Notre Coeur

Chapitre 1

 

Un matin radieux éclairait la ville. Mariolle monta dans lavoiture qui l’attendait devant sa porte, avec un sac de voyage etdeux malles dans la galerie. Il avait fait préparer, la nuit mêmepar son valet de chambre, le linge et les objets nécessaires pourune longue absence, et il s’en allait en donnant pour adresseprovisoire : « Fontainebleau, poste restante ». Il n’emmenaitpersonne, ne voulant pas voir une figure qui lui rappelât Paris, nevoulant plus entendre une voix entendue déjà pendant qu’il songeaità certaines choses.

Il cria au cocher : « Gare de Lyon ! » Le fiacre se mit enmarche. Alors il pensa à cet autre départ pour le MontSaint-Michel, au printemps passé. Il y aurait un an dans troismois. Puis, pour oublier cela, il regarda la rue.

La voiture déboucha dans l’avenue des Champs-Élysées, quebaignait une ondée de soleil printanier. Les feuilles vertes,désemprisonnées déjà par les premières chaleurs des autressemaines, à peine arrêtées par les deux derniers jours de grêle etde froid, semblaient épandre, tant elles s’ouvraient vite, parcette matinée lumineuse, une odeur de verdure fraîche et de sèveévaporée dans la délivrance des branches futures.

C’était un de ces matins d’éclosion où on sent que, dans lesjardins publics et tout le long des avenues, les marronniers rondsvont fleurir en un jour à travers Paris, comme des lustres quis’allument. La vie de la terre naissait pour un été, et la rueelle-même, aux trottoirs de bitume, frémissait sourdement, rongéepar des racines.

Il pensait, secoué par les cahots du fiacre : « Enfin, je vaisgoûter un peu de calme. Je vais regarder naître le printemps dansla forêt encore déserte. »

Le trajet lui parut long. Il était courbaturé après ces quelquesheures d’insomnie à pleurer sur lui, comme s’il eût passé dix nuitsprès d’un mourant. En arrivant dans la ville de Fontainebleau, ilse rendit chez un notaire pour savoir s’il n’y avait point quelquechalet à louer meublé aux abords de la forêt. On lui en indiquaplusieurs. Celui dont la photographie le séduisit le plus venaitd’être quitté par deux jeunes gens, homme et femme, qui étaientrestés presque tout l’hiver dans le village de Montigny-sur-Loing.Le notaire, homme grave pourtant, souriait. Il devait flairer làune histoire d’amour. Il demanda :

– Vous êtes seul, monsieur ?

– Je suis seul.

– Même sans domestiques ?

– Même sans domestiques. J’ai laissé les miens à Paris. Je veuxprendre des gens du pays. Je viens ici pour travailler dans unisolement absolu.

– Oh ! vous l’aurez, à cette époque de l’année.

Quelques minutes plus tard, un landau découvert emportaitMariolle et ses malles vers Montigny.

La forêt s’éveillait. Au pied des grands arbres, dont les têtesse couvraient d’une ombre légère de feuillage, les taillis étaientplus touffus. Les bouleaux hâtifs, aux membres d’argent, semblaientseuls habillés déjà pour l’été, tandis que les chênes immensesmontraient seulement, au bout de leurs branches, de légères tachesvertes tremblotantes. Les hêtres, ouvrant plus vite leurs bourgeonspointus, laissaient tomber leurs dernières feuilles mortes del’autre année.

Le long de la route, l’herbe, que ne couvrait point encorel’ombre impénétrable des cimes, était drue, luisante, vernie desève nouvelle ; et cette odeur de pousses naissantes, déjàperçue par Mariolle dans l’avenue des Champs-Élysées, l’enveloppaitmaintenant, le noyait dans un immense bain de vie végétale germantsous le premier soleil. Il respirait par grandes haleines, comme unlibéré qui sort de prison, et, avec la sensation d’un homme dont onvient de rompre les liens, il étendit mollement ses deux bras surles deux côtés du landau, laissant pendre ses mains au-dessus desdeux roues.

C’était bon d’aspirer ce grand air libre et pur ; maiscomme il en devrait boire, et boire encore, longtemps, longtemps,de cet air, pour en être imprégné jusqu’à souffrir un peu moins,pour qu’à travers ses poumons il sentît enfin ce souffle fraisglisser aussi sur la plaie vive de son cœur, et lacalmer !

Il traversa Marlotte, où le cocher lui montra l’hôtel Corot,qu’on venait d’ouvrir et dont on vantait l’originalité. Puis suivitune route entre la forêt à gauche et, à droite, une grande plaineavec des arbres par places et des coteaux à l’horizon. Puis onpénétra dans une longue rue de village, une rue blanche,aveuglante, entre deux lignes interminables de petites maisonscouvertes en tuiles. Par places, un énorme lilas fleuri jaillissaitau-dessus d’un mur.

Cette rue suivait un étroit vallon qui descendait au petit coursd’eau. Quand Mariolle l’aperçut, il eut un ravissement. C’était unfleuve mince, rapide, agité et tournoyant, qui lavait sur une deses rives le pied même des maisons et les murs des jardins, tandisque, sur l’autre, il baignait des prairies, où des arbres légerségrenaient leurs frêles feuillages à peine ouverts.

Mariolle trouva tout de suite la demeure indiquée, et en futcharmé. C’était une vieille maison restaurée par un peintre quipassa là cinq ans, puis s’en lassa, et la mit à louer. Elle étaittout au bord de l’eau, séparée seulement du courant par un jolijardin que terminait une terrasse à tilleuls. Le Loing, qui venaitde tomber d’un barrage par une chute haute d’un pied ou deux,filait le long de cette terrasse, en déroulant de grands remous.Par les fenêtres de la façade on apercevait, de l’autre côté, lesprés.

– Je me guérirai ici, pensa Mariolle.

Tout avait été convenu avec le notaire pour le cas où cettemaison lui plairait. Le cocher porta la réponse. Il fallut alorss’occuper de l’installation, qui fut rapide, le secrétaire de lamairie ayant fourni deux femmes, l’une pour la nourriture, l’autrepour faire la chambre et prendre soin du linge.

Il y avait en bas un salon, une salle à manger, la cuisine etdeux petites pièces ; au premier, une belle chambre et unesorte de grand cabinet que l’artiste propriétaire avait disposé enatelier. Tout cela installé avec amour, comme on installe quand ons’éprend d’un pays et d’un logis. C’était maintenant un peudéfraîchi, un peu dérangé, avec l’air veuf et délaissé des demeuresdont le maître est parti.

On sentait pourtant que cette petite maison venait d’êtrehabitée. Une douce odeur de verveine y flottait encore. Mariollepensa : « Tiens, de la verveine, parfum simple. La femme d’avantmoi ne devait pas être une compliquée… Heureux homme ! »

Le soir venait, toutes ses affaires ayant fait glisser lajournée. Il s’assit près d’une fenêtre ouverte, buvant la fraîcheurhumide et douce des herbages mouillés et regardant le soleilcouchant faire de grandes ombres sur les prés.

Les deux servantes parlaient en préparant le dîner, et leursvoix paysannes montaient sourdement par l’escalier, tandis que, parla fenêtre, entraient des meuglements de vache, des aboiements dechien, des appels d’homme ramenant des bêtes ou causant avec uncamarade à travers la rivière.

Cela était vraiment calme et reposant.

Mariolle se demandait pour la millième fois depuis le matin : «Qu’a-t-elle pensé en recevant ma lettre ?… Que va-t-ellefaire ?… »

Puis il se dit : « Que fait-elle en ce moment ? »

Il regarda l’heure à sa montre : – six heures et demie. – « Elleest rentrée, elle reçoit. »

Il eut la vision du salon et de la jeune femme causant avec laprincesse de Malten, Mme de Frémines, Massival et le comte deBernhaus.

Son âme soudain tressaillit d’une espèce de colère. Il auraitvoulu être là-bas. C’était l’heure où presque chaque jour ilentrait chez elle. Et il sentait en lui un malaise, non pas unregret, car sa volonté était ferme, mais une sorte de souffrancephysique pareille à celle d’un malade à qui on refuse la piqûre demorphine au moment accoutumé.

Il ne voyait plus les prairies, ni le soleil disparaissantderrière les collines de l’horizon. Il ne voyait qu’elle, au milieud’amis, elle en proie à ces soucis mondains qui la lui avaientvolée : « N’y pensons plus ! » se dit-il.

Il se leva, descendit au jardin, marcha jusqu’à la terrasse. Lafraîcheur de l’eau secouée par le barrage montait en brumes de larivière ; et cette froide sensation, glaçant son cœur déjà sitriste, le fit revenir sur ses pas. Son couvert était mis dans lasalle à manger. Il dîna vite ; puis, n’ayant rien à faire,sentant grandir dans son corps et grandir dans son âme ce malaisedont il avait subi tout à l’heure l’atteinte, il se coucha, etferma les yeux pour dormir : ce fut en vain. Sa pensée voyait, sapensée souffrait, sa pensée ne quittait point cette femme.

À qui serait-elle à présent ? Au comte de Bernhaus sansdoute ! C’était bien l’homme qu’il fallait à cette créatured’apparat, l’homme en vue, élégant, recherché. Il lui plaisait,car, pour le conquérir, elle avait employé toutes ses armes, bienqu’étant la maîtresse d’un autre.

Sous l’obsession de ces idées rongeuses, son âme pourtants’engourdissait, s’égarait en des divagations somnolentes où sanscesse ils reparaissaient, cet homme et elle. Le vrai sommeil nevint point ; et toute la nuit il les vit errer autour de lui,le bravant et l’irritant, disparaissant comme pour lui permettre des’endormir enfin, et dès que l’oubli l’avait enveloppé,reparaissant et le réveillant par un spasme aigu de jalousie aucœur.

Il sortit de son lit aux premières lueurs de l’aube et s’en alladans la forêt une canne à la main, une forte canne oubliée dans sanouvelle maison par le dernier habitant.

Le soleil levé tombait à travers les cimes presque chauvesencore des chênes, sur le sol tapissé par places d’herbeverdoyante, plus loin d’un tapis de feuilles mortes, plus loin debruyères roussies par l’hiver ; et des papillons jaunesvoltigeaient le long de la route, comme de petites flammesdansantes.

Un coteau, presque un mont, couvert de pins et de rocsbleuâtres, apparut à droite du chemin. Mariolle le gravitlentement, et, quand il fut au sommet, s’assit sur une grossepierre, car il était déjà haletant. Ses jambes ne le soutenaientplus, défaillantes de faiblesse ; son cœur battait ; toutson corps semblait meurtri par une inconcevable courbature.

Cet accablement, il le savait, ne venait point de fatigue : ilvenait d’Elle, de cet amour pesant sur lui comme un poidsintolérable ; et il murmura : « Quelle misère ! Pourquoime tient-elle ainsi, moi qui n’ai jamais pris de l’existence que cequ’il en fallait prendre pour la goûter sans en souffrir ?»

Son attention, surexcitée, aiguisée par la peur de ce mal quiserait peut-être si difficile à vaincre, se fixa sur lui-même etfouilla son âme, descendit dans son être intime, cherchant à lemieux connaître, à le mieux comprendre, à dévoiler à ses propresyeux le pourquoi de cette inexplicable crise.

Il se disait : « Je n’avais jamais subi d’entraînement. Je nesuis pas un exalté, je ne suis pas un passionné ; j’ai plus dejugement que d’instinct, de curiosités que d’appétits, de fantaisieque de persévérance. Je ne suis au fond qu’un jouisseur délicat,intelligent et difficile. J’ai aimé les choses de la vie sans m’yattacher jamais beaucoup, avec des sens d’expert qui savoure et nese grise point, qui comprend trop pour perdre la tête. Je raisonnetout, et j’analyse d’ordinaire trop bien mes goûts pour les subiraveuglément. C’est même là mon grand défaut, la cause unique de mafaiblesse. Et voilà que cette femme s’est imposée à moi, malgrémoi, malgré ma peur et ma connaissance d’elle ; et elle mepossède comme si elle avait cueilli une à une toutes lesaspirations diverses qui étaient en moi. C’est cela peut-être. Jeles éparpillais vers des choses inanimées, vers la nature qui meséduit et m’attendrit, vers la musique, qui est une espèce decaresse idéale, vers la pensée qui est la gourmandise de l’esprit,et vers tout ce qui est agréable et beau sur la terre.

« Puis, j’ai rencontré une créature qui a ramassé tous mesdésirs un peu hésitants et changeants, et, les tournant vers elle,en a fait de l’amour. Élégante et jolie, elle a plu à mesyeux ; fine, intelligente et rusée, elle a plu à monâme ; et elle a plu à mon cœur par un agrément mystérieux deson contact et de sa présence, par une secrète et irrésistibleémanation de sa personne qui m’ont conquis comme engourdissentcertaines fleurs.

« Elle a tout remplacé pour moi, car je n’aspire plus à rien, jen’ai plus besoin, envie ni souci de rien.

« Autrefois, comme j’aurais tressailli et vibré dans cette forêtqui renaît ! Aujourd’hui je ne la vois pas, je ne la sens pas,je n’y suis point ; je suis toujours près de cette femme, queje ne veux plus aimer.

« Allons ! Il faut que je tue mes idées par la fatigue,sans quoi je ne me guérirai pas. »

Il se leva, descendit le coteau rocheux, et se remit en marche àgrands pas. Mais l’obsession l’écrasait comme s’il l’eût portée surses reins.

Il allait hâtant toujours sa marche, et rencontrant parfois, àla vue du soleil plongeant dans les feuillages ou bien au passaged’un souffle résineux tombé d’un bouquet de sapin, une courtesensation de soulagement, pareille au pressentiment de laconsolation lointaine.

Tout à coup il s’arrêta : « Je ne me promène plus, se dit-il :je fuis. » Il fuyait, en effet, devant lui, n’importe où ; ilfuyait, poursuivi par l’angoisse de cet amour rompu.

Puis il repartit à pas plus tranquilles. La forêt changeaitd’aspect, devenait plus épanouie et plus ombrée, car il entraitdans la partie la plus chaude, dans l’admirable région des hêtres.Aucune sensation de l’hiver ne restait plus. C’était un printempsextraordinaire, qui semblait né dans la nuit même, tant il étaitfrais et jeune.

Mariolle pénétra dans les fourrés, sous les arbres gigantesquesqui s’élevaient de plus en plus, et il alla devant lui longtemps,une heure, deux heures, à travers les branches, à traversl’innombrable multitude des petites feuilles luisantes, huilées etvernies de sève. La voûte immense des cimes voilait tout le ciel,supportée par de longues colonnes, droites ou penchées, parfoisblanchâtres, parfois sombres sous une mousse noire attachée àl’écorce. Elles montaient indéfiniment, les unes derrière lesautres, dominant les jeunes taillis emmêlés et poussés à leur pied,et les couvrant d’un nuage épais que traversaient cependant descataractes de soleil. La pluie de feu glissait, coulait dans toutce feuillage épandu qui n’avait plus l’air d’un bois, mais d’uneéclatante vapeur de verdure illuminée de rayons jaunes.

Mariolle s’arrêta, ému d’une inexprimable surprise. Oùétait-il ? Dans une forêt ou bien tombé au fond d’une mer,d’une mer toute en feuilles et toute en lumière, d’un océan doré declarté verte ?

Il se sentit mieux, plus loin de son malheur, plus caché, pluscalme, et il se coucha par terre sur le tapis roux de feuillagemort que ces arbres ne laissent tomber qu’au moment où ils secouvrent d’une vêture nouvelle.

Jouissant du contact frais de la terre et de la pure douceur del’air, il fut d’abord envahi par une envie, vague d’abord, puisplus précise, de n’être pas seul en ce lieu charmant, et il se dit: « Ah ! si je l’avais ici, avec moi ! »

Il revit brusquement le Mont Saint-Michel, et, se rappelantcombien elle avait été différente, là-bas, de ce qu’elle était àParis, en cet éveil d’affection éclose au vent du large, en facedes sables blonds, il pensa que ce jour-là seulement elle l’avaitaimé un peu, pendant quelques heures. Certes, sur la route oùfuyait le flot, dans le cloître où, murmurant son prénom seul : «André », elle avait semblé dire : « Je suis à vous », et sur lechemin des Fous où il l’avait presque portée dans l’espace, elleavait eu pour lui une sorte d’entraînement, jamais revenu depuisque son pied de coquette avait retrouvé le pavé parisien.

Mais ici, avec lui, dans ce bain verdoyant, dans cette autremarée faite de sève nouvelle, ne serait-elle pas rentrée en soncœur, l’émotion fugace et douce rencontrée sur la côtenormande ?

Il demeurait allongé sur le dos, toujours meurtri par sasongerie, le regard perdu dans l’onde ensoleillée des cimes ;et, peu à peu, il fermait les yeux, engourdi sous la grandetranquillité des arbres. À la fin, il s’endormit, et, quand il seréveilla, il s’aperçut qu’il était plus de deux heures del’après-midi.

S’étant relevé, il se sentit un peu moins triste, un peu moinsmalade, et se remit en route. Il sortit enfin de l’épaisseur dubois, et entra dans un large carrefour où aboutissaient, comme lesrayons d’une couronne, six avenues incroyablement hautes, qui seperdaient en des lointains feuillus et transparents, dans un airteinté d’émeraude. Un poteau indiquait le nom de ce lieu : « LeBouquet du Roi ». C’était vraiment la capitale du royal pays deshêtres.

Une voiture passa. Elle était vide et libre. Mariolle la prit etse fit conduire à Marlotte, d’où il regagnerait à pied Montigny,après avoir mangé à l’auberge, car il avait faim.

Il se rappelait avoir vu la veille cet établissement qu’onvenait d’ouvrir : l’hôtel Corot, guinguette artiste à décor moyenâge, sur le modèle du cabaret du Chat Noir, à Paris. On l’y déposa,et il pénétra par une porte ouverte dans une vaste salle où destables d’un genre ancien et des escabeaux incommodes semblaientattendre des buveurs d’un autre siècle. Au fond de la pièce, unefemme, une jeune bonne sans doute, debout sur le sommet d’unepetite échelle double, accrochait de vieilles assiettes à des cloustrop élevés pour elle. Tantôt dressée sur la pointe des deux pieds,tantôt se haussant sur un seul, elle s’allongeait, une main sur lemur, l’assiette dans l’autre, avec des mouvements adroits et jolis,car sa taille était fine, et la ligne ondulant de son poignet à sacheville prenait des grâces changeantes à chacun de ses efforts.Comme elle tournait le dos, elle n’entendit point entrer Mariolle,qui s’arrêta pour la regarder. Le souvenir de Prédolé lui vint : «Tiens, c’est gentil cela ! se dit-il. Elle est très souple,cette fillette. »

Il toussa. Elle faillit tomber de surprise ; mais, dèsqu’elle eut retrouvé son équilibre, elle sauta sur le sol, du hautde l’échelle, avec une légèreté de danseuse de corde, puis vint,souriante, vers le client. Elle interrogea :

– Monsieur désire ?

– Déjeuner, mademoiselle.

Elle osa dire :

– Ce serait plutôt dîner, car il est trois heures et demie.

Il reprit :

– Disons dîner si vous le voulez. Je me suis perdu dans laforêt.

Alors elle énonça les plats à la disposition des voyageurs. Ilfit son menu et s’assit.

Elle alla donner la commande, puis revint mettre le couvert.

Il la suivait du regard, la trouvant gentille, vive et propre.Vêtue pour le travail, jupe retroussée, manches relevées, le cou auvent, elle avait un petit air alerte et plaisant à voir ; etson corset moulait bien sa taille, dont elle devait être trèsfière.

La figure, un peu rouge, vermillonnée par le grand air, semblaittrop joufflue, empâtée encore, mais d’une fraîcheur de fleur quis’ouvre, avec de beaux yeux bruns luisants dans lesquels toutsemblait briller, une bouche largement ouverte, pleine de bellesdents, et des cheveux châtains dont l’abondance révélait l’énergievivace de ce jeune corps vigoureux.

Elle apportait des radis et du beurre, et il se mit à manger,cessant de la voir. Voulant s’étourdir, il demanda une bouteille dechampagne et la but tout entière, puis deux verres de Kummel aprèsson café ; et, comme il était presque à jeun, n’ayant mangéavant de partir qu’un peu de viande froide et du pain, il se sentitenvahi, engourdi, soulagé par un étourdissement puissant qu’ilprenait pour de l’oubli. Ses idées, son chagrin, ses angoissessemblaient délayées, noyées dans le vin clair, qui avait fait, ensi peu de temps, de son cœur torturé un cœur presque inerte.

Il revint à Montigny à pas lents, rentra chez lui, et, très las,très somnolent, il se coucha dès le soir tombé, et s’endormit toutde suite.

Mais il se réveilla en pleines ténèbres, mal à l’aise, tourmentécomme si un cauchemar chassé pendant quelques heures avait reparufurtivement pour interrompre son sommeil. Elle était là, elle, Mmede Burne, revenue, rôdant encore autour de lui, toujoursaccompagnée de M. de Bernhaus. « Tiens ! se dit-il, je suisjaloux à présent ; pourquoi donc ? »

Pourquoi était-il jaloux ? Il le comprit bien vite. Malgréses craintes et ses angoisses, tant qu’il avait été son amant, illa sentait fidèle, fidèle sans élan, sans tendresse, mais avec unerésolution loyale. Or il venait de tout briser, il l’avait faitelibre : c’était fini. Resterait-elle maintenant sans liaison ?Oui, pendant quelque temps, sans doute… Et puis ?… Cettefidélité même qu’elle lui avait gardée jusqu’ici sans qu’il en pûtdouter, ne venait-elle pas du vague pressentiment que, si elle lequittait, lui Mariolle, par lassitude, il faudrait bien qu’un jourou l’autre, après un repos plus ou moins long, elle le remplaçât,non par entraînement, mais par fatigue de la solitude, comme ellel’aurait rejeté par fatigue de son attachement. N’y a-t-il pas desamants qu’on garde toujours avec résignation par peur dusuivant ? Et puis, changer de bras n’eût pas paru propre à unefemme comme celle-là, trop intelligente pour subir le préjugé de lafaute et du déshonneur, mais douée d’une délicate pudeur morale quila préservait des vraies souillures. Mondaine philosophe et nonprude bourgeoise, elle ne s’effrayait pas d’une attache secrète,tandis que sa chair indifférente eût tressailli de dégoût à lapensée d’une suite d’amants.

Il l’avait faite libre… et maintenant ?… Maintenantcertainement elle en prendrait un autre ! Et ce serait lecomte de Bernhaus. Il en était sûr, et il en souffrait, à présent,d’une inimaginable façon.

Pourquoi avait-il rompu ? Il l’avait quittée fidèle,amicale et charmante ! Pourquoi ? Parce qu’il était unebrute sensuelle qui ne comprenait pas l’amour sans lesentraînements physiques ?

Était-ce bien cela ? Oui… Mais il y avait autrechose ! Il y avait, avant tout, la peur de souffrir. Il avaitfui devant la douleur de n’être pas aimé comme il aimait, devant ledissentiment cruel, né entre eux, de leurs baisers inégalementtendres, devant le mal inguérissable dont son cœur, durementatteint, ne devait peut-être jamais guérir. Il avait eu peur detrop souffrir, d’endurer pendant des années l’angoisse pressentiependant quelques mois, subie seulement pendant quelques semaines.Faible, comme toujours, il avait reculé devant cette douleur, ainsique, durant toute sa vie, il avait reculé devant les grandsefforts.

Il était donc incapable de faire une chose jusqu’au bout, de sejeter dans la passion comme il aurait dû se jeter dans une scienceou dans un art, car il est peut-être impossible d’avoir beaucoupaimé sans avoir beaucoup souffert.

Jusqu’à l’aurore, il remua ces mêmes idées qui le mordaientcomme des chiens ; puis il se leva et descendit au bord de larivière.

Un pêcheur jetait l’épervier près du petit barrage. L’eautournoyait sous la lumière, et, quand l’homme en retirait son grandfilet rond pour l’étaler sur le bout ponté du bateau, les mincespoissons frétillaient sous les mailles comme de l’argentvivant.

Mariolle se calmait dans la tiédeur de l’air matinal, dans labuée de la chute d’eau où voltigeaient de légersarcs-en-ciel ; et le courant qui coulait à ses pieds luiparaissait emporter un peu de son chagrin dans sa fuite incessanteet rapide.

Il se dit : « Vraiment j’ai bien fait ; j’aurais été tropmalheureux ! »

Retournant alors à la maison prendre un hamac aperçu dans levestibule, il l’accrocha entre deux tilleuls, et, s’étant couchédedans, il essaya de ne songer à rien en regardant glisserl’onde.

Il gagna ainsi le déjeuner, dans une torpeur douce, dans unbien-être du corps qui se répandait jusqu’à l’âme, et il fit durerle repas le plus possible pour ralentir la fuite du jour. Mais uneattente l’énervait : celle du courrier. Il avait télégraphié àParis et écrit à Fontainebleau pour qu’on lui renvoyât ses lettres.Il ne recevait rien, et la sensation d’un grand abandon commençaità l’oppresser. Pourquoi ? Il ne pouvait rien espérerd’agréable, de consolant, de rassérénant dans la petite boîte noirependue au flanc du facteur, rien que des invitations inutiles etdes communications banales. Alors pourquoi désirer ces papiersinconnus, comme si le salut de son cœur était dedans ?

Ne cachait-il pas au fond de lui le vaniteux espoir qu’elle luiécrirait ?

Il demanda à l’une de ses vieilles femmes :

– À quelle heure arrive la poste ?

– À midi, monsieur.

C’était le moment juste. Il se mit à écouter les bruits dudehors avec une grandissante inquiétude. Un coup frappé sur laporte extérieure le souleva. Le piéton n’apportait en effet que desjournaux et trois lettres sans importance. Mariolle lut lesfeuilles publiques, les relut, s’ennuya et sortit.

Que ferait-il ? Il retourna vers le hamac, et s’y étenditde nouveau : or au bout d’une demi-heure un impérieux besoin dechanger de place le saisit. La forêt ? Oui, la forêt étaitdélicieuse, mais la solitude y semblait encore plus profonde qu’ensa maison, que dans le village, où passaient parfois quelquesbruits de vie. Et cette solitude silencieuse des arbres et desfeuilles l’imprégnait de mélancolie et de regrets, le noyait danssa misère. Il recommença dans sa pensée sa longue promenade de laveille, et, quand il revit la petite bonne alerte de l’hôtel Corot,il se dit : « Tiens ! je vais aller jusque-là, et j’ydînerai ! » Cette idée lui fit du bien ; c’était uneoccupation, un moyen de gagner quelques heures ; et il se miten route tout de suite.

La longue rue du village s’allongeait toute droite dans levallon, entre ses deux rangées de maisons blanches, basses,couvertes en tuiles, les unes alignées contre le chemin, les autresau fond d’une petite cour où fleurissait un lilas, où rôdaient despoules sur le fumier chaud, où des escaliers à rampes de boisgrimpaient en plein air à des portes dans le mur. Des paysanstravaillaient lentement devant leur logis à des besognesdomestiques. Une vieille femme courbée, avec des cheveux grisâtreset jaunes malgré son âge, car les ruraux n’ont presque jamais lescheveux vraiment blancs, passa près de lui, la taille dans uncaraco déchiré, les jambes maigres et noueuses dessinées sous uneespèce de jupon de laine que soulevait la saillie de la croupe.Elle regardait devant elle avec des yeux sans idées, des yeux quin’avaient jamais vu que les quelques simples objets utiles à sapauvre existence.

Une autre, plus jeune, étendait du linge devant sa porte. Lemouvement des bras retroussant la jupe montrait en des bas bleus degrosses chevilles et des os au-dessus, des os sans chair, tandisque la taille et la gorge, plates et larges comme une poitrined’homme, révélaient un corps sans forme qui devait être horrible àvoir.

Mariolle pensa : « Des femmes ! Ce sont des femmes !Voilà des femmes ! » La silhouette de Mme de Burne se dessinadevant ses yeux. Il l’aperçut exquise d’élégance et de beauté,bijou de chair humaine, coquette et parée pour des regardsd’hommes ; et il tressaillit de l’angoisse d’une irréparableperte.

Alors il marcha plus vite pour secouer son cœur et sapensée.

Quand il entra dans l’hôtel de Marlotte, la petite bonne lereconnut aussitôt, et, presque familière, lui dit :

– Bonjour, monsieur.

– Bonjour, mademoiselle.

– Vous voulez boire quelque chose ?

– Oui, pour commencer ; puis je dînerai ici.

Ils discutèrent sur ce qu’il boirait d’abord, sur ce qu’ilmangerait ensuite. Il la consultait pour la faire parler, car elles’exprimait bien, avec l’accent bref de Paris et une aisanced’élocution aussi facile que son aisance de mouvement.

Il pensait en l’écoutant : « Elle est fort agréable, cettefillette ; ça m’a l’air de graine de cocote. »

Il lui demanda :

– Vous êtes Parisienne ?

– Oui, monsieur.

– Il y a longtemps que vous êtes ici ?

– Quinze jours, monsieur.

– Vous vous y plaisez ?

– Pas jusqu’à présent, mais c’est trop tôt pour savoir ; etpuis j’étais fatiguée de l’air de Paris, et la campagne m’arétablie ; c’est ça surtout qui m’a décidée à venir. Alors jevous apporte un vermout, monsieur ?

– Oui, mademoiselle, et vous direz au chef ou à la cuisinière debien soigner mon dîner.

– Ne craignez rien, monsieur.

Elle sortit, le laissant seul.

Il gagna le jardin de l’hôtel et s’installa sous une tonnelle,où son vermout lui fut servi. Il y resta jusqu’à la fin de lajournée, écoutant siffler un merle dans une cage, et regardantpasser la petite bonne, qui coquetait et faisait des grâces pour lemonsieur, ayant compris qu’il la trouvait à son goût.

Il s’en alla comme la veille avec une bouteille de champagnedans le cœur ; mais, les ténèbres de la route et la fraîcheurde la nuit dissipant vite son léger étourdissement, une invincibletristesse entra de nouveau dans son âme. Il pensait : « Que vais-jefaire ? Resterai-je ici ? Serai-je condamné longtemps àtraîner cette vie désolée ? » Et il s’endormit fort tard.

Le lendemain, il se balança de nouveau dans le hamac ; etla présence constante de l’homme jetant l’épervier lui donna l’idéede se mettre à pêcher. Un épicier qui vendait des lignes lerenseigna sur ce sport tranquille, offrit même de guider sespremiers essais. La proposition fut acceptée, et de neuf heures àmidi, Mariolle, avec de grands efforts et une attention toujourstendue, parvint à prendre trois petits poissons.

Après le repas, il se rendit de nouveau à Marlotte.Pourquoi ? Pour tuer le temps.

La petite bonne de l’auberge se mit à rire en l’apercevant.

Il sourit aussi, amusé par cette reconnaissance, et il essaya dela faire causer.

Plus familière que la veille, elle parla. Elle s’appelaitÉlisabeth Ledru.

Sa mère, couturière en chambre, était morte l’annéeprécédente ; alors le mari, employé comptable, toujours ivreet sans place, et qui vivait du labeur de sa femme et de sa fille,disparut, car la fillette, restée seule tout le jour à coudre danssa mansarde, ne pouvait subvenir aux besoins de deux personnes.Lasse à son tour de sa besogne solitaire, elle entra comme bonnedans un bouillon, y resta près d’un an, et, comme elle se sentaitfatiguée, le fondateur de l’hôtel Corot, à Marlotte, ayant étéservi par elle, l’engagea pour l’été avec deux autres jeunespersonnes qui viendraient un peu plus tard. Ce patron assurémentsavait attirer la clientèle.

Cette histoire plut à Mariolle, qui fit dire à la jeune fille,en l’interrogeant avec adresse et en la traitant comme unedemoiselle, beaucoup de détails curieux sur ce sombre et pauvreintérieur ruiné par un ivrogne. Elle, être perdu, errant, sansliens, gaie quand même parce qu’elle était jeune, sentant réell’intérêt de cet inconnu, et vive son attention, parla avecconfiance, avec l’expansion de son âme qu’elle ne pouvait guèreplus contenir que l’agilité de ses membres.

Il lui demanda quand elle eut fini :

– Et… vous serez bonne toute votre vie ?

– Je ne sais pas, moi, monsieur. Est-ce que je peux deviner cequi m’arrivera demain ?

– Pourtant il faut penser à l’avenir.

Elle avait pris un air méditatif, vite effacé sur ses traits,puis elle répondit :

– Je prendrai ce qui me tombera. Tant pis !

Ils se quittèrent bons amis.

Il revint quelques jours plus tard, puis une autre fois, puissouvent, vaguement attiré par la causerie naïve de la filletteabandonnée, dont le léger bavardage distrayait un peu sonchagrin.

Mais quand il retournait à pied, le soir, à Montigny, il avait,en pensant à Mme de Burne, des crises épouvantables de désespoir.Avec la nuit retombaient sur lui les déchirants regrets et lajalousie féroce. Il n’avait aucune nouvelle. Il n’avait écrit àpersonne et personne ne lui avait écrit. Il ne savait rien. Alors,seul, sur la route noire, il imaginait les progrès de la liaisonprochaine qu’il avait prévue entre sa maîtresse d’hier et le comtede Bernhaus. Cette idée fixe entrait en lui plus profondémentchaque jour. Celui-là, pensait-il, donnera juste ce qu’elle demande: un amant distingué, assidu, sans exigences, satisfait et flattéd’être le préféré de cette délicieuse et fine coquette.

Il le comparait à lui-même. L’autre, certes, n’aurait pas cesénervements, ces impatiences fatigantes, ce besoin acharné detendresse rendue, qui avaient détruit leur entente amoureuse. Il secontenterait de peu en homme du monde très souple, avisé etdiscret, car il ne semblait guère appartenir non plus à la race despassionnés.

Or, un jour, comme André Mariolle arrivait à Marlotte, ilaperçut sous l’autre tonnelle de l’hôtel Corot deux jeunes gensbarbus coiffés de bérets, et qui fumaient des pipes.

Le patron, un gros homme à face épanouie, vint aussitôt lesaluer, car il éprouvait pour ce dîneur fidèle une sympathieintéressée, puis il dit :

– J’ai deux nouveaux clients, deux peintres, depuis hier.

– Ces messieurs là-bas ?

– Oui, ils sont déjà connus. Le plus petit a eu une secondemédaille, l’an dernier.

Et, ayant raconté tout ce qu’il savait de ces artistes enéclosion, il demanda :

– Que prenez-vous aujourd’hui, monsieur Mariolle ?

– Envoyez-moi un vermout, comme toujours.

Le patron s’éloigna.

Élisabeth parut portant le plateau, le verre, la carafe et labouteille. Et aussitôt un des peintres cria :

– Eh bien ! petite, est-on toujours fâchée ?

Elle ne répondit pas, et quand elle approcha de Mariolle il vitqu’elle avait les yeux rouges.

– Vous avez pleuré ? dit-il.

Elle répondit simplement :

– Oui, un peu.

– Que s’est-il passé ?

– Ces deux messieurs là-bas se sont mal conduits avec moi.

– Qu’est-ce qu’ils ont fait ?

– Ils m’ont prise pour une pas grand’chose.

– Vous vous êtes plainte au patron ?

Elle eut un haussement d’épaules désolé.

– Oh ! monsieur… le patron… le patron… je le connais…maintenant, le patron !…

Mariolle, ému, un peu irrité, lui dit :

– Contez-moi tout ça ?

Elle conta les tentatives immédiates et brutales de ces deuxrapins arrivés la veille. Puis elle se remit à pleurer, sedemandant ce qu’elle allait faire, perdue en ce pays, sansprotection, sans appui, sans argent, sans ressources.

Mariolle lui proposa soudain :

– Voulez-vous entrer à mon service ? Vous serez bientraitée chez moi ; et, quand je retournerai à Paris, vousdemeurerez libre de faire ce qu’il vous plaira.

Elle le regardait en face, avec des yeux interrogateurs.

Puis tout à coup :

– Je veux bien, monsieur.

– Combien gagnez-vous ici ?

– Soixante francs par mois.

Elle ajouta, prise d’inquiétude :

– Et j’ai ma petite part des pourboires en plus. Ça fait environsoixante-dix.

– Je vous en donnerai cent.

Surprise, elle répéta :

– Cent francs par mois ?

– Oui. Ça vous va ?

– Je crois bien que ça me va !

– Vous aurez simplement à me servir, à prendre soin de meseffets, linge et habits, et à faire ma chambre.

– C’est entendu, monsieur.

– Quand viendrez-vous ?

– Demain, si vous voulez. Après ce qui s’est passé ici, j’iraitrouver le maire, et je m’en irai de force.

Mariolle tira deux louis de sa poche, et, les lui donnant :

– Voilà votre denier à Dieu.

Une joie éclaira son visage, et elle lui dit d’un ton décidé:

– Je serai chez vous demain, avant midi, monsieur.

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