L’Hirondelle sous le toit

Chapitre 12NANETTE EST OPÉRÉE

Trois mois après qu’il avait écrit au père deNanette, Chévremont reçut enfin sa réponse.

Monsieur,

Je prendrai dans quinze jours lapermission que j’ai droit et j’irai la passer à Bourg auprès de mafille. En attendant l’honneur de vous saluer je suis,

Votre fidèle serviteur

Arsène Grimodet.

– Il ne parle pas de l’opération, ditChévremont. Ma foi ! je vais faire comme s’il l’autorisait eten toucher deux mots au major.

Cette fois celui-ci examina attentivementl’enfant.

– Son pied bot est la conséquence d’uneanomalie osseuse, déclara-t-il. On pourrait se borner à réséquer uncoin, sans se préoccuper des os. L’opération est facile. Mais mieuxvaut pratiquer l’ablation de l’astragale ; il en résultera unraccourcissement insignifiant et la croissance du pied n’en serapas contrariée. Les fonctions se rétabliront vite. Il n’y en aurapas moins des précautions à prendre pour maintenir le redressementet prévenir la reproduction de la déviation.

– Elle boitera encore beaucoup ?demanda le vétérinaire.

– Non, mais le port de chaussuresorthopédiques restera indispensable.

– L’opération est sans danger ?

– Aucun. Il eût été préférable,évidemment, de la pratiquer plus tôt, lorsque la déviation étaitmoins accusée et que les os avaient acquis moins dedéveloppement ; mais vous connaissez la négligence des gens dela campagne à cet égard. Pour un animal, on vous fait venir…

– Et encore ! Quand un paysan faitsoigner une bête, c’est avec la quasi certitude qu’elle lui rendra,guérie, les mêmes services qu’avant sa maladie. Autrement, il jugeplus expédient d’appeler le boucher ou l’équarisseur. Et puis, il ya l’empirique, un concurrent redoutable…

– Pour un enfant, poursuivit le major, onn’a pas dérangé le médecin, en pensant que la bonne nature, à lalongue, réparerait le mal.

– Vous feriez l’opération à lamaison ? questionna encore Chévremont.

– Comme vous voudrez.

Il n’y avait plus qu’à attendre le père. Ilarriva un soir sans crier gare et causa quelque surprise auxChévremont, qui se faisaient de lui une autre idée.

C’était un de ces hommes desquels on dit, danstoutes les conditions, qu’ils n’engendrent pas la mélancolie. Il nel’engendrait pas, non. Petit et sec, le poil roux, la moustacherare, le nez relevé du bout, il fermait un œil pour mettre de lamalice dans ce qu’il disait et recherchait l’approbation de lagalerie. C’était le portrait tout craché du loustic. Comme ilfaisait écrire ses lettres par n’importe qui, il n’était pasétonnant que leur ton contrastât avec sa dégaine. Il amusaitd’abord et fatiguait vite. La bosse de la paternité enfin ne lesignalait pas. Il se présenta sans embarras, comme s’il avait vu safille la veille et regarda au bout de cinq minutes les Chévremontcomme de vieilles connaissances.

– Eh bien ! gosse, tu ne te refusesrien comme billet de logement ! Tu te souviendras de laguerre… Moi aussi.

Il cligna de l’œil.

– C’est pas que je sois à plaindre. Jeconduis des convois de ravitaillement et j’ai un bon copain quireçoit de l’argent… qu’on dépense ensemble, il ne peut pas sepasser de moi. Je fais tout son fourbi et je le distrais quand il ale noir… C’est un commerçant de Valenciennes… Il pense tout letemps à sa famille, à sa maison. Il en rêve la nuit. Il se bilepour sa femme et ses deux enfants bien tranquilles, réfugiés àPoitiers. Un brave type…, on ne peut pas dire le contraire :Pichot est un brave type. Il s’appelle Pichot. On est cul etchemise. Il ne fait rien sans me consulter. Il est, sans moi, commeun enfant sans mère. Il voulait m’emmener en permission.« C’est-i que t’as peur de t’ennuyer loind’Arsène ? » que j’y ai dit. Mais c’était pas la raison.Il me l’a dite, la raison : je rassurerais sa famille, àc’t’homme. En me voyant auprès de lui, elle attendrait lesévénements avec plus de confiance. Malheureusement, on ne peut pass’absenter en même temps. Quand on arrive quelque part, il medit : « Grimodet, v’là vingt francs…débrouille-toi. » Et il se couche. C’est vrai qu’ilpaie ; mais c’est vrai aussi que je le nourris bien et qu’onne manque jamais du nécessaire. Le système D…, ça meconnaît !

Et son œil gauche fermé en portaittémoignage.

Les Chévremont essayèrent en vain de détournerla conversation sur sa femme décédée, sur Marie-Anne, sacroissance, son infirmité, ses aptitudes ; il revenaittoujours à Pichot ; il en avait fait son conjoint adoptif.

– Je parie que c’est lui qui écrit voslettres, insinua Chévremont.

– Lui ? Puisque je vous dis qu’iln’en fiche pas un coup. Il rêve. C’est sa femme qui faisait marcherleur commerce de lingerie. Elle lui envoie de l’argent, tout cequ’il demande. Une bonne femme, sérieuse… Ah ! c’est pas unemaison où on doit rigoler tous les jours… Alors, j’aime autant,s’il faut tout vous dire, que Pichot aille en permission de soncôté et moi du mien. L’important est que le manche retrouve salame, pas vrai ?

Et il ponctuait de l’œil gauche cettedéclaration.

Le premier soir, les Chévremont se retirèrentdiscrètement après dîner, afin de laisser seuls un momentMarie-Anne et son père. Quand ils revinrent, Grimodet reprenait dela fine pour la troisième fois et racontait :

– Elle est bonne…, elle a de la chaleur,mais elle ne vaut pas celle que j’ai rapportée un soir à Pichotd’un sale petit patelin où il m’avait envoyé en maraude et quiavait tout du cimetière, tellement qu’il était désert etsilencieux. J’ai pourtant fini par dégoter un vieux cultivateur etje lui ai dit que je cherchais de quoi ranimer des blessés. Alors,il est allé me déterrer un de ces biberons comme jamais nourricen’en a foutu dans la gueule à son mioche. Tu parles d’un Pichotcontent, ma gosse ! On a vidé illico la bouteille de lait, etpuis : à la paille, insectes ! Pas besoin de bercerPichot ni de lui chanter : Pichot do, Pichot dormirabientôt !

– Vous allez tout de même passer unebonne nuit ; vous devez être fatigué… On va vous montrer votrechambre, dit Mme Chévremont.

Il y avait deux chambres sous lescombles : l’une, dans laquelle couchaient Marie-Anne etRose ; l’autre, qui servait de débarras. On y fit le lit dupermissionnaire, et il s’y déclara fort bien.

Le lendemain, la maison fut réveillée de bonneheure par une musique étrange. Quelqu’un jouait sur leflageolet : Viens, poupoule et laMadelon.

– Que se passe-t-il donc là-haut ?demanda Chévremont à Rose qui redescendait en riant.

– C’est le père de Marie-Anne qui sonnele réveil, répondit-elle. Il est en bannière et il danse au son desa musique.

Cinq minutes après, Grimodet, vêtu de sonpantalon seulement, compléta cette explication.

– Je suis matinal… Pichot ne l’est pas,lui… Il se pagnote aussi bien dans la paille que dans la plume.Tous les jours, je suis obligé de lui verser un petit air dansl’oreille pour qu’il se lève. Quand je l’embête, il me jette unfafiot en me disant : « Trouve-nous quelque chose àboire. » Et quand je reviens, il s’est rendormi.

– Nous avons à causer nous deux, dit levétérinaire en entraînant Grimodet dans la salle à manger.Qu’est-ce que vous prenez, le matin ?

– La même chose que le soir.

– Je veux dire pour votre premierdéjeuner.

– N’importe quoi : du pain, dufromage et un litre. Du blanc, du rouge, ça m’est égal.

– On va vous servir ça… Asseyez-vous. Jevous ai écrit pour vous demander, comme je devais le faire, si vousconsentiriez à ce qu’on essaie de corriger la déformation du piedchez Marie-Anne. Une si gentille enfant, c’est dommage. Nous noussommes attachés à elle ; nous voudrions profiter de son séjourchez nous pour la faire opérer par un chirurgien très capable quidirige l’hôpital. Si c’était ma fille, moi, je n’hésiteraispas… ; mais c’est la vôtre : à vous de décider.

Grimodet vida son verre, s’essuya la bouched’un revers de main et dit :

– Allez-y carrément ! J’avaisl’intention de la conduire chez un spécialiste, et puis la guerreest arrivée… Faut saisir l’occasion. C’est pour son bien, pasvrai ? Pour les maladies, je suis de l’avis de Pichot :les majors et rien c’est kif-kif. Mais une opération, c’est de lachirurgie, hein ? Ils s’y entendent. On peut leur confier lepied de Marie-Anne. Le mien a le temps d’attendre. Allez-ycarrément que je vous dis.

– Eh bien ! on l’opéreraaprès-demain matin, ici. Elle ne court aucun danger, et vous nerepartirez pas avant d’en avoir eu l’assurance. D’ailleurs, j’aiaverti le docteur de votre arrivée. Allez le voir àl’hôpital… ; il vous confirmera de vive voix ce que je viensde vous dire.

– Bien sûr que j’y vais… et de ce pas deparade, Bourg m’a l’air d’un petit patelin à fréquenter. On vafaire connaissance. J’ai promis à Pichot de lui envoyer des cartespostales du pays…, histoire de lui faire prendre patience. Ce qu’ildoit s’ennuyer sans moi !…

Le litre était vide ; il fit le gested’en traire le goulot, comme un pis. Mais Chévremont restaitindifférent à l’invitation de remettre ça ; alors Grimodet seleva, alla s’habiller et sortit.

Il ne rentra que dans la soirée, en étatd’ivresse, évita les Chévremont et ne parla qu’à Rose. Il n’avaitpas vu le major, mais la plupart des malades en traitement àl’hôpital étaient maintenant ses amis et il avait fait avec eux letour des cabarets en jouant du flageolet. Il se félicitait de sapermission, grâce à laquelle il pouvait s’acquitter envers lesbienfaiteurs de sa fille. De quelle manière ? En chantantpartout leurs louanges. On savait à présent ce qu’ils avaient faitpour Marie-Anne et ce qu’ils étaient encore disposés à faire.

– C’est très heureux que je sois venu,dit-il à Rose. Il est difficile à tes maîtres de se faire mousser,tu comprends… Tandis que moi, c’est tout naturel. J’inspireconfiance ; je connais mon devoir et je n’y vais pas avec ledos de la cuiller. Je lui soigne sa publicité à ton patron. Iln’aura pas obligé un ingrat. Arsène n’est le débiteur de personne,pas plus du vétérinaire que de Pichot. Un service en vaut un autre.Je ferai mention de toi aussi, Rose jolie, dans mes prières. Enattendant, et avant d’aller au pieu, voilà pour toi, mon ange…

Et tirant son flageolet d’une poche profonde,il exhala sa reconnaissance dans la cuisine, sur un air depolka.

 

Marie-Anne fut opérée le lendemain, à lasatisfaction du major Faucherel qui lui immobilisa le pied dans leplâtre pour en maintenir le redressement.

Les Chévremont avaient installé la petite aupremier, dans la chambre de leur fils Octave…, une chose queGrimodet n’avait pas dite à ses nouveaux amis. Il partit donc àleur recherche afin de réparer sans retard cet oubli. Ils vidèrentensemble jusqu’au soir quelques bouteilles, et le père de Nanettes’en applaudit ensuite, sur le flageolet, d’abord, et puis auprèsde Rose. Il ajouta :

– Un qui n’est pas non plus à plaindre dem’avoir trouvé sur sa route : le major Fauchemachin. Tout lemonde sait maintenant, grâce à moi, de quoi il est capable. Il medevra une fière chandelle ! Et ça n’a pas traîné : jepaie comptant, moi.

– Vous avez peut-être tort, dit Rose… siNanette boitait encore après, tout de même…

Grimodet ferma l’œil gauche etrépondit :

– Eh bien, c’est le toubib qui me redevraquelque chose !

Les Chévremont montrèrent beaucoup de patienceet n’eurent pas lieu de le regretter. Quoi qu’il fît pour passerson temps agréablement, Grimodet ne tarda pas à s’ennuyer. On luiavait signalé la présence à Bourg de quelques réfugiées de sonpays ; il n’eut pas la curiosité de se mettre à leurrecherche.

– Des fumelles ! dit-il avec mépris.Elles ne m’apprendraient rien, puisqu’elles sont parties.

Il aimait mieux la société des soldats del’hôpital. Il trouvait avec qui causer et boire. Il ne se lassad’eux que lorsqu’ils ne l’emmenèrent plus au cabaret.

– Il ne reviendra pas, dit Rose, qu’ilavait prise pour confidente. Il pense déjà à passer sa prochainepermission chez une marraine qu’il a à Paris. C’est une dame richequ’il voit à peine ; mais il y a trois domestiques àl’office : cuisinière, femme de chambre et chauffeur. Voilàune maison gaie. On va tous les soirs au cinéma… et la cave estbien garnie. La cuisinière a promis au père de Nanette del’attendre. La guerre terminée, il se propose d’aller travailler àParis.

– Ah ! ditMme Chévremont. Et sa fille, dans toutcela ?

– Ma foi ! c’est bien comme si ellen’existait pas. Il prétend pourtant connaître ses devoirs de père…à preuve qu’il est venu les remplir. Pour un numéro, en voilàun !

Le jour de son départ, il resta pour lapremière fois pendant une heure au chevet de sa fille et la régalade tous les morceaux de son répertoire. Son pied battait la mesuresur le plancher. Aussi bien, c’était moins pour distraire Nanettequ’il lui donnait ce concert, que pour ramasser sescoquilles ; tel un professeur, qui entend n’en oublier aucunechez ses élèves.

Grimodet prit son dernier repas à la table desChévremont.

– Encore une d’écossée ! dit-il enparlant de sa permission.

Il but sec, encouragé par le vétérinaire quis’amusait de ses réparties. Au dessert le convoyeur avait la languedéliée. Il dit à son hôte, en le voyant rire :

– Je parie que vous regretterezArsène !…

– Oh ! certainement.

– Où j’ai passé, on me regrette toujours,je voudrais bien vous promettre de revenir… ; mais (il clignade l’œil) j’ai de l’ouvrage autre part… Marie-Anne est bien ici…,voilà le principal. Elle a trouvé une seconde famille, je parstranquille. Elle ne manquera de rien. C’est comme moi avec Pichot.Ce qu’il va être heureux de me revoir ! Je suis sa secondefamille à lui. Il faut une guerre pour qu’on se découvre comme çades parents un peu partout sous la calotte des cieux. À lavôtre !… et puissions-nous en faire autant… à l’occasion de lapremière communion de Marie-Anne, si la guerre n’est pas terminéed’ici là.

– Sa mère avait des sentimentsreligieux ? demanda Mme Chévremont, et c’estpour exécuter ses dernières volontés…

– Non, interrompit Grimodet… enfin je nesais pas… Mais la première communion est une réunion de famille. Ondonne un repas. On n’épargne rien. J’apprendrai quelque chose degentil, pour la circonstance. Il n’y a rien de plus sacré que lapremière communion sous la calotte des cieux.

Il s’était levé, comme pour porter un toast ouremercier solennellement ses hôtes de leurs prévenances pour safille et pour lui.

– Est-ce que je vous ai joué lesCloches de Corneville ? dit-il.

– Non, fit Chévremont.

– En tout cas, reprit Grimodet, je nevous les ai pas jouées, j’en suis sûr, à ma manière, qui n’est pasdans une culotte de zouave.

Il ferma l’œil, s’introduisit le bec de sonflageolet dans une narine et exécuta, en balançant la tête,l’air : Va, petit mousse.

Quand il eut fini :

– Je sais aussi les paroles, dit-il. Etil chanta :

Sur ton navire,

Vogue ou chaville

Vogue ou chaville au gré des flots.

Le rire emplissait de larmes les gros yeuxbleus de Chévremont.

– C’est un succès, fit le musicien.J’étais certain de t’amuser. À la tienne !…

Il se tourna galamment vers Agathe :

– Et à la compagnie !

Une surprise l’attendait lorsqu’il montaembrasser Marie-Anne. Il trouva auprès d’elle le petit Fernand quilui rendait sa visite.

– Toi, ici ? s’écria Grimodet… Lagosse ne m’avait pas dit… C’est-i par le même train de plaisir quevous êtes arrivés ?

– Oui, m’sieu Grimodet.

– Tu as de bonnes nouvelles de ton père,mon vieux Joseph ?

– Oui, m’sieu Grimodet.

– Ta mère est avec toi ?

– Non, elle est restée au pays.

– Eh bien, bonne chance à laronde !

Il redescendit. Agathe l’avait suivi.

– Vous connaissez les parents de cetenfant ? demanda-t-elle.

– Les Servais ? Tiens,parbleu ! Des voisins…

– Le père est un brave homme ?

– Joseph ? Pour ça, oui. AprèsPichot, il n’y a pas meilleur… Et si bien nommé !…

– Et… la mère ?

– La mère ? la Sidonie,quoi ?…

L’œil gauche de Grimodet se voila de sapaupière.

– Ah ! pour ce qui est de Sidonie,on peut le dire sans faire de la peine à Servais puisqu’il n’estpas là… Eh bien, sauf votre respect, elle est portée sur labagatelle… Mais pour être une méchante femme, non, ça n’est pas uneméchante femme… Si elle fait cocu mon pauvre Servais, ça leregarde, est-ce pas ? Quand on s’appelle Joseph…

– Vous la croyez capable ?…

Il haussa dédaigneusement les épaules etdit :

– Une fumelle !

 

Grimodet laissa à Bourg-en-Forêt un souvenirdurable.

Le docteur Chazey avait entendu parler delui.

– Il est venu rendre visite à maréfugiée, qui est de son pays, dit le maire à Chévremont. Jen’étais pas là. Je le regrette. Si l’on m’a fait du personnage unepeinture exacte, c’est le dernier échantillon d’une espèce à peuprès disparue : l’ivrogne. J’ai connu ici l’avant-dernier, ily a longtemps, dans ma jeunesse. C’était un fin menuisier auqueldix litres par jour ne faisaient par peur : trois à chaquerepas, les autres dans les entr’actes. Ce colosse travaillait enchantant et son aimable ébriété se répandait elle-même enrefrains ; elle était joyeuse, inventive, gaillarde,généreuse, et toujours inoffensive. Elle mettait la rue en joie.Quand on entendait dire : Voilà Massicot en pointe de vin oudans les vignes du Seigneur, on pouvait s’apprêter à rire. Enpointe de vin ! Dans les vignes du Seigneur ! Est-ceassez joli, assez vieille France ! Cet ivrogne n’est plusqu’un souvenir. L’alcoolique l’a remplacé et ses vignes duSeigneur, à lui, c’est l’alambic du distillateur… un éteignoir.Ah ! qu’il m’eût été agréable de rencontrer ce Grimodet,fidèle au vin et courtier de ses vertus impérissables.

– Je ne voudrais pas vous causer unedésillusion, observa Chévremont, mais la vérité m’oblige à convenirque Grimodet n’est pas exclusif.

– Autrement dit ?

– C’est ce que j’appellerai un buveurmixte. Il va du vin à l’alcool… peut-être avec un goût marqué pourle vin, mais je n’en suis pas sûr, car il consomme indifféremmentle pinard et la gnôle.

– Ah ! fit le docteur, douché.Enfin, si réellement il aime mieux le vin, le bon vin, il ne fautpas désespérer de son amendement.

– Sans doute. Malheureusement, je ne luicrois pas un palais sensible à la qualité du vin. C’est surtout laquantité qu’il considère. Il ne s’humecte pas, il se rince :son palais est une dalle.

– Alors, n’en parlons plus, dit ledocteur Chazey ; j’ai vu décidément le dernier ivrogne… ledernier.

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