Scène III
Cléofile,Taxile
Cléofile
Cédez, mon frère, à ce bouillanttransport :
Alexandre et le temps vous rendront le plusfort,
Et cet âpre courroux, quoi qu’elle en puissedire,
Ne s’obstinera point au refus d’un empire.
Maître de ses destins, vous l’êtes de soncœur.
Mais dites-moi : vos yeux ont-ils vu levainqueur ?
Quel traitement, mon frère, en devons-nousattendre ?
Qu’a-t-il dit ?
Taxile
Oui, ma sœur, j’ai vu votre Alexandre.
D’abord ce jeune éclat qu’on remarque en sestraits
M’a semblé démentir le nombre de sesfaits.
Mon cœur plein de son nom, n’osait, je leconfesse,
Accorder tant de gloire avec tant dejeunesse ;
Mais de ce même front l’héroïque fierté,
Le feu de ses regards, sa haute majesté,
Font connaître Alexandre ; et certes sonvisage
Porte de sa grandeur l’infaillibleprésage,
Et sa présence auguste appuyant sesprojets,
Ses yeux comme son bras font partout dessujets.
Il sortait du combat. Ébloui de sa gloire,
Je croyais dans ses yeux voir briller laVictoire.
Toutefois à ma vue oubliant sa fierté,
Il a fait à son tour éclater sa bonté.
Ses transports ne m’ont point déguisé satendresse :
« Retournez, m’a-t-il dit,auprès de la princesse,
Disposez ses beaux yeux à revoir unvainqueur
Qui va mettre à ses pieds sa victoire etson cœur. »
Il marche sur mes pas. Je n’ai rien à vousdire,
Ma sœur : de votre sort je vous laissel’empire ;
Je vous confie encor la conduite du mien.
Cléofile
Vous aurez tout pouvoir, ou je ne pourrairien.
Tout va vous obéir, si le vainqueurm’écoute.
Taxile
Je vais donc… Mais on vient. C’est lui-mêmesans doute.