LE FLAMBEAU AGATHA CHRISTIE

AGATHA CHRISTIE LE FLAMBEAU

C’était une vieille maison. Toutes les maisons de la place étaient vieilles, pétries de cette très digne et très méprisante ancienneté que l’on rencontre communément dans les villes épiscopales. Mais le n°19 faisait figure d’ancêtre parmi les ancêtres. Elle possédait une solennité toute patriarcale. Elle s’élevait, plus grise encore que les plus grises, plus arrogante que les plus arrogantes, plus glaciale que les plus glaciales. Austère, sinistre, empreinte de la désolation qui s’attache aux demeures inoccupées depuis longtemps, elle régnait sur ses voisines.

Dans toute autre ville, on ne se fût pas gêné pour la dire hantée. Mais Weyminster n’aimait pas les fantômes : ceux-ci n’avaient droit de cité que dans les grandes familles du comté. Nul ne parlait donc jamais du n°19 comme d’une maison hantée. N’empêche qu’il y avait des années qu’il demeurait « à vendre ou à louer ».

Dès l’abord, Mme Lancaster adressa à la maison un coup d’œil approbateur. Elle était accompagnée d’un agent immobilier au naturel bavard et que la perspective d’être débarrassé du dossier afférent au n°19 remplissait de bonheur. Sans interrompre le flot de ses commentaires élogieux sur la maison, il introduisit la clé dans la serrure.

— Depuis combien de temps la maison est-elle inoccupée ? demanda Mme Lancaster, lui coupant la parole avec une certaine brusquerie.

M. Raddish (de Raddish & Foplow) perdit légèrement contenance.

— Euh… euh… depuis un certain temps, répondit-il mielleusement.

— C’est ce qu’il me semble, remarqua sèchement Mme Lancaster.

Dans le hall faiblement éclairé régnait un froid sinistre. Toute femme douée d’un minimum d’imagination eût sans doute été prise d’un frisson. Mais Mme Lancaster avait les pieds sur terre. Elle était grande, avec une abondante chevelure châtain foncé à peine parsemée de gris, et des yeux bleus comme de la glace.

Elle visita la maison de la cave jusqu’au grenier, posant de temps à autre des questions fort pertinentes. Son inspection terminée, elle retourna dans une des pièces qui se trouvaient en façade, du côté de la place, et considéra l’agent immobilier d’un air résolu.

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