQUE DE CHARTRES, ironiquement. –Allons, Jeanne, me voici prêt à écrire sous ta dictée…

JEANNE. – Écrivez, messire.

Et la Pucelle dicte d’une voix douce et fermela lettre suivante :

« Au nom de JÉSUS et de MARIE,

» Roi d’Angleterre, faites raison au roidu ciel, remettez à Jeanne les clés de toutes les bonnes villes quevous avez forcées ; elle vient, de par Dieu, vous les réclamerau nom du roi Charles ; elle est prête à vous accorder la paixsi vous voulez sortir de France.

» Roi d’Angleterre, si vous n’agissezpoint ainsi que je vous en prie, moi, Jeanne, chef de guerre,partout j’atteindrai vos gens, je les chasserai, qu’ils leveuillent ou non ; s’ils se rendent à merci, je les recevrai àmiséricorde ; sinon, je leur causerai si grand dommage, quedepuis mille ans, en France, on n’aura rien vu de pareil !

» Vous, archers et autres compagnonsd’armes qui êtes devant Orléans, allez-vous-en, de par Dieu, enAngleterre, votre pays ; sinon, craignez Jeanne ; vousvous souviendrez de votre défaite !… Vous ne garderez pas laFrance ; elle sera au roi Charles, à qui Dieu l’adonnée !… »

Jeanne s’interrompt de dicter, et, s’adressantà l’évêque de Chartres, stupéfait de la mâle simplicité de lalettre qu’il était, à son grand dépit, obligé d’écrire :

– Messire, quels sont les noms desprincipaux capitaines d’Angleterre ?

L’ÉVÊQUE DE CHARTRES. – Le comte de Suffolk,le sire de Talbot et le chevalier Thomas d’Escall, lieutenants duduc de Bedford, régent pour le roi d’Angleterre.

JEANNE. – Écrivez, messire.

Et elle achève ainsi la dictée de lalettre :

« Comte de Suffolk, sire de Talbot,chevalier Thomas d’Escall, vous tous lieutenants du duc de Bedford,se disant régent du royaume de France pour le roid’Angleterre, faites réponse ! Voulez-vous lever le sièged’Orléans ? voulez-vous cesser les grandes cruautés dont vousaccablez les pauvres gens du pays de France ? Si vous refusezla paix dont Jeanne vous requiert, vous garderez navrante mémoirede votre déroute ; l’on verra les plus beaux faits d’armes quioncques furent accomplis en la chrétienté par les Français !l’on verra qui aura raison de vous… ou du ciel…

» Écrit le mardi de la grande semaine de Pâques de l’an1429[54]. »

JEANNE, s’adressant à l’évêque deChartres, après avoir dicté. – Messire, signez pour moi, s’ilvous plaît, mon nom au bas de cette lettre ; je ferai ma croixen Dieu à côté de la signature, puisque je ne sais point écrire, etmettez dessus le parchemin pour envoi :

Au duc de Bedford, QUI SE DITrégent du royaume de France pour le roi d’Angleterre.

Les partisans de Jeanne, les membres dutribunal, l’évêque de Chartres lui-même, pouvaient à peine encroire leurs oreilles : une pauvre fille des champs, venuedepuis peu du fond de la Lorraine, tenir dans cette lettre unlangage à la fois si net, si fier, si sensé… cela touchait aumiracle !

Oui, miracle de courage ! miracle deraison ! miracle de patriotisme ! aisément accomplis parJeanne, grâce à son intelligence supérieure et à sa confiance dansson génie militaire, dont elle commençait à avoir conscience, grâceà sa foi dans l’appui du ciel, que lui promettaient ses voixmystérieuses, grâce enfin à sa ferme résolution d’agirvaleureusement, selon ce proverbe, qu’elle se plaisait àrépéter : Aide-toi… le ciel t’aidera !

La déclaration du tribunal, au secret courrouxde l’évêque de Chartres, ne fut pas douteuse ; il déclara quela virginité de Jeanne ayant été constatée, le démon ne pouvaitposséder ni son corps, ni son âme ; qu’elle paraissaitinspirée de Dieu, et que l’énormité des malheurs publics autorisaitle roi à user, en pleine sécurité de conscience, d’un secoursinattendu et sans doute providentiel… Charles VII, malgré sahonteuse indolence, malgré l’opposition de Georges de LaTrémouille, et de crainte d’exaspérer l’opinion publique, de plusen plus prononcée en faveur de Jeanne, Charles VII se vitobligé d’accepter l’aide de la paysanne de Domrémy, contre laquelleil maugréait et endiablait ; la croyant peu ou prou inspiréede Dieu, il songeait surtout avec effroi aux agitations, aux soucisque devait lui susciter cette vaillante et chaude reprised’hostilités contre les Anglais, l’ignoble placidité de sa vieserait désormais troublée. Qui sait ? il serait peut-êtrecontraint, par la force des choses, de se montrer à la tête de sestroupes, de chevaucher par monts et par vaux, d’endurer quelquesfatigues, de braver quelque péril ! lui, ce couard énervé quiaspirait à une somptueuse captivité en Angleterre, où, à l’exemplede son aïeul le roi Jean, il pourrait sans souci achever ses joursdans les délices de la paresse, de la bonne chère et de ladébauche ! Mais il lui fallut céder au courant del’enthousiasme produit par la présence et par les promesseslibératrices de Jeanne-la-Pucelle ; il fut décidé qu’elle serendrait à Blois, et de là dans la cité d’Orléans, où elleaviserait à la levée du siège de cette ville, en conférant à cesujet avec Dunois, La Hire, Xaintrailles et autrescapitaines de grand renom. On attacha au service de la Pucelle unécuyer nommé Daulon, et un jeune page de quinze ans du nomd’Imerguet ; elle eut des chevaux de bataille, desvalets pour les soigner. L’on fit forger une armure à laguerrière ; elle demanda, en souvenir de la prédiction deMERLIN, que cette armure fût de couleur blanche, comme l’un de sescoursiers, comme son pennon et son étendard, où elle fit peindredeux anges aux ailes d’azur tenant à la main un rameau de lisfleuris. Georges de la Trémouille et ses deux complices, l’évêquede Chartres et le sire de Gaucourt, furieux de n’avoir pu fairetomber Jeanne dans leurs pièges, poursuivirent leur œuvre deténèbres avec un féroce acharnement ; il fut convenu entreeux, selon leur plan projeté depuis longtemps, que Gaucourtobtiendrait (il l’obtint) de Charles VII le commandement de laville d’Orléans. Les trois complices espéraient ainsi entraver,ruiner les opérations militaires de la Pucelle, l’exposer à unpremier échec qui la perdrait à jamais, ou la laisser prisonnièredes Anglais à la faveur d’une sortie, en abandonnant la guerrièreau plus fort du danger.

Le jeudi 28 avril 1429, Jeanne Darcpartit de Chinon pour Blois, où elle devait se rencontrer avecDunois et le maréchal de Retz avant de se rendre à Orléans, elle semit en route, se rappelant le combat enfantin des garçonnets deMaxey contre ceux de Domrémy, combat où, pour la première fois,elle avait vaguement ressenti sa vocation guerrière, songeant aussià ce passage de la prédiction de MERLIN, le bardegaulois :

« – Je vois un ange aux ailes d’azur,éclatant de lumière ; il tient en ses mains une couronneroyale.

» – Je vois un cheval de guerre aussiblanc que la neige.

» – Je vois une armure de bataille aussibrillante que de l’argent.

» – Pour qui cette couronne royale ?ce cheval ? cette armure ?

» – La Gaule, perdue par une femme, serasauvée par une vierge des marches de la Lorraine et d’un boischesnu venue.

*

**

» – Pour qui cette couronne royale ?ce cheval ? cette armure ?

» – Oh ! que je vois de sang !il jaillit, il coule à torrents ! oh ! que je vois desang ! que je vois de sang !

» – Il fume… sa vapeur monte… monte commeun brouillard d’automne vers le ciel, où gronde la foudre, où luitl’éclair !

» – À travers ces foudres, ces éclairs,ce brouillard sanglant, je vois une vierge guerrière ; blancheest son armure, blanc est son coursier.

» – Elle bataille… bataille… et batailleencore au milieu d’une forêt de lances, et semble chevaucher sur ledos des archers. »

» – Ce cheval de guerre aussi blanc quela neige était pour la vierge guerrière ; pour elle étaitl’armure de bataille aussi brillante que de l’argent.

» – Mais pour qui la couronneroyale ?

» – La Gaule, perdue par une femme, serasauvée par une vierge des marches de la Lorraine et d’un boischesnu venue… »

*

**

Écoutez, fils de Joel, écoutez cette légendede la plébéienne catholique et royaliste : – Charles VIIdevait sa couronne à Jeanne Darc… il l’a honteusement reniée,lâchement délaissée. – Chaque jour elle s’agenouillait pieusementdevant les prêtres catholiques… leurs évêques l’ont brûléevive ! – La couardise de la chevalerie avait donné la Gauleaux Anglais ; – le patriotisme de Jeanne, son génie militaire,triomphent enfin de l’étranger… elle est poursuivie, trahie, livréepar la haineuse envie des chevaliers. – Pauvre plébéienne ! –L’implacable jalousie des capitaines et des courtisans, –l’ingratitude royale, – la férocité cléricale, ont fait tonmartyre ! – Sois bénie à travers les âges, ô viergeguerrière ! sainte fille de la mère-patrie ! – Écoutez,fils de Joel, écoutez cette légende, et jugez à l’œuvre : gensde cour, gens de guerre, gens d’église et royauté !

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