Son Excellence Eugène Rougon

Chapitre 14

 

Trois ans plus tard, un jour de mars, il y avait une séance trèsorageuse au Corps législatif. On y discutait l’adresse pour lapremière fois.

À la buvette, M. La Rouquette et un vieux député,M. de Lamberthon, le mari d’une femme adorable, buvaientdes grogs, en face l’un de l’autre, tranquillement.

« Hein ! si nous retournions dans la salle ?demandait M. de Lamberthon, qui prêtait l’oreille. Jecrois que ça chauffe. »

On entendait par moments une clameur lointaine, une tempête devoix, brusque comme un coup de vent ; puis, tout retombait àun grand silence. Mais M. La Rouquette continuait à fumer d’unair de parfaite insouciance, en répondant :

« Non, laissez donc, je veux finir mon cigare… On nouspréviendra, si l’on a besoin de nous. J’ai dit qu’on nousprévienne. »

Ils étaient seuls dans la buvette, une petite salle de café trèscoquette, établie au fond de l’étroit jardin qui fait le coin duquai et de la rue de Bourgogne. Peinte en vert tendre, recouverted’un treillage de bambous, s’ouvrant par de larges baies vitréessur les massifs du jardin, elle ressemblait à une serre changée enbuffet de gala, avec ses panneaux de glace, ses tables, soncomptoir de marbre rouge, ses banquettes de reps vert capitonné.Une des baies ouverte laissait entrer le bel après-midi, unetiédeur printanière que rafraîchissaient les souffles vifs de laSeine.

« La guerre d’Italie a mis le comble à sa gloire, repritM. La Rouquette, continuant une conversation interrompue.Aujourd’hui, en rendant au pays la liberté, il montre toute laforce de son génie… »

Il parlait de l’empereur. Pendant un instant, il exalta laportée des décrets de novembre, la participation plus directe desgrands corps de l’État à la politique du souverain, la création desministres sans portefeuille chargés de représenter le gouvernementauprès des Chambres. C’était le retour du régime constitutionnel,dans ce qu’il avait de sain et de raisonnable. Une nouvelle ère,l’empire libéral, s’ouvrait. Et il secouait la cendre de soncigare, transporté d’admiration.

M. de Lamberthon hochait la tête.

« Il est allé un peu vite, murmura-t-il. On aurait puattendre encore. Rien ne pressait.

– Si, si, je vous assure, il fallait faire quelque chose,dit vivement le jeune député. C’est justement là legénie… »

Il baissa la voix, il expliqua la situation politique avec descoups d’œil profonds. Les mandements des évêques, au sujet dupouvoir temporel, menacé par le gouvernement de Turin, inquiétaientbeaucoup l’empereur. D’autre part, l’opposition se réveillait, lepays traversait une heure de malaise. Le moment était venu detenter la réconciliation des partis, d’attirer à soi les hommespolitiques boudeurs en leur faisant de sages concessions.Maintenant, il trouvait l’empire autoritaire très défectueux, iltransformait l’empire libéral en une apothéose dont l’Europeentière allait être éclairée.

« N’importe, il a agi trop vite, répétaitM. de Lamberthon, qui hochait toujours la tête. J’entendsbien, l’empire libéral ; mais c’est l’inconnu, cher monsieur,l’inconnu, l’inconnu… »

Et il dit ce mot sur trois tons différents, en promenant sa maindevant lui, dans le vide. M. La Rouquette n’ajouta rien ;il finissait son grog. Les deux députés restèrent là, les yeuxperdus, regardant le ciel par la baie ouverte, comme s’ils avaientcherché l’inconnu au-delà du quai, du côté des Tuileries, oùflottaient de grandes vapeurs grises. Derrière eux, au fond descouloirs, l’ouragan des voix grondait de nouveau, avec le vacarmesourd d’un orage qui s’approche.

M. de Lamberthon tournait la tête, pris d’inquiétude.Au bout d’un silence, il demanda :

« C’est Rougon qui doit répondre, n’est-ce pas ?

– Oui, je crois, répondit M. La Rouquette, les lèvrespincées, d’un air discret.

– Il était bien compromis, murmura encore le vieux député.L’empereur a fait un singulier choix, en le nommant ministre sansportefeuille et en le chargeant de défendre sa nouvellepolitique. »

M. La Rouquette ne donna pas tout de suite son avis. Ilcaressait sa moustache blonde d’une main lente. Il finit pardire :

« L’empereur connaît Rougon. »

Puis, il s’écria, d’une voix changée :

« Dites donc, ils n’étaient pas fameux, ces grogs… J’ai unesoif d’enragé. J’ai envie de prendre un verre de sirop. »

Il commanda un verre de sirop. M. de Lamberthonhésita, se décida enfin pour un madère. Et ils causèrent deMme de Lamberthon ; le mari reprochait àson jeune collègue la rareté de ses visites. Celui-ci s’étaitrenversé sur la banquette capitonnée, se mirant d’un regard obliquedans les glaces, jouissant du vert tendre des murs, de cettebuvette fraîche, qui avait des airs de bosquet Pompadour, installéà quelque carrefour de forêt princière, pour des rendez-vousamoureux.

Un huissier arriva, essoufflé.

« Monsieur La Rouquette, on vous demande tout de suite,tout de suite. »

Et, comme le jeune député avait un geste d’ennui, l’huissier sepencha à son oreille, lui dit à demi-voix qu’il était envoyé parM. de Marsy lui-même, le président de la Chambre. Ilajouta plus haut :

« Enfin, on a besoin de tout le monde, venezvite. »

M. de Lamberthon s’était précipité vers la salle desséances. M. La Rouquette le suivait, lorsqu’il parut seraviser. L’idée lui poussait de racoler tous les députés flâneurs,pour les envoyer à leurs bancs. Il se jeta d’abord dans la salledes conférences, une belle salle éclairée par un plafond vitré, oùse trouvait une cheminée géante en marbre vert, ornée de deuxfemmes de marbre blanc, nues et couchées. Malgré la douceur del’après-midi, des troncs d’arbre y brûlaient. Autour de l’immensetable, trois députés sommeillaient, les yeux ouverts, en regardantles tableaux des murs et la pendule fameuse qu’on remontait uneseule fois par an ; un quatrième, occupé à se chauffer lesreins, debout devant la cheminée, semblait examiner d’un airattendri, à l’autre extrémité de la pièce, une petite statued’Henri IV en plâtre, qui se détachait sur un trophée dedrapeaux pris à Marengo, à Austerlitz et à Iéna. À l’appel de leurcollègue allant de l’un à l’autre, criant : « Vite, vite,en séance ! » ces messieurs, comme réveillés en sursaut,disparurent à la file.

Cependant, emporté par son élan, M. La Rouquette courait àla bibliothèque, quand il eut la précaution de revenir sur ses pas,pour fouiller d’un coup d’œil le couloir aux lavabos.M. de Combelot, les mains plongées au fond d’une grandecuvette, les y frottait doucement, en souriant à leur blancheur. Ilne s’émut pas, il retournait tout de suite à sa place. Et il pritle temps de s’éponger longuement les mains, à l’aide d’uneserviette chaude, qu’il remit ensuite dans l’étuve, aux portes decuivre. Même il alla, à l’extrémité du couloir, devant une hauteglace, peigner sa belle barbe noire, avec un petit peigne depoche.

La bibliothèque était vide. Les livres dormaient dans leurscasiers de chêne ; toutes nues, les deux grandes tablesétalaient la sévérité de leurs tapis verts ; aux bras desfauteuils, rangés en bon ordre, les pupitres mécaniques serepliaient, gris d’une légère poussière. Et, au milieu de cerecueillement, dans l’abandon de la galerie où traînait une odeurde papiers, M. La Rouquette dit tout haut, en faisant claquerla porte :

« Il n’y a jamais personne, là-dedans ! »

Alors, il se lança dans l’enfilade des couloirs et des salles.Il traversa la salle de distribution, dallée en marbre desPyrénées, où son pas sonnait comme sous une voûte d’église. Unhuissier lui ayant appris qu’un député de ses amis,M. de la Villardière, faisait visiter le Palais à unmonsieur et à une dame, il s’entêta à le trouver. Il courut à lasalle du général Foy, ce vestibule sévère, dont les quatre statues,Mirabeau, le général Foy, Bailly et Casimir Périer, sontl’admiration respectueuse des bourgeois de province. Et ce fut àcôté, dans la salle du trône, qu’il aperçut enfinM. de la Villardière, flanqué d’une grosse dame et d’ungros monsieur, des gens de Dijon, tous deux notaires et électeursinfluents.

« On vous demande, dit M. La Rouquette. Vite à votreposte, n’est-ce pas ?

– Oui, tout de suite », répondit le député.

Mais il ne put s’échapper. Le gros monsieur, impressionné par leluxe de la salle, le ruissellement des dorures, les panneaux deglace, s’était découvert ; et il ne lâchait pas son« cher député », il lui demandait des explications surles peintures de Delacroix, les Mers et les Fleuves de France, dehautes figures décoratives, Mediterraneum Mare, Oceanus,Ligeris, Rhenus, Sequana, Rhodanus, Garumna, Araris. Ces motslatins l’embarrassaient.

« Ligeris, la Loire », dit M. de laVillardière.

Le notaire de Dijon hocha vivement la tête ; il avaitcompris. Cependant, sa dame considérait le trône, un fauteuil unpeu plus haut que les autres, garni d’une housse et placé sur unelarge marche. Elle restait à distance, dévotement, l’air ému. Ellefinit par se rapprocher, par s’enhardir ; et, d’une mainfurtive, elle souleva la housse, toucha le bois doré, tâta levelours rouge.

Maintenant, M. La Rouquette battait l’aile droite duPalais, les corridors interminables, les pièces réservées auxbureaux et aux commissions. Il revint par la salle des quatrecolonnes, où les jeunes députés rêvent en face des statues deBrutus, de Solon et de Lycurgue ; coupa de biais la salle despas perdus ; longea rapidement le pourtour, cette galerie enhémicycle, une sorte de crypte écrasée, d’une nudité blafarded’église, éclairée au gaz nuit et jour ; et, hors d’haleine,traînant derrière lui la petite troupe de députés qu’il avaitramassée dans sa battue générale, il ouvrit toute large une ported’acajou étoilée d’or. M. de Combelot, les mainsblanches, la barbe correcte, le suivait. M. de laVillardière, qui s’était débarrassé de ses deux électeurs, marchaitsur ses talons. Tous montèrent d’un élan, se jetèrent dans la salledes séances où les députés, debout à leur banc, furibonds, les brastendus, menaçant un orateur impassible à la tribune,criaient :

« À l’ordre ! à l’ordre ! à l’ordre !

– À l’ordre ! à l’ordre ! » crièrent plushaut M. La Rouquette et ses amis, tout en ignorant ce dont ils’agissait.

Le vacarme était épouvantable. Il y avait des piétinementsenragés, un roulement d’orage obtenu par les planchettes despupitres secouées violemment. Des voix glapissantes, suraiguës,jetaient des notes de fifre au milieu d’autres voix ronflantes,prolongées comme des accompagnements d’orgue. Par moments, lesbruits semblaient se briser, le tapage se fêlait ; et alors,au milieu de la clameur mourante, des huées montaient, des paroless’entendaient :

« C’est odieux ! c’est intolérable !

– Qu’il retire le mot !

– Oui, oui, retirez le mot ! »

Mais le cri obstiné, le cri qui revenait sans arrêt, commerythmé par le battement des talons, c’était ce cri : « Àl’ordre ! à l’ordre ! à l’ordre ! »s’aigrissant, s’étranglant dans les gosiers séchés.

À la tribune, l’orateur avait croisé les bras. Il regardait enface la Chambre furieuse, ces faces aboyantes, ces poings brandis.À deux reprises, croyant à un peu de silence, il ouvrit labouche ; ce qui amena un redoublement de tempête, une crised’emportement fou. La salle craquait.

M. de Marsy, debout devant son fauteuil de président,la main sur la pédale de la sonnette, sonnait d’une façon continue,un carillon d’alarme au milieu d’un ouragan. Sa haute figure pâlegardait un sang-froid parfait. Il s’arrêta un instant de sonner,tira ses manchettes tranquillement, puis se remit à son carillon.Son mince sourire sceptique, une sorte de tic qui lui étaithabituel, pinçait les coins de ses lèvres fines. Lorsque les voixse lassaient, il se contentait de lancer :

« Messieurs, permettez, permettez… »

Enfin, il obtint un silence relatif.

« J’invite l’orateur, dit-il, à expliquer le mot qu’ilvient de prononcer. »

L’orateur se penchant, s’appuyant sur le bord de la tribune,répéta sa phrase avec une affirmation entêtée du menton.

« J’ai dit que le 2 décembre était un crime… »

Il ne put aller plus loin. L’orage recommença. Un député, lesang aux joues, le traita d’assassin ; un autre lui jeta uneordure, si grosse, que les sténographes sourirent, en se gardantd’écrire le mot. Les exclamations se croisaient, s’étouffaient.Pourtant, on entendait la voix flûtée de M. La Rouquette, quirépétait :

« Il insulte l’empereur, il insulte laFrance ! »

M. de Marsy eut un geste digne. Il se rassit, endisant :

« Je rappelle l’orateur à l’ordre. »

Une longue agitation suivit. Ce n’était plus le Corps législatifensommeillé qui avait voté, cinq ans plus tôt, un crédit de quatrecent mille francs pour le baptême du prince impérial. À gauche, surun banc, quatre députés applaudissaient le mot lancé à la tribunepar leur collègue. Ils étaient cinq maintenant à attaquer l’empire.Ils l’ébranlaient d’une secousse continue, le niaient, luirefusaient leur vote, avec un entêtement de protestation, dontl’effet devait peu à peu soulever le pays entier. Ces députés setenaient debout, groupe infime, perdu au milieu d’une majoritéécrasante ; et ils répondaient aux menaces, aux poings tendus,à la pression bruyante de la Chambre sans un découragement,immobiles et fervents dans leur revanche.

La salle elle-même paraissait changée, toute sonore, frémissantede fièvre. On avait rétabli la tribune, au pied du bureau. Lafroideur des marbres, le développement pompeux des colonnes del’hémicycle, se chauffaient de la parole ardente des orateurs. Surles gradins, le long des banquettes de velours rouge, la lumière dela baie vitrée tombant d’aplomb semblait allumer des incendies,dans les orages des grandes séances. Le bureau monumental, avec sespanneaux sévères, s’animait des ironies et des insolences deM. de Marsy, dont la redingote correcte, la taille mincede viveur épuisé, coupaient d’une ligne pauvre les nudités antiquesdu bas-relief placé derrière son dos. Et seules, dans leurs niches,entre leurs paires de colonnes, les statues allégoriques de l’Ordrepublic et de la Liberté gardaient leurs faces mortes et leurs yeuxvides de divinités de pierre. Mais ce qui soufflait surtout la vie,c’était le public plus nombreux, penché anxieusement, suivant lesdébats, apportant là sa passion. Le second rang des tribunes venaitd’être remis en place. Les journalistes avaient leur tribuneparticulière. Tout en haut, au bord de la corniche chargée dedorures, des têtes s’allongeaient, un envahissement de foule, quiparfois faisait lever les yeux inquiets des députés, comme s’ilsavaient cru brusquement entendre le piétinement de la populace, unjour d’émeute.

Cependant, l’orateur, à la tribune, attendait toujours depouvoir continuer. Il dit, la voix couverte par le murmure quiroulait encore :

« Messieurs, je me résume… »

Mais il s’arrêta pour reprendre plus haut, dominant lebruit :

« Si la Chambre refuse de m’écouter, je proteste et jedescends de cette tribune.

– Parlez, parlez ! » cria-t-on de plusieursbancs.

Et une voix épaisse, comme enrouée, gronda :

« Parlez, on saura vous répondre. »

Le silence régna brusquement. Sur les gradins, dans lestribunes, on tendait le cou pour voir Rougon, qui venait de lancercette phrase. Il était assis au premier banc, les coudes appuyéssur la tablette de marbre. Son gros dos gonflé gardait uneimmobilité à peine rompue de loin en loin par un léger balancementdes épaules. On n’apercevait pas son visage, enfoui entre seslarges mains. Il écoutait. Son début était attendu avec une vivecuriosité ; car, depuis sa nomination de ministre sansportefeuille, il n’avait pas encore pris la parole. Sans doute ileut conscience de tous ces regards fixés sur lui. Il tourna latête, fit le tour de la salle. En face, dans la tribune desministres, Clorinde en robe violette, accoudée à la rampe develours rouge, le regardait longuement, avec son audace tranquille.Ils restèrent deux secondes les yeux dans les yeux, sans sesourire, comme étrangers. Puis, Rougon reprit sa position, écoutade nouveau, le visage entre ses mains ouvertes.

« Messieurs, je me résume, disait l’orateur. Le décret du24 novembre octroie des libertés purement illusoires. Nous sommesencore bien loin des principes de 89, inscrits si pompeusement entête de la constitution impériale. Si le gouvernement reste armé delois exceptionnelles, s’il continue à imposer ses candidats aupays, s’il ne dégage pas la presse du régime de l’arbitraire, enfins’il tient toujours la France à sa merci, toutes les concessionsapparentes qu’il peut faire sont mensongères… »

Le président l’interrompit.

« Je ne puis laisser l’orateur employer un pareilterme.

– Très bien, très bien ! » cria-t-on àdroite.

L’orateur reprit sa phrase, en l’adoucissant. Il s’efforçaitd’être très modéré maintenant, arrondissant de belles périodes quitombaient avec une cadence grave, d’une pureté de langue parfaite.Mais M. de Marsy s’acharnait, discutait chacune de sesexpressions. Alors, il s’éleva dans de hautes considérations, unephraséologie vague, encombrée de grands mots, où sa pensée sedéroba si bien, que le président dut l’abandonner. Puis, tout d’uncoup, il revint à son point de départ.

« Je me résume. Mes amis et moi, nous ne voterons pas lepremier paragraphe de l’adresse en réponse au discours dutrône…

– On se passera de vous », dit une voix.

Une hilarité bruyante courut sur les bancs.

« Nous ne voterons pas le premier paragraphe de l’adresse,recommença paisiblement l’orateur, si notre amendement n’est pasadopté. Nous ne saurions nous associer à des remerciementsexagérés, lorsque la pensée du chef de l’État nous apparaît pleinede restrictions. La liberté est une ; on ne peut la couper parmorceaux et la distribuer en rations, ainsi qu’uneaumône. »

Ici, des exclamations partirent de tous les coins de lasalle.

« Votre liberté est de la licence !

– Ne parlez pas d’aumône, vous mendiez une popularitémalsaine !

– Et vous, ce sont les têtes que vous coupez !

– Notre amendement, continua-t-il, comme s’il n’entendaitpas, réclame l’abrogation de la loi de sûreté générale, la libertéde la presse, la sincérité des élections… »

Les rires reprenaient. Un député avait dit, assez haut pour êtreentendu de ses voisins : « Va, va, mon bonhomme, tun’auras rien de tout ça ! » Un autre ajoutait des motsdrôles à chaque phrase tombée de la tribune. Mais le plus grandnombre, pour s’amuser, scandait les périodes à coups précipités decouteau à papier, tapés sournoisement sous leur pupitre ; cequi produisait un roulement de baguettes de tambour, dans lequel lavoix de l’orateur se trouvait étouffée. Celui-ci pourtant luttajusqu’au bout. Il s’était redressé, il lançait puissamment cesdernières paroles, par-dessus le tumulte :

« Oui, nous sommes des révolutionnaires, si vous entendezpar là des hommes de progrès, décidés à conquérir la liberté !Refusez la liberté au peuple, un jour le peuple lareprendra. »

Et il descendit de la tribune, au milieu d’un nouveaudéchaînement. Les députés ne riaient plus comme une bande decollégiens échappés. Ils s’étaient levés, tournés vers la gauche,poussant une fois encore le cri : « À l’ordre ! àl’ordre ! » L’orateur avait regagné son banc, et restaitdebout, entouré de ses amis. Il y eut des poussées. La majoritésembla vouloir se jeter sur ces cinq hommes, dont les faces pâlesles défiaient. Mais M. de Marsy, fâché, sonnait d’unemain saccadée, en regardant les tribunes où des dames sereculaient, l’air peureux.

« Messieurs, dit-il, c’est un scandale… »

Et le silence s’étant fait, il continua, de très haut, avec sonautorité mordante :

« Je ne veux pas prononcer un second rappel à l’ordre. Jedirai seulement qu’il est vraiment scandaleux d’apporter à cettetribune des menaces qui la déshonorent. »

Une triple salve d’applaudissements accueillit ces paroles duprésident. On criait bravo, et les couteaux à papier marchaientferme, cette fois en manière d’approbation. L’orateur de la gauchevoulut répondre ; mais ses amis l’en empêchèrent. Le tumultealla en s’apaisant, se perdit dans le brouhaha des conversationsparticulières.

« La parole est à Son Excellence M. Rougon »,reprit M. de Marsy d’une voix calmée.

Un frisson courut, un soupir de curiosité satisfaite qui fitplace à une attention religieuse. Rougon, les épaules arrondies,était monté pesamment à la tribune. Il ne regarda pas d’abord lasalle ; il posait devant lui un paquet de notes, reculait leverre d’eau sucrée, promenait ses mains, comme pour prendrepossession de l’étroite caisse d’acajou. Enfin, adossé au bureau,au fond, il leva la face. Il ne vieillissait pas. Son front carré,son grand nez bien fait, ses longues joues sans rides, gardaientune pâleur rosée, un teint frais de notaire de petite ville. Seulsses cheveux grisonnants, si rudement plantés, s’éclaircissaientvers les tempes et découvraient ses larges oreilles. Les yeux àdemi clos, il jeta un regard dans la salle, attendant encore. Uninstant, il parut chercher, rencontra le visage attentif et penchéde Clorinde, puis commença, la langue lourde et pâteuse.

« Nous aussi nous sommes des révolutionnaires, si l’onentend par ce mot des hommes de progrès, décidés à rendre au pays,une à une, toutes les sages libertés…

– Très bien ! très bien !

– Eh ! messieurs, quel gouvernement mieux que l’empirea jamais réalisé les réformes libérales dont vous venez d’entendretracer le séduisant programme ? Je ne combattrai pas lediscours de l’honorable préopinant. Il me suffira de prouver que legénie et le grand cœur de l’empereur ont devancé les réclamationsdes adversaires les plus acharnés de son règne. Oui, messieurs, delui-même, le souverain a remis à la nation ce pouvoir dont ellel’avait investi, dans un jour de danger public. Magnifiquespectacle, si rare dans l’histoire ! Oh ! nous comprenonsle dépit de certains hommes de désordre. Ils en sont réduits àattaquer les intentions, à discuter la quantité de liberté rendue…Vous avez compris le grand acte du 24 novembre. Vous avez voulu,dans le premier paragraphe de l’adresse, témoigner à l’empereurvotre profonde reconnaissance de sa magnanimité et de sa confianceen la sagesse du Corps législatif. L’adoption de l’amendement quivous est soumis, serait une injure gratuite, je dirai même unemauvaise action. Consultez vos consciences, messieurs,demandez-vous si vous vous sentez libres. La liberté estaujourd’hui complète, entière, je m’en porte le garant… »

Des applaudissements prolongés l’interrompirent. Il s’étaitlentement approché du bord de la tribune. Maintenant, le corps unpeu penché, le bras droit étendu, il haussait sa voix, qui sedégageait avec une puissance extraordinaire. Derrière lui,M. de Marsy, allongé au fond de son fauteuil, l’écoutait,de l’air vaguement souriant d’un amateur émerveillé par l’exécutionmagistrale de quelque tour de force. Dans la salle, au milieu dutonnerre des bravos, des membres se penchaient, chuchotaient,surpris, les lèvres pincées. Clorinde avait abandonné ses bras surle velours rouge de la rampe, toute sérieuse.

Rougon continuait.

« Aujourd’hui, l’heure que nous avons tous attendue avecimpatience a enfin sonné. Il n’y a plus aucun danger à faire de laFrance prospère une France libre. Les passions anarchiques sontmortes. L’énergie du souverain et la volonté solennelle du pays ontpour toujours refoulé dans le néant les époques abominables deperversion publique. La liberté est devenue possible, le jour où aété vaincue cette faction qui s’obstinait à méconnaître les basesfondamentales du gouvernement. C’est pourquoi l’empereur a crudevoir retirer sa puissante main, refusant les prérogativesexcessives du pouvoir comme un fardeau inutile, estimant son règneindiscutable au point de le laisser discuter. Et il n’a pas reculédevant la pensée d’engager l’avenir ; il ira jusqu’au bout desa tâche de délivrance, il rendra les libertés une à une, auxépoques marquées par sa sagesse. Désormais, c’est ce programme deprogrès continu que nous avons la mission de défendre dans cetteassemblée… »

Un des cinq députés de la gauche se leva indigné, endisant :

« Vous avez été le ministre de la répression àoutrance ! »

Et un autre ajouta avec passion :

« Les pourvoyeurs de Cayenne et de Lambessa n’ont pas ledroit de parler au nom de la liberté ! »

Une explosion de murmures monta. Beaucoup de députés necomprenaient pas, se penchaient, interrogeant leurs voisins.M. de Marsy feignit de ne pas avoir entendu ; et ilse contenta de menacer les interrupteurs de les rappeler àl’ordre.

« On vient de me reprocher… », reprit Rougon.

Mais des cris s’élevèrent à droite, l’empêchèrent decontinuer.

« Non, non, ne répondez pas !

– Ces injures ne sauraient vous atteindre ! »

Alors, il apaisa la Chambre d’un geste ; et, s’appuyant desdeux poings au bord de la tribune, il se tourna vers la gauche,d’un air de sanglier acculé.

« Je ne répondrai pas », déclara-t-iltranquillement.

Ce n’était encore que l’exorde. Bien qu’il eût promis de ne pasréfuter le discours du député de la gauche, il entra ensuite dansune discussion minutieuse. Il fit d’abord un exposé très completdes arguments de son adversaire ; il y mettait une sorte decoquetterie, une impartialité dont l’effet était immense, commedédaigneux de toutes ces bonnes raisons et prêt à les écarter d’unsouffle. Puis, il parut oublier de les combattre, il ne répondit àaucune, il s’attaqua à la plus faible d’entre elles avec uneviolence inouïe, un flot de paroles qui la noya. Onl’applaudissait, il triomphait. Son grand corps emplissait latribune. Ses épaules, balancées, suivaient le roulis de sesphrases. Il avait l’éloquence banale, incorrecte, toute hérissée dequestions de droit, enflant les lieux communs, les faisant creveren coups de foudre. Il tonnait, il brandissait des mots bêtes. Saseule supériorité d’orateur était son haleine, une haleine immense,infatigable, berçant les périodes, coulant magnifiquement pendantdes heures, sans se soucier de ce qu’elle charriait.

Après avoir parlé une heure sans un arrêt, il but une gorgéed’eau, il souffla un peu, en rangeant les notes placées devantlui.

« Reposez-vous ! » dirent plusieurs députés.

Mais il ne se sentait pas fatigué. Il voulut terminer.

« Que vous demande-t-on, messieurs ?

– Écoutez ! écoutez ! »

Une profonde attention tint de nouveau les faces muettes,tournées vers lui. À certains éclats de sa voix, des mouvementsagitaient la Chambre d’un bout à l’autre, comme sous un grandvent.

« On vous demande, messieurs, d’abroger la loi de sûretégénérale. Je ne rappellerai pas l’heure à jamais maudite où cetteloi fut une arme nécessaire ; il s’agissait de rassurer lepays, de sauver la France d’un nouveau cataclysme. Aujourd’hui,l’arme est au fourreau. Le gouvernement, qui s’en est toujoursservi avec la plus grande modération…

– C’est vrai !

– Le gouvernement ne l’applique plus que dans certains castout à fait exceptionnels. Elle ne gêne personne, si ce n’est lessectaires qui nourrissent encore la coupable folie de vouloirretourner aux plus mauvais jours de notre histoire. Parcourez nosvilles, parcourez nos campagnes, vous y verrez partout la paix etla prospérité ; interrogez les hommes d’ordre, aucun ne sentpeser sur ses épaules ces lois d’exception dont on nous fait un sigrand crime. Je le répète, entre les mains paternelles dugouvernement, elles continuent à sauvegarder la société contre desentreprises odieuses, dont le succès, d’ailleurs, est désormaisimpossible. Les honnêtes gens n’ont pas à se préoccuper de leurexistence. Laissons-les où elles dorment, jusqu’au jour où lesouverain croira devoir les briser lui-même… Que vous demande-t-onencore, messieurs ? la sincérité des élections, la liberté dela presse, toutes les libertés imaginables. Ah ! laissez-moime reposer ici dans le spectacle des grandes choses que l’empire adéjà accomplies. Autour de moi, partout où je porte les yeux,j’aperçois les libertés publiques croître et donner des fruitssplendides. Mon émotion est profonde. La France, si abaissée, serelève, offre au monde l’exemple d’un peuple conquérant sonémancipation par sa bonne conduite. À cette heure, les joursd’épreuve sont passés. Il n’est plus question de dictature, degouvernement autoritaire. Nous sommes tous les ouvriers de laliberté…

– Bravo ! bravo !

– On demande la sincérité des élections. Le suffrageuniversel, appliqué sur sa base la plus large, n’est-il pas lacondition primordiale d’existence de l’empire ? Sans doute legouvernement recommande ses candidats. Est-ce que la révolutionn’appuie pas les siens avec une audace impudente ? On nousattaque, nous nous défendons, rien de plus juste. On voudrait nousbâillonner, nous lier les mains, nous réduire à l’état de cadavre.C’est ce que nous n’accepterons jamais. Par amour pour le pays,nous serons toujours là, à le conseiller, à lui dire où sont sesvéritables intérêts. Il reste, d’ailleurs, le maître absolu de sonsort. Il vote, et nous nous inclinons. Les membres de l’oppositionqui appartiennent à cette assemblée, où ils jouissent d’une entièreliberté de parole, sont une preuve de notre respect pour les arrêtsdu suffrage universel. Les révolutionnaires doivent s’en prendre aupays, si le pays acclame l’empire par des majorités écrasantes…Dans le parlement, toutes les entraves au libre contrôle sontaujourd’hui brisées. Le souverain a voulu donner aux grands corpsde l’État une participation plus directe à sa politique et untémoignage éclatant de sa confiance. Vous pourrez désormaisdiscuter les actes du pouvoir, exercer dans son plein le droitd’amendement, émettre des vœux motivés. Chaque année, l’adressesera comme un rendez-vous entre l’empereur et les représentants dela nation, où ceux-ci auront la faculté de tout dire avecfranchise. C’est de la discussion au grand jour que naissent lesÉtats forts. La tribune est rétablie, cette tribune illustrée partant d’orateurs dont l’histoire a gardé les noms. Un parlement quidiscute est un parlement qui travaille. Et voulez-vous connaîtretoute ma pensée ? je suis heureux de voir ici un groupe dedéputés opposants. Il y aura toujours parmi nous des adversairesqui chercheront à nous prendre en faute, et qui mettront ainsi enpleine lumière notre honorabilité. Nous réclamons pour eux lesimmunités les plus larges. Nous ne craignons ni la passion, ni lescandale, ni les abus de la parole, si dangereux qu’ils puissentêtre… Quant à la presse, messieurs, elle n’a jamais joui d’uneliberté plus entière, sous aucun gouvernement décidé à se fairerespecter. Toutes les grandes questions, tous les intérêts sérieuxont des organes. L’administration ne combat que la propagation desdoctrines funestes, le colportage du poison. Mais, entendez-moibien, nous sommes tous pleins de déférence pour la presse honnête,qui est la grande voix de l’opinion publique. Elle nous aide dansnotre tâche, elle est l’outil du siècle. Si le gouvernement l’aprise dans ses mains, c’est uniquement pour ne pas la laisser auxmains de ses ennemis… »

Des rires approbateurs s’élevèrent. Rougon, cependant,approchait de la péroraison. Il empoignait le bois de la tribune deses doigts crispés. Il jetait son corps en avant, balayait l’air deson bras droit. Sa voix roulait avec une sonorité de torrent.Brusquement, au milieu de son idylle libérale, il parut pris d’unefureur haletante. Son poing tendu, lancé en manière de bélier,menaçait quelque chose, là-bas, dans le vide. Cet adversaireinvisible, c’était le spectre rouge. En quelques phrasesdramatiques, il montra le spectre rouge secouant son drapeauensanglanté, promenant sa torche incendiaire, laissant derrière luides ruisseaux de boue et de sang. Tout le tocsin des journéesd’émeute sonnait dans sa voix, avec le sifflement des balles, lescaisses de la Banque éventrées, l’argent des bourgeois volé etpartagé. Sur les bancs, les députés pâlissaient. Puis, Rougons’apaisa ; et, à grands coups de louanges qui avaient desbruits balancés d’encensoir, il termina en parlant del’empereur.

« Dieu merci ! nous sommes sous l’égide de ce princeque la Providence a choisi pour nous sauver dans un jour demiséricorde infinie. Nous pouvons nous reposer à l’abri de sa hauteintelligence. Il nous a pris par la main, et il nous conduit pas àpas vers le port, au milieu des écueils. »

Des acclamations retentirent. La séance fut suspendue pendantprès de dix minutes. Un flot de députés s’était précipité au-devantdu ministre qui regagnait son banc, le visage en sueur, les flancsencore agités de son grand souffle. M. La Rouquette,M. de Combelot, cent autres, le félicitaient,allongeaient le bras pour tâcher de lui prendre une poignée de mainau passage. C’était comme un long ébranlement qui se continuaitdans la salle. Les tribunes elles-mêmes parlaient et gesticulaient.Sous la baie ensoleillée du plafond, parmi ces dorures, cesmarbres, ce luxe grave tenant du temple et du cabinet d’affaires,une agitation de place publique roulait, des rires de doute, desétonnements bruyants, des admirations exaltées, la clameur d’unefoule secouée de passion. Les regards de M. de Marsy etde Clorinde s’étant rencontrés, ils eurent tous deux un hochementde tête ; ils avouaient la victoire du grand homme. Rougon,par son discours, venait de commencer la prodigieuse fortune quidevait le porter si haut.

Un député, cependant, était à la tribune. Il avait un visagerasé, d’un blanc de cire, avec de longs cheveux jaunes dont lesboucles rares tombaient sur ses épaules. Roide, sans un geste, ilparcourait de grandes feuilles de papier, le manuscrit d’undiscours qu’il se mit à lire d’une voix molle. Les huissiersjetaient leur cri :

« Silence, messieurs !… Veuillez fairesilence ! »

L’orateur avait des explications à demander au gouvernement. Ilse montrait très irrité de l’attitude expectante de la France, enprésence du Saint-Siège menacé par l’Italie. Le pouvoir temporelétait l’arche sainte, et l’adresse devait contenir un vœu formel,une injonction même, pour son maintien intégral. Le discoursentrait dans des considérations historiques, démontrait que ledroit chrétien, plusieurs siècles avant les traités de 1815, avaitétabli l’ordre politique en Europe. Puis, venaient des phrasesd’une rhétorique terrifiée, l’orateur disait voir avec effroi lavieille société européenne se dissoudre au milieu des convulsionsdes peuples. Par moments, à certaines allusions trop directescontre le roi d’Italie, des rumeurs s’élevaient dans la salle.Mais, à droite, le groupe compact des députés cléricaux, près d’unecentaine de membres, attentifs, soulignaient les moindres passagespar leur assentiment, applaudissaient chaque fois que leur collèguenommait le pape, avec une légère salutation dévote.

L’orateur, en terminant, eut une phrase couverte de bravos.

« Il me déplaît, dit-il, que Venise la superbe, la reine del’Adriatique, soit devenue l’obscure vassale de Turin. »

Rougon, la nuque encore mouillée de sueur, la voix enrouée, songrand corps brisé par son premier discours, s’entêta à répondretout de suite. Ce fut un beau spectacle. Il étala sa fatigue, lamit en scène, se traîna à la tribune, où il balbutia d’abord desparoles éteintes. Il se plaignait avec amertume de trouver parmiles adversaires du gouvernement des hommes considérables, sidévoués jusque-là aux institutions impériales. Il y avait sûrementmalentendu ; ils ne voudraient pas grossir les rangs desrévolutionnaires, ébranler un pouvoir dont l’effort constant étaitd’assurer le triomphe de la religion. Et, tourné vers la droite, illeur adressait des gestes pathétiques, il leur parlait avec unehumilité pleine de ruse, comme à des ennemis puissants, aux seulsennemis devant lesquels il tremblât.

Mais peu à peu, sa voix avait repris toute son emphase. Ilemplissait la salle de son mugissement, il se tapait la poitrine àgrands coups de poing.

« On nous a accusé d’irréligion. On a menti ! Noussommes l’enfant respectueux de l’Église et nous avons le bonheur decroire… Oui, messieurs, la foi est notre guide et notre soutien,dans cette tâche du gouvernement, si lourde parfois à porter.Qu’adviendrait-il de nous, si nous ne nous abandonnions pas auxmains de la Providence ? Nous avons la seule prétention d’êtrel’humble exécuteur de ses desseins, l’instrument docile desvolontés de Dieu. C’est là ce qui nous permet de parler haut et defaire un peu de bien… Et, messieurs, je suis heureux de cetteoccasion pour m’agenouiller ici, avec toute la ferveur de mon cœurde catholique, devant le souverain pontife, devant ce vieillardauguste dont la France restera la fille vigilante etdévouée. »

Les applaudissements n’attendirent pas la fin de la phrase. Letriomphe tournait à l’apothéose. La salle croulait.

À la sortie, Clorinde guetta Rougon. Ils n’avaient plus échangéune parole depuis trois ans. Lorsqu’il parut, rajeuni, commeallégé, ayant démenti en une heure toute sa vie politique, prêt àsatisfaire, sous la fiction du parlementarisme, son furieux appétitd’autorité, elle céda à un entraînement, elle alla vers lui, lamain tendue, les yeux attendris et humides d’une caresse, endisant :

« Vous êtes tout de même d’une jolie force,vous. »

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