L’Hirondelle sous le toit

Chapitre 22LA DÉPÊCHE

Sans bruit, avec la plus louable discrétion,les Chévremont avaient pris le parti, non point d’adopter Nanette,ce qu’ils ne pouvaient faire, mais de la garder auprès d’eux.

Les Boussuge et le docteur furent avertis lespremiers de cette détermination. Ils en félicitèrent le vétérinaireet sa femme.

Le docteur Chazey avait l’âme trop haute pourne pas rendre justice malgré tout à l’adversaire politique quidonnait, dans sa vie privée, un tel exemple à suivre. Il ne mit unpeu de malice que dans cette pointe :

– Chévremont m’a souvent reproché mesfiches, fiches imaginaires, d’ailleurs… ce qui estdommage ; car je n’eusse pas manqué d’enrichir la sienne de cebeau trait.

Le brave homme ajoutait,sérieusement :

– J’ai fait placarder à la mairie biendes avis inutiles depuis trente ans que j’administre lacommune ; et ce que je publierais avec le plus de plaisir estjustement ce qu’il me faut passer sous silence. Oh ! ce n’estpoint que je fonde beaucoup d’espoir sur la contagion de cegeste ! Je connais mes paroissiens : ils vont tout desuite découvrir des mobiles intéressés à ce mouvement ducœur ; mais l’honneur de mes concitoyens, grâce à l’un d’entreeux, est sauf tout de même. Cette haine des étrangers au pays, desaccourus, comme on dit ici, est rachetée par la générositédes Chévremont. Il m’eût été agréable d’en complimenter quelqu’unde mon parti… ; mais il faut bien avouer que mon aventure avecla famille Louvois n’encourageait personne à m’imiter. J’ai peurqu’il n’en soit de même à l’égard de Chévremont. Nos campagnes sontplus promptes à la critique et au dénigrement qu’à l’éloge. Ellesvont dire que si l’on donne une prime aux accourus, il nefaut pas s’étonner que cette mauvaise herbe envahisse tout.

Le docteur Chazey ne se trompait pas. Oncommença par insinuer que les Chévremont s’attachaient, souscouleur de philanthropie, une servante gratuite. L’institutrice,Mme Faverol, répondit pour eux : elle étaitchargée de préparer Nanette au brevet élémentaire ; après, onverrait. On prêta ensuite au vétérinaire l’intention de se rendrepopulaire pour supplanter le docteur à la mairie… Enfin beaucoup depersonnes pensèrent simplement qu’il y avait quelque chose delouche là-dessous et que tout cela pourrait mal finir.

Les Boussuge, eux, approuvèrent leurs amissans réserve.

– Nous en aurions fait autant,dirent-ils, si Nanand avait perdu ses parents.

Ils étaient sans nouvelles de lui depuis sondépart.

– Il y en a une qui ne s’en console pas,déclarait Palmyre : c’est Zénaïde. Dieu sait si le facteur luiétait indifférent. Elle n’attendait plus rien de son passage depuislongtemps. Elle y est à présent suspendue. « Rien pour moi cematin ? – Rien. » Je vous assure qu’il serait charitablede lui faire écrire par n’importe qui, sous le nom de Fernand. Cetenfant nous a déjà tous oubliés.

Elle eut un jour l’imprudence de penser touthaut, devant la servante :

– On peut bien convenir maintenant qu’iln’était pas très intelligent.

La Malaisée releva sa maîtresse :

– Il n’y a pas besoin d’être intelligentpour se faire aimer.

Au mois de mai, Octave Chévremont fut libéré.Les Boussuge l’invitèrent à dîner avec ses parents et Nanette.

– Le mois prochain, dit Palmyre, c’estnotre Justin qui reviendra et chez nous que l’on fêtera sonretour.

Les deux familles avaient repris leurs bonnesrelations d’autrefois. Nanette ne savait pas non plus ce qu’étaitdevenu son petit ami, mais elle avait appris par une voie détournéequ’il était en apprentissage à Laon, dans l’épicerie.

Elle dit : dans l’épicerie avecune petite moue fort divertissante chez l’enfant qu’une nouvelleéducation éloignait, bien plus que la distance, de son compagnon dejeux. Elle s’élevait au-dessus de sa condition première… mais commeelle acquérait en même temps le sentiment de son infirmité, elle negagnait rien à la compensation. La parole malsonnante deMme Servais lui avait fait perdre son charmantenjouement, et l’effort qu’elle faisait pour dissimuler saclaudication dénotait plus encore qu’elle ne battait que d’uneaile. Orpheline et boiteuse, elle était comme l’image vivante de laVictoire ; et il y en a comme cela partout, mais on ne lesvoit pas. L’homme éprouve le besoin d’ériger les symboles sur despiédestaux : il est incapable de les contempler sur le mêmeplan que lui.

Un scandale allait fournir à la petite villel’occasion de rentrer dans sa coque et renforcer son particularismeébranlé par la guerre.

Thérèse Paulin disparut un beau matin, enlevéepar un homme marié qui l’avait remarquée à la poste pendant uncongé de convalescence passé à Bourg-en-Forêt. Il y était revenuaprès l’armistice et, descendu au Plat d’étain, avaitamené, en moins de huit jours, la petite aide à partir avec lui.Mme Lefouin avouait elle-même « n’y avoir vuque du feu ». Le monsieur, âgé d’une quarantaine d’années, etde bonnes manières, était venu chaque jour au bureau sous diversprétextes, sans paraître faire attention à l’employée. Toujoursest-il qu’ils avaient préparé leur fugue sans éveiller lessoupçons. Une automobile attendait Thérèse en forêt et sonravisseur était au volant. Un garde donna son signalement, ce quipermit de l’identifier. Quant à la jeune fille, elle avait laissédans sa chambre, à l’adresse de la receveuse, un mot relatif auxaffaires personnelles qu’elle n’emportait pas et dont ellechargerait la factrice de lui faire l’expédition.

Cette dernière, interrogée, ne procura aucunéclaircissement et fut surtout vexée d’avoir eu toutes lesconfidences de la petite – sauf la plus intéressante.

Les colimaçons de Bourg montrèrent les corneset bavèrent. C’était leur revanche. Tous les mêmes, cesaccourus ! Après l’institutrice intérimaire,l’auxiliaire de la poste… Ils n’étaient pour le pays que des agentsde corruption et de désordre. Les uns après les autres,heureusement, ils s’en allaient. Bon voyage ! On allait seretrouver, comme avant la guerre, en famille et solidaires pourfoncer sur l’intrus, l’isolé qui serait tenté d’agiter la mare.C’était cela l’union sacrée, car, pour le reste, Bourg-en-Thimeraisretournait déjà à ses divisions intestines, à ses suspicions, à sescalomnies, à tout ce qui alimente la conversation et lesruminations de la colimaçonnerie provinciale. L’absinthe qui n’estplus sur les comptoirs est toujours sur les langues et lesbouilleurs de cru font moins de mal que les distillateurs devenin.

Mme Lefouin, revenue del’humiliation d’avoir été jouée, s’en consola en triomphant auprèsde Palmyre Boussuge :

– Eh bien ! avais-je raison de vousdire que tout était fini entre cette créature et votrefils ?

– Et n’étais-je pas aussi clairvoyante enla traitant de pas grand’chose de propre ? ripostaitl’autre.

C’était un grand soulagement pour la mère, àla veille même du retour de Justin. Mme Boussuge enalla remercier le ciel, ainsi qu’elle avait fait le jour où, dansce ciel tel que le voyait Agrippa d’Aubigné, « fumant de sanget d’âmes », les cloches s’étaient mises à semer leurspétales.

Trois jours après Boussuge et sa femmerevenaient de faire un petit tour dans la forêt d’où l’hiverdélogeait sans hâte, lorsque Zénaïde leur dit avectranquillité :

– Il y a une dépêche pour vous.

Les parents séparés de leurs enfants redoutentles dépêches. Le télégraphe est une arme à longue portée ; ilblesse de loin et sa blessure est quelquefois mortelle, il transmetplus de mauvaises nouvelles que de bonnes, et c’est le contrairequi se comprendrait, car on devrait être plus pressé de réjouir qued’alarmer. Pendant toute la guerre, les Boussuge avaient sentis’accélérer les battements de leur cœur à la vue du petitprojectile qui visait quelqu’un aux mains du porteur. Maintenantils n’en avaient plus peur et il n’y avait plus que la mère pourrépéter par habitude :

– Je n’aime pas beaucoup lesdépêches.

Elle avait reçu la veille une lettre deJustin : le pressentiment d’un malheur ne l’effleura mêmepas.

– Où est-elle, cette dépêche ?

Zénaïde alla la chercher dans lacuisine ; Boussuge la prit, fit sauter le petit fermoir depapier, déplia la feuille et lut :

Fils victime accident. Grièvement blessé.Serez tenus au courant. Capitaine Habert.

Ce capitaine Habert, dont Justin parlaitsouvent dans ses lettres, l’avait pris sous sa protection parcequ’ils s’étaient découvert des amis communs à Paris.

Les vieux époux se regardèrent consternés. Lespires craintes les assaillirent immédiatement. Ils relurent l’unaprès l’autre la dépêche et en pesèrent les mots qui n’avaient pas,dans chaque balance, le même poids. Grièvement, pour lamère, laissait peu d’espoir, tandis que le père disait :

– C’est, au contraire, un mot dicté parun grand souci d’exactitude… Grièvement ne signifie pas : étatdésespéré.

Mais un léger tremblement du télégramme entreses doigts démentait son assurance.

– Ne perdons pas tout de suite la tête,reprit Boussuge, puisque nous serons tenus au courant par ce bravecapitaine, auquel je vais, d’ailleurs, expédier on télégramme.

« Accident ? ruminait, cependant, lamère bouleversée, un accident d’avion est peu probable, Justin nevolait plus à la veille de partir et la guerre terminée. »

Comme elle regardait vaguement par la fenêtre,vers la poste, son cœur exhala un restant de colère :

– Mais aussi, qu’allait-il faire siloin ? C’est de sa faute à cette créature !…

– Nous n’avons rien à nous reprocher, ditBoussuge. La malheureuse nous a elle-même donné raison.

– Trop tard ! C’est à cause d’ellequ’il s’est fait envoyer là-bas.

– Il n’était pas moins exposé sur lefront français… et la preuve, c’est que nous nous sommes d’abordfélicités de cette mutation…

– Pas moi ! s’écriaMme Boussuge. Il y avait du dépit dans sarésolution, et le dépit est mauvais conseiller.

– Alors, déduisait de là Boussuge, tucrois que nous aurions mieux fait de céder ?

– Je ne dis pas cela, il n’en est pasmoins vrai que sans cette créature, Justin serait aujourd’hui cheznous, comme Octave Chévremont chez lui.

Quelqu’un passa devant la fenêtre. C’était lapetite réfugiée qui allait mettre des lettres à la poste. Et lesimages de Nanette et du fils Chévremont se juxtaposant tout à coupdans l’esprit superstitieux de la mère, celle-ci pensa quel’hirondelle retenue sous le toit de leurs amis y avait fixé lebonheur, tandis qu’en quittant la maison Nanand l’avait laisséesans défense. Elle eut la vision de l’inévitable en marche verselle et elle attendit le coup de grâce en pleurant.

Il lui fut donné le lendemain par un nouveautélégramme officieux :

Justin Boussuge mort de ses blessures.Lettre suit.

Et la lettre arriva. Elle expliquait quel’aviateur survolant le camp « pour la dernière fois »avait été précipité d’une hauteur de cent mètres sur le sol par unincompréhensible arrêt du moteur. Justin n’avait pas souffert.Transporté à l’hôpital dans le coma, il y était mort, quelquesheures après l’accident, sans avoir repris connaissance.

Tout le monde compatissait à la douleur desBoussuge, mais ils s’étaient enfermés chez eux et ne voulaient voirpersonne. Ils ne firent exception qu’en faveur des Chévremont, del’abbé Grossœuvre, du maire et de l’instituteur, qui avaient assezde tact pour ne pas prolonger leur visite.

Le docteur Chazey et l’instituteur Faverol serencontrèrent auprès des affligés et ne s’élevèrent auxconsidérations générales que sur une observation de Boussuge. Ildisait :

– Des pères et des mères sans nombre ontété frappés comme nous le sommes ; ne trouvez-vous pas,néanmoins, qu’il y a dans notre épreuve un raffinement decruauté ? La mort, cette fois, n’a fait semblant d’épargnernotre pauvre enfant que pour le rattraper, comme le chat qui joueavec la souris.

– Oui, murmura l’instituteurpensif ; c’est une rallonge à la liste des morts ; aussisera-t-il sage de ne pas se hâter d’ériger des monumentscommémoratifs aux morts pour la patrie : on risquerait d’enoublier. J’ai encore plusieurs anciens élèves à perdre. VotreJustin est une des premières victimes de complément. La bêtemalfaisante, mise en appétit, n’a pas son compte avec quinze centmille hommes. Le ver du tombeau a des colonies et pullule parmi lessurvivants, ils sont plus longs à succomber, voilà tout. Ils ymettent le temps. Songez, en outre, à l’imprévoyance de ceux quiont procréé dans la sécurité trompeuse des fausses convalescenceset des santés à peine rétablies. Comment appeler ce qu’ils ontdonné ? La vie ou la mort ? On ne se perpétue pas àmi-chemin du cimetière : mieux vaut y aller seul. La guerre,enfin, ne décime pas que les combattants et les blessés ou lesmalades que la paix achève à bref délai. Sur les étatsrécapitulatifs des pertes doivent aussi figurer les pères et lesmères qui ont respiré ces gaz asphyxiants : l’angoisse et leregret, et qui en meurent obscurément.

– Ce sont les familles mutilées dontparle Chateaubriand, fit le docteur Chazey. J’ai retrouvé la nuitdernière, dans les Mémoires d’outre-tombe, ce passage quej’ai copié, ce matin, à votre intention.

Il tira un papier de sa poche etlut :

Combien de familles mutilées avaient àchercher auprès du Père des hommes, les enfants, qu’elles avaientperdus ! Combien de cœurs brisés, combien d’âmes devenuessolitaires appelaient une main divine pour les guérir !Précipitez-vous dans la maison de Dieu, comme on entre dans lamaison du médecin un jour de contagion.

– L’abbé Grossœuvre nous a ditla même chose, observa Mme Boussuge.

– Moins bien, ajouta son mari.

– Ne dites pas cela ! fit vivementle vieux docteur. C’est le propre de cette consolation de necomporter qu’une qualité reconnue supérieure, de quelque flaconqu’elle vienne !

– Un stupéfiant, mâchonna Faverol entreses dents.

Le maire se retourna vers lui.

– Qu’avez-vous à proposer de mieux à ladouleur universelle, mon cher ami ?

– L’espérance d’une mort sans danger deréveil dans une vie nouvelle.

– Si pourtant cette vie nouvelle devaitêtre meilleure et, exempte de souffrances ?

– Il ne faut rien promettre d’illusoire,monsieur le maire. Prenez garde que l’âme ne soit pasimmortelle !

– Vous seriez bien plus attrapé si ellel’était, dit le médecin.

 

Le 14 juillet 1919, tandis que la Victoire,musique en tête et drapeaux déployés, passait sous l’Arc deTriomphe, Chévremont vint trouver son ami Édouard dans sachampignonnière. Tout y était à sa place et tout y respiraitl’abandon.

– Vous devriez voyager, dit levétérinaire, donner suite à votre projet ancien d’explorer lesrégions de France où l’on récolte des espèces que notre forêt neproduit pas.

Boussuge secoua la tête tristement etdit :

– Non, mon vieux, M. Cryptogame estmort, et savez-vous à quoi je me suis aperçu que la vocation luimanquait ? Aux condoléances que, dans mon deuil, j’ai reçuesd’un éminent mycologue de Strasbourg, devenu mon ami sans que jel’aie jamais vu. Cet homme m’a écrit : « Il vous resteheureusement une raison de vivre. » J’ai compris que lasienne, sa panacée enfin, était dans un commerce constant avecl’amanite rubescente, l’entolome livide, le lactaire poivré, letricholome et la fausse oronge… Eh bien ! non… ce remède estsans effet sur moi, et voilà pourquoi je n’étais, au fond, qu’unvulgaire collectionneur, je prenais pour une passion dévorante unesimple façon de tuer le temps. J’ai maintenant contre lui une armebien plus sûre : le chagrin. Le grand ressort est cassé ennous : rien ne va plus. Tombés de l’avion en même temps quenotre fils, nous n’avons pas été comme lui tués sur le coup, etc’est grand dommage. Il nous faut chaque jour ramasser notre cœur àdeux mains pour finir une route qui n’en finit pas. Lamycologie !… À peine une distraction moins bête que lebésigue, le nain jaune, les dominos ou le jaquet. Non, jeretournerais plutôt aux excitants de ma jeunesse… Quand vous êtesarrivé tout à l’heure, je feuilletais de vieilles revues auxquellesj’ai collaboré. Dans l’une, je relisais les Litanies duvin, de Raoul Ronchon, qui célèbrent par anticipation,dirait-on, l’office d’aujourd’hui… Écoutez :

Ville en fête ; voici le César triomphant

Porté par ses soldats comme un petit enfant,

Avec son char paré du sang de la Victoire…

Ô vin ! ordonne-moi de mépriser la gloire !

– Je n’en conclurai pas que vous allezvous livrer à la boisson, essaya de plaisanter le vétérinaire.

– Non, rassurez-vous : pas mêmecela, fit Boussuge. Je sais maintenant le sort qui m’est réservé…celui de mon fils… la mort à retardement.

Chévremont se retirait ; son ami lerappela.

– Dites donc au docteur Chazey, quandvous le verrez, que je voudrais bien être débarrassé de la statue…,celle du Petit Caporal, vous savez… que j’ai recueillie chez moiavant la guerre.

– Il est question de la remettre sur laPyramide, avança le vétérinaire avec précaution, pour ne pointfroisser un adversaire déclaré.

– C’est sa place.

– Oui. On n’imagine pas, surmontant leMonument que nous élèverons aux morts de la dernière guerre,l’effigie du conquérant qui se vantait d’avoir cent mille hommes àdépenser par mois. C’est bon pour la colonne Vendôme, poursuivitChévremont avec plus d’assurance.

– C’est bon pour elle, prononça Boussuge.Le sacrifice de nos enfants est sans mélange, enfin.

Les deux amis se serrèrent la main : ilsétaient définitivement d’accord.

Boussuge disait vrai. Sa femme et luisemblaient avoir dans l’aile, comme tant d’autres parents, tout leplomb des balles perdues, ils passaient leurs journées à errer depièce en pièce, comme des corps sans âme et qui en cherchent uneautre que la leur. Ils ne se donnaient rendez-vous nulle part et seretrouvaient partout devant un souvenir.

Et Zénaïde, en les voyant si malheureux, sedemandait à présent où elle prendrait, le cas échéant, le couragede les quitter. Elle avait pourtant bien mal aux dents… Ellen’était même pas sûre, quand elle n’en aurait plus, de cesser d’ensouffrir, car elle conserverait encore des gencives sensibles auvent et à l’humidité de la forêt.

Elle ne guettait plus le facteur… et parcequ’elle ne comptait plus sur une lettre de Nanand, il en vint une…Quelques lignes, au crayon, mal orthographiées :

Je me porte bien et je suis content de monmétié… J’ai un bon patron… Écrit-moi pour me dire si mosieur etmadame se porte toujour bien, ainsi que mosieur Justin. J’ai unemoin belle chambre que la sienne dans la maison provisoir que noushabiton. Je t’embrasse. Fernand.

Devait-elle faire lire cette lettre à sesmaîtres ?

Ils avaient bien assez de peine sans cela.

Zénaïde monta le papier dans sa chambre, afinde le ranger parmi ses reliques. Et dans sa malle décadenassée,elle contemplait encore une fois le sac de toile bise étiquetéJulien Damoy. Café en grains, lorsque survintMme Boussuge, qui l’avait suivie. Celle-ci sefigura que la Malaisée rapprochait dans son esprit la mort deJustin du départ de l’hirondelle qui avait fait son nid sous leurtoit ; et, et de communion avec sa servante, la mère éploréelui dit :

– Ma pauvre Zénaïde… je crois que nousavons la même pensée.

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