Son Excellence Eugène Rougon

Chapitre 6

 

L’été arriva. Rougon vivait dans un calme absolu.Mme Rougon, en trois mois, avait rendu grave lamaison de la rue Marbeuf, où trônait autrefois une odeurd’aventure. Maintenant, les pièces, un peu froides, très propres,sentaient la vie honnête ; les meubles méthodiquement rangés,les rideaux ne laissant pénétrer qu’un filet de jour, les tapisétouffant les bruits, mettaient là l’austérité presque religieused’un salon de couvent ; même il semblait que ces chosesétaient anciennes, qu’on entrait dans un antique logis tout pleind’un parfum patriarcal. Cette grande femme laide, qui exerçait unesurveillance continue, ajoutait à ce recueillement la douceur deson pas silencieux ; et elle menait le ménage d’une main sidiscrète et si aisée, qu’elle paraissait avoir vieilli en cetendroit, dans vingt années de mariage.

Rougon souriait, quand on le complimentait. Il s’entêtait à direqu’il s’était marié sur le conseil et sur le choix de ses amis. Safemme le ravissait. Depuis longtemps, il avait l’envie d’unintérieur bourgeois, qui fût comme une preuve matérielle de saprobité. Cela achevait de le tirer de son passé suspect, de leclasser parmi les honnêtes gens. Il était resté très provincial, ilavait gardé comme idéal certains salons cossus de Plassans, dontles fauteuils conservaient toute l’année leurs housses de toileblanche. Lorsqu’il allait chez Delestang, où Clorinde étalait parboutade un luxe extravagant, il témoignait son mépris, en haussantlégèrement les épaules. Rien ne lui paraissait ridicule comme dejeter l’argent par les fenêtres ; non pas qu’il fûtavare ; mais il répétait d’ordinaire qu’il connaissait desjouissances préférables à toutes celles qu’on achète. Aussis’était-il déchargé sur sa femme du soin de leur fortune. Il avaitjusque-là vécu sans compter. Dès lors, elle administra l’argentavec le souci étroit qu’elle apportait déjà dans la conduite duménage.

Pendant les premiers mois, Rougon s’enferma, se recueillant, sepréparant aux luttes qu’il rêvait. C’était, chez lui, un amour dupouvoir pour le pouvoir, dégagé des appétits de vanité, derichesses, d’honneurs. D’une ignorance crasse, d’une grandemédiocrité dans toutes les choses étrangères au maniement deshommes, il ne devenait véritablement supérieur que par ses besoinsde domination. Là, il aimait son effort, il idolâtrait sonintelligence. Être au-dessus de la foule où il ne voyait que desimbéciles et des coquins, mener le monde à coups de trique, celadéveloppait dans l’épaisseur de sa chair un esprit adroit, d’uneextraordinaire énergie. Il ne croyait qu’en lui, avait desconvictions comme on a des arguments, subordonnait tout àl’élargissement continu de sa personnalité. Sans vice aucun, ilfaisait en secret des orgies de toute-puissance. S’il tenait de sonpère la carrure lourde des épaules, l’empâtement du masque, ilavait reçu de sa mère, cette terrible Félicité qui gouvernaitPlassans, une flamme de volonté, une passion de la force,dédaigneuse des petits moyens et des petites joies ; et ilétait certainement le plus grand des Rougon.

Quand il se trouva ainsi seul, inoccupé, après des années de vieactive, il éprouva d’abord un sentiment délicieux de sommeil.Depuis les chaudes journées de 1851, il lui semblait qu’il n’avaitpas dormi. Il acceptait sa disgrâce comme un congé mérité par delongs services. Il pensait rester six mois à l’écart, le temps dechoisir un meilleur terrain, puis rentrer à son gré dans la grandebataille. Mais, au bout de quelques semaines, il était déjà las derepos. Jamais il n’avait eu une conscience si nette de saforce ; maintenant qu’il ne les employait plus, sa tête et sesmembres le gênaient ; et il passait ses journées à sepromener, au fond de son étroit jardin, avec des bâillementsformidables, pareil à un de ces lions mis en cage, qui étirentpuissamment leurs membres engourdis. Alors, commença pour lui uneodieuse existence, dont il cacha avec soin l’ennui écrasant ;il était bonhomme, il se disait bien content d’être en dehors du« gâchis » ; seules ses lourdes paupières sesoulevaient parfois, guettant les événements, retombant sur laflamme de ses yeux, dès qu’on le regardait. Ce qui le tint debout,ce fut l’impopularité dans laquelle il se sentait marcher. Sa chuteavait comblé de joie bien du monde. Il ne se passait pas un jour,sans que quelque journal l’attaquât ; on personnifiait en luile coup d’État, les proscriptions, toutes ces violences dont onparlait à mots couverts ; on allait jusqu’à féliciterl’empereur de s’être séparé d’un serviteur qui le compromettait.Aux Tuileries, l’hostilité était plus grande encore ; Marsytriomphant le criblait de bons mots, que les dames colportaientdans les salons. Cette haine le réconfortait, l’enfonçait dans sonmépris du troupeau humain. On ne l’oubliait pas, on le détestait,et cela lui semblait bon. Lui seul contre tous, c’était un rêvequ’il caressait ; lui seul, avec un fouet, tenant lesmâchoires à distance. Il se grisa des injures, il devint plusgrand, dans l’orgueil de sa solitude.

Cependant, l’oisiveté pesait terriblement à ses muscles delutteur. S’il avait osé, il aurait saisi une bêche pour défoncer uncoin de son jardin. Il entreprit un long travail, l’étude comparéede la constitution anglaise et de la constitution impériale de1852 ; il s’agissait, en tenant compte de l’histoire et desmœurs politiques des deux peuples, de prouver que la liberté étaittout aussi grande en France qu’en Angleterre. Puis, quand il eutamassé les documents, quand le dossier fut complet, il dut faire uneffort considérable pour prendre la plume ; volontiers, ilaurait plaidé la chose devant la Chambre ; mais la rédiger,écrire un ouvrage, avec le souci des phrases, lui paraissait unebesogne d’une difficulté énorme, sans utilité immédiate. Le stylel’avait toujours embarrassé ; aussi le tenait-il en granddédain. Il ne dépassa pas la dixième page. D’ailleurs, il laissatraîner sur son bureau le manuscrit commencé, bien qu’il n’yajoutât pas vingt lignes par semaine. Chaque fois qu’on lequestionnait sur ses occupations, il répondait en expliquant sonidée tout au long, et en donnant à l’œuvre une portée immense.C’était l’excuse derrière laquelle il cachait le vide abominable deses journées.

Les mois s’écoulaient, il souriait avec une bonhomie plussereine. Pas un des désespoirs qu’il étouffait ne montait à saface. Il accueillait les plaintes de ses intimes par desraisonnements concluant tous à sa parfaite félicité. N’était-il pasheureux ? Il adorait l’étude, il travaillait à sa guise ;cela était préférable à l’agitation fiévreuse des affairespubliques. Puisque l’empereur n’avait pas besoin de lui, il faisaitbien de le laisser tranquille dans son coin ; et il ne nommaitainsi l’empereur qu’avec le plus profond dévouement. Souventpourtant, il déclarait être prêt, attendre simplement un signe deson maître pour reprendre « le fardeau dupouvoir » ; mais il ajoutait qu’il ne tenterait pas uneseule démarche qui pût provoquer ce signe. En effet, il semblaitmettre un soin jaloux à rester à l’écart. Dans le silence despremières années de l’Empire, au milieu de cette étrange stupeurfaite d’épouvante et de lassitude, il entendait monter un sourdréveil. Et comme espoir suprême, il comptait sur quelquecatastrophe qui le rendrait brusquement nécessaire. Il étaitl’homme des situations graves, « l’homme aux grossespattes », selon le mot de M. de Marsy.

Le dimanche et le jeudi, la maison de la rue Marbeuf s’ouvraitaux intimes. On venait causer dans le grand salon rouge, jusqu’àdix heures et demie, heure à laquelle Rougon mettait ses amisimpitoyablement à la porte ; il disait que les longuesveillées encrassent le cerveau. Mme Rougon, à dixheures précises, servait elle-même le thé, en ménagère attentiveaux moindres détails. Il n’y avait que deux assiettes de petitsfours, auxquelles personne ne touchait.

Le jeudi de juillet qui suivit, cette année-là, les électionsgénérales, toute la bande se trouvait réunie dans le salon, dèshuit heures. Ces dames, Mme Bouchard,Mme Charbonnel, Mme Correur,assises près d’une fenêtre ouverte, pour respirer les raresbouffées d’air venues de l’étroit jardin, formaient un rond, aumilieu duquel M. d’Escorailles racontait ses fredaines dePlassans, lorsqu’il allait passer douze heures à Monaco, sous leprétexte d’une partie de chasse, chez un ami.Mme Rougon, en noir, à demi cachée derrière unrideau, n’écoutait pas, se levait doucement, disparaissait pendantdes quarts d’heure entiers. Il y avait encore avec les damesM. Charbonnel, posé au bord d’un fauteuil, stupéfaitd’entendre un jeune homme comme il faut avouer de pareillesaventures. Au fond de la pièce, Clorinde était debout, prêtant uneoreille distraite à une conversation sur les récoltes, engagéeentre son mari et M. Béjuin. Vêtue d’une robe écrue, trèschargée de rubans paille, elle tapait à petits coups d’éventail lapaume de sa main gauche, en regardant fixement le globe lumineux del’unique lampe qui éclairait le salon. À une table de jeu, dans laclarté jaune, le colonel et M. Bouchard jouaient aupiquet ; tandis que Rougon, sur un coin de tapis vert, faisaitdes réussites, relevant les cartes d’un air grave et méthodique,interminablement. C’était son amusement favori, le jeudi et ledimanche, une occupation qu’il donnait à ses doigts et à sapensée.

« Eh bien, ça réussira-t-il ? demanda Clorinde, quis’approcha, avec un sourire.

– Mais ça réussit toujours », répondit-iltranquillement.

Elle se tenait devant lui, de l’autre côté de la table, pendantqu’il disposait le jeu en huit paquets.

Quand il eut retiré toutes les cartes, deux à deux, ellereprit :

« Vous avez raison, ça réussit… À quoi aviez-vouspensé ? »

Mais lui, leva les yeux lentement, comme étonné de laquestion :

« Au temps qu’il fera demain », finit-il par dire.

Et il se remit à étaler les cartes. Delestang et M. Béjuinne causaient plus. Un rire perlé de la jolieMme Bouchard sonnait seul dans le salon. Clorindes’approcha d’une fenêtre, resta là un moment, à regarder la nuitqui tombait. Puis, sans se retourner, elle demanda :

« A-t-on des nouvelles de ce pauvre M. Kahn ?

– J’ai reçu une lettre, répondit Rougon. Je l’attends cesoir. »

Alors, on parla de la mésaventure de M. Kahn. Il avait eul’imprudence, pendant la dernière session, de critiquer assezvivement un projet de loi déposé par le gouvernement ; ceprojet de loi, qui créait dans un département voisin uneconcurrence redoutable, menaçait de ruiner ses hauts fourneaux deBressuire. Pourtant, il ne croyait pas avoir dépassé les bornesd’une légitime défense, lorsque, à son retour dans les Deux-Sèvres,où il allait soigner son élection, il avait appris, de la bouchemême du préfet, qu’il n’était plus candidat officiel ; ilcessait de plaire, le ministre venait de désigner un avoué deNiort, homme d’une grande médiocrité. C’était un coup demassue.

Rougon donnait des détails, quand M. Kahn entra, suivi deDu Poizat. Tous les deux étaient arrivés par le train de septheures. Ils n’avaient pris que le temps de dîner.

« Eh bien, qu’en pensez-vous ? dit M. Kahn aumilieu du salon, pendant qu’on s’empressait autour de lui. Me voilàun révolutionnaire, maintenant ! »

Du Poizat s’était jeté dans un fauteuil, d’un air harassé.

« Une jolie campagne ! cria-t-il, un joligâchis ! C’est à dégoûter tous les honnêtesgens ! »

Mais il fallut que M. Kahn racontât l’affaire longuement.Lorsqu’il avait débarqué là-bas, il disait avoir senti, dès sespremières visites, une sorte d’embarras chez ses meilleurs amis.Quant au préfet, M. de Langlade, c’était un homme demœurs dissolues, qu’il accusait d’être au mieux avec la femme del’avoué de Niort, le nouveau député. Pourtant, ce Langlade luiavait appris sa disgrâce d’une façon fort aimable, en fumant uncigare, au dessert d’un déjeuner fait à la préfecture. Et ilrapporta la conversation d’un bout à l’autre. Le pis était qu’onimprimait déjà ses affiches et ses bulletins. Dans le premiermoment, la colère l’étouffait au point qu’il voulait se présenterquand même.

« Ah ! si vous ne nous aviez pas écrit, dit Du Poizaten se tournant vers Rougon, nous aurions donné une fameuse leçon augouvernement ! »

Rougon haussa les épaules. Il répondit négligemment, pendantqu’il battait ses cartes :

« Vous auriez échoué et vous restiez à jamais compromis. Labelle avance !

– Je ne sais pas comment vous êtes bâti, vous ! criaDu Poizat, qui se mit brusquement debout, avec des gestesfuribonds. Moi, je déclare que le Marsy commence à m’échauffer lesoreilles. C’est vous qu’il a voulu atteindre en frappant notre amiKahn… Avez-vous lu les circulaires du personnage ? Ah !elles sont propres, ses élections ! Il les a faites à coups dephrases… Ne souriez donc pas ! Si vous aviez été àl’Intérieur, vous auriez mené l’affaire d’une façon autrementlarge. »

Et, comme Rougon continuait à sourire en le regardant, il ajoutaavec plus de violence :

« Nous étions là-bas, nous avons tout vu… Il y a unmalheureux garçon, un ancien camarade à moi, qui a osé poser unecandidature républicaine. Vous n’avez pas idée de la façon dont onl’a traqué. Le préfet, les maires, les gendarmes, toute la cliqueest tombée sur lui ; on lacérait ses affiches, on jetait sesbulletins dans les fossés, on arrêtait les quelques pauvres diableschargés de distribuer ses circulaires ; jusqu’à sa tante, unedigne femme pourtant, qui l’a fait prier de ne plus mettre lespieds chez elle, parce qu’il la compromettait. Et les journauxdonc ! il y était traité de brigand. Les bonnes femmes sesignent maintenant, quand il passe dans un village. »

Il respira bruyamment, il reprit, après s’être jeté de nouveaudans un fauteuil :

« N’importe, si Marsy a eu la majorité dans tous lesdépartements, Paris n’en a pas moins nommé cinq députés del’opposition… C’est le réveil. Que l’empereur laisse le pouvoirentre les mains de ce grand bellâtre de ministre et de ces préfetsd’alcôve, qui, pour coucher librement avec les femmes, envoient lesmaris à la Chambre ; dans cinq ans d’ici, l’Empire ébranlémenacera ruine… Moi, je suis enchanté des élections de Paris. Jetrouve que ça nous venge.

– Alors, si vous aviez été préfet ?… » demandaRougon de son air paisible, avec une si fine ironie, qu’elleplissait à peine les coins de ses grosses lèvres.

Du Poizat montra ses dents blanches mal rangées. Ses poingschétifs d’enfant malade serraient les bras du fauteuil, comme s’ilavait voulu les tordre.

« Oh ! murmura-t-il, si j’avais été préfet… »

Mais il n’acheva pas, il s’affaissa contre le dossier, endisant :

« Non, c’est écœurant, à la fin !… D’ailleurs, j’aitoujours été républicain, moi ! »

Cependant, devant la fenêtre, les dames se taisaient, la facetournée vers l’intérieur du salon, pour écouter ; tandis queM. d’Escorailles, un large éventail à la main, sans rien dire,éventait la jolie Mme Bouchard, toute languissante,les tempes moites sous les haleines chaudes du jardin. Le colonelet M. Bouchard, qui venaient de recommencer une partie,cessaient de jouer par instants, approuvant ou désapprouvant cequ’on disait, d’un hochement de tête. Un large cercle de fauteuilss’était formé autour de Rougon : Clorinde, attentive, lementon dans la main, ne risquait pas un geste ; Delestangsouriait à sa femme, l’esprit occupé par quelque souvenirtendre ; M. Béjuin, les mains nouées sur les genoux,regardait successivement ces messieurs et ces dames, l’air effaré.La brusque entrée de Du Poizat et de M. Kahn avait soufflé,dans le grand calme du salon, tout un orage ; ils semblaientavoir apporté sur eux, entre les plis de leurs vêtements, une odeurd’opposition.

« Enfin, j’ai suivi votre conseil, je me suis retiré,reprit M. Kahn. On m’avait averti que je serais traité plusrudement encore que le candidat républicain. Moi qui ai servil’Empire avec tant de dévouement ! Avouez qu’une telleingratitude est faite pour décourager les âmes les plusfortes. »

Et il se plaignit amèrement d’une foule de vexations. Il avaitvoulu fonder un journal, pour soutenir son projet d’un chemin defer de Niort à Angers ; plus tard, ce journal devait être unearme financière très puissante entre ses mains ; mais onvenait de lui refuser l’autorisation, M. de Marsy s’étantimaginé que Rougon se cachait derrière lui, et qu’il s’agissaitd’une feuille de combat, destinée à battre en brèche sonportefeuille.

« Parbleu ! dit Du Poizat, ils ont peur qu’on n’écriveenfin la vérité. Ah ! je vous aurais fourni de jolisarticles !… C’est une honte d’avoir une presse comme la nôtre,bâillonnée, menacée d’être étranglée au premier cri. Un de mesamis, qui publie un roman, a été appelé au ministère, où un chef debureau l’a prié de changer la couleur du gilet de son héros, parceque cette couleur déplaisait au ministre. Je n’inventerien. »

Il cita d’autres faits, il parla des légendes effrayantes quicirculaient parmi le peuple, du suicide d’une jeune actrice et d’unparent de l’empereur, du prétendu duel de deux généraux, dont l’unaurait tué l’autre, dans un corridor des Tuileries, à la suited’une histoire de vol. Est-ce que des contes semblables auraienttrouvé des crédules, si la presse avait pu parler librement ?Et il répéta comme conclusion :

« Je suis républicain, décidément.

– Vous êtes bien heureux, murmura M. Kahn ; moi,je ne sais plus ce que je suis. »

Rougon, pliant ses larges épaules, avait commencé une réussitefort délicate. Il s’agissait, après avoir distribué les cartestrois fois en sept paquets, en cinq, puis en trois, d’arriver à ceque, toutes les cartes étant tombées, les huit trèfles setrouvassent ensemble. Il paraissait absorbé au point de ne rienentendre, bien que ses oreilles eussent comme des frémissements, àcertains mots.

« Le régime parlementaire offrait des garanties sérieuses,dit le colonel. Ah ! si les princesrevenaient ! »

Le colonel Jobelin était orléaniste, dans ses heuresd’opposition. Il racontait volontiers le combat du col de Mouzaïa,où il avait fait le coup de feu, à côté du duc d’Aumale, alorscapitaine au 4e de ligne.

« On était très heureux sous Louis-Philippe, continua-t-il,en voyant le silence qui accueillait ses regrets. Croyez-vous que,si nous avions un cabinet responsable, notre ami ne serait pas à latête de l’État avant six mois ? Nous compterions bientôt ungrand orateur de plus. »

Mais M. Bouchard donnait des signes d’impatience. Lui, sedisait légitimiste ; son grand-père avait approché la cour,autrefois. Aussi, à chaque soirée, des querelles terribless’engageaient-elles entre lui et son cousin sur la politique.

« Laissez donc ! murmura-t-il ; votre monarchiede Juillet a toujours vécu d’expédients. Il n’y a qu’un principe,vous le savez bien. »

Alors, ils se traitèrent très vertement. Ils faisaient tablerase de l’Empire, ils installaient chacun le gouvernement de sonchoix. Est-ce que les Orléans avaient jamais marchandé unedécoration à un vieux soldat ? Est-ce que les rois légitimesauraient commis des passe-droits comme on en voyait chaque jourdans les bureaux ? Quand ils en furent venus à se traitersourdement d’imbéciles, le colonel cria, en prenant furieusementses cartes :

« Fichez-moi la paix ! entendez-vous, Bouchard !…J’ai un quatorze de dix et une quatrième au valet. Est-cebon ? »

Delestang, tiré de sa rêverie par la dispute, crut devoirdéfendre l’Empire. Mon Dieu ! ce n’était pas que l’Empire lecontentât absolument. Il aurait voulu un gouvernement pluslargement humain. Et il tâcha d’expliquer ses aspirations, uneconception socialiste très compliquée, l’extinction du paupérisme,l’association de tous les travailleurs, quelque chose comme saferme-modèle de la Chamade, en grand. Du Poizat disait d’ordinairequ’il avait trop fréquenté les bêtes. Pendant que son mari parlaiten hochant sa tête superbe de personnage officiel, Clorinde leregardait, avec une légère moue des lèvres.

« Oui, je suis bonapartiste, dit-il à plusieursreprises ; je suis, si vous voulez, bonapartiste libéral.

– Et vous, Béjuin ? demanda brusquementM. Kahn.

– Mais moi aussi, répondit M. Béjuin, la bouche toutempâtée par ses longs silences ; c’est-à-dire, il y a desnuances, certainement… Enfin, je suis bonapartiste. »

Du Poizat eut un rire aigu.

« Parbleu ! » cria-t-il.

Et, comme on le pressait de s’expliquer, il continuacrûment :

« Je vous trouve bons, vous autres ! On ne vous a paslâchés. Delestang est toujours au Conseil d’État. Béjuin vientd’être réélu.

– Ça s’est fait tout naturellement, interrompit celui-ci.C’est le préfet du Cher…

– Oh ! vous n’y êtes pour rien, je ne vous accuse pas.Nous savons comment les choses se passent… Combelot aussi estréélu, La Rouquette aussi… L’Empire est superbe ! »

M. d’Escorailles, qui continuait à éventer la jolieMme Bouchard, voulut intervenir. Lui, défendaitl’Empire à un autre point de vue ; il s’était rallié, parceque l’empereur lui paraissait avoir une mission à remplir ; lesalut de la France avant tout.

« Vous avez gardé votre situation d’auditeur, n’est-cepas ? reprit Du Poizat en élevant la voix ; eh bien, vosopinions sont connues… Que diable ! ce que je dis là semblevous scandaliser tous. C’est simple pourtant… Kahn et moi nous nesommes plus payés pour être aveugles, voilà ! »

On se fâcha. C’était abominable, cette façon d’envisager lapolitique. Il y avait, dans la politique, autre chose que desintérêts personnels. Le colonel lui-même et M. Bouchard, bienqu’ils ne fussent pas bonapartistes, reconnaissaient qu’il pouvaitexister des bonapartistes de bonne foi ; et ils parlaient deleurs propres convictions, avec un redoublement de chaleur, commesi on avait voulu les leur arracher de vive force. Quant àDelestang, il était très blessé ; il répétait qu’on ne l’avaitpas compris, il indiquait par quels points considérables ils’éloignait des partisans aveugles de l’Empire ; ce quil’entraîna dans de nouvelles explications sur les développementsdémocratiques dont le gouvernement de l’empereur lui paraissaitsusceptible. M. Béjuin, lui non plus, pas plus d’ailleurs queM. d’Escorailles, n’acceptèrent d’être des bonapartistes toutcourt ; ils établissaient des nuances énormes, se cantonnaientchacun dans des opinions particulières, difficiles à définir ;si bien qu’au bout de dix minutes toute la société était passée àl’opposition. Les voix se haussaient, des discussions partielless’engageaient, les mots de légitimiste, d’orléaniste, derépublicain, volaient, au milieu des professions de foi vingt foisrépétées. Mme Rougon se montra un instant, sur leseuil d’une porte, l’air inquiet ; puis, doucement, elledisparut de nouveau.

Rougon, cependant, venait de finir la réussite des trèfles.Clorinde se pencha, pour lui demander dans le vacarme :

« Elle a réussi ?

– Mais sans doute », répondit-il avec son sourirecalme.

Et, comme s’il se fût aperçu seulement alors de l’éclat desvoix, il agita la main, en reprenant :

« Vous faites bien du bruit ! »

Ils se turent, croyant qu’il voulait parler. Un grand silence sefit. Tous, un peu las, attendaient. Rougon, d’un coup de pouce,avait élargi sur la table un éventail de treize cartes. Il compta,il dit au milieu du recueillement :

« Trois dames, signe de querelle… Une nouvelle à la nuit…Une femme brune dont il faudra se méfier… »

Mais Du Poizat, impatienté, l’interrompit :

« Et vous, Rougon, qu’est-ce que vouspensez ? »

Le grand homme se renversa dans son fauteuil, s’allongea, enétouffant de la main un léger bâillement. Il haussait le menton,comme si le cou lui avait fait du mal.

« Oh ! moi, murmura-t-il, les yeux au plafond, je suisautoritaire, vous le savez bien. On apporte ça en naissant. Cen’est pas une opinion, c’est un besoin… Vous êtes bêtes de vousdisputer. En France, dès qu’il y a cinq messieurs dans un salon, ily a cinq gouvernements en présence. Ça n’empêche personne de servirle gouvernement reconnu. Hein, n’est-ce pas ? c’est histoirede causer. »

Il baissa le menton et leur jeta un lent regard à la ronde.

« Marsy a très bien conduit les élections. Vous avez tortde blâmer ses circulaires. La dernière surtout était d’une jolieforce… Quant à la presse, elle est déjà trop libre. Où enserions-nous, si le premier venu pouvait écrire ce qu’ilpense ? Moi, d’ailleurs, j’aurais comme Marsy refusé à Kahnl’autorisation de fonder un journal. Il est toujours inutile defournir une arme à ses adversaires… Voyez-vous, les empires quis’attendrissent sont des empires perdus. La France demande une mainde fer. Quand on l’étrangle un peu, cela n’en va pas plusmal. »

Delestang voulut protester. Il commença une phrase :

« Cependant, il y a une certaine somme de libertésnécessaires… »

Mais Clorinde lui imposa silence. Elle approuvait tout ce quedisait Rougon, d’un hochement de tête exagéré. Elle se penchaitpour qu’il la vît mieux, soumise devant lui, convaincue. Aussifut-ce à elle qu’il adressa un coup d’œil, en s’écriant :

« Ah ! oui, les libertés nécessaires, je m’attendais àles voir arriver !… Écoutez, si l’empereur me consultait, iln’accorderait jamais une liberté. »

Et comme Delestang de nouveau s’agitait, sa femme le fit tenirtranquille d’un froncement terrible de ses beaux sourcils.

« Jamais ! » répéta Rougon avec force.

Il s’était soulevé de son fauteuil, d’un air si formidable, quepersonne ne souffla mot. Mais il se laissa retomber, les membresmous, comme détendu, murmurant :

« Voilà que vous me faites crier, moi aussi… Je suis un bonbourgeois, maintenant. Je n’ai pas à me mêler de tout ça, et j’ensuis ravi. Dieu veuille que l’empereur n’ait plus besoin demoi ! »

À ce moment, la porte du salon s’ouvrait. Il mit un doigt sur sabouche, il souffla très bas :

« Chut ! »

C’était M. La Rouquette qui entrait. Rougon le soupçonnaitd’être envoyé par sa sœur, Mme de Llorentz,pour espionner ce qu’on disait chez lui. M. de Marsy,bien que marié depuis six mois à peine, venait de renouer aveccette dame, qu’il avait gardée comme maîtresse pendant près de deuxans. Aussi, dès l’arrivée du jeune député, cessa-t-on de parlerpolitique. Le salon reprit son air discret. Rougon alla lui-mêmechercher un grand abat-jour, qu’il posa sur la lampe ; et l’onne vit plus, dans le cercle étroit de clarté jaune, que les mainssèches du colonel et de M. Bouchard, jetant régulièrement lescartes. Devant la fenêtre, Mme Charbonnel, àdemi-voix, contait ses soucis à Mme Correur,pendant que M. Charbonnel accentuait chaque détail d’un grossoupir ; il y avait bientôt deux ans qu’ils étaient à Paris,et leur maudit procès n’en finissait pas ; la veille encore,ils avaient dû se résigner à acheter six chemises chacun, enapprenant une nouvelle remise de l’affaire. Un peu en arrière, prèsd’un rideau, Mme Bouchard semblait dormir, assoupiepar la chaleur. M. d’Escorailles était venu la retrouver.Puis, comme personne ne les regardait, il eut la tranquille audacede poser un long baiser silencieux sur ses lèvres à demi closes.Elle ouvrit les yeux tout grands, sans bouger, très sérieuse.

« Mon Dieu ! non, disait M. La Rouquette juste àce moment, je ne suis pas allé aux Variétés. J’ai vu la répétitiongénérale de la pièce. Oh ! un succès fou, une musique d’unegaieté ! Ça fera courir tout Paris… J’avais un travail àterminer. Je prépare quelque chose. »

Il avait serré la main de ces messieurs et baisé galamment lepoignet de Clorinde, au-dessus du gant. Il se tenait debout, appuyéau dossier d’un fauteuil, souriant, mis avec une correctionirréprochable. Dans la façon dont sa redingote était boutonnée,perçait toutefois une prétention de haute gravité.

« À propos, reprit-il en s’adressant au maître de lamaison, j’ai un document à vous signaler, pour votre grand travail,une étude sur la constitution anglaise, très curieuse, ma foi, quia paru dans une revue de Vienne… Et avancez-vous ?

– Oh ! lentement, répondit Rougon. J’en suis à unchapitre qui me donne beaucoup de mal. »

D’ordinaire, il trouvait piquant de faire causer le jeunedéputé. Il savait par lui tout ce qui se passait aux Tuileries.Persuadé, ce soir-là, qu’on l’envoyait pour connaître son opinionsur le triomphe des candidatures officielles, il réussit, sanshasarder une seule phrase digne d’être répétée, à tirer de lui unefoule de renseignements. Il commença par le complimenter de saréélection. Puis, de son air bonhomme, il entretint la conversationpar de simples hochements de tête. L’autre, charmé de tenir laparole, ne s’arrêta plus. La cour était dans la joie. L’empereuravait appris le résultat des élections à Plombières ; onracontait qu’à la réception de la dépêche, il s’était assis, lesjambes coupées par l’émotion. Cependant, une grosse inquiétudedominait toute cette victoire : Paris venait de voter enmonstre d’ingratitude.

« Bah ! on musellera Paris », murmura Rougon, quiétouffa un nouveau bâillement, comme ennuyé de ne rien trouverd’intéressant, dans le flot de paroles de M. La Rouquette.

Dix heures sonnèrent. Mme Rougon, poussant unguéridon au milieu de la pièce, servit le thé. C’était l’heure oùdes groupes isolés se formaient dans les coins. M. Kahn, unetasse à la main, debout devant Delestang, qui ne prenait jamais dethé, parce que ça l’agitait, entrait dans de nouveaux détails surson voyage en Vendée ; sa grande affaire de la concessiond’une voie ferrée de Niort à Angers en était toujours au mêmepoint ; cette canaille de Langlade, le préfet des Deux-Sèvres,avait osé se servir de son projet comme de manœuvre électorale enfaveur du nouveau candidat officiel. M. La Rouquette,maintenant, passant derrière les dames, leur glissait dans la nuquedes mots qui les faisaient sourire. Derrière un rempart defauteuils, Mme Correur causait vivement avec DuPoizat ; elle lui demandait des nouvelles de son frèreMartineau, le notaire de Coulonges ; et Du Poizat disaitl’avoir vu, un instant, devant l’église, toujours le même, avec safigure froide, son air grave. Puis, comme elle entamait sesrécriminations habituelles, il lui conseilla méchamment de nejamais remettre les pieds là-bas, car Mme Martineauavait juré de la jeter à la porte. Mme Correuracheva son thé, toute suffoquée.

« Voyons, mes enfants, il faut aller se coucher », ditpaternellement Rougon.

Il était dix heures vingt-cinq, et il accorda cinq minutes. Desgens partaient. Il accompagna M. Kahn et M. Béjuin, queMme Rougon chargeait toujours de compliments pourleurs femmes, bien qu’elle vît ces dames au plus deux fois par an.Il poussa doucement vers la porte les Charbonnel, toujours trèsembarrassés pour s’en aller. Puis, comme la jolieMme Bouchard sortait entre M. d’Escorailles etM. La Rouquette, il se tourna vers la table de jeu, encriant :

« Eh ! monsieur Bouchard, voilà qu’on vous prend votrefemme ! »

Mais le chef de bureau, sans entendre, annonçait son jeu.

« Une quinte majeure en trèfle, hein ! elle est bonne,celle-là !… Trois rois, ils sont bons aussi… »

Rougon, de ses grosses mains, enleva les cartes.

« C’est fini, allez-vous-en, dit-il. Vous n’êtes pashonteux, de vous acharner comme ça !… Voyons, colonel, soyezraisonnable. »

C’était ainsi tous les jeudis et tous les dimanches. Il devaitles interrompre au beau milieu d’une partie, ou quelquefois mêmeéteindre la lampe, pour les décider à quitter le jeu. Et ils seretiraient furieux, en se querellant.

Delestang et Clorinde restèrent les derniers. Celle-ci, pendantque son mari cherchait partout son éventail, dit doucement àRougon :

« Vous avez tort de ne pas faire un peu d’exercice, voustomberez malade. »

Il eut un geste à la fois indifférent et résigné.Mme Rougon rangeait déjà les tasses et les petitescuillers. Puis, comme les Delestang lui serraient la main, ilbâilla franchement, à pleine bouche. Et il dit par politesse, pourne pas laisser croire que c’était l’ennui de la soirée qui venaitde lui monter à la gorge :

« Ah ! sacrebleu ! je vais joliment dormir, cettenuit ! »

Les soirées se passaient toutes ainsi. Il pleuvait du gris dansle salon de Rougon, selon le mot de Du Poizat, qui trouvait aussique, maintenant, « ça sentait trop la dévote ». Clorindese montrait filiale. Souvent, l’après-midi, elle arrivait seule,rue Marbeuf, avec quelque commission dont elle s’était chargée.Elle disait gaiement à Mme Rougon qu’elle venaitfaire la cour à son mari ; et celle-ci, souriant de ses lèvrespâles, les laissait ensemble, pendant des heures. Ils causaientaffectueusement, sans paraître se souvenir du passé ; ils sedonnaient des poignées de main de camarades, dans ce même cabinetoù, l’année précédente, il piétinait devant elle de désir. Aussi,ne songeant plus à ça, s’abandonnaient-ils tous les deux à unetranquille familiarité. Il lui ramenait sur les tempes les mèchesfolles de ses cheveux, qu’elle avait toujours au vent, ou bienl’aidait à retrouver, au milieu des fauteuils, la traîne de sa robed’une longueur exagérée. Un jour, comme ils traversaient le jardin,elle eut la curiosité de pousser la porte de l’écurie. Elle entra,en le regardant, avec un léger rire. Lui, les mains dans lespoches, se contenta de murmurer, souriant aussi :

« Hein ! est-on bête, parfois ! »

Puis, à chaque visite, il lui donnait d’excellents conseils. Ilplaidait la cause de Delestang, qui en somme était un bon mari.Elle, sagement, répondait qu’elle l’estimait ; à l’entendre,il n’avait pas encore contre elle un seul sujet de plainte. Elledisait ne pas être seulement coquette, ce qui était vrai. Dans sesmoindres paroles perçait une grande indifférence, presque un méprispour les hommes. Quand on parlait de quelque femme dont on necomptait plus les amants, elle ouvrait de grands yeux d’enfant, desyeux surpris, en demandant : « Ça l’amusedonc ? » Elle oubliait sa beauté pendant des semaines, nes’en souvenait que dans quelque besoin ; et alors elle s’enservait terriblement, comme d’une arme. Aussi, lorsque Rougon, avecune insistance singulière, revenait à ce sujet, lui conseillait derester fidèle à Delestang, finissait-elle par se fâcher,criant :

« Mais laissez-moi tranquille ! Je songe bien à toutça… Vous êtes blessant, à la fin ! »

Un jour, elle lui répondit carrément :

« Eh bien, si ça arrivait, qu’est-ce que ça pourrait vousfaire ?… Vous n’avez rien à y perdre, vous ! »

Il rougit, cessa pendant quelque temps de lui parler de sesdevoirs, du monde, des convenances. Ce frisson persistant dejalousie était tout ce qui restait dans sa chair de son anciennepassion. Il poussait les choses jusqu’à la faire surveiller, dansles salons où elle se rendait. S’il s’était aperçu de la moindreintrigue, il eût peut-être averti le mari. D’ailleurs, quand ilvoyait celui-ci en particulier, il le mettait en garde, lui parlaitde l’extraordinaire beauté de sa femme. Mais Delestang riait d’unair de confiance et de fatuité ; si bien que, dans le ménage,c’était Rougon qui avait tous les tourments de l’homme trompé.

Ses autres conseils, très pratiques, montraient sa grande amitiépour Clorinde. Ce fut lui qui l’amena doucement à renvoyer sa mèreen Italie. La comtesse Balbi, seule maintenant dans le petit hôteldes Champs-Élysées, y menait une étrange vie d’insouciance, dont oncausait. Il se chargea de régler avec elle la délicate questiond’une pension viagère. On vendit l’hôtel, le passé de la jeunefemme fut comme effacé. Puis, il entreprit de la guérir de sesexcentricités ; mais là il se heurta à une naïveté absolue, àun entêtement de femme obtuse. Clorinde, mariée, riche, vivait dansun incroyable gâchis d’argent, avec des accès brusques d’uneavarice honteuse. Elle avait gardé sa petite bonne, cette noirauded’Antonia qui suçait des oranges du matin au soir. À elles deux,elles salissaient abominablement l’appartement de madame, tout uncoin du vaste hôtel de la rue du Colisée. Quand Rougon allait lavoir, il trouvait des assiettes sales sur les fauteuils, des litresde sirop à terre, le long des murs. Il devinait sous les meubles unentassement de choses malpropres, fourrées là, à l’annonce de savisite. Et, au milieu des tentures graisseuses, des boiseriesgrises de poussière, elle continuait à avoir des capricesstupéfiants. Souvent, elle le recevait à demi nue, entortillée dansune couverture, allongée sur un canapé, se plaignant de mauxinconnus, d’un chien qui lui mangeait les pieds, ou bien d’uneépingle avalée par mégarde et dont la pointe devait sortir par sacuisse gauche. D’autres fois, elle fermait les persiennes à troisheures, allumait toutes les bougies, puis dansait avec sa bonne,l’une en face de l’autre, en riant si fort, que, lorsqu’il entrait,la bonne restait cinq grandes minutes à souffler contre la porte,avant de pouvoir s’en aller. Un jour, elle ne voulut pas se laisservoir ; elle avait cousu les rideaux de son lit de haut en bas,elle se tint assise sur le traversin, dans cette cage d’étoffe,causant tranquillement avec lui pendant plus d’une heure, commes’ils s’étaient trouvés aux deux coins d’une cheminée. Ceschoses-là lui semblaient toutes naturelles. Quand il la grondait,elle s’étonnait, elle disait qu’elle ne faisait pas de mal. Ilavait beau prêcher les convenances, promettre de la rendre en unmois la femme la plus séduisante de Paris, elle s’emportait,répétant :

« Je suis comme ça, je vis comme ça… Qu’est-ce que ça peutfaire aux autres ? »

Parfois, elle se mettait à sourire.

« On m’aime tout de même, allez ! »murmurait-elle.

Et, à la vérité, Delestang l’adorait. Elle restait sa maîtresse,d’autant plus puissante, qu’elle semblait moins sa femme. Ilfermait les yeux sur ses caprices, pris de la peur terrible qu’ellene le plantât là, comme elle l’en avait menacé un jour. Au fond desa soumission, peut-être la sentait-il vaguement supérieure, assezforte pour faire de lui ce qu’il lui plairait. Devant le monde, illa traitait en enfant, parlait d’elle avec une tendressecomplaisante d’homme grave. Dans l’intimité, ce grand bel homme àtête superbe pleurait, les nuits où elle ne voulait pas lui ouvrirla porte de sa chambre. Il enlevait seulement les clefs desappartements du premier étage, pour sauver son grand salon destaches de graisse.

Rougon pourtant obtint de Clorinde qu’elle s’habillât à peu prèscomme tout le monde. Elle était très fine, d’ailleurs, de cettefinesse des fous lucides qui se font raisonnables en présence desétrangers. Il la rencontrait dans certaines maisons, l’air réservé,laissant son mari se mettre en avant, tout à fait convenable aumilieu de l’admiration soulevée par sa grande beauté. Chez elle, iltrouvait souvent M. de Plouguern ; et elleplaisantait entre eux deux, sous le déluge de leur morale, tandisque le vieux sénateur, plus familier, lui tapotait les joues, augrand ennui de Rougon ; mais il n’osa jamais dire sonsentiment à ce sujet. Il fut plus hardi à l’égard de Luigi Pozzo,le secrétaire du chevalier Rusconi. Il l’avait aperçu plusieursfois sortant de chez elle à des heures singulières. Quand il laissaentendre à la jeune femme combien cela pouvait la compromettre,elle leva sur lui un de ses beaux regards de surprise ; puis,elle éclata de rire. Elle se moquait pas mal de l’opinion ! EnItalie, les femmes recevaient les hommes qui leur plaisaient,personne ne songeait à de vilaines choses. Du reste, Luigi necomptait pas ; c’était un cousin ; il lui apportait despetits gâteaux de Milan, qu’il achetait dans le passageColbert.

Mais la politique restait la grosse préoccupation de Clorinde.Depuis qu’elle avait épousé Delestang, toute son intelligences’employait à des affaires louches et compliquées, dont personne neconnaissait au juste l’importance. Elle contentait là son besoind’intrigue, si longtemps satisfait dans ses campagnes de séductioncontre les hommes de grand avenir ; et elle semblait s’êtreainsi préparée à quelque besogne plus vaste, en tendant jusqu’àvingt-deux ans ses pièges de fille à marier. Maintenant, elleentretenait une correspondance très suivie avec sa mère, fixée àTurin. Elle allait presque chaque jour à la légation d’Italie, oùle chevalier Rusconi l’emmenait dans les coins, causant rapidement,à voix basse. Puis, c’étaient des courses incompréhensibles auxquatre coins de Paris, des visites faites furtivement à de hautspersonnages, des rendez-vous donnés au fond de quartiers perdus.Tous les réfugiés vénitiens, les Brambilla, les Staderino, lesViscardi, la voyaient en secret, lui passaient des bouts de papiercouverts de notes. Elle avait acheté une serviette de maroquinrouge, un portefeuille monumental à serrure d’acier, digne d’unministre, dans lequel elle promenait un monde de dossiers. Envoiture, elle le tenait sur ses genoux, comme un manchon ;partout où elle montait, elle l’emportait avec elle sous son bras,d’un geste familier ; même, à des heures matinales, on larencontrait à pied, le serrant des deux mains contre sa poitrine,les poignets meurtris. Bientôt le portefeuille se râpa, éclata auxcoutures. Alors, elle le boucla avec des sangles. Et, dans sesrobes voyantes à longue traîne, toujours chargée de ce sac de cuirinforme que des liasses de papier crevaient, elle ressemblait àquelque avocat véreux courant les justices de paix pour gagner centsous.

Plusieurs fois, Rougon avait tâché de connaître les grandesaffaires de Clorinde. Un jour, étant resté un instant seul avec lefameux portefeuille, il ne s’était fait aucun scrupule de tirer àlui les lettres dont des coins passaient par les fentes. Mais cequ’il apprenait d’une façon ou d’une autre lui paraissait siincohérent, si plein de trous, qu’il souriait des prétentionspolitiques de la jeune femme. Elle lui expliqua, un après-midi,d’un air tranquille, tout un vaste projet : elle était entrain de travailler à une alliance entre l’Italie et la France, envue d’une prochaine campagne contre l’Autriche. Rougon, un momenttrès frappé, finit par hausser les épaules, devant les chosesfolles mêlées à son plan. Pour lui, elle avait simplement trouvé làune originalité de haut goût. Il tenait à ne pas modifier sonopinion sur les femmes. Clorinde, d’ailleurs, acceptait volontiersle rôle de disciple. Lorsqu’elle venait le voir rue Marbeuf, ellese faisait très humble, très soumise, le questionnait, l’écoutaitavec une ardeur de néophyte désireux de s’instruire. Et lui,souvent, oubliait à qui il parlait, exposait son système degouvernement, s’engageait dans les aveux les plus nets. Peu à peu,ces conversations devinrent une habitude ; il la prit pourconfidente, se soulagea du silence qu’il observait avec sesmeilleurs amis, la traita en élève discrète dont la respectueuseadmiration le charmait.

Pendant les mois d’août et de septembre, Clorinde multiplia sesvisites. Elle venait maintenant jusqu’à trois et quatre fois parsemaine. Jamais elle n’avait montré une telle tendresse dedisciple. Elle flattait beaucoup Rougon, s’extasiait sur son génie,regrettait les grandes choses qu’il aurait accomplies, s’il nes’était pas mis à l’écart. Un jour, dans une minute de lucidité, illui demanda en riant :

« Vous avez donc bien besoin de moi ?

– Oui », répondit-elle hardiment.

Mais elle se hâta de reprendre son air d’extase émerveillée. Lapolitique l’amusait plus qu’un roman, disait-elle. Et, quand iltournait le dos, elle ouvrait tout grands ses yeux, où brûlait unecourte flamme, quelque ancienne pensée de rancune toujours vivante.Souvent, elle laissait ses mains dans les siennes, comme si elle sefût sentie trop faible encore ; et, les poignets frémissants,elle semblait attendre de lui avoir volé assez de sa force pourl’étrangler.

Ce qui inquiétait surtout Clorinde, c’était la lassitudecroissante de Rougon. Elle le voyait s’endormir au fond de sonennui. D’abord, elle avait parfaitement distingué ce qu’il pouvaity avoir de joué dans son attitude. Mais, à présent, malgré toute safinesse, elle commençait à le croire vraiment découragé. Ses gestess’alourdissaient, sa voix devenait molle ; et, certains jours,il se montrait d’une telle indifférence, d’une si grande bonhomie,que la jeune femme, épouvantée, se demandait s’il n’allait pasfinir par accepter tranquillement sa retraite au Sénat d’hommepolitique fourbu.

Vers la fin de septembre, Rougon parut très préoccupé. Puis,dans une de leurs causeries habituelles, il lui avoua qu’ilnourrissait un grand projet. Il s’ennuyait à Paris, il avait besoind’air. Et, tout d’un trait, il parla : c’était un vaste plande vie nouvelle, un exil volontaire dans les Landes, ledéfrichement de plusieurs lieues carrées de terrain, la fondationd’une ville au milieu de la contrée conquise. Clorinde, toute pâle,l’écoutait.

« Mais votre situation ici, vos espérances ! »cria-t-elle.

Il eut un geste de dédain, en murmurant :

« Bah ! des châteaux en Espagne !… Voyez-vous,décidément, je ne suis pas fait pour la politique. »

Et il reprit son rêve caressé d’être un grand propriétaire, avecdes troupeaux de bêtes sur lesquels il régnerait. Mais, dans lesLandes, son ambition grandissait ; il devenait le roiconquérant d’une terre nouvelle ; il avait un peuple. Cefurent des détails interminables. Depuis quinze jours, sans riendire, il lisait des ouvrages spéciaux. Il desséchait des marais,combattait avec des machines puissantes l’empierrement du sol,arrêtait la marche des dunes par des plantations de pins, dotait laFrance d’un coin de fertilité miraculeux. Toute son activitéendormie, toute sa force de géant inoccupé, se réveillaient danscette création ; ses poings serrés semblaient déjà fendre lescailloux rebelles ; ses bras retournaient le sol d’un seuleffort ; ses épaules portaient des maisons toutes bâties,qu’il plantait à sa guise au bord d’une rivière, dont il creusaitle lit d’un seul coup de pied. Rien de plus aisé que tout cela. Iltrouverait là de l’ouvrage tant qu’il voudrait. L’empereur l’aimaitsans doute encore assez pour lui donner un département à arranger.Debout, une flamme aux joues, grandi par le redressement brusque deses gros membres, il éclata d’un rire superbe.

« Hein ! c’est une idée ! dit-il. Je laisse monnom à la ville, je fonde un petit empire, moiaussi ! »

Clorinde crut à quelque caprice, à une imagination née duprofond ennui dans lequel il se débattait. Mais, les jourssuivants, il lui reparla de son projet, avec plus d’enthousiasmeencore. À chaque visite, elle le trouvait perdu au milieu de cartesétalées sur le bureau, sur les sièges, sur le tapis. Un après-midi,elle ne put le voir, il était en conférence avec deux ingénieurs.Alors, elle commença à éprouver une peur véritable. Allait-il doncla planter là, pour bâtir sa ville, au fond d’un désert ?N’était-ce pas plutôt quelque nouvelle combinaison qu’il mettait enœuvre ? Elle renonça à savoir la vérité vraie, elle crutprudent de jeter l’alarme dans la bande.

Ce fut une consternation. Du Poizat s’emporta ; depuis plusd’un an, il battait le pavé ; à son dernier voyage en Vendée,son père avait sorti un pistolet d’un tiroir, quand il s’étaitrisqué à lui demander dix mille francs, pour monter une affairesuperbe ; et, maintenant, il recommençait à crever la faim,comme en 48. M. Kahn se montra tout aussi furieux : seshauts fourneaux de Bressuire étaient menacés d’une failliteprochaine ; il se sentait perdu, s’il n’obtenait pas avant sixmois la concession de son chemin de fer. Les autres,M. Béjuin, le colonel, les Bouchard, les Charbonnel, serépandirent également en doléances. Ça ne pouvait pas finir ainsi.Rougon, véritablement, n’était pas raisonnable. On luiparlerait.

Cependant, quinze jours s’écoulèrent. Clorinde, très écoutée detoute la bande, avait décidé qu’il serait mauvais d’attaquer legrand homme en face. On attendait une occasion. Un dimanche soir,vers le milieu d’octobre, comme les amis se trouvaient réunis aucomplet dans le salon de la rue Marbeuf, Rougon dit ensouriant :

« Vous ne savez pas ce que j’ai reçuaujourd’hui ? »

Et il prit derrière la pendule une carte rose, qu’il montra.

« Une invitation à Compiègne. »

À ce moment, le valet de chambre ouvrit discrètement la porte.L’homme que monsieur attendait était là. Rougon s’excusa et sortit.Clorinde s’était levée, écoutant. Puis, dans le silence, elle ditavec énergie :

« Il faut qu’il aille à Compiègne ! »

Les amis, prudemment, regardèrent autour d’eux ; mais ilsétaient bien seuls, Mme Rougon avait disparu depuisquelques minutes. Alors, à demi-voix, tout en guettant les portes,ils parlèrent librement. Les dames faisaient un cercle devant lacheminée, où un gros tison se consumait en braise ;M. Bouchard et le colonel jouaient leur éternel piquet ;tandis que les hommes avaient roulé leurs fauteuils, dans un coin,pour s’isoler. Clorinde, debout au milieu de la pièce, la têtepenchée, réfléchissait profondément.

« Il attendait donc quelqu’un ? demanda Du Poizat. Quiça peut-il être ? »

Les autres haussèrent les épaules, voulant dire qu’ils nesavaient pas.

« Encore pour sa grande bête d’affaire peut-être !continua-t-il. Moi je suis à bout. Un de ces soirs, vous verrez, jelui flanquerai à la figure tout ce que je pense.

– Chut ! » dit Kahn, en posant un doigt sur seslèvres.

L’ancien sous-préfet avait haussé la voix d’une façoninquiétante. Tous prêtèrent un moment l’oreille. Puis, ce futM. Kahn lui-même qui recommença, très bas :

« Sans doute, il a pris des engagements envers nous.

– Dites qu’il a contracté une dette, ajouta le colonel, enposant ses cartes.

– Oui, oui, une dette, c’est le mot, déclaraM. Bouchard. Nous ne le lui avons pas mâché, le dernier jour,au Conseil d’État. »

Et les autres appuyaient vivement de la tête. Il y eut unelamentation générale. Rougon les avait tous ruinés.M. Bouchard ajoutait que, sans sa fidélité au malheur, ilserait chef de bureau depuis longtemps. À entendre le colonel, onétait venu lui offrir la croix de commandeur et une situation pourson fils Auguste, de la part du comte de Marsy ; mais il avaitrefusé, par amitié pour Rougon. Le père et la mère deM. d’Escorailles, disait la jolieMme Bouchard, se trouvaient très froissés de voirleur fils rester auditeur, quand ils attendaient depuis six moisdéjà sa nomination de maître des requêtes. Et même ceux qui nedisaient rien, Delestang, M. Béjuin,Mme Correur, les Charbonnel, pinçaient les lèvres,levaient les yeux au ciel, d’un air de martyrs auxquels la patiencecommence à manquer.

« Enfin, nous sommes volés, reprit Du Poizat. Mais il nepartira pas, je vous en réponds ! Est-ce qu’il y a du bon sensà aller se battre avec des cailloux, dans je ne sais quel trouperdu, lorsqu’on a des intérêts si graves à Paris ?…Voulez-vous que je lui parle, moi ? »

Clorinde sortait de sa rêverie. Elle lui imposa silence d’ungeste ; puis, quand elle eut entrouvert la porte pour voir sipersonne n’était là, elle répéta :

« Entendez-vous, il faut qu’il aille àCompiègne ! »

Et, comme toutes les faces se tendaient vers elle, d’un nouveaugeste elle arrêta les questions.

« Chut ! pas ici ! »

Pourtant, elle dit encore que son mari et elle étaient aussiinvités à Compiègne ; et elle laissa échapper les noms deM. de Marsy et de Mme de Llorentz,sans vouloir s’expliquer davantage. On pousserait le grand homme aupouvoir malgré lui, on le compromettrait, s’il le fallait.M. Beulin-d’Orchère et toute la magistrature l’appuyaientsourdement. L’empereur, avouait M. La Rouquette, au milieu dela haine de son entourage contre Rougon, gardait un silenceabsolu ; dès qu’on le nommait en sa présence, il devenaitgrave, l’œil voilé, la bouche noyée dans l’ombre desmoustaches.

« Il ne s’agit pas de nous, finit par déclarerM. Kahn. Si nous réussissons, le pays nous devra desremerciements. »

Alors, tout haut, on continua, en faisant un grand éloge dumaître de la maison. Dans la pièce voisine, un bruit de voix venaitde s’élever. Du Poizat, mordu par la curiosité, poussa la portecomme s’il allait sortir puis la referma assez lentement pourapercevoir l’homme qui se trouvait avec Rougon. C’était Gilquin, engros paletot, presque propre, tenant à la main une forte canne àpomme de cuivre. Il disait, sans baisser la voix, avec unefamiliarité exagérée :

« Tu sais, n’envoie plus maintenant rue Virginie, àGrenelle. J’ai eu des histoires ; je reste au fond desBatignolles, passage Guttin… Enfin, tu peux compter sur moi. Àbientôt. »

Et il donna une poignée de main à Rougon. Quand celui-ci rentradans le salon, il s’excusa, en regardant Du Poizat fixement.

« Un brave garçon que vous connaissez, n’est-ce pas, DuPoizat ?… Il va me racoler des colons pour mon nouveau monde,là-bas, au fond des Landes… À propos, je vous emmène tous ;vous pouvez faire vos paquets. Kahn sera mon premier ministre.Delestang et sa femme auront le portefeuille des affairesétrangères. Béjuin se chargera des postes. Et je n’oublie pas lesdames, Mme Bouchard, qui tiendra le sceptre de labeauté, et Mme Charbonnel, à laquelle je confierailes clefs de nos greniers. »

Il plaisantait, tandis que les amis, mal à l’aise, sedemandaient s’il ne les avait pas entendus, par quelque fente dumur. Lorsqu’il décora le colonel de tous ses ordres, celui-cifaillit se fâcher. Cependant, Clorinde regardait l’invitation àCompiègne, qu’elle avait prise sur la cheminée.

« Est-ce que vous irez ? dit-elle négligemment.

– Mais sans doute, répondit Rougon étonné. Je compte bienprofiter de l’occasion pour me faire donner mon département parl’empereur. »

Dix heures sonnaient. Mme Rougon reparut etservit le thé.

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