Scène III
Axiane,Taxile
Axiane
Approche, puissant roi,
Grand monarque de l’Inde. On parle ici detoi :
On veut en ta faveur combattre macolère ;
On dit que tes désirs n’aspirent qu’à meplaire,
Que mes rigueurs ne font qu’affermir tonamour ;
On fait plus, et l’on veut que je t’aime à montour.
Mais sais-tu l’entreprise où s’engage taflamme ?
Sais-tu par quels secrets on peut toucher monâme ?
Es-tu prêt…
Taxile
Ah ! Madame, éprouvez seulement
Ce que peut sur mon cœur un espoir sicharmant.
Que faut-il faire ?
Axiane
Il faut, s’il est vrai que l’on m’aime,
Aimer la gloire autant que je l’aimemoi-même,
Ne m’expliquer ses vœux que par mille beauxfaits,
Et haïr Alexandre autant que je lehais ;
Il faut marcher sans crainte au milieu desalarmes ;
Il faut combattre, vaincre, ou périr sous lesarmes.
Jette, jette les yeux sur Porus et surtoi,
Et juge qui des deux était digne de moi.
Oui, Taxile, mon cœur, douteux enapparence,
D’un esclave et d’un roi faisait ladifférence.
Je l’aimai, je l’adore ; et puisqu’unsort jaloux
Lui défend de jouir d’un spectacle sidoux,
C’est toi que je choisis pour témoin de sagloire :
Mes pleurs feront toujours revivre samémoire,
Toujours tu me verras, au fort de monennui,
Mettre tout mon plaisir à te parler delui.
Taxile
Ainsi je brûle en vain pour une âmeglacée ?
L’image de Porus n’en peut être effacée.
Quand j’irais, pour vous plaire, affronter letrépas,
Je me perdrais, Madame, et ne vous plairaispas.
Je ne puis donc…
Axiane
Tu peux recouvrer mon estime.
Dans le sang ennemi tu peux laver toncrime.
L’occasion te rit : Porus dans letombeau
Rassemble ses soldats autour de sondrapeau ;
Son ombre seule encor semble arrêter leurfuite.
Les tiens même, les tiens, honteux de taconduite,
Font lire sur leurs fronts justementcourroucés
Le repentir du crime où tu les as forcés.
Va seconder l’ardeur du feu qui lesdévore ;
Venge nos libertés qui respirentencore ;
De mon trône et du tien deviens ledéfenseur ;
Cours, et donne à Porus un dignesuccesseur…
Tu ne me réponds rien ? Je vois sur tonvisage
Qu’un si noble dessein étonne ton courage.
Je te propose en vain l’exemple d’unhéros ;
Tu veux servir. Va, sers, et me laisse enrepos.
Taxile
Madame, c’en est trop. Vous oubliezpeut-être
Que si vous m’y forcez je puis parler enmaître
Que je puis me lasser de souffrir vosdédains,
Que vous et vos États, tout est entre mesmains,
Qu’après tant de respects, qui vous rendentplus fière,
Je pourrai…
Axiane
Je t’entends. Je suis taprisonnière ;
Tu veux peut-être encor captiver mesdésirs,
Que mon cœur en tremblant réponde à tessoupirs ?
Eh bien ! dépouille enfin cette douceurcontrainte ;
Appelle à ton secours la terreur et lacrainte ;
Parle en tyran tout prêt à mepersécuter :
Ma haine ne peut croître, et tu peux touttenter.
Surtout ne me fais point d’inutilesmenaces.
Ta sœur vient t’inspirer ce qu’il faut que tufasses.
Adieu. Si ses conseils et mes vœux en sontcrus,
Tu m’aideras bientôt à rejoindre Porus.
Taxile
Ah ! plutôt…