Les Veillées du hameau près de Dikanka – Tome I

IX

 

Par devant, çapeut encore passer,

Mais parderrière, on croirait le diable !

(D’un conte populaire.)

 

– Entends-tu, Vlass ? disait en serelevant en pleine nuit l’un des innombrables dormeurs à la belleétoile, on vient de faire mention du diable dans nos parages…

– Et que m’importe ? grommela touten s’étirant le Tzigane étendu à ses côtés. Aurait-on mentionnétoute la séquelle de ses parents, cela m’est égal.

– D’accord ! mais le particulier acrié comme si on l’étranglait.

– Dieu sait ce que peut hurler un hommequi somnole !

– Comme tu voudras, mais il faudraitpourtant y jeter un coup d’œil. Bats plutôt le briquet.

L’autre Tzigane se planta debout enbougonnant, s’éclaira à deux reprises d’étincelles fugaces commedes éclairs, attisa l’amadou en soufflant dessus, puis muni de cetesson bourré de graisse de mouton que l’on emploie en guise deveilleuse en Petite-Russie, il marcha en tête pour reconnaître lechemin.

– Halte ! il y a quelque chosed’étendu à terre. Donne de la lumière par ici !

Sur ces entrefaites, plusieurs individusavaient rejoint les Tziganes.

– Qu’est-ce que c’est, Vlass ?

– Ça m’a l’air de deux personnes, l’unepar-dessus l’autre. Quant à savoir laquelle est le diable, je ne ledistingue pas encore.

– Qui est dessus ?

– Une femme.

– Ne cherche pas plus loin, c’estcertainement le diable.

La bruyante hilarité de ces gens faillitréveiller la rue entière.

– La femme a enfourché l’homme ?…Dans ce cas, la mâtine s’y entend sans aucun doute à traitercavalièrement son seigneur et maître, dit l’un des nombreux badaudsqui faisaient cercle.

– Regardez donc, les amis, ajouta unsecond, relevant un fragment de pot dont l’autre moitié, demeuréeintacte, encerclait le crâne de Tchérévik, voyez-moi quel genre debonnet coiffait cet honnête homme !

Le brouhaha grandissant et les cascades derires rappelèrent à la vie les cadavres, Solopi et son épouse qui,tout émus de leur terreur récente, dardèrent longtemps encore desyeux arrondis par l’effroi sur les faces basanées des Tziganes.Éclairés par le lumignon dont la lueur ne brillait que parsoubresauts, ceux-ci présentaient l’aspect d’un ramassis de gnomes,enveloppé de lourdes vapeurs souterraines dans l’opacité del’éternelle nuit.

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