L’Affaire Lerouge

L’Affaire Lerouge

d’ Émile Gaboriau
Chapitre 1

 

Le jeudi 6 mars 1862, surlendemain du Mardi gras, cinq femmes du village de La Jonchère se présentaient au bureau de police deBougival.

Elles racontaient que depuis deux jours personne n’avait aperçu une de leurs voisines, la veuve Lerouge, qui habitait seule une maisonnette isolée. À plusieurs reprises, elles avaient frappé en vain. Les fenêtres comme la porte étant exactement fermées, il avait été impossible de jeter un coup d’œil à l’intérieur. Ce silence, cette disparition les inquiétaient. Redoutant un crime, ou tout au moins un accident, elles demandaient que la « Justice »voulût bien, pour les rassurer, forcer la porte et pénétrer dans la maison.

Bougival est un pays aimable, peuplé tous les dimanches de canotiers et de canotières ; on y relève beaucoup de délits,mais les crimes y sont rares. Le commissaire refusa donc d’abord de se rendre à la prière des solliciteuses. Cependant elles firent si bien, elles insistèrent tant et si longtemps, que le magistrat fatigué céda. Il envoya chercher le brigadier de gendarmerie et deux de ses hommes, requit un serrurier et, ainsi accompagné,suivit les voisines de la veuve Lerouge.

La Jonchère doit quelque célébrité à l’inventeur du chemin de fer à glissement qui, depuis plusieurs années, y fait avec plus depersévérance que de succès des expériences publiques de sonsystème. C’est un hameau sans importance, assis sur la pente ducoteau qui domine la Seine, entre la Malmaison et Bougival. Il està vingt minutes environ de la grande route qui va de Paris àSaint-Germain en passant par Rueil et Port-Marly. Un cheminescarpé, inconnu aux ponts et chaussées, y conduit.

La petite troupe, les gendarmes en tête, suivit donc la largechaussée qui endigue la Seine à cet endroit, et bientôt, tournant àdroite, s’engagea dans le chemin de traverse, bordé de murs etprofondément encaissé.

Après quelques centaines de pas, on arriva devant une habitationaussi modeste que possible, mais d’honnête apparence. Cette maison,cette chaumière plutôt, devait avoir été bâtie par quelqueboutiquier parisien, amoureux de la belle nature, car tous lesarbres avaient été soigneusement abattus. Plus profonde que large,elle se composait d’un rez-de-chaussée de deux pièces, avec ungrenier au-dessus. Autour s’étendait un jardin à peine entretenu,mal protégé contre les maraudeurs par un mur en pierres sèches d’unmètre de haut environ, qui encore s’écroulait par places. Unelégère grille de bois tournant dans des attaches de fil de ferdonnait accès dans le jardin.

– C’est ici, dirent les femmes.

Le commissaire de police s’arrêta. Pendant le trajet, sa suites’était rapidement grossie de tous les badauds et de tous lesdésœuvrés du pays. Il était maintenant entouré d’une quarantaine decurieux.

– Que personne ne pénètre dans le jardin, dit-il.

Et, pour être certain d’être obéi, il plaça les deux gendarmesen faction devant l’entrée, et s’avança escorté du brigadier degendarmerie et du serrurier. Lui-même, à plusieurs reprises, ilfrappa très fort avec la pomme de sa canne plombée, à la ported’abord, puis successivement à tous les volets. Après chaque coupil collait son oreille contre le bois et écoutait. N’entendantrien, il se retourna vers le serrurier.

– Ouvrez, lui dit-il.

L’ouvrier déboucla sa trousse et prépara ses outils. Déjà ilavait introduit un de ses crochets dans la serrure, quand unegrande rumeur éclata dans le groupe des badauds.

– La clé ! criait-on, voici la clé !

En effet, un enfant d’une douzaine d’années, jouant avec un deses camarades, avait aperçu dans le fossé qui borde la route uneclé énorme ; il l’avait ramassée et l’apportait entriomphe.

– Donne, gamin, lui dit le brigadier, nous allons voir.

La clé fut essayée ; c’était bien celle de la maison. Lecommissaire et le serrurier échangèrent un regard plein desinistres inquiétudes.

– Ça va mal ! murmura le brigadier.

Et ils entrèrent dans la maison, tandis que la foule, contenueavec peine par les gendarmes, trépignait d’impatience, tendant lecou et s’allongeant sur le mur, pour tâcher de voir, de saisirquelque chose de ce qui allait se passer. Ceux qui avaient parlé decrime ne s’étaient malheureusement pas trompés, le commissaire depolice en fut convaincu dès le seuil. Tout, dans la première pièce,dénonçait avec une lugubre éloquence la présence des malfaiteurs.Les meubles, une commode et deux grands bahuts, étaient forcés etdéfoncés. Dans la seconde pièce, qui servait de chambre à coucher,le désordre était plus grand encore. C’était à croire qu’une mainfurieuse avait pris plaisir à tout bouleverser.

Enfin, près de la cheminée, la face dans les cendres, étaitétendu le cadavre de la veuve Lerouge. Tout un côté de la figure etles cheveux étaient brûlés, et c’était miracle que le feu ne se fûtpas communiqué aux vêtements.

– Canailles, va ! murmura le brigadier de gendarmerie,n’auraient-ils pas pu la voler sans l’assassiner, cette pauvrefemme !

– Mais où donc a-t-elle été frappée ? demanda lecommissaire, je ne vois pas de sang.

– Tenez, là, entre les deux épaules, mon commissaire, reprit legendarme. Deux fiers coups, ma foi ! Je parierais mes galonsqu’elle n’a pas seulement eu le temps de faire ouf !

Il se pencha sur le corps et le toucha.

– Oh ! continua-t-il, elle est bien froide. Même il mesemble qu’elle n’est déjà plus très roide ; il y a au moinstrente-six heures que le coup est fait.

Le commissaire, tant bien que mal, écrivit sur un coin de tableun procès-verbal sommaire.

– Il ne s’agit pas de pérorer, dit-il au brigadier, mais bien detrouver les coupables. Qu’on prévienne le juge de paix et le maire.De plus, il faut courir à Paris porter cette lettre au parquet.Dans deux heures un juge d’instruction peut être ici. Je vais enattendant procéder à une enquête provisoire.

– Est-ce moi qui dois porter la lettre ? demanda lebrigadier.

– Non. Envoyez un de vos hommes, vous me serez utile ici, vous,pour contenir ces curieux et aussi pour me trouver les témoins dontj’aurai besoin. Il faut tout laisser ici tel quel, je vaism’installer dans la première chambre.

Un gendarme s’élança au pas de course vers la station de Rueil,et aussitôt le commissaire commença l’information préalableprescrite par la loi.

Qui était cette veuve Lerouge, d’où était-elle, quefaisait-elle, de quoi vivait-elle, et comment ? Quellesétaient ses habitudes, ses mœurs, ses fréquentations ? Luiconnaissait-on des ennemis, était-elle avare, passait-elle pouravoir de l’argent ? Voilà ce qu’il importait au commissaire desavoir.

Mais pour être nombreux, les témoins n’en étaient pas mieuxinformés. Les dépositions des voisins, successivement interrogés,étaient vides, incohérentes, incomplètes. Personne ne savait riende la victime, étrangère au pays. Beaucoup de gens se présentaient,d’ailleurs, qui venaient bien moins pour donner des renseignementsque pour en demander. Une jardinière qui avait été l’amie de laveuve Lerouge et une laitière chez qui elle se fournissait purentseules donner quelques renseignements assez insignifiants maisprécis.

Enfin, après trois heures d’interrogatoires insupportables,après avoir subi tous les on-dit du pays, recueilli les témoignagesles plus contradictoires et les plus ridicules commérages, voici cequi parut à peu près certain au commissaire de police :

Deux ans auparavant, au commencement de 1860, la femme Lerougeétait arrivée à Bougival avec une grande voiture de déménagementpleine de meubles, de linge et d’effets. Elle était descendue dansune auberge, manifestant l’intention de se fixer dans les environs,et aussitôt s’était mise en quête d’une maison. Ayant trouvécelle-ci à son gré, elle l’avait louée sans marchander, moyennanttrois cent vingt francs payables par semestre et d’avance, maisn’avait pas consenti à signer de bail.

La maison louée, elle s’y était installée le jour même et avaitdépensé une centaine de francs en réparations. C’était une femme decinquante-quatre ou cinquante-cinq ans, bien conservée, forte, etd’une santé excellente. Nul ne savait pourquoi elle avait choisipour s’établir un pays où elle ne connaissait absolument personne.On la supposait Normande, parce que souvent, le matin, on l’avaitaperçue coiffée d’un bonnet de coton. Cette coiffure de nuit nel’empêchait pas d’être très coquette le jour. Elle portaitd’ordinaire de très jolies robes, mettait force rubans à sesbonnets, et se couvrait de bijoux comme une chapelle. Sans doute,elle avait habité la côte, car la mer et les navires revenaientsans cesse dans ses conversations.

Elle n’aimait pas à parler de son mari, mort, disait-elle, dansun naufrage. Jamais à ce sujet elle n’avait donné le moindredétail. Une fois seulement elle avait dit à la laitière devanttrois personnes : « Jamais une femme n’a été plus malheureuse quemoi dans son ménage. » Une autre fois, elle avait dit : « Toutnouveau, tout beau : défunt mon homme ne m’a aimée qu’un an. »

La veuve Lerouge passait pour riche ou du moins pour très àl’aise. Elle n’était pas avare. Elle avait prêté à une femme de laMalmaison soixante francs pour son terme et n’avait pas vouluqu’elle les lui rendît. Une autre fois, elle avait avancé deuxcents francs à un pêcheur de Port-Marly. Elle aimait à bien vivre,dépensait beaucoup pour sa nourriture et faisait venir du vin pardemi-pièce. Son plaisir était de traiter ses connaissances, et sesdîners étaient excellents. Si on la complimentait d’être riche,elle ne s’en défendait pas beaucoup. On lui avait souvent entendudire : « Je ne possède pas de rentes, mais j’ai tout ce dont j’aibesoin. Si je voulais davantage, je l’aurais. »

D’ailleurs, jamais la moindre allusion à son passé, à son paysou à sa famille, n’avait été surprise. Elle était très bavarde,mais, quand elle avait bien causé, elle n’avait rien dit que du malde son prochain. Elle devait pourtant avoir vu le monde et savaitbeaucoup de choses. Très défiante, elle se barricadait chez ellecomme dans une forteresse. Jamais elle ne sortait le soir ; onsavait qu’elle s’enivrait régulièrement à son dîner et qu’elle secouchait après. Rarement on avait vu des étrangers chez elle :quatre ou cinq fois une dame et un jeune homme, et une autre foisdeux messieurs : un vieux très décoré et un jeune. Ces derniersétaient venus dans une voiture magnifique.

En somme, on l’estimait peu. Ses propos étaient souventchoquants et singuliers dans la bouche d’une femme de son âge. Onl’avait entendue donner à une jeune fille les plus détestablesconseils. Un charcutier de Bougival, gêné dans son commerce, luiavait cependant fait la cour. Elle l’avait repoussé en disant quese marier une fois était suffisant. À diverses reprises on avait vuvenir des hommes chez elle. D’abord un jeune, qui avait l’air d’unemployé du chemin de fer, puis un grand brun assez vieux, vêtud’une blouse et qui paraissait très méchant. On supposait que l’unet l’autre étaient ses amants.

Tout en interrogeant, le commissaire résumait par écrit lesdépositions, et il en était là lorsque arriva le juged’instruction. Il amenait avec lui le chef de la police de sûretéet un de ses agents.

M. Daburon, que ses amis ont vu avec une profonde surprisedonner sa démission pour aller planter ses choux au moment où sedessinait sa fortune, était alors un homme de trente-huit ans, bienfait de sa personne, sympathique malgré sa froideur, d’unephysionomie douce et un peu triste. Cette tristesse lui étaitrestée d’une grande maladie qui deux ans auparavant avait faillil’emporter.

Juge d’instruction depuis 1859, il s’était vite acquis unebrillante réputation. Laborieux, patient, doué d’un sens subtil, ilsavait avec une pénétration rare démêler l’écheveau de l’affaire laplus embrouillée, et, au milieu de mille fils, saisir le filconducteur. Nul mieux que lui, armé d’une implacable logique, nepouvait résoudre ces terribles problèmes où l’X est le coupable.Habile à déduire du connu à l’inconnu, il excellait à grouper lesfaits et à réunir en un faisceau de preuves accablantes lescirconstances les plus futiles et en apparence les plusindifférentes.

Avec tant et de si précieuses qualités, il ne paraissaitcependant pas né pour ses terribles fonctions. Il ne les exerçaitqu’en frémissant, se défiant de l’entraînement de ses immensespouvoirs. L’audace lui manquait pour les coups de théâtre risquésqui font éclater la vérité.

Il avait été long à s’accoutumer à certaines pratiques employéessans scrupules par les plus rigoristes de ses confrères. Ainsi illui répugnait de tromper même un prévenu et de lui tendre despièges. On disait de lui au parquet : « C’est un trembleur. » Lefait est qu’au seul souvenir des erreurs judiciaires connues, sescheveux se dressaient sur sa tête. Ce qu’il lui fallait, c’étaitnon la conviction, non les plus probables présomptions, mais lacertitude absolue. Pas de repos pour lui jusqu’au jour où l’accuséétait forcé de courber le front devant l’évidence. Si bien qu’unsubstitut lui reprochait en riant de chercher non plus descoupables, mais des innocents.

Le chef de la police de sûreté n’était autre que le célèbreGévrol, lequel ne manquera pas de jouer un rôle important dans lesdrames de nos neveux. C’est assurément un habile homme, mais lapersévérance lui manque et il est sujet à se laisser aveugler parune incroyable obstination. S’il perd une piste, il ne peutconsentir à l’avouer, encore moins à revenir sur ses pas.D’ailleurs, plein d’audace et de sang-froid, il est impossible àdéconcerter. D’une force herculéenne cachée sous des apparencesgrêles, il n’a jamais hésité à affronter les plus dangereuxmalfaiteurs.

Mais sa spécialité, sa gloire, son triomphe, c’est une mémoiredes physionomies, si prodigieuse qu’elle passe les bornes ducroyable. A-t-il vu une figure cinq minutes, c’est fini, elle estcasée, elle lui appartient. Partout, en tout temps, il lareconnaîtra. Les impossibilités de lieux, les invraisemblances decirconstances, les plus incroyables déguisements ne le dérouterontpas. Cela tient, prétend-il, à ce que d’un homme il ne voit, il neregarde que les yeux. Il reconnaît le regard sans se préoccuper destraits.

L’expérience fut tentée il n’y a pas bien des mois à Poissy. Ondrapa dans des couvertures trois détenus, afin de déguiser leurtaille ; on leur mit sur la face un voile épais où des trousétaient ménagés pour les yeux, et en cet état on les présenta àGévrol.

Sans la moindre hésitation il reconnut trois de ses pratiques etles nomma.

Le hasard seul l’avait-il servi ?

L’aide de camp de Gévrol était, ce jour-là, un ancien repris dejustice réconcilié avec les lois, un gaillard habile dans sonmétier, fin comme l’ambre, et jaloux de son chef qu’il jugeaitmédiocrement fort. On le nommait Lecoq.

Le commissaire de police, que sa responsabilité commençait àgêner, accueillit le juge d’instruction et les deux agents commedes libérateurs. Il exposa rapidement les faits et lut sonprocès-verbal.

– Vous avez fort bien procédé, monsieur, lui dit le juge, toutceci est très net ; seulement, il est un fait que vousoubliez.

– Lequel, monsieur ? demanda le commissaire.

– Quel jour a-t-on vu pour la dernière fois la veuve Lerouge, età quelle heure ?

– J’allais y arriver, monsieur. On l’a rencontrée le soir duMardi gras, à cinq heures vingt minutes. Elle revenait de Bougivalavec un panier de provisions.

– Monsieur le commissaire est sûr de l’heure ? interrogeaGévrol.

– Parfaitement, et voici pourquoi : les deux témoins dont ladéposition me fixe, la femme Tellier et un tonnelier, qui demeurentici près, descendaient de l’omnibus américain qui part de Marlytoutes les heures, lorsqu’ils ont aperçu la veuve Lerouge dans lechemin de traverse. Ils ont pressé le pas pour la rejoindre, ontcausé avec elle et ne l’ont quittée qu’à sa porte.

– Et qu’avait-elle dans son panier ? demanda le juged’instruction.

– Les témoins l’ignorent. Ils savent seulement qu’ellerapportait deux bouteilles de vin cacheté et un litre d’eau-de-vie.Elle se plaignait du mal de tête et leur dit que, bien qu’il fûtd’usage de s’amuser le jour du Mardi gras, elle allait secoucher.

– Eh bien ! s’exclama le chef de la sûreté, je sais où ilfaut chercher.

– Vous croyez ? fit M. Daburon.

– Parbleu ! c’est assez clair. Il s’agit de trouver legrand brun, le gaillard à la blouse. L’eau-de-vie et le vin luiétaient destinés. La veuve l’attendait pour souper. Il est venu,l’aimable galant.

– Oh ! insinua le brigadier évidemment révolté, elle étaitbien laide et terriblement vieille.

Gévrol regarda d’un air goguenard l’honnête gendarme.

– Sachez, brigadier, dit-il, qu’une femme qui a de l’argent esttoujours jeune et jolie, si cela lui convient.

– Peut-être y a-t-il là quelque chose, reprit le juged’instruction ; pourtant ce n’est pas là ce qui me frappe. Ceseraient plutôt ces mots de la veuve Lerouge : « Si je voulaisdavantage, je l’aurais. »

– C’est aussi ce qui éveilla mon attention, appuya lecommissaire.

Mais Gévrol ne se donnait plus la peine d’écouter. Il tenait sapiste, il inspectait minutieusement les coins et les recoins de lapièce. Tout à coup il revint vers le commissaire.

– J’y pense ! s’écria-t-il, n’est-ce pas le mardi que letemps a changé ?… Il gelait depuis une quinzaine et nous avonseu de l’eau. À quelle heure la pluie a-t-elle commencé ?

– À neuf heures et demie, répondit le brigadier. Je sortais desouper et j’allais faire ma tournée dans les bals, quand j’ai étépris par une averse vis-à-vis de la rue des Pêcheurs. En moins dedix minutes il y avait un demi-pouce d’eau sur la chaussée.

– Très bien ! dit Gévrol. Donc, si l’homme est venu aprèsneuf heures et demie, il devait avoir ses souliers pleins de boue…sinon, c’est qu’il est arrivé avant. On aurait dû voir cela ici,puisque le carreau est frotté. Y avait-il des empreintes de pas,monsieur le commissaire ?

– Je dois avouer que nous ne nous en sommes pas occupés.

– Ah ! fit le chef de la sûreté d’un ton dépité, c’est bienfâcheux.

– Attendez, reprit le commissaire, il est encore temps d’y voir,non dans cette pièce mais dans l’autre. Nous n’y avons rien dérangéabsolument. Mes pas et ceux du brigadier seraient aisés àdistinguer. Voyons…

Comme le commissaire ouvrait la porte de la seconde chambre,Gévrol l’arrêta.

– Je demanderai à monsieur le juge, dit-il, de me permettre detout bien examiner avant que personne entre, c’est important pourmoi.

– Certainement, approuva M. Daburon.

Gévrol passa le premier, et tous, derrière lui, s’arrêtèrent surle seuil. Ainsi ils embrassaient d’un coup d’œil le théâtre ducrime.

Tout, ainsi que l’avait constaté le commissaire, semblait avoirété mis sens dessus dessous par quelque furieux.

Au milieu de la chambre était une table dressée. Une nappe fine,blanche comme la neige, la recouvrait. Dessus se trouvaient unmagnifique verre de cristal taillé, un très beau couteau et uneassiette de porcelaine. Il y avait encore une bouteille de vin àpeine entamée et une bouteille d’eau-de-vie dont on avait bu lavaleur de cinq à six petits verres.

À droite, le long du mur, étaient appuyées deux belles armoiresde noyer à serrures ouvragées, une de chaque côté de la fenêtre.L’une et l’autre étaient vides, et de tous côtés, sur le carreau,le contenu était éparpillé. C’étaient des hardes, du linge, deseffets dépliés, secoués, froissés.

Au fond, près de la cheminée, un grand placard renfermant de lavaisselle était resté ouvert. De l’autre côté de la cheminée, unvieux secrétaire à dessus de marbre avait été défoncé, brisé, misen morceaux et fouillé sans doute jusque dans ses moindresrainures. La tablette arrachée pendait, retenue par une seulecharnière ; les tiroirs avaient été retirés et jetés àterre.

Enfin, à gauche, le lit avait été complètement défait etbouleversé. La paille même de la paillasse avait été retirée.

– Pas la plus légère empreinte, murmura Gévrol contrarié ;il est arrivé avant neuf heures et demie. Nous pouvons entrer sansinconvénient maintenant.

Il entra et marcha droit au cadavre de la veuve Lerouge, prèsduquel il s’agenouilla.

– Il n’y a pas à dire, grogna-t-il, c’est proprement fait.L’assassin n’est pas un apprenti.

Puis, regardant de droite et de gauche :

– Oh ! oh ! continua-t-il, la pauvre diablesse étaiten train de faire la cuisine quand on l’a frappée. Voilà sa poêlepar terre, du jambon et des œufs. Le brutal n’a pas eu la patienced’attendre le dîner. Monsieur était pressé, il a fait le coup leventre vide. De la sorte il ne pourra pas invoquer pour sa défensela gaieté du dessert.

– Il est évident, disait le commissaire de police au juged’instruction, que le vol a été le mobile du crime.

– C’est probable, répondit Gévrol d’un ton narquois, c’est mêmepour cela que vous n’apercevez pas sur la table le plus légercouvert d’argent.

– Tiens ! des pièces d’or dans ce tiroir ! s’exclamaLecoq, qui furetait de son côté ; il y en a pour trois centvingt francs.

– Par exemple ! fit Gévrol un peu déconcerté.

Mais il revint vite de son étonnement et continua :

– Il les aura oubliées. On cite plus fort que cela. J’ai vu,moi, un assassin qui, le meurtre accompli, perdit si bien la têtequ’il ne se souvint plus de ce qu’il était venu faire et s’enfuitsans rien prendre. Notre gaillard aura été ému. Qui sait s’il n’apas été dérangé ? On peut avoir frappé à la porte. Ce qui mele ferait croire volontiers, c’est que le gredin n’a pas laissébrûler la bougie, il s’est donné la peine de la souffler.

– Bast ! fit Lecoq, cela ne prouve rien. C’était peut-êtreun homme économe et soigneux.

Les investigations des deux agents continuèrent par toute lamaison, mais les plus minutieuses recherches ne leur firent riendécouvrir absolument, pas une pièce à conviction, pas le plusfaible indice pouvant servir de point de repère ou de départ. Même,tous les papiers de la veuve Lerouge, si elle en possédait, avaientdisparu. On ne rencontra ni une lettre, ni un chiffon de papier,rien.

De temps à autre, Gévrol s’interrompait pour jurer ou pourgrommeler :

– Oh ! c’est crânement fait ! voilà de la besognenuméro un. Le gredin a de la main !

– Eh bien ! messieurs ? demanda enfin le juged’instruction.

– Refaits, monsieur le juge, répondit Gévrol, nous sommesrefaits ! Le scélérat avait bien pris toutes ses précautions.Mais je le pincerai… Avant ce soir j’aurai une douzaine d’hommes encampagne. D’ailleurs, il nous reviendra toujours. Il a emporté del’argenterie et des bijoux, il est perdu.

– Avec tout cela, fit M. Daburon, nous ne sommes pas plusavancés que ce matin !

– Dame ! on fait ce qu’on peut, gronda Gévrol.

– Saperlotte ! dit Lecoq entre haut et bas, pourquoi lepère Tirauclair n’est-il pas ici ?

– Que ferait-il de plus que nous ? riposta Gévrol enlançant un regard furieux à son subordonné.

Lecoq baissa la tête et ne souffla mot, enchanté intérieurementd’avoir blessé son chef.

– Qu’est-ce que ce père Tirauclair ? demanda le juged’instruction ; il me semble avoir entendu ce nom-là je nesais où.

– C’est un rude homme ! s’exclama Lecoq.

– C’est un ancien employé du Mont-de-Piété, ajouta Gévrol ;un vieux richard dont le vrai nom est Tabaret. Il fait de lapolice, comme Ancelin était devenu garde du commerce, pour sonplaisir.

– Et augmenter ses revenus, remarqua le commissaire.

– Lui ! répondit Lecoq, il n’y a pas de danger. C’est sibien pour la gloire qu’il travaille que souvent il en est de sapoche. C’est un amusement, quoi ! Nous l’avons, là-bas,surnommé Tirauclair, à cause d’une phrase qu’il répète toujours.Ah ! il est fort, le vieux mâtin ! C’est lui qui, dansl’affaire de la femme de ce banquier, vous savez ? a devinéque la dame s’est volée elle-même, et qui l’a prouvé.

– C’est vrai, riposta Gévrol. C’est aussi lui qui a failli fairecouper le cou à ce pauvre Derème, ce petit tailleur qu’on accusaitd’avoir tué sa femme, une rien du tout, et qui était innocent…

– Nous perdons notre temps, messieurs, interrompit le juged’instruction.

Et s’adressant à Lecoq :

– Allez, dit-il, me chercher le père Tabaret. J’ai beaucoupentendu parler de lui, je ne serai pas fâché de le voir àl’œuvre.

Lecoq sortit en courant. Gévrol était sérieusement humilié.

– Monsieur le juge d’instruction, commença-t-il, a bien le droitde demander les services de qui bon lui semble ;cependant…

– Ne nous fâchons pas, monsieur Gévrol, interrompit M. Daburon.Ce n’est point d’hier que je vous connais, je sais ce que vousvalez ; seulement aujourd’hui, nous différons complètementd’opinion. Vous tenez absolument à votre homme brun, et moi je suisconvaincu que vous n’êtes pas sur la voie.

– Je crois que j’ai raison, répondit le chef de la sûreté, etj’espère bien le prouver. Je trouverai le gredin, quel qu’ilsoit.

– Je ne demande pas mieux.

– Seulement, que monsieur le juge me permette de donner un…comment dirais-je, sans manquer de respect ? un… conseil.

– Parlez.

– Eh bien ! j’engagerai monsieur le juge à se méfier dupère Tabaret.

– Vraiment ! et pourquoi cela ?

– C’est que le bonhomme est trop passionné. Il fait de la policepour le succès, ni plus ni moins qu’un auteur. Et comme il estorgueilleux plus qu’un paon, il est sujet à s’emporter, à se monterle coup. Dès qu’il est en présence d’un crime, comme celuid’aujourd’hui, par exemple, il a la prétention de tout expliquersur-le-champ. Et en effet, il invente une histoire qui se rapporteexactement à la situation. Il prétend avec un seul faitreconstruire toutes les scènes d’un assassinat, comme ce savant quisur un os rebâtissait les animaux perdus. Quelquefois, il devinejuste, souvent aussi il se trompe. Ainsi, dans l’affaire dutailleur, de ce malheureux Derème, sans moi…

– Je vous remercie de l’avis, interrompit M. Daburon, j’enprofiterai. Maintenant, monsieur le commissaire, continua-t-il, àtout prix il faut tâcher de découvrir de quel pays était la veuveLerouge.

La procession des témoins amenés par le brigadier de gendarmerierecommença à défiler devant le juge d’instruction.

Mais aucun fait nouveau ne se révélait. Il fallait que la veuveLerouge eût été de son vivant une personne singulièrement discrètepour que de toutes ses paroles – et elle en prononçait beaucoup enun jour – rien de significatif ne fût resté dans l’oreille descommères d’alentour.

Seulement, tous les gens interrogés s’obstinaient à faire partau juge de leurs convictions et de leurs conjectures personnelles.L’opinion publique se déclarait pour Gévrol. Il n’y avait qu’unevoix pour accuser l’homme à la blouse grise, le grand brun.Celui-là sûrement était le coupable. On se souvenait de son airféroce, qui avait effrayé tout le pays. Beaucoup, frappés de samise suspecte, l’avaient sagement évité. Il avait un soir menacéune femme, et un autre jour battu un enfant. On ne pouvait désignerni l’enfant ni la femme, mais n’importe, ces actes de brutalitéétaient de notoriété publique.

M. Daburon désespérait de faire jaillir la moindre lumière,lorsqu’on lui amena une épicière de Bougival, chez qui sefournissait la victime, et un enfant de treize ans qui savaient,assurait-on, des choses positives.

L’épicière comparut la première. Elle avait entendu la veuveLerouge parler d’un fils à elle, encore vivant.

– En êtes-vous bien sûre ? insista le juge.

– Comme de mon existence, répondit l’épicière, même que, cesoir-là, c’était un soir, elle était, sauf votre respect, un peuivre. Elle est restée dans ma boutique plus d’une heure.

– Et elle disait ?

– Il me semble la voir encore, continua la marchande ; elleétait accotée sur le comptoir près des balances ; elleplaisantait avec un pêcheur de Marly, le père Husson, qui peut vousle répéter, et elle l’appelait marin d’eau douce. « Mon mari à moi,disait-elle, était marin, lui, mais pour de bon, et la preuve,c’est qu’il restait des années en voyage, et toujours il merapportait des noix de coco. J’ai un garçon qui est marin, commedéfunt son père, sur un vaisseau de l’État. »

– Avait-elle prononcé le nom de son fils ?

– Pas cette fois-là, mais une autre, qu’elle était, si j’osedire, très saoule. Elle nous a conté que son garçon s’appelaitJacques et qu’elle ne l’avait pas vu depuis très longtemps.

– Disait-elle du mal de son mari ?

– Jamais. Seulement elle disait que le défunt était jaloux etbrutal, bon homme au fond, et qu’il lui faisait une vie pitoyable.Il avait la tête faible et se forgeait des idées pour un rien.Enfin il était bête par trop d’honnêteté.

– Son fils était-il venu la voir depuis qu’elle habitait LaJonchère ?

– Elle ne m’en a pas parlé.

– Dépensait-elle beaucoup chez vous ?

– C’est selon. Elle nous prenait pour une soixantaine de francspar mois, quelquefois plus, parce qu’elle voulait du cognac vieux.Elle payait comptant.

L’épicière, ne sachant plus rien, fut congédiée. L’enfant quilui succéda appartenait à des gens aisés de la commune. Il étaitgrand et fort pour son âge. Il avait l’œil intelligent, laphysionomie éveillée et narquoise. Le juge ne sembla nullementl’intimider.

– Voyons, mon garçon, lui demanda le juge, quesais-tu ?

– Monsieur, l’autre avant-hier, le jour du dimanche gras, j’aivu un homme sur la porte du jardin de madame Lerouge.

– À quel moment de la journée ?

– De grand matin, j’allais à l’église pour servir la secondemesse.

– Bien ! fit le juge, et cet homme était un grand brun,vêtu d’une blouse…

– Non, monsieur, au contraire, celui-là était petit, court, trèsgros et pas mal vieux.

– Tu ne te trompes pas ?

– Plus souvent ! répondit le gamin. Je l’ai envisagé deprès, puisque je lui ai parlé.

– Alors, voyons, raconte-moi cela.

– Donc, monsieur, je passais, quand je vois ce gros-là sur laporte. Il avait l’air vexé, oh ! mais vexé comme il n’est paspossible. Sa figure était rouge, c’est-à-dire violette jusqu’aumilieu de la tête, ce qui se voyait très bien, car il était têtenue et n’avait plus guère de cheveux.

– Et il t’a parlé le premier ?

– Oui, monsieur. En m’apercevant, il m’a appelé : « Eh !petit ! » Je me suis approché. « Voyons, me dit-il, tu as debonnes jambes ? » Moi je réponds : « Oui. » Alors il me prendl’oreille, mais sans me faire de mal, en me disant : « Puisquec’est comme ça, tu vas me faire une commission et je te donneraidix sous. Tu vas courir jusqu’à la Seine. Avant d’arriver au quai,tu verras un grand bateau amarré ; tu y entreras et tudemanderas le patron Gervais. Sois tranquille, il y sera ; tului diras qu’il peut parer à filer, que je suis prêt. » Là-dessus,il m’a mis dix sous dans la main, et je suis parti.

– Si tous les témoins étaient comme ce petit garçon, murmura lecommissaire, ce serait un plaisir.

– Maintenant, demanda le juge, dis-nous comment tu as fait tacommission ?

– Je suis allé au bateau, monsieur, j’ai trouvé l’homme, je luiai dit la chose, et c’est tout.

Gévrol, qui écoutait avec la plus vive attention, se pencha versl’oreille de M. Daburon.

– Monsieur le juge, fit-il à voix basse, serait-il assez bonpour me permettre de poser quelques questions à cemioche ?

– Certainement, monsieur Gévrol.

– Voyons, mon petit ami, interrogea l’agent, si tu voyais cethomme dont tu nous parles, le reconnaîtrais-tu ?

– Oh ! pour ça, oui.

– Il avait donc quelque chose de particulier ?

– Dame !… sa figure de brique.

– Et c’est tout ?

– Mais oui ! monsieur.

– Cependant, tu sais comme il était vêtu ; avait-il uneblouse ?

– Non. C’était une veste. Sous les bras, elle avait de grandespoches, et de l’une d’elles sortait à moitié un mouchoir à carreauxbleus.

– Comment était son pantalon ?

– Je ne me le rappelle pas.

– Et son gilet ?

– Attendez donc ! répondit l’enfant. Avait-il ungilet ?… Il me semble que non. Si, pourtant… Mais non, je mesouviens, il n’en portait pas, il avait une longue cravate attachéeprès du cou avec un gros anneau.

– Ah ! fit Gévrol d’un air satisfait, tu n’es pas un sot,mon garçon, et je parie qu’en cherchant bien tu vas trouverd’autres renseignements encore à nous donner.

L’enfant baissa la tête et garda le silence. Aux plis de sonjeune front, on devinait qu’il faisait un violent effort demémoire.

– Oui ! s’écria-t-il, j’ai encore remarqué une chose.

– Quoi ?

– L’homme avait des boucles d’oreilles très grandes.

– Bravo ! fit Gévrol, voilà un signalement complet. Je leretrouverai, celui-là ; monsieur le juge peut préparer sonmandat de comparution.

– Je crois, en effet, le témoignage de cet enfant de la plushaute importance, répondit M. Daburon. Et se retournant versl’enfant :

– Saurais-tu, mon petit ami, demanda-t-il, nous dire de quoiétait chargé le bateau ?

– C’est que je n’en sais rien, monsieur, il était ponté.

– Montait-il ou descendait-il la Seine ?

– Mais, monsieur, il était arrêté.

– Nous le pensons bien, dit Gévrol ; monsieur le juge tedemande de quel côté était tourné l’avant du bateau. Était-ce versParis ou vers Marly ?

– Les deux bouts du bateau m’ont semblé pareils.

Le chef de la sûreté fit un geste de désappointement.

– Ah ! reprit-il en s’adressant à l’enfant, tu aurais biendû regarder le nom du bateau ; tu sais lire, je suppose. Ilfaut toujours regarder le nom des bateaux sur lesquels onmonte.

– Je n’ai pas vu de nom, dit le petit garçon.

– Si ce bateau s’est arrêté à quelques pas du quai, objecta M.Daburon, il aura probablement été remarqué par des habitants deBougival.

– Monsieur le juge a raison, approuva le commissaire.

– C’est juste, fit Gévrol. Du reste les mariniers ont dûdescendre et aller au cabaret. Je m’informerai. Mais comment étaitce patron Gervais, mon petit ami ?

– Comme tous les mariniers d’ici, monsieur.

Le petit garçon se préparait à sortir ; le juge lerappela.

– Avant de partir, mon enfant, dis-moi si tu as parlé àquelqu’un de ta rencontre avant aujourd’hui ?

– Monsieur, j’ai tout dit à maman, le dimanche en revenant del’église ; je lui ai même remis les dix sous de l’homme.

– Et tu nous as bien avoué toute la vérité ? continua lejuge. Tu sais que c’est une chose très grave que d’en imposer à lajustice. Elle le découvre toujours, et je dois te prévenir qu’elleréserve des punitions terribles pour les menteurs.

Le petit témoin devint rouge comme une cerise et baissa lesyeux.

– Tu vois, insista M. Daburon, tu nous as dissimulé quelquechose. Tu ignores donc que la police connaît tout ?

– Pardon ! monsieur ! s’écria l’enfant en fondant enlarmes, pardon, ne me faites pas de mal, je ne recommenceraiplus !

– Alors, dis en quoi tu nous as trompés.

– Eh bien ! monsieur, ce n’est pas dix sous que l’homme m’adonnés, c’est vingt sous. J’en ai avoué la moitié à maman et j’aigardé le reste pour m’acheter des billes…

– Mon petit ami, interrompit le juge, pour cette fois je tepardonne. Mais que ceci te serve de leçon pour toute ta vie.Retire-toi et souviens-toi que vainement on cèle la vérité, elle sedécouvre toujours.

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