Les Quarante-cinq – Tome II

LXIII – Ce que faisait en Flandremonseigneur François de Flandre, duc d’Anjou et de Brabant, comtede Flandre

Maintenant, il faut que nos lecteurs nouspermettent d’abandonner le roi au Louvre, Henri de Navarre àCahors, Chicot sur la grande route, et la dame de Monsoreau dans larue, pour aller trouver en Flandre monseigneur le duc d’Anjou, toutrécemment nommé duc de Brabant, et au secours duquel nous avons vus’avancer le grand amiral de France, Anne Daigues, duc deJoyeuse.

À quatre-vingts lieues de Paris, vers le nord,le bruit des voix françaises et le drapeau de France flottaient surun camp français aux rives de l’Escaut.

C’était la nuit : des feux disposés en uncercle immense bordaient le fleuve si large devant Anvers, et sereflétaient dans ses eaux profondes.

La solitude habituelle des polders à la sombreverdure était troublée par le hennissement des chevauxfrançais.

Du haut des remparts de la ville, lessentinelles voyaient reluire, au feu des bivouacs, le mousquet dessentinelles françaises, éclair fugitif et lointain que la largeurdu fleuve jeté entre cette armée et la ville rendait aussiinoffensif que ces éclairs de chaleur qui brillent à l’horizon parun beau soir d’été.

Cette armée était celle du duc d’Anjou.

Ce qu’elle était venue faire là, il faut bienque nous le racontions à nos lecteurs. Ce ne sera peut-être pasbien amusant, mais ils nous pardonneront en faveur de l’avis :tant de gens sont ennuyeux sans prévenir !

Ceux de nos lecteurs qui ont bien voulu perdreleur temps à feuilleter la Reine Margot et la Dame deMonsoreau, connaissent déjà M. le duc d’Anjou, ce princejaloux, égoïste, ambitieux et impatient, qui, né si près du trônedont chaque événement semblait le rapprocher, n’avait jamais puattendre avec résignation que la mort lui fît un chemin libre.

Ainsi l’avait-on vu d’abord désirer le trônede Navarre sous Charles IX, puis celui de Charles IX lui-même,enfin celui de France occupé par son frère, Henri, ex-roi dePologne, lequel avait porté deux couronnes, à la jalousie de sonfrère qui n’avait jamais pu en attraper une.

Un instant alors il avait tourné les yeux versl’Angleterre, gouvernée par une femme, et pour avoir le trône, ilavait demandé à épouser la femme, quoique cette femme s’appelâtÉlisabeth et eût vingt ans de plus que lui.

Sur ce point, la destinée avait commencé delui sourire, si toutefois c’eût été un sourire de la fortune, qued’épouser l’altière fille de Henri VIII. Celui qui, toute sa vie,dans ses désirs hâtifs, n’avait pu réussir même à défendre saliberté ; qui avait vu tuer, fait tuer peut-être, ses favorisLa Mole et Coconnas, et sacrifié lâchement Bussy, le plus brave deses gentilshommes : le tout sans profit pour son élévation etavec grand dommage pour sa gloire, ce répudié de la fortune sevoyait tout à la fois accablé des faveurs d’une grande reine,inaccessible jusque-là à tout regard mortel, et porté par tout unpeuple à la première dignité que ce peuple pouvait conférer.

Les Flandres lui offraient une couronne, etÉlisabeth lui avait donné son anneau.

Nous n’avons pas la prétention d’êtrehistorien ; si nous le devenons parfois, c’est quand parhasard l’histoire descend au niveau du roman, ou, mieux encore,quand le roman monte à la hauteur de l’histoire ; c’est alorsque nous plongeons nos regards curieux dans l’existence princièredu duc d’Anjou, laquelle ayant constamment côtoyé l’illustre chemindes royautés, est pleine de ces événements, tantôt sombres, tantôtéclatants, qu’on ne remarque d’habitude que dans les existencesroyales.

Traçons donc en quelques mots l’histoire decette existence.

Il avait vu son frère Henri III embarrassédans sa querelle avec les Guises et il s’était allié auxGuises ; mais bientôt il s’était aperçu que ceux-ci n’avaientd’autre but réel que celui de se substituer aux Valois sur le trônede France.

Il s’était alors séparé des Guises ;mais, comme on l’a vu, ce n’était pas sans quelque danger que cetteséparation avait eu lieu, et Salcède, roué en Grève, avait prouvél’importance que la susceptibilité de MM. de Lorraine attachait àl’amitié de M. d’Anjou.

En outre, depuis longtemps déjà, Henri IIIavait ouvert les yeux, et un an avant l’époque où cette histoirecommence, le duc d’Alençon, exilé ou à peu près, s’était retiré àAmboise.

C’est alors que les Flamands lui avaient tendules bras. Fatigués de la domination espagnole, décimés par leproconsulat du duc d’Albe, trompés par la fausse paix de don Juand’Autriche, qui avait profité de cette paix pour reprendre Namur etCharlemont, les Flamands avaient appelé à eux Guillaume de Nassau,prince d’Orange, et l’avaient fait gouverneur général duBrabant.

Un mot sur ce nouveau personnage, qui a tenuune si grande place dans l’histoire et qui ne fera qu’apparaîtrechez nous.

Guillaume de Nassau, prince d’Orange, avaitalors cinquante à cinquante et un ans ; fils de Guillaume deNassau, dit le Vieux, et de Julienne de Stolberg, cousin de ce Renéde Nassau tué au siège de Saint-Dizier, ayant hérité de son titrede prince d’Orange, il avait, tout jeune encore, nourri dans lesprincipes les plus sévères de la réforme, il avait, disons-nous,tout jeune encore, senti sa valeur et mesuré la grandeur de samission.

Cette mission, qu’il croyait avoir reçue duciel, à laquelle il fut fidèle toute sa vie, et pour laquelle ilmourut comme un martyr, fut de fonder la république de Hollande,qu’il fonda en effet.

Jeune, il avait été appelé par Charles-Quint àsa cour. Charles-Quint se connaissait en hommes ; il avaitjugé Guillaume, et souvent le vieil empereur, qui tenait alors danssa main le globe le plus pesant qu’ait jamais porté une mainimpériale, avait consulté l’enfant sur les matières les plusdélicates de la politique des Pays-Bas. Bien plus, le jeune hommeavait vingt-quatre ans à peine, quand Charles-Quint lui confia, enl’absence du fameux Philibert-Emmanuel de Savoie, le commandementde l’armée de Flandre. Guillaume s’était alors montré digne decette haute estime ; il avait tenu en échec le duc de Neverset Coligny, deux des plus grands capitaines du temps, et, sousleurs yeux, il avait fortifié Philippeville et Charlemont ; lejour où Charles-Quint abdiqua, ce fut sur Guillaume de Nassau qu’ils’appuya pour descendre les marches du trône, et ce fut lui qu’ilchargea de porter à Ferdinand la couronne impériale, queCharles-Quint venait de résigner volontairement.

Alors était venu Philippe II, et, malgré larecommandation de Charles-Quint à son fils, de regarder Guillaumecomme un frère, celui-ci avait bientôt senti que Philippe II étaitun de ces princes qui ne veulent pas avoir de famille. Alorss’était affermie en sa pensée cette grande idée del’affranchissement de la Hollande et de l’émancipation desFlandres, qu’il eût peut-être éternellement enfermée en son esprit,si le vieil empereur, son ami et son père, n’eût point eu cetteétrange idée de substituer la robe du moine au manteau royal. Alorsles Pays-Bas, sur la proposition de Guillaume, demandèrent lerenvoi des troupes étrangères ; alors commença cette lutteacharnée de l’Espagne, retenant la proie qui voulait luiéchapper ; alors passèrent sur ce malheureux peuple, toujoursfroissé entre la France et l’Empire, la vice-royauté de Marguerited’Autriche et le proconsulat sanglant du duc d’Albe ; alorss’organisa cette lutte à la fois politique et religieuse, dont laprotestation de l’hôtel de Culembourg, qui demandait l’abolition del’inquisition dans les Pays-Bas, fut le prétexte ; alorss’avança cette procession de quatre cents gentilshommes vêtus avecla plus grande simplicité, défilant deux à deux et venant apporterau pied du trône de la vice-gouvernante l’expression du désirgénéral, résumé dans cette protestation ; alors, et à la vuede ces gens si graves et si simplement vêtus, échappa à Barlaimont,un des conseillers de la duchesse, ce mot de gueux, qui,relevé par les gentilshommes flamands et accepté par eux, désignadès lors, dans les Pays-Bas, le parti patriote, qui, jusque-là,était sans appellation.

Ce fut à partir de ce moment que Guillaumecommença de jouer le rôle qui fit de lui un des plus grands acteurspolitiques qu’il y ait au monde. Constamment battu dans cette luttecontre l’écrasante puissance de Philippe II, il se relevaconstamment, et toujours plus fort après ses défaites, toujourslevant une nouvelle armée, qui remplace l’armée disparue, mise enfuite ou anéantie, il reparaît plus fort qu’avant sa défaite, ettoujours salué comme un libérateur.

C’est au milieu de ces alternatives detriomphes moraux et de défaites physiques, si cela peut se direainsi, que Guillaume apprit à Mons la nouvelle du massacre de laSaint-Barthélemy.

C’était une blessure terrible et qui allaitpresque au cœur des Pays-Bas ; la Hollande et cette portiondes Flandres qui était calviniste perdaient par cette blessure leplus brave sang de ses alliés naturels, les huguenots deFrance.

Guillaume répondit à cette nouvelle, d’abordpar la retraite, comme il avait l’habitude de le faire ; deMons où il était, il recula jusqu’au Rhin ; il attendit lesévénements.

Les événements font rarement faute aux noblescauses.

Une nouvelle à laquelle il était impossible des’attendre, se répandit tout à coup.

Quelques gueux de mer, il y avait des gueux demer et des gueux de terre, quelques gueux de mer, poussés par levent contraire dans le port de Brille, voyant qu’il n’y avait aucunmoyen pour eux de regagner la haute mer, se laissèrent aller à ladérive, et, poussés par le désespoir, ils prirent la ville quiavait déjà préparé ses potences pour les pendre.

La ville prise, ils chassèrent les garnisonsespagnoles des environs, et ne reconnaissant point parmi eux unhomme assez fort pour faire fructifier le succès qu’ils devaient auhasard, ils appelèrent le prince d’Orange ; Guillaumeaccourut ; il fallait frapper un grand coup ; il fallait,en compromettant toute la Hollande, rendre à tout jamais impossibleune réconciliation avec l’Espagne.

Guillaume fit rendre une ordonnance quiproscrivait de Hollande le culte catholique, comme le culteprotestant était proscrit en France.

À ce manifeste, la guerre recommença : leduc d’Albe envoya contre les révoltés son propre fils, Frédéric deTolède, qui leur prit Zutphen, Narden et Harlem, mais cet échec,loin d’abattre les Hollandais, sembla leur avoir donné une nouvelleforce : tout se souleva ; tout prit les armes, depuis leZuyderzée jusqu’à l’Escaut ; l’Espagne eut peur un instant,rappela le duc d’Albe, et lui donna pour successeur don Louis deRequesens, l’un des vainqueurs de Lépante.

Alors s’ouvrit pour Guillaume une nouvellesérie de malheurs : Ludovic et Henri de Nassau, qui amenaientun secours au prince d’Orange, furent surpris par un deslieutenants de don Louis, près de Nimègue, défaits et tués ;les Espagnols pénétrèrent en Hollande, mirent le siège devant Leydeet pillèrent Anvers.

Tout était désespéré, quand le ciel vint uneseconde fois au secours de la république naissante. Requesensmourut à Bruxelles.

Ce fut alors que toutes les provinces, réuniespar un seul intérêt, dressèrent d’un commun accord et signèrent, le8 novembre 1576, c’est-à-dire quatre jours après le sac d’Anvers,le traité connu sous le nom de paix de Gand, par lequel elless’engageaient à s’entr’aider à délivrer le pays de la servitude desEspagnols et des autres étrangers.

Don Juan reparut, et avec lui la mauvaisefortune des Pays-Bas. En moins de deux mois, Namur et Charlemontfurent pris.

Les Flamands répondirent à ces deux échecs ennommant le prince d’Orange gouverneur général du Brabant.

Don Juan mourut à son tour. Décidément Dieu seprononçait en faveur de la liberté des Pays-Bas. Alexandre Farnèselui succéda.

C’était un prince habile, charmant de façons,doux et fort en même temps, grand politique, bon général ; laFlandre tressaillit en entendant pour la première fois cettemielleuse voix italienne l’appeler amie, au lieu de la traiter enrebelle.

Guillaume comprit que Farnèse ferait plus pourl’Espagne avec ses promesses que le duc d’Albe avec sessupplices.

Il fit signer aux provinces, le 29 janvier1579, l’union d’Utrecht, qui fut la base fondamentale du droitpublic de la Hollande.

Ce fut alors que, craignant de ne pouvoirexécuter seul ce plan d’affranchissement pour lequel il luttaitdepuis quinze ans, il fit proposer au duc d’Anjou la souverainetédes Pays-Bas, sous la condition qu’il respecterait les privilègesdes Hollandais et des Flamands et respecterait leur liberté deconscience.

C’était un coup terrible porté à Philippe II.Il y répondit en mettant à prix à 25,000 écus la tête deGuillaume.

Les États assemblés à la Haye déclarèrentalors Philippe II déchu de la souveraineté des Pays-Bas, etordonnèrent que dorénavant le serment de fidélité leur fût prêté àeux, au lieu d’être prêté au roi d’Espagne.

Ce fut en ce moment que le duc d’Anjou entraen Belgique et y fut reçu par les Flamands avec la défiance dontils accompagnaient tous les étrangers. Mais l’appui de la Francepromis par le prince français leur était trop important pour qu’ilsne lui fissent pas, en apparence au moins, bon et respectueuxaccueil.

Cependant la promesse de Philippe II portaitses fruits. Au milieu des fêtes de sa réception, un coup depistolet partit aux côtés du prince d’Orange ; Guillaumechancela : on le crut blessé à mort ; mais la Hollandeavait encore besoin de lui.

La balle de l’assassin avait seulementtraversé les deux joues. Celui qui avait tiré le coup, c’était JeanJaureguy, le précurseur de Balthasar Gérard, comme Jean Chateldevait être le précurseur de Ravaillac.

De tous ces événements il était resté àGuillaume une sombre tristesse qu’éclairait rarement un sourirepensif. Flamands et Hollandais respectaient ce rêveur, comme ilseussent respecté un Dieu, car ils sentaient qu’en lui, en lui seul,était tout leur avenir ; et quand ils le voyaient s’avancer,enveloppé dans son large manteau, le front voilé par l’ombre de sonfeutre, le coude dans sa main gauche, le menton dans sa maindroite, les hommes se rangeaient pour lui faire place, et lesmères, avec une certaine superstition religieuse, le montraient àleurs enfants en leur disant :

– Regarde, mon fils, voilà leTaciturne.

Les Flamands, sur la proposition de Guillaume,avaient donc élu François de Valois duc de Brabant, comte deFlandre, c’est-à-dire prince souverain.

Ce qui n’empêchait pas, bien au contraire,Élisabeth de lui laisser espérer sa main. Elle voyait dans cettealliance un moyen de réunir aux calvinistes d’Angleterre ceux deFlandre et de France : la sage Élisabeth rêvait peut-être unetriple couronne.

Le prince d’Orange favorisait en apparence leduc d’Anjou, lui faisant un manteau provisoire de sa popularité,quitte à lui reprendre le manteau quand il croirait le temps venude se débarrasser du pouvoir français, comme il s’était débarrasséde la tyrannie espagnole.

Mais cet allié hypocrite était plus redoutablepour le duc d’Anjou qu’un ennemi ; il paralysait l’exécutionde tous les plans qui eussent pu lui donner un trop grand pouvoirou une trop haute influence dans les Flandres.

Philippe II, en voyant cette entrée d’unprince français à Bruxelles, avait sommé le duc de Guise de venir àson aide, et cette aide, il la réclamait au nom d’un traité faitautrefois entre don Juan d’Autriche et Henri de Guise.

Les deux jeunes héros, qui étaient à peu prèsdu même âge, s’étaient devinés, et, en se rencontrant et associantleurs ambitions, ils s’étaient engagés à se conquérir chacun unroyaume.

Lorsqu’à la mort de son frère redouté,Philippe II trouva dans les papiers du jeune prince le traité signépar Henri de Guise, il ne parut pas en prendre ombrage. D’ailleursà quoi bon s’inquiéter de l’ambition d’un mort ? La tomben’enfermait-elle pas l’épée qui pouvait vivifier lalettre ?

Seulement un roi de la force de Philippe II,et qui savait de quelle importance en politique peuvent être deuxlignes écrites par certaines mains, ne devait pas laisser croupirdans une collection de manuscrits et d’autographes, attrait desvisiteurs de l’Escurial, la signature de Henri de Guise, signaturequi commençait à prendre tant de crédit parmi ces trafiquants deroyauté, qu’on appelait les Orange, les Valois, les Hapsbourg etles Tudor.

Philippe II engagea donc le duc de Guise àcontinuer avec lui le traité fait avec don Juan ; traité dontla teneur était que le Lorrain soutiendrait l’Espagnol dans lapossession des Flandres, tandis que l’Espagnol aiderait le Lorrainà mener à bonne fin le conseil héréditaire que le cardinal avaitjadis entré dans sa maison.

Ce conseil héréditaire n’était autre chose quede ne point suspendre un instant le travail éternel qui devaitconduire, un beau jour, les travailleurs à l’usurpation du royaumede France.

Guise acquiesça ; il ne pouvait guèrefaire autrement ; Philippe II menaçait d’envoyer un double dutraité à Henri de France, et c’est alors que l’Espagnol et leLorrain avaient déchaîné contre le duc d’Anjou, vainqueur et roidans les Flandres, Salcède, Espagnol, et appartenant à la maison deLorraine, pour l’assassiner.

En effet un assassinat terminait tout à lasatisfaction de l’Espagnol et du Lorrain.

Le duc d’Anjou mort, plus de prétendant autrône de Flandre, plus de successeur à la couronne de France.

Restait bien le prince d’Orange ; mais,comme on le sait déjà, Philippe II tenait tout prêt un autreSalcède qui s’appelait Jean Jaureguy.

Salcède fut pris et écartelé en place deGrève, sans avoir pu mettre son projet à exécution.

Jean Jaureguy blessa grièvement le princed’Orange, mais enfin il ne fit que le blesser.

Le duc d’Anjou et le Taciturne restaient donctoujours debout, bons amis en apparence, rivaux plus mortels enréalité que ne l’étaient ceux mêmes qui voulaient les faireassassiner.

Comme nous l’avons dit, le duc d’Anjou avaitété reçu avec défiance. Bruxelles lui avait ouvert ses portes, maisBruxelles n’était ni la Flandre ni le Brabant ; il avait donccommencé, soit par persuasion, soit par force, à s’avancer dans lesPays-Bas, à y prendre, ville par ville, pièce par pièce, sonroyaume récalcitrant ; et, sur le conseil du prince d’Orange,qui connaissait la susceptibilité flamande, à manger feuille àfeuille, comme eût dit César Borgia, le savoureux artichaut deFlandre.

Les Flamands, de leur côté, ne se défendaientpas trop brutalement ; ils sentaient que le duc d’Anjou lesdéfendait victorieusement contre les Espagnols ; ils sehâtaient lentement d’accepter leur libérateur, mais enfin ilsl’acceptaient.

François s’impatientait et frappait du pied envoyant qu’il n’avançait que pas à pas.

– Ces peuples sont lents et timides,disaient à François ses bons amis, attendez.

– Ces peuples sont traîtres etchangeants, disait au prince le Taciturne, forcez.

Il en résultait que le duc, à qui sonamour-propre naturel exagérait encore la lenteur des Flamands commeune défaite, se mit à prendre de force les villes qui ne selivraient point aussi spontanément qu’il eût désiré.

C’est là que l’attendaient, veillant l’un surl’autre, son allié, le Taciturne, prince d’Orange ; son ennemile plus sombre, Philippe II.

Après quelques succès, le duc d’Anjou étaitdonc venu camper devant Anvers, pour forcer cette ville, que le ducd’Albe, Requesens, don Juan, et le duc de Parme avaient tour à tourcourbée sous leur joug, sans l’épuiser jamais, sans la façonner àl’esclavage un instant.

Anvers avait appelé le duc d’Anjou à sonsecours contre Alexandre Farnèse ; lorsque le duc d’Anjou, àson tour, voulut entrer dans Anvers, Anvers tourna ses canonscontre lui.

Voilà dans quelle position s’était placéFrançois de France, au moment où nous le retrouvons dans cettehistoire, le surlendemain du jour où l’avaient rejoint Joyeuse etsa flotte.

FIN DE LA DEUXIÈME PARTIE

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