Feu Mathias Pascal

Chapitre 11UN SOIR, EN REGARDANT LE FLEUVE

À mesure que la familiarité grandissait, grâce à la sympathieque me témoignait le maître de la maison, grandissait aussi pourmoi la difficulté de converser, la secrète gêne que j’avais déjàéprouvée et qui souvent, à présent, devenait aiguë comme unremords, à me voir là, en intrus, dans cette famille, avec un nomfaux, les traits altérés, avec une existence fictive et commeinconsistante. Et je me proposais de me tenir à l’écart, merépétant que je ne devais pas approcher trop de la vie d’autrui,que je devais fuir toute intimité et me contenter de vivre ainsi àpart moi.

– Libre ? disais-je encore.

Mais déjà je commençais à pénétrer le sens et à mesurerl’extension de cette liberté.

Ainsi, par exemple, cette liberté consistait à rester là, lesoir, accoudé à une fenêtre, à regarder le fleuve qui courait, noiret silencieux, entre les quais neufs et sous les ponts, qui yreflétaient les lumières de leurs becs de gaz, tremblantes comme depetits serpents de feu ; cela voulait dire suivre parl’imagination le cours de ces eaux, depuis la lointaine source desApennins, puis par toutes ces campagnes, maintenant à travers laville, puis de nouveau par la campagne, jusqu’à l’embouchure ;puis je me représentais par la pensée la mer ténébreuse etpalpitante, où ces eaux, après une si longue course, allaient seperdre. Et cette liberté enfin me permettait d’ouvrir de temps entemps la bouche pour laisser passer un bâillement.

Mais cette liberté eût-elle été différente ailleurs ?

Je voyais, certains soirs, sur une terrasse à côté, la petitemaman en robe de chambre, occupée à arroser les pots de fleurs.« Voilà la vie ! » pensais-je. Et je suivais desyeux la douce enfant dans sa gentille occupation, attendant àchaque instant qu’elle levât les yeux vers ma fenêtre. Mais envain. Elle savait que j’étais là ; mais quand elle étaitseule, elle feignait de ne pas s’en apercevoir. Pourquoi ?

Était-ce l’effet de la timidité seulement, cette retenue ?Ou peut-être m’en voulait-elle encore, en secret, la chère petitemaman, du peu d’attention que je m’obstinais à luitémoigner !

À présent, ayant posé son arrosoir, elle s’appuyait au parapetde la terrasse et se mettait à regarder le fleuve, elle aussi,peut-être pour me faire voir qu’elle ne se souciait pas de moi lemoins du monde et qu’elle avait pour son compte des pensées biengraves à méditer.

Je souriais en moi-même, à cette idée ; mais ensuite, en lavoyant se retirer de la terrasse, je réfléchissais que mon jugementpouvait être aussi le fruit du dépit instinctif que chacun éprouveà se voir négligé.

« Pourquoi, du reste, me demandais-je, s’occuperait-elle demoi ? Je personnifie ici le malheur de sa vie, la folie de sonpère ; je représente peut-être une humiliation pour elle.Peut-être regrette-t-elle encore le temps où son père était enactivité et n’avait pas besoin de louer des chambres et d’avoir desétrangers plein sa maison. Et puis, un étranger comme moi ! Jelui fais peut-être peur. Pauvre gamine ! avec cet œil et ceslunettes… »

Le bruit de quelque voiture, sur le pont tout proche,m’arrachait à ces réflexions ; je me retirais de lafenêtre ; je regardais le lit, je regardais les livres, jerestais un peu perplexe entre ceux-ci et celui-là. Puis je haussaisenfin les épaules ; je saisissais mon grand chapeau et jesortais, espérant me délivrer, dehors, de cet obsédant ennui.

J’allais, selon l’inspiration du moment, ou dans les rues lesplus peuplées, ou dans les lieux solitaires. Je me rappelle, unenuit, place Saint-Pierre, l’impression d’un rêve, d’un rêve commelointain, qui m’envahit de ce monde séculaire, enfermé là, entreles bras du portique majestueux, dans le silence qui paraissaitaccru par le continuel murmure des deux fontaines. Je m’approchaide l’une d’elles, et alors cette eau seulement me sembla vivante,et tout le reste comme spectral et profondément mélancolique danssa silencieuse et dans son immobile solennité.

En rentrant par le Borgo Nuovo, je rencontrai un ivrogne qui,passant près de moi et me voyant pensif, se baissa, avança un peula tête pour me regarder au visage, par-dessous, et me dit, en mesecouant légèrement le bras :

– De la gaieté !

Je m’arrêtai net, surpris, à le dévisager des pieds à latête.

– De la gaieté ! répéta-t-il, accompagnant sonexhortation d’un geste de la main qui signifiait : « Quefais-tu ? Que penses-tu ? Ne te soucie derien ! »

Et il s’éloigna, titubant, se soutenant avec une main aumur.

À cette heure, par cette rue déserte, là tout près du grandtemple, et avec les pensées qu’il m’avait suggérées encore dansl’esprit, l’apparition de cet ivrogne et son étrange conseil amicalet philosophiquement compatissant me renversèrent : je restai,je ne sais combien de temps à suivre des yeux cet homme, puis jesentis mon ébahissement se dissiper dans un rire fou.

« De la gaieté ! Oui, mon ami. Mais je ne puis pasaller au cabaret chercher la gaieté que tu me conseilles, au fondd’un verre. Je ne saurais pas l’y trouver, hélas ! Et je nesais pas la trouver ailleurs ! Rentrons cheznous ! »

Mais c’était la nuit des rencontres.

En passant, un peu plus loin, par Tordinona, presque dansl’obscurité, j’entendis un cri perçant, parmi d’autres étouffés,dans une des ruelles qui débouchent sur cette rue. Brusquement, jevis se précipiter devant moi un groupe où l’on se battait.C’étaient quatre misérables, armés de bâtons noueux, se ruant surune femme de carrefour.

Ces lâches étaient quatre, mais, j’avais, moi aussi, un bonbâton ferré. Il est vrai que deux d’entre eux s’élancèrent sur moiavec des couteaux. Je me défendis de mon mieux, en faisant lemoulinet et en sautant de-ci, de-là, à temps pour ne pas me faireprendre au milieu d’eux ; je réussis enfin à assener sur latête du plus acharné un coup formidable avec la pomme de fer :je le vis vaciller, puis prendre sa course ; les trois autres,alors, craignant peut-être que quelqu’un accourût aux cris aigus dela femme, le suivirent. Je ne sais comment, je me trouvai blessé aufront. Je criai à la femme, qui ne cessait pas encore d’appeler ausecours, de se taire ; mais, me voyant la figure inondée desang, elle ne sut se contenir et, en pleurant, tout échevelée, ellevoulut me secourir, me bander avec le mouchoir de soie, déchirédans la rixe, qu’elle portait sur le sein.

– Non, non ! merci ! lui dis-je en me défendantavec dégoût. Assez… Ce n’est rien ! Va, va-t’en tout de suite…Ne te fais pas voir.

Et je gagnai la fontaine qui est sous la rampe du pont, toutprès de là, pour me laver le front. Mais, pendant que j’étais là,voici venir deux agents hors d’haleine, qui voulurent savoir ce quiétait arrivé. Aussitôt, la femme, qui était de Naples, se mit àraconter le danger qu’elle avait couru avec moi, me prodiguant lesphrases les plus affectueuses et les plus admiratives de sonrépertoire. J’eus bien de la peine à me débarrasser de ces deuxzélés policiers, qui voulaient absolument m’emmener avec eux, afinque je dénonçasse le fait. Il n’aurait plus manqué que cela !Avoir affaire avec la police maintenant ! Paraître lelendemain dans la chronique des journaux comme un héros, moi quidevais rester silencieux, dans l’ombre, ignoré de tous.

C’est que, héros, je ne pouvais plus l’être, sinon à conditiond’en mourir… ! Mais puisque j’étais déjà mort.

*

* *

– Pardon ! monsieur Meis, êtes-vous veuf ?

Cette question me fut adressée à brûle-pourpoint, un soir, parmademoiselle Caporale, sur la terrasse, où elle se trouvait avecAdrienne et où toutes deux m’avaient invité à passer quelquesinstants en leur compagnie.

Gêné, je répondis :

– Moi ? Non. Pourquoi ?

– Parce que vous vous frottez toujours l’annulaire avec lepouce comme quand on veut faire tourner une bague autour de sondoigt. Est-ce vrai, Adrienne ?

Voyez un peu jusqu’où vont se fourrer les yeux des femmes, ouplutôt de certaines femmes, car Adrienne déclara ne s’en êtrejamais aperçue.

– Tu n’y auras pas fait attention ! s’écria laCaporale.

Je dus convenir que, bien que moi non plus je n’y eusse jamaisfait attention, il pouvait se faire que j’eusse ce tic.

– J’ai porté, en effet, me vis-je contraint d’ajouter, unepetite bague que j’ai ensuite dû faire couper par un orfèvre, parcequ’elle me serrait le doigt et me faisait mal.

– Pauvre petite bague ! gémit alors, en se tortillant,la quadragénaire, en veine, ce soir, de minauderies enfantines…Elle ne voulait plus vous sortir du doigt ? Peut-être était-ceun souvenir d’amour ?…

– Silvia ! interrompit la petite Adrienne d’un ton dereproche.

– Quel mal y a-t-il ? reprit l’autre. Je voulais dired’un premier amour… Voyons ! contez-nous cela, monsieurMeis ! Est-il possible que vous ne vouliez jamaisparler ?

– C’est que, dis-je, je pensais aux conséquences que vousavez tirées de mon tic de me frotter ce doigt. Conséquencearbitraire, ma chère mademoiselle. Car les veufs, que je sache,n’ont pas l’habitude d’enlever leur alliance. La femme, à larigueur, peut être à charge, mais non pas l’anneau, quand la femmen’est plus. Bien plutôt, de même que les vétérans aiment à s’ornerde leurs médailles, ainsi le veuf aime, je crois, à porter sonalliance.

– Eh oui ! s’écria la Caporale. Vous détournezhabilement la conversation. Mais je n’en ai pas moins eu cetteimpression…

– Que j’étais veuf ?

– Oui, monsieur. Ne te semble-t-il pas à toi aussi,Adrienne ?

Adrienne essaya de lever les yeux sur moi, mais les rabaissaaussitôt, ne sachant – timide comme elle l’était – soutenir leregard d’autrui. Elle sourit de son sourire habituel, doux ettriste, et dit :

– Que sais-je, moi, de l’air des veufs ? Tu es tropcurieuse !

À ce moment elle se troubla et se tourna pour regarder lefleuve, en bas. Sans doute, l’autre comprit, car elle soupira, etse mit, elle aussi, à regarder le fleuve.

Un quatrième personnage, invisible, était évidemment venu sefourrer entre nous. Je compris, à la fin, moi aussi, en regardantla robe de chambre demi-deuil d’Adrienne. Je conjecturai queTérence Papiano, le beau-frère qui se trouvait encore à Naples, nedevait pas avoir l’air d’un veuf contrit et que, par conséquent,cet air, selon mademoiselle Caporale, je l’avais, moi.

J’avoue que je trouvai plaisir à ce que cette conversation finîtmal. La douleur causée à Adrienne par le souvenir de sa sœur morteet de Papiano veuf était, en effet, pour la Caporale, le châtimentde son indiscrétion.

Pourtant, ce qui me paraissait à moi une indiscrétion,n’était-ce pas, au fond, une curiosité très excusable qui naissaitforcément de mon silence étrange ? Et puisque la solitude medevenait désormais insupportable, et que je ne savais pas résisterà la tentation de m’approcher des autres, il fallait bien qu’auxquestions de ces autres, je satisfisse de la meilleure façonpossible, c’est-à-dire en mentant, en inventant. Il n’y avait pasd’autre alternative ! Ce n’était pas la faute des autres, maisla mienne : à présent, j’allais l’aggraver, c’est vrai, par lemensonge ; mais si je ne voulais pas, si j’en souffrais, jen’avais qu’à m’en aller, qu’à reprendre mon vagabondagesolitaire.

Je remarquais qu’Adrienne elle-même, qui ne m’adressait jamaisaucune demande, sinon discrète, était pourtant tout oreilles quandje répondais à la Caporale. Celle-ci, à vrai dire, dépassaitsouvent les limites de la curiosité naturelle.

Un soir, par exemple, sur cette même terrasse, après le dîner,la Caporale me questionna en riant, tandis qu’Adrienne luicriait :

– Non, Silvia ! Je te le défends ! Ne t’y risquepas !

– Pardon ! monsieur Meis, dit la Caporale, Adrienneveut savoir pourquoi vous ne vous laissez pas pousser lesmoustaches…

– Ce n’est pas vrai ! cria Adrienne. Ne la croyez pas,monsieur Meis ! C’est elle, au contraire… Moi…

Elle fondit en larmes, brusquement, la chère petite maman.Aussitôt, la Caporale chercha à la consoler, en luidisant :

– Mais non, voyons ! Qu’est-ce que cela fait ?Qu’y a-t-il de mal ?

Adrienne la repoussa :

– Il y a de mal que tu as menti et que tu me faisenrager ! Nous parlions des acteurs de théâtre qui sont tous…comme cela, et alors tu as dit : Comme monsieurMeis ! Qui sait pourquoi il ne laisse pas pousser au moins samoustache ?… et moi j’ai dit : Qui saitpourquoi ?…

– Eh bien ! reprit la Caporale, quand on dit :Qui sait pourquoi ? cela veut dire qu’on veut lesavoir !

– Mais tu l’avais dit d’abord, toi ! protesta Adrienneau comble de l’irritation.

– Puis-je répondre ? demandai-je pour rétablir lecalme.

– Non ! Excusez, monsieur Meis ! bonsoir !dit Adrienne.

Et elle se leva pour s’en aller.

Mais la Caporale la retint par le bras :

– Eh ! voyons ! petite sotte que tu es !C’est pour rire… Monsieur Adrien est si bon qu’il nous excuse.N’est-ce pas, monsieur Adrien ? Dites-le-lui, vous… pourquoivous ne vous laissez pas pousser les moustaches.

Cette fois, Adrienne se mit à rire, les yeux encore pleins delarmes.

– Parce qu’il y a là-dessous un mystère, répondis-je alorsen altérant ma voix d’une façon burlesque. Je suis unconjuré !

– Nous n’y croyons pas ! s’écria la Caporale sur lemême ton. Mais ensuite elle ajouta :

– Pourtant, écoutez : que vous soyez un sournois, onne peut mettre cela en doute. Qu’êtes-vous allé faire, par exemple,cet après-midi à la poste ?

– Moi, à la poste ?

– Oui, monsieur. Vous le niez ? Je vous ai vu de mesyeux. Vers quatre heures… Je passais sur la placeSaint-Sylvestre.

– Vous vous serez trompée, mademoiselle : ce n’étaitpas moi.

– Bah ! bah ! fit la Caporale, incrédule.Correspondance secrète… Car, n’est-ce pas, Adrienne ? monsieurne reçoit jamais de lettre à la maison. C’est la femme de servicequi me l’a dit, attention !

Adrienne s’agita, ennuyée, sur sa chaise.

– Ne l’écoutez pas, me dit-elle, en me lançant un regardplaintif et presque caressant.

– Ni à la maison, ni poste restante ! répondis-je. Cen’est que trop vrai ! Personne ne m’écrit, mademoiselle, parla raison bien simple que je n’ai plus personne qui puissem’écrire.

– Pas même un ami ? Est-ce possible ?Personne ?

– Personne. Je n’ai que moi et mon ombre sur la terre. Jel’ai menée promener, cette ombre, de-ci, de-là, continuellement, etje ne me suis jamais, jusqu’à présent, assez arrêté dans un endroitpour y pouvoir contracter une amitié durable.

– Vous êtes heureux ! s’écria la Caporale ensoupirant, d’avoir pu voyager toute votre vie ! Parlez-nous aumoins de vos voyages, voyons ! si vous ne voulez pas nousparler d’autre chose.

Et voici qu’après un an et davantage de silence forcé, jeprenais un vrai plaisir à parler, tous les soirs, là, sur la petiteterrasse, de ce que j’avais vu, des observations faites, desincidents qui m’étaient survenus çà et là. Je m’émerveillaismoi-même d’avoir recueilli, en voyageant, tant et tantd’impressions, que le silence avait comme ensevelies en moi, etqui, à présent, tandis que je parlais, ressuscitaient, mejaillissaient des lèvres toutes vives. Cet émerveillement intimecolorait ma narration d’une manière extraordinaire ; et puisdu plaisir que les deux femmes, en m’écoutant, semblaient éprouver,naissait peu à peu le regret d’un bien dont je n’avais pasréellement joui alors. Ce regret donnait une nouvelle saveur à monrécit.

Après quelques soirs, l’attitude, les manières de mademoiselleCaporale étaient radicalement changées à mon égard. Ses yeuxdolents s’appesantirent d’une langueur intense. Il n’y avait pas dedoute, mademoiselle Caporale était amoureuse de moi !

La surprise ridicule que j’en éprouvai me fit découvrircependant que, pendant toutes ces soirées, je n’avais point parlépour elle, mais, pour cette autre qui était toujours restéetaciturne, à écouter. Évidemment, pourtant, cette autre avait aussisenti que je parlais pour elle seule, car tout de suite s’établitentre nous comme une entente tacite pour nous amuser ensemble del’effet comique et imprévu de mes paroles sur les trop sensiblescordes sentimentales de la maîtresse de piano quadragénaire.

*

* *

Mais, avec cette découverte, aucune pensée impure n’entra en moipour Adrienne : cette candide bonté voilée de tristesse nepouvait en inspirer. J’éprouvais pourtant une grande joie de cettepremière confiance qu’elle m’accordait, confiance légère etsilencieuse, telle et aussi grande que sa délicate timidité le luipermettait.

– Vous ne devez pas avoir beaucoup de cœur, me dit un jourla Caporale, s’il est vrai que vous avez jusqu’ici traversé la viesain et sauf.

– Sain et sauf ?

– Oui, j’entends sans avoir éprouvé aucune passion.

– Jamais, mademoiselle, jamais !

– En tout cas, vous n’avez pas voulu nous dire d’où vousvenait cet anneau que vous avez fait couper par un orfèvre parcequ’il vous serrait trop le doigt…

– Et qu’il me faisait mal ! Je ne vous l’ai pasdit ? Mais si ! C’était un souvenir de mon grand-père,mademoiselle.

– Mensonge !

– Comme il vous plaira ; mais voyez, je puis vous direque mon grand-père m’avait fait cadeau de cet anneau à Florence, ensortant de la galerie des Offices, – j’avais alors douze ans, parceque j’avais pris un Pérugin pour un Raphaël. En récompense de cetteerreur, j’eus l’anneau. Mon grand-père, en effet, croyaitfermement, je ne sais pour quelles raisons, que ce tableau duPérugin devait être attribué à Raphaël. Voilà le mystèreexpliqué ! Vous comprendrez qu’entre la main d’un jeune garçonde douze ans et ma grosse patte il y a de la marge. Vousvoyez ? Maintenant, je suis tout entier ainsi, comme cettepatte à qui vont mal les bagues gracieuses. Du cœur, j’en auraispeut-être ; mais je suis juste aussi, mademoiselle ; jeme regarde dans la glace, avec cette belle paire de lunettes, quipourtant me sont dans une certaine mesure charitables, et je sensles bras me tomber : « Comment peux-tu prétendre, moncher Adrien, me dis-je à moi-même, que jamais une femme s’éprennede toi ? »

– Oh ! quelles idées ! s’exclama la Caporale.Mais vous croyez être juste en parlant ainsi et, au contraire, vousêtes très injuste envers nous autres femmes. Car la femme, monsieurMeis, sachez-le, est plus généreuse que l’homme et ne s’attachepas, comme lui, à la seule beauté extérieure.

– Disons alors que la femme est aussi plus courageuse quel’homme, mademoiselle. Car je reconnais que, outre la générosité,il faudrait une belle dose de courage pour aimer vraiment un hommecomme moi.

– Mais voulez-vous vous taire ! Vous aimez à vousfaire plus laid que vous n’êtes.

– Cela est vrai. Et savez-vous pourquoi ? Pourn’inspirer de compassion à personne. Si je cherchais, voyez-vous, àm’arranger un peu, je ferais dire : « Voyez un peu cepauvre homme : il se flatte de paraître moins laid avec cettepaire de moustaches ! » Au contraire, comme cela, non. Jesuis laid ? Eh bien ! laid jusqu’au bout, de tout cœur,sans miséricorde. Qu’en dites-vous ?

Mademoiselle Caporale poussa un profond soupir.

– Je dis que vous avez tort, répondit-elle ensuite. Si vousessayiez au contraire de vous laisser croître un peu de barbe, parexemple, vous vous apercevriez tout de suite que vous n’êtes pas lemonstre que vous dites.

– Et cet œil-ci lui demandai-je.

– Oh ! mon Dieu ! fit la Caporale, pourquoi nevous soumettez-vous pas à une opération, aujourd’hui sifacile ? Vous pourriez, si vous vouliez, vous débarrasser enpeu de temps de ce léger défaut.

– Voyez-vous, mademoiselle ? conclus-je. Sans douteque la femme est plus généreuse que l’homme ; mais je vousferai remarquer que petit à petit vous m’avez conseillé de mecomposer une autre figure.

Pourquoi avais-je tant insisté sur ce sujet ? Voulais-jevraiment que mademoiselle Caporale me déclarât là, en présenced’Adrienne, qu’elle m’aurait aimé, ou plutôt qu’elle m’aimait, mêmecomme cela, tout rasé, et avec cet œil dévoyé ? Non. Sij’avais tant parlé, et si j’avais adressé toutes ces questionsdétaillées à la Caporale, c’est que je m’étais aperçu du plaisir,peut-être inconscient, qu’éprouvait Adrienne aux réponsesvictorieuses qu’elle me faisait.

Je compris ainsi que nonobstant mon aspect baroque, elleaurait pu m’aimer. À partir de ce soir-là, je trouvai plusdoux le lit que j’occupais dans cette maison, plus jolis tous lesobjets qui m’entouraient, plus léger l’air que je respirais, leciel plus bleu, le soleil plus brillant. Je voulus croire que cechangement provenait encore de ce que Mathias Pascal avait fini là,dans le moulin de l’Épinette, et qu’après avoir erré dans cettenouvelle liberté illimitée, j’avais enfin trouvé l’équilibre,atteint l’idéal proposé, de faire de moi un autre homme, pour vivreune autre vie.

Et mon esprit redevint enjoué, comme dans ma premièrejeunesse ; il perdit le poison de l’expérience. Jusqu’àmonsieur Anselme Paleari qui ne me sembla plus si ennuyeux.

Et je me proposai même de n’être plus cruel envers mademoiselleCaporale. Je me le proposai, mais, hélas ! je le fus sans levouloir, et même je le fus d’autant plus que je voulus l’êtremoins. Il arriva ceci : à mes paroles, la pauvre femmepâlissait, tandis qu’Adrienne rougissait. Je ne savais pas bien ceque je disais, mais je sentais que mes paroles, leur son, leurexpression, n’augmentaient pas assez le trouble de celle à quielles étaient réellement adressées, pour rompre la secrète harmoniequi déjà – je ne sais comment – s’était établie entre nous.

Les âmes ont une manière à elles de s’entendre, d’entrer enintimité jusqu’à se tutoyer, tandis que nos personnes sont encoreempêtrées dans l’échange des paroles banales. Et chaque fois quedeux êtres qui communiquent ainsi entre eux, avec les âmesseulement, se trouvent seuls en quelque endroit, elles éprouvent untrouble anxieux et comme une répulsion violente pour le moindrecontact matériel, une souffrance qui les éloigne et qui cessesubitement, à peine un tiers est-il intervenu. Alors, l’angoissepassée, les deux âmes soulagées se cherchent et se sourient deloin.

Combien de fois n’en fis-je pas l’expérience avecAdrienne ! Mais la gêne qu’elle éprouvait était alors pour moiun effet de sa retenue naturelle et de la timidité de sa nature et,pour la mienne, je croyais qu’elle provenait du remords que mecausait la fiction à laquelle j’étais obligé, devant la candeur etl’ingénuité de cette douce et affable créature.

Je la voyais désormais avec d’autres yeux. Mais ne s’était-ellepas aussi vraiment transformée depuis un mois ? Ses regardsfugitifs ne s’éclairaient-ils pas maintenant d’une lumièreintérieure plus vive ? Et ses sourires ne montraient-ils pasmoins pénible l’effort que lui coûtait cette attitude de sagepetite maman, qui tout d’abord m’était apparue comme uneostentation ?

Oui, peut-être qu’elle aussi obéissait au même besoin que moi,au besoin de se créer l’illusion d’une nouvelle vie, sans vouloirsavoir ni laquelle ni comment. Un désir vague, comme une brise del’âme, avait ouvert tout doucement pour elle, comme pour moi, unefenêtre dans l’avenir, d’où un rayon d’une tiédeur enivrantearrivait jusqu’à nous, qui ne savions cependant nous approcher decette fenêtre ni pour la refermer ni pour voir ce qu’il y avait del’autre côté.

Et cette ivresse pure et suave que nous partagions faisaitressentir ses effets à la pauvre mademoiselle Caporale.

– Vous savez, mademoiselle, lui dis-je un soir, que j’aipresque décidé de suivre votre conseil.

– Lequel ?

– De me faire opérer par un oculiste.

La Caporale battit des mains, toute contente.

– Parfait ! Le docteur Ambrosini ! AppelezAmbrosini : c’est le plus habile, il a fait l’opération de lacataracte à ma pauvre mère. Tu vois, Adrienne, que le miroir aparlé. Qu’est-ce que je te disais ?

Adrienne sourit, et je souris à mon tour.

– Non, pas le miroir, mademoiselle, dis-je pourtant. Lebesoin s’en est fait sentir. Depuis quelque temps, mon œil me faitmal : il ne m’a jamais bien servi ; toutefois, je nevoudrais pas le perdre.

Ce n’était pas vrai ; c’était mademoiselle Caporale quiavait raison : le miroir, le miroir avait parlé et m’avait ditque si une opération relativement légère pouvait me fairedisparaître du visage ce trait malencontreux de Mathias Pascal,Adrien Meis pourrait aussi se passer de lunettes bleues, seconcéder une paire de moustaches et mettre mieux d’accord sonphysique avec les conditions modifiées de son esprit.

Mais je dus changer d’idées à la suite d’une scène nocturne àlaquelle j’assistai, caché derrière la persienne d’une de mesfenêtres.

Cette scène se déroula sur la terrasse, là, à côté. Je m’y étaisattardé jusque vers dix heures en compagnie des deux femmes. Rentrédans ma chambre, je m’étais mis à lire distraitement un des livrespréférés de M. Anselme, sur la Réincarnation. Il mesembla tout à coup entendre parler sur la terrasse : je tendisl’oreille pour vérifier si c’était Adrienne. Non. Deux personnescausaient bas, vite : j’entendis une voix d’homme qui n’étaitpas celle de Paleari. Mais en fait d’hommes à la maison, il n’yavait que lui et moi. Ma curiosité éveillée, je m’avançai vers lafenêtre pour regarder par les fentes des persiennes. Dansl’obscurité, il me sembla reconnaître mademoiselle Caporale. Maisqui était cet homme avec qui elle causait ? Térence Papianoétait-il arrivé de Naples, à l’improviste ?

À un mot proféré un peu plus fort par la Caporale, je comprisqu’ils parlaient de moi. Cet homme se montrait irrité desrenseignements que sans doute la maîtresse de piano lui avaitdonnés sur moi, et maintenant elle cherchait à atténuerl’impression que ces renseignements avaient produite sur l’espritde celui-ci.

– Riche ? demanda-t-il à un certain moment.

Et la Caporale :

– Je ne sais pas Il me semble ! Certainement, il vitde ses rentes, sans rien faire.

– Toujours à la maison ?

– Mais non. D’ailleurs, demain tu le verras.

Elle dit bien ainsi : « Tu le verras. » Donc ellele tutoyait ; donc Papiano (il n’y avait plus de doute) étaitau mieux avec mademoiselle Caporale ?… Et comment diable,alors, tous ces jours-ci, m’avait-elle témoigné tant decondescendance ?

Ma curiosité devint plus vive que jamais ; mais comme s’ilsl’eussent fait exprès, ils se mirent à parler tout bas. À défaut demes oreilles, je cherchai à me servir de mes yeux. Et je vis que laCaporale posait une main sur l’épaule de Papiano. Celui-ci, peuaprès, la repoussait brutalement.

– Mais comment pouvais-je l’empêcher ? dit-elle enélevant la voix avec une exaspération intense. Que suis-je,moi ? Qu’est-ce que je représente dans cette maison ?

– Appelle Adrienne ! lui ordonna-t-ilimpérieusement.

En entendant prononcer le nom d’Adrienne sur ce ton, je serrailes poings, et je sentis mon sang bouillonner dans mes veines.

– Elle dort, dit la Caporale.

Et lui, sombre, menaçant :

– Va la réveiller, tout de suite !

Je ne sais comment je me retins d’ouvrir toute grande,furieusement, la persienne.

L’effort que je fis pour me maîtriser me permit cependant derentrer en moi-même. Les paroles que je venais d’entendre prononceravec tant d’exaspération par cette pauvre femme me venaient auxlèvres : « Que suis-je, moi ? Qu’est-ce que jereprésente dans cette maison ? »

Je me retirai de la fenêtre. Mais aussitôt me revint à la penséequ’ils parlaient de moi tous les deux, et cet homme voulait encoreparler de moi avec Adrienne : j’allais connaître sessentiments à mon égard.

Cependant, la facilité avec laquelle j’accueillis cette excusepour l’indélicatesse que je commettais en les espionnant, me fitsentir que je mettais en avant mon propre intérêt, pour m’empêcherde prendre conscience de celui, bien plus vif, qu’une autrem’inspirait à ce moment.

Je revins regarder à travers les lames des persiennes.

La Caporale n’était plus sur la terrasse. L’autre, resté seul,s’était mis à regarder le fleuve, appuyé des deux coudes sur leparapet et la tête dans les mains.

En proie à une anxiété frénétique, j’attendis qu’Adrienne parûtsur la terrasse. Cette attente ne me fatigua nullement, mais bienplutôt me soulagea petit à petit, me procura une vive et croissantesatisfaction : je supposai qu’Adrienne, là-bas, ne voulait passe soumettre à la tyrannie du grossier personnage. Peut-être laCaporale la priait-elle, les mains jointes. Et cependant l’autre,ici, sur la terrasse, se rongeait de dépit. J’espérai un moment quela maîtresse de piano viendrait dire qu’Adrienne n’avait pas vouluse lever. Mais non : la voici !

Papiano alla aussitôt au-devant d’elle.

– Vous, allez vous coucher ! ordonna-t-il àmademoiselle Caporale. Laissez-moi parler avec ma belle-sœur.

Elle obéit, et alors Papiano se disposa à fermer la porte entrela salle à manger et la terrasse.

– Non, non ! dit Adrienne, tendant un bras contre laporte.

– Mais j’ai à te parler ! siffla le beau-frère, d’unemanière sinistre, en s’efforçant de parler bas.

– Parle comme cela. Que veux-tu me dire ? repritAdrienne. Tu aurais pu attendre jusqu’à demain.

– Non, tout de suite ! repartit-il, lui saisissant unbras et l’attirant à lui.

– Mais après tout ! cria Adrienne en se dégageantviolemment.

Je ne pus y tenir ; j’ouvris la persienne.

– Oh ! monsieur Meis ! s’écria-t-elle aussitôt.Voulez-vous venir un peu ici, si cela ne vous ennuie pas ?

– Me voici, mademoiselle ! me hâtai-je derépondre.

Mon cœur bondit dans ma poitrine de joie et dereconnaissance : d’un saut, je fus dans le corridor ;mais, là, près de la porte de ma chambre, je trouvai assis sur unemalle un jeune homme au visage fluet, très blond, au visageexcessivement long, diaphane, qui ouvrait à grand-peine une paired’yeux bleus, languissants, étonnés. Je m’arrêtai un momentsurpris, à le regarder ; je pensai que c’était le frère dePapiano ; je courus à la terrasse.

– Je vous présente, monsieur Meis, dit Adrienne, monbeau-frère Térence Papiano, qui vient d’arriver de Naples.

– Enchanté ! Très heureux ! s’écria celui-ci sedécouvrant, s’inclinant et me serrant chaleureusement la main. Jeregrette d’avoir été tous ces temps-ci absent de Rome ; maisje suis sûr que ma petite belle-sœur aura su pourvoir à tout,n’est-il pas vrai ? S’il vous manquait quelque chose, dites-lesans cérémonie… Nous aimons à contenter les hôtes qui noushonorent.

– Merci ! répondis-je. Il ne me manque absolumentrien.

– Usez de moi, vous savez, en toute occasion, pour peu queje puisse vous servir. Adrienne, ma fille, tu dormais :retourne à ton lit, si tu veux…

– Ma foi, non ! fit Adrienne en souriant tristement.Maintenant que je me suis levée !…

Et elle s’approcha du parapet regarder le fleuve.

Je sentis qu’elle ne voulait pas me laisser seul avec lui. Dequoi avait-elle peur ? Elle resta là, absorbée, tandis quel’autre, le chapeau encore à la main, me parlait de Naples, où ilavait été forcé de rester plus longtemps qu’il n’avait prévu pourcopier un grand nombre de documents des archives privées del’Excellentissime duchesse Thérèse Ravaschieri Fieschi :Maman duchesse, comme tout le monde l’appelait, MamanCharité comme on aurait voulu l’appeler : documents d’unevaleur extraordinaire, qui allaient jeter une nouvelle lumière surla fin du royaume des Deux-Siciles et particulièrement sur lafigure de Gaetan Filangieri, prince de Satriano, que le marquisGiglio, don Ignace Giglio d’Auletta, dont lui, Papiano, étaitsecrétaire, avait l’intention de glorifier dans une biographiedétaillée et sincère. Sincère au moins dans la mesure où ledévouement et la fidélité aux Bourbons le permettaient à Monsieurle marquis.

Il n’en finissait plus. Il jouissait assurément de sa propreéloquence et donnait à sa voix, en parlant, des inflexions d’acteurdramatique éprouvé, plaçant ici une risette et là un gesteexpressif. J’étais resté ahuri, là, comme une souche, etj’approuvais de temps en temps de la tête, et de temps en temps jetournais les yeux vers Adrienne qui toujours regardait lefleuve.

– Eh ! il n’est que trop vrai ! soupira en guisede conclusion Papiano. Bourboniste et clérical, le marquis Gigliod’Auletta et moi, moi qui… (je dois me garder de le dire, même toutbas, ici, dans ma maison), moi qui tous les matins avant de sortir,salue de la main la statue de Garibaldi sur le Janicule (Vous avezvu ? D’ici on la découvre très bien) moi qui crierais à toutmoment : « Vive le 20 Septembre ! » je dois luiservir de secrétaire ! Un très digne homme, ne vous y trompezpas ! Mais bourboniste et clérical. Oui, monsieur !… Dupain ! Je vous jure que bien des fois l’envie me vient decracher dessus, sauf votre respect ! Il me reste dans legosier, m’étouffe… Mais qu’y puis-je faire ? Du pain ! dupain !

Il haussa deux fois les épaules, leva les bras et se frappa leshanches.

– Allons ! allons ! petite Adrienne ! dit-ilensuite en accourant vers elle et en lui prenant légèrement lataille des deux mains. Au lit ! Il est tard. Ce monsieur doitavoir sommeil.

Devant la porte de ma chambre, Adrienne me serra fortement lamain, comme elle ne l’avait jamais fait jusqu’alors. Resté seul, jetins longtemps le poing fermé, comme pour conserver la pression desa main. Toute cette nuit-là, je restai à penser, me débattantparmi de continuelles obsessions. L’hypocrisie cérémonieuse, laservilité insinuante et loquace, l’âme maudite de cet hommeallaient certainement me rendre intolérable la vie commune danscette maison, sur laquelle – ce n’était pas douteux – il voulaitrégner en tyran, en profitant de la bonhomie du beau-père. Qui saità quels artifices il aurait recours ! Il m’en avait déjà donnéun échantillon, en changeant de but en blanc, à mon apparition.Mais pourquoi trouvait-il si mal que je logeasse dans cettemaison ? Pourquoi n’étais-je pas pour lui un locataire commeles autres ? Que lui avait dit de moi la Caporale ?Pouvait-il sérieusement être jaloux d’elle ? ou était-iljaloux d’une autre ? Ces manières arrogantes et soupçonneuses,cette façon de chasser la Caporale pour rester seule avec Adrienne,à qui il s’était mis à parler avec tant de violence, la rébelliond’Adrienne, la répugnance de celle-ci à ce qu’il fermât laporte ; le trouble dont elle était prise chaque fois qu’onfaisait allusion au beau-frère absent, tout confirmait en moi cetodieux soupçon, qu’il avait quelque vue sur elle.

Eh bien ! Et pourquoi m’en irritais-je tant, moi ? Nepouvais-je au bout du compte m’en aller de cette maison, pour neplus que celui-ci me déplût ? Qu’est-ce qui me retenait ?Rien. Mais avec une tendre complaisance, je me souvenaisqu’Adrienne m’avait appelé de la terrasse, comme pour être protégéepar moi, et que enfin elle m’avait serré la main fort, fort…

J’avais laissé la jalousie ouverte, ainsi que les volets. À uncertain moment, la lune, qui baissait, se montra dans le vide de mafenêtre, comme si elle eût voulu m’épier, me surprendre encoreéveillé au lit, pour me dire :

– J’ai compris, mon ami, j’ai compris ! Et toi,non ? En vérité ?

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