La Caravane – Contes orientaux

Chapitre 4LA DÉLIVRANCE DE FATMÉ

 

Le voyage de la caravane se poursuivait sansobstacles, et, grâce au passe-temps imaginé par Sélim, lesvoyageurs ne s’impatientaient pas trop pendant les longues haltesauxquelles les contraignait la chaleur trop ardente.

Le lendemain, après que les esclaves eurentdesservi les restes du repas, l’étranger, prenant à partie Muley,l’un des marchands :

« Vous qui êtes le plus jeune d’entrenous, lui dit-il, et dont le caractère se montre toujours gai etenjoué, vous devez certainement avoir l’esprit garni de toutessortes de bons contes. Cherchez-nous-en donc un des meilleurs quevous sachiez, et régalez-nous-en après notre sieste.

– Je ne demanderais pas mieux que de vousobéir, répondit en badinant Muley, mais on m’a toujours dit que lamodestie seyait bien à la jeunesse ; je crois donc devoir merécuser aujourd’hui et laisser parler avant moi un autre de noscompagnons de voyage. »

En ce moment, le chef de l’escorte parut à laporte de la tente avec une mine soucieuse.

« Excusez-moi, seigneurs, dit-il, devenir vous interrompre, mais je crois qu’il serait imprudent deprolonger plus longtemps notre halte. Nous sommes précisément àl’endroit du désert où les caravanes sont ordinairement attaquées,et il est d’autant plus urgent de lever notre camp ou de nousmettre en défense, qu’un de mes hommes vient de me rapporter qu’ilavait cru distinguer dans l’éloignement une grosse troupe decavaliers. »

Le trouble qui s’empara des marchands à cettenouvelle parut étonner fort Sélim Baruch. « Ne sommes-nous pasassez nombreux et assez bien armés, leur dit-il avec sang-froid,pour n’avoir rien à redouter d’une poignée de brigands ?

– Sans doute, seigneur, répondit le guide,s’il s’agissait d’une bande ordinaire, il serait permis de n’enprendre aucun souci ; mais depuis quelque temps le terribleMebrouk a reparu dans ces contrées, et celui-là mérite qu’on setienne sur ses gardes.

– Et quel personnage est-ce donc que ceMebrouk, pour inspirer de telles alarmes ? demandal’étranger.

– Il court toutes sortes de bruits parmi lepeuple sur cet homme extraordinaire, répondit le plus vieux desmarchands. Certains le tiennent pour un être quasi surnaturel,parce qu’il a souvent engagé la lutte contre des caravanes entièresavec quelques hommes seulement, et qu’il est toujours sortivainqueur de ces audacieux coups de main. C’est de là, du reste,que lui vient ce nom de Mebrouk (l’heureux), sous lequel on ledésigne communément ; car de son vrai nom et de sa patriemême, nul ne sait rien. D’autres pensent tout simplement que c’estun brave cheick que des révolutions, des malheurs domestiques, descrimes peut-être ont chassé de son pays et relégué dans cescontrées ; mais ce qui est sûr au fond, c’est que cepersonnage est un abominable brigand et un voleurfieffé. »

Sélim Baruch ouvrait la bouche pour répondrelorsqu’il fut devancé par l’un des marchands nommé Lezah. « Ilfaut pourtant reconnaître, dit celui-ci, que, tout voleur qu’ilest, Mebrouk a beaucoup de noblesse dans les sentiments. Laconduite qu’il a tenue jadis avec mon frère en est la marque, commeje pourrai vous le raconter dans un moment plus opportun. Maistoujours est-il qu’il n’agit point à la façon des voleursordinaires, qui rançonnent et dépouillent sans merci les voyageurs.Il se contente, assure-t-on, de prélever un tribut sur lescaravanes qu’il rencontre, et quiconque s’est une fois acquitté dece péage peut poursuivre sa route sans crainte ; car Mebroukest véritablement, ainsi qu’il aime à s’intituler lui-même, Roidu Désert, et nulle autre troupe que la sienne n’oseraitbattre le pays lorsqu’on le sait aux alentours. »

Tandis que les marchands conversaient ainsi,l’inquiétude des gardes allait toujours croissant. Depuis unedemi-heure environ, une troupe assez nombreuse de cavaliers armésétait en vue, et elle paraissait se diriger précisément sur lecampement de la caravane.

L’une des sentinelles entra dans la tente pourdonner avis que l’on allait vraisemblablement être attaqué. On tintconseil alors sur ce qu’il y avait à faire. Devait-on allerau-devant du combat, ou valait-il mieux l’attendre ? Achmet etles deux vieux marchands étaient pour le dernier parti, mais lebouillant Muley, ainsi que Lezah, appuyaient le premier etsollicitaient l’étranger de se ranger à leur opinion. Celui-ci tirasilencieusement de sa ceinture un foulard bleu semé d’étoilesrouges, et l’ayant noué à la pointe d’une lance, il ordonna à unesclave de d’aller porter au sommet de la tente. Cela fait, il jurasur sa tête que les cavaliers passeraient devant eux sans lesinquiéter.

Les marchands étaient cependant peu rassuréset se tenaient tous le sabre au poing, en suivant de l’œil lamarche des cavaliers. Ceux-ci s’étaient arrêtés à la vue dupavillon mystérieux qui venait d’être arboré au-dessus de la tente.Ils parurent se consulter quelques secondes, puis, tournant bridesubitement, ils disparurent au triple galop dans les profondeurs dudésert.

Stupéfaits de ce résultat si prompt et siinattendu, les voyageurs regardaient tantôt les cavaliers et tantôtl’étranger. Celui-ci, comme s’il ne s’était rien passéd’extraordinaire, promenait indifféremment ses regards sur laplaine. À la fin, Muley rompit le silence. « Qui donc es-tu,puissant étranger, s’écria-t-il, pour disperser ainsi avec unsimple signe les hordes du désert ?

– Ne vous abusez pas sur l’étendue de monpouvoir, répondit en souriant Sélim Baruch ; je me suissimplement servi d’un signal que le hasard m’a fait découvrirpendant ma captivité. Ce qu’il signifie, je l’ignore ; je saisseulement que son usage peut être d’un puissant secours dans latraversée du désert. »

Les marchands remercièrent avec effusionl’étranger en le nommant leur sauveur ; et, en effet, d’aprèsle nombre des cavaliers qu’ils avaient aperçus, il était évidentqu’il leur eût été impossible d’opposer une longue résistance.Délivrés de cette crainte, ils se reposèrent avec un cœur plusléger et ne levèrent leur camp qu’après l’apparition des premièresétoiles.

Le lendemain, il ne leur restait plus qu’uneou deux journées de marche pour atteindre aux limites du désert, etl’on pouvait se croire désormais à l’abri de tout danger.

« Puisque nous n’avons plus rien àredouter des voleurs, dit Lezah lorsque tous les marchands furentrassemblés, parlons donc tout à notre aise et sans crainte de cemystérieux et terrible Mebrouk, sur lequel on fait tant de contes.Je vous disais hier que c’était un homme d’un noblecaractère : permettez-moi de vous en donner une preuve en vousracontant aujourd’hui la singulière histoire de sa rencontre avecmon frère. Je serai forcé seulement, pour plus de clarté, dereprendre les événements d’un peu plus haut. »

 

Mon père était cadi dans la ville d’Acara. Ilavait trois enfants ; j’étais l’aîné et j’avais un frère etune sœur beaucoup plus jeunes que moi. Lorsque j’eus atteint mesvingt ans, un frère de mon père, qui s’était établi en paysétranger, m’appela auprès de lui et m’institua l’héritier de tousses biens, à condition que je demeurerais dans sa maison jusqu’à samort. Mon oncle était d’un âge avancé, et, avant que deux années sefussent écoulées, je reprenais le chemin de ma patrie. Mais pendantmon absence un coup terrible avait atteint notre maison, et je mehâtais d’autant plus d’arriver auprès de mon père, que j’ignoraisencore par quel miracle de la bonté d’Allah notre malheur avait étéréparé.

C’est l’histoire de cet événement que je veuxvous retracer avec ses péripéties innombrables ; l’une desplus étranges, à coup sûr, fut la rencontre de Mebrouk et de monfrère.

 

Mon frère Mustapha et ma sœur Fatmé étaient àpeu près du même âge ; il y avait à peine entre eux deuxannées de différence. Ils s’aimaient vivement l’un l’autre, et tousdeux adoraient notre père et rivalisaient de soins et de tendressepour l’aider à supporter le fardeau de son âge, rendu plus lourdencore par une santé maladive.

Quand vint le seizième anniversaire de lanaissance de Fatmé, mon frère voulut à cette occasion lui ménagerune petite fête. Ayant donc invité toutes ses jeunes compagnes, illes réunit dans le jardin de notre père et leur y fit servir uneabondante et délicate collation, à la suite de laquelle il leurproposa une promenade en mer. Les jeunes filles accueillirent cetteidée avec empressement, et la promenade leur causa tant de plaisir,qu’elles-mêmes excitèrent mon frère à s’avancer plus au large qu’ilne l’avait résolu.

Non loin de la ville, il existe un promontoireau delà duquel la vue, n’étant plus bornée par les découpures de lacôte, s’étend vaste et libre, en même temps que de ce point laville apparaît dans toute sa beauté avec ses maisons blanchesdisposées en amphithéâtre et qui semblent grimper les unes sur lesautres, comme de jeunes curieuses qui se haussent sur la pointe despieds afin de voir par-dessus les épaules de leurs compagnes. Masœur se fit l’interprète de ses jeunes amies et demanda à Mustaphade les conduire au moins jusque-là, afin qu’elles pussent admirerle soleil se couchant dans les flots. Mon frère hésitait :depuis quelques jours un corsaire s’était montré dans ces parages,ce qui lui inspirait de légitimes inquiétudes ; mais lesjeunes folles insistèrent tellement, qu’il finit par céder à leurdésir.

La pointe du promontoire venait à peine d’êtredépassée, lorsque mon frère aperçut, à une faible distance, uneembarcation de forme étroite et longue, dans laquelle se trouvaientdes hommes armés. N’augurant rien de bon de cette rencontre, ilordonna aussitôt à ses rameurs de virer de bord et de gagner laterre au plus vite ; mais déjà la barque suspecte s’étaitélancée dans la même direction, et pourvue d’un plus grand nombrede rameurs, elle filait beaucoup plus rapidement, en ayant soind’ailleurs de se maintenir toujours entre la terre et l’embarcationà laquelle elle donnait la chasse.

Cette manœuvre obstinée ne permettait plus deconserver le moindre doute : c’était un corsaire !

Lorsque les jeunes filles reconnurent ledanger qui les menaçait, elles se dressèrent effrayées sur leursbancs en poussant des cris de détresse. En vain Mustapha cherchaità les rassurer ; en vain il les suppliait de demeurer calmes,parce qu’en s’agitant ainsi elles entravaient la manœuvre :ses exhortations ne servaient de rien, et le corsaire avançaittoujours. Quelques brasses encore, et les deux embarcationsallaient se toucher ; déjà les grappins étaient levés, toutprêts à saisir leur proie avec leurs ongles de fer ; mais à cemoment les jeunes filles éperdues de terreur se jetèrent toutes àla fois d’un même côté du canot et le firent chavirer.

Cependant, depuis le rivage, on avait remarquéce qui se passait ; et, comme depuis quelque temps onappréhendait la présence d’un corsaire dans les environs, lamanœuvre de l’embarcation étrangère ayant éveillé les soupçons,plusieurs barques accouraient au secours des imprudents. Ellesarrivèrent juste à temps pour recueillir les naufragés, mais nontous, hélas ! et, lorsqu’on put se reconnaître et se compter,ma pauvre sœur manquait ainsi qu’une de ses compagnes.

Dans la confusion produite par le renversementdu canot, et grâce à la nuit qui commençait à venir, le corsaires’était échappé.

Tout à coup on remarqua parmi les nôtres unindividu que personne ne connaissait. Sur les menaces de Mustapha,éperdu de douleur et de colère, cet homme avoua qu’il appartenait àl’embarcation ennemie, qu’il était tombé à la mer au moment del’abordage, et que dans leur précipitation à s’enfuir sescompagnons l’avaient abandonné. Il ajouta enfin que ceux-ci avaientréussi à s’emparer de deux jeunes filles, qu’ils avaient entraînéesdans leur embarcation.

À la nouvelle de ce désastre aussi terriblequ’inattendu, la douleur de mon vieux père fut immense. Quant àcelle de mon pauvre frère, je dois renoncer à vous ladépeindre : elle toucha presque à la folie. Ce n’était pasassez d’avoir perdu sa sœur adorée, il fallait encore qu’il eût àse reprocher d’être la cause de son malheur ! Et pour surcroîtd’amertume, cette amie de Fatmé qui partageait son triste sort, monfrère l’aimait depuis son enfance ! elle était sa fiancée, etleur mariage devait être célébré aussitôt que Mustapha auraitatteint sa vingtième année !

Mon père était un homme d’un caractère sévèreet même rigide. Lorsqu’il fut parvenu à dompter le premieremportement de sa douleur, il appela Mustapha et lui dit :« Ton imprudence m’a dérobé la consolation de ma vieillesse etla joie de mes yeux. Va-t’en ! je te bannis à toujours de maprésence ; je te maudis, toi et ceux qui naîtront de toi.Va ! et que ta tête demeure éternellement courbée sous lamalédiction de ton père, si tu ne parviens pas à ramener Fatméentre mes bras. »

Mon malheureux frère n’avait pas besoin de cetordre ; dès le premier moment, il s’était dit qu’il n’avaitplus qu’un devoir : retrouver sa sœur et son amie, dût-il,pour accomplir son entreprise, affronter mille morts. Il eût vouluseulement emporter avec lui comme un gage de succès, comme uneconsécration divine, la bénédiction de son père ; et loin delà, c’était sous le poids de l’anathème qu’il devait quitterl’auteur de ses jours, et courir le monde à la recherche de sa sœurchérie. Ce dernier coup du sort lui fut le plus cruel ; mais,si tout d’abord il s’était senti écrasé sous ce comble d’infortuneimméritée, il finit par puiser dans l’horreur même de sa situationune énergie sauvage et surhumaine. Désormais il était prêt àtout.

Mustapha prit congé en pleurant des parents deZoraïde (ainsi se nommait la fiancée qui lui avait été ravie), etil se mit aussitôt en route pour Balsora, où, d’après le dire ducorsaire prisonnier, ses compagnons avaient coutume de se rendrepour s’y défaire de leurs prises.

On ne trouve pas facilement dans notre petiteville de navires pour Balsora. Mon frère avait donc dû prendre laroute de terre, et il fallait qu’il marchât à journées presséespour atteindre cette ville à peu près en même temps que lecorsaire. Monté d’ailleurs sur un bon cheval et n’étant chargéd’aucun bagage, il avait l’espoir d’y arriver avant la fin dusixième jour ; mais sur le soir du quatrième, comme il setrouvait seul sur la route, trois cavaliers, le sabre au poing,fondirent sur lui si subitement qu’il n’eut même pas le temps de semettre en défense. Pensant que c’étaient des voleurs et qu’ils envoulaient à son argent et à son cheval plus qu’à sa vie, mon frèreleur cria qu’il consentait à leur abandonner tout ce qu’ilpossédait ; mais eux, sans mot dire, descendirent de leursmontures, et, après avoir lié les pieds de mon frère par-dessous leventre de son cheval, ils l’entraînèrent rapidement sans donner lamoindre attention à ses prières.

Mustapha et ses muets compagnons quittèrent lagrand’route pour s’enfoncer dans une épaisse forêt, à traverslaquelle ils chevauchèrent environ une heure, jusqu’à ce qu’ilsarrivassent à une jolie clairière toute bordée de grands arbres, etqu’un cercle de rochers entourait presque entièrement comme unefortification naturelle. Quinze ou vingt tentes environ étaientdressées dans cet endroit ; et çà et là passaient des chameauxet des chevaux magnifiques. Après avoir délié mon frère, sesconducteurs lui firent signe de descendre de cheval etl’introduisirent dans une tente plus vaste que les autres, et dontl’intérieur était décoré avec une extrême richesse.

Sur un amas de riches coussins était accroupiun vieillard de petite taille. Son visage était laid, sa peau noireet luisante ; un caractère de méchanceté sournoise se lisaitdans ses yeux verts, ainsi que dans sa bouche contractée, etdonnait à toute sa physionomie quelque chose d’odieux et derepoussant. Mais, en dépit des airs d’importance qu’essayait de sedonner cet homme, Mustapha pensa que ce n’était pas pour cetteespèce de monstre que la tente était si somptueusement ornée, etl’interrogation de ses conducteurs ne tarda pas à justifier sonpressentiment.

« Où est le Maître ? demandèrent-ilsau nain.

– Il est à la chasse, répondit celui-ci ;mais il m’a chargé de le remplacer pendant son absence.

– Allons donc ! ce n’est pas ton affaire,repartit un des voleurs. Il s’agit de décider si ce chien doitpérir ou payer, et le Maître seul a le droit de prononcerlà-dessus. »

Le petit monstre se redressa dans le sentimentde sa dignité, et se fit aussi grand qu’il put pour saisirl’oreille de son contradicteur. Ses efforts furent vains, mais ilse dédommagea de son insuccès en vomissant un torrent d’injures,que les autres d’ailleurs ne se firent pas faute de luirendre ; si bien que c’était dans la tente un horriblevacarme. Soudain le rideau fut soulevé et donna passage à un hommede haute taille et de fière allure. Il était jeune et beau comme unprince persan ; ses vêtements et ses armes, à l’exception d’unpoignard constellé de rubis, étaient ordinaires et simples ;mais son œil sévère et la dignité naturelle répandue dans toute sapersonne commandaient le respect bien mieux que ne l’eussent pufaire les plus brillants insignes.

« Qui donc ose engager un combat dans matente ? » s’écria-t-il d’une voix terrible.

Pendant un long moment la peur lia toutes leslangues. Enfin, l’un de ceux qui avaient amené Mustapha raconta cequi s’était passé. On vit alors le visage du Maître, comme ilsl’appelaient, s’empourprer de colère, et d’une voix formidables’adressant au nain, il lui dit : « Qui t’a fait si hardide te mettre à ma place, Hassan ? »

Celui-ci, tremblant de peur, s’était blottidans un coin et se faisait le plus petit qu’il pouvait.

« Sors d’ici, drôle ! » luicria le Maître avec un geste de menace. Et, sans répliquer, le nains’élança hors de la tente aussi vite que ses petites jambes purentle lui permettre.

Mon frère fut amené alors devant le véritablechef, dont les yeux s’attachaient sur lui avec une sorte de fureursauvage. « Pacha de Zuleïka, lui dit-il enfin, ta propreconscience te doit dire pourquoi tu es devant Mebrouk. »

À ce nom, qui lui était pour lors inconnu, monfrère se prosterna et répondit : « Ô seigneur ! tuparais être dans l’erreur sur mon compte ; je suis un pauvrevoyageur, et non point le pacha que tu crois. »

Tous ceux qui étaient dans la tente firent ungeste d’étonnement ; mais le chef, reprenant la paroleaussitôt : « Ta feinte te sera d’un faible secours,dit-il, car je puis te mettre en présence de gens qui teconnaissent bien et dont tu ne pourras récuser le témoignage. Qu’onamène Zuleïma ! » ordonna-t-il à un esclave.

Une vieille femme fut introduite. C’étaitprécisément une esclave née dans le pachalik de Zuleïka, et qui,depuis peu, était venue se joindre ainsi que son fils à la bande deMebrouk, pour échapper aux mauvais traitements dont ils étaientl’objet l’un et l’autre de la part du pacha.

« Quel est cet homme ? » luidemanda Mebrouk en désignant mon frère du doigt. À peine la vieilleeut-elle levé les yeux sur lui qu’elle s’écria avec un gested’effroi instinctif : « C’est lui ! c’est lui, lemonstre ! qui m’a fait battre de verges ! c’est le pachade Zuleïka ! Venge-moi, Mebrouk, et avec moi tous les bravescavaliers dont il a ordonné le supplice !

– Tu le vois, misérable ! dit Mebrouk ense tournant vers mon frère, à quoi t’a servi de vouloirruser ? cette esclave qui a vécu de longues années auprès detoi n’a pas hésité un instant à te reconnaître. Je te méprise tropd’ailleurs pour salir mon bon poignard de ton ignoble sang ;mais demain matin, je veux te lier à la queue de mon cheval etchasser ainsi avec toi, à travers forêts et rochers, depuis lelever du soleil jusqu’à son coucher. »

Mon frère sentit défaillir son courage.« C’est la malédiction de mon père qui me poursuit !s’écria-t-il en pleurant. Et toi aussi, tu es perdue, doucesœur ! et toi aussi, Zoraïde !

– Ta plainte est inutile ! lui dit un desvoleurs tout en lui liant fortement les mains derrière le dos. Etne reste pas ici plus longtemps, crois-moi, car le Maître mord seslèvres et tourmente son poignard : cesse donc de l’irriter parta présence, si tu veux vivre une nuit encore. Allons !suis-nous ! »

Tandis que les voleurs s’efforçaientd’entraîner mon frère hors de la tente, trois de leurs compagnons yentraient avec un nouveau prisonnier. Quoique la situation critiquedans laquelle se trouvait mon pauvre Mustapha dût alors lepréoccuper bien vivement, il ne put cependant s’empêcher deremarquer la prodigieuse ressemblance qui existait entre cet hommeet lui. Seulement, le nouveau venu était plus brun de visage etportait la barbe beaucoup plus longue.

« Nous t’amenons le pacha que tu nous asdésigné, dirent les voleurs en poussant leur prisonnier devantMebrouk.

– Qu’est-ce à dire ? s’écria le chef enportant alternativement ses regards de mon frère à celui qu’on luiprésentait. Est-ce un miracle, une jonglerie ? » Ets’adressant aux prisonniers : « Êtes-vous donc parents,frères ? Mais parlez donc, misérables ! Lequel de vousest le pacha mon ennemi ?

– Si tu cherches le pacha de Zuleïka, réponditle dernier venu avec hauteur, c’est moi ! »

Le chef darda longuement sur lui son fauveregard, et l’on pouvait juger, à la crispation nerveuse de salèvre, la colère qui l’agitait en présence de son ennemi. Ilréussit cependant à se dominer, et, sans mot dire, il fit signed’emmener le pacha. S’approchant ensuite de mon frère, il détachalui-même ses liens et l’invita à s’asseoir à côté de lui.

« Par le Prophète ! s’écria-t-illorsqu’ils furent seuls, c’est une étrange direction du ciel, ilfaut l’avouer, qui t’a jeté dans les mains de mes hommes,précisément à l’heure ou je faisais rechercher le pacha de Zuleïka.Cela a failli mal tourner pour toi ; mais aussi, commentcroire à une pareille ressemblance ? » Et, tout encontinuant de considérer curieusement les traits de mon frère,Mebrouk s’excusait du tort qu’avait pu lui causer sa méprise.

Mon frère le pria pour unique faveur de luipermettre de reprendre aussitôt son voyage, parce que chaque minutede retard pouvait lui être funeste.

Mebrouk s’enquit alors des motifs quiexigeaient tant de hâte ; mais, après que Mustapha lui eutexposé la chose en peu de mots, il l’engagea néanmoins à passercette nuit sous sa tente. « Toi et ton cheval, lui dit-il,vous devez être harassés de fatigue après quatre jours de marcheforcée, et le repos vous est indispensable pendant une nuit aumoins pour pouvoir continuer votre route. Demain matin, d’ailleurs,je t’indiquerai moi-même un chemin détourné qui, en un jour etdemi, te rendra à Balsora. »

Mon frère acquiesça à cette proposition etdormit paisiblement jusqu’au matin dans la tente du voleur.

Des rumeurs confuses comme le bruit d’unedispute le réveillèrent. Il prêta l’oreille et reconnut la voixglapissante d’Hassan, le méchant nain de la veille. Il s’efforçaitde persuader à ses compagnons que, dans l’intérêt de leur sûreté,ils devaient se défaire de mon frère, lequel ne manquerait pas,disait-il, de les trahir et de révéler leur retraite, si l’on avaitla sottise de le laisser aller ; et le coquin, qui nepardonnait pas à Mustapha la mystification qu’il avait subie à sonsujet, opinait pour que le pauvre garçon fût étranglé surl’heure.

« Si quelqu’un de vous a le malheur detoucher à un cheveu de sa tête, s’écria une voix terrible, je letue comme un chien. »

Le calme se rétablit aussitôt, et Mebrouk,suivi d’un esclave tenant deux chevaux en main, apparut à la portede la tente. « La paix soit avec toi, Mustapha, dit-il à monfrère, et puisse le Prophète te guider dans tonentreprise ! »

Mon frère fut debout en un clin d’œil, et,réconforté de corps et d’esprit par cette nuit de repos, ils’élança plein d’espoir sur son cheval, qui piaffait et bondissaitsous lui, impatient de dévorer l’espace.

Après avoir dépassé les tentes, les deuxcavaliers enfilèrent un étroit sentier dans lequel ils pouvaient àpeine marcher de front, et, chemin faisant, Mebrouk raconta à monfrère que ce pacha, dont la ressemblance avait failli lui être sifatale, avait été pris par eux peu auparavant dans une de leurschasses. Il leur avait promis alors, en guise de rançon, de tolérerleurs courses dans son gouvernement ; mais, au mépris de saparole, il s’était emparé d’un des leurs peu de jours après etl’avait fait pendre impitoyablement. « Il a violé la foijurée, il mourra ! » dit Mebrouk en terminant sonrécit ; et d’un ton méprisant il ajouta : « Chair detraître, pâture de corbeau ! »

Arrivé à la lisière de la forêt, le voleurarrêta son cheval ; il indiqua à mon frère le chemin qu’ildevait suivre, et lui tendant la main en signe d’adieu :« Mustapha, lui dit-il, notre connaissance s’est faite d’unesingulière façon ; mais, quoi qu’il en soit, tu n’en es pasmoins devenu mon hôte, et c’est entre nous désormais un lien que lamort seule pourra briser. Prends ce poignard, ami, et, si jamais tute trouves placé dans quelque conjoncture où tu aies besoin d’uncœur et d’un bras dévoués, envoie-le-moi et je volerai aussitôt àton aide. Prends aussi cette bourse, elle peut t’être utile dansl’œuvre que tu as à accomplir.

– Merci, généreux Mebrouk, lui répondit monfrère. J’accepte ton poignard, car il se peut faire qu’avant peu jesois obligé de réclamer ton secours ; mais ma ceinture estsuffisamment garnie, et je n’ai nul besoin d’argent. »

Sans ajouter un mot, Mebrouk lui serra la maindans une dernière étreinte, et laissant tomber sa bourse à terre,il disparut dans la forêt avec la rapidité d’un tourbillon.

Mon frère dut bien se résigner alors àaccepter le présent que son hôte l’avait mis dans l’impossibilitéde refuser, et sa munificence l’émerveilla, car la bourse contenaitune énorme quantité d’or. Après s’être prosterné pour remercierAllah de sa délivrance, Mustapha implora encore sa miséricorde pourle noble voleur, et, remontant à cheval, il s’élança rapidementdans la direction de Balsora.

Lezah avait cessé de parler, et regardait levieil Achmet, qui répondit aussitôt à cette interrogationmuette :

« Après ce que tu viens de nous raconter,je consens volontiers à modifier mon jugement sur Mebrouk. J’enconviens, il a noblement agi avec ton frère, et son cœur paraîtn’être pas fermé à tout bon sentiment.

– Il a agi comme un brave musulman !s’écria Muley. Mais j’espère que tu n’as pas terminé ton histoire,mon cher Lezah : nous sommes tous désireux de t’entendreencore et de savoir la suite des aventures de ton frère, et commentta sœur Fatmé et Zoraïde, sa fiancée, furent délivrées par lui.

– Puisque vous voulez bien me continuer votreattention, je poursuivrai avec plaisir, reprit Lezah, carl’histoire de mon frère est vraiment prodigieuse. »

 

Le matin du septième jour après son départ,Mustapha arrivait aux portes de Balsora, et il s’enquitsur-le-champ si le marché d’esclaves qui s’y tenait tous les ansétait déjà ouvert.

« Vous êtes arrivé deux jours trop tard,seigneur » lui répondit-on ; et on le plaignit d’autantplus de ce contre temps que le marché avait été superbe. Le dernierjour même, il était arrivé deux jeunes esclaves d’une beauté sigrande, qu’elles avaient causé une espèce d’émeute parmi lesacheteurs. On s’était littéralement disputé et battu pour les voir,et on les avait vendues un prix énorme.

Mustapha se fit donner de nouveaux détails surces deux merveilles dont on ne parlait encore qu’avec des crisd’admiration, et, d’après la description qui lui en fut faite, ilne douta plus qu’elles ne fussent bien les deux infortunées qu’ilcherchait, il apprit aussi que l’homme qui les avait achetéesdemeurait à quarante lieues de Balsora, qu’il se nommait Thiuli-Koset que c’était un personnage très-singulier, excessivement riche etfort vieux, mais plus fou encore. Il avait été jadis capitan-pachadu Grand Seigneur, et vivait alors dans une retraite fastueuse,tourmenté par une soif inextinguible de plaisirs, mais retenu enmême temps par une horrible crainte de la mort, qui lui faisaitconsulter à tort et à travers tous les charlatans qu’ilrencontrait.

De prime abord, Mustapha voulait remonter àcheval et voler à la poursuite de Thiuli-Kos, qui avait à peine surlui un jour d’avance ; mais un instant de réflexion luidémontra que lui, simple particulier, ne pourrait que biendifficilement aborder le puissant voyageur, et qu’il lui seraitimpossible surtout de lui ravir son précieux butin.

L’imagination de mon frère, naturellement fortinventive, et surexcitée encore dans cette circonstance par lanécessité, lui eut bientôt fourni un autre plan.

La conformité de ses traits avec ceux du pachade Zuleïka, qui l’avait jeté naguère dans un si grand danger, luisuggéra l’idée de se présenter sous le nom du pacha dans la maisonde Thiuli-Kos, et de tenter à l’aide de ce stratagème la délivrancedes deux jeunes filles. Grâce à l’argent de Mebrouk, il put secomposer un équipage suffisant d’hommes et de chevaux, et s’étantrevêtu, ainsi que sa suite, d’habits magnifiques, il se mit enroute pour le château de Thiuli-Kos, devant lequel il arriva aubout de cinq jours.

En sa qualité d’ancien fonctionnaire impérial,et comme tel toujours plus ou moins exposé au cordon, le vieuxThiuli avait conservé une grande vénération pour tout personnagerevêtu d’un titre officiel. Il accueillit donc mon frère avec unempressement marqué et même avec déférence. Il épuisa pour luifaire honneur la science de ses cuisiniers, et, après l’avoirpromené de salle en salle en lui vantant les merveilles querecelait son château, il l’invita gracieusement à y demeurer toutle temps qu’il lui plairait.

Là-dessus, mon frère alla se coucher avec lesplus belles espérances du monde.

Il y avait une heure environ qu’il étaitendormi, lorsqu’une vive lumière traversant ses rideaux le réveillabrusquement. Dressé sur sa couche, les yeux grands ouverts,Mustapha s’efforçait de rappeler ses esprits : il croyaitrêver encore. À trois pas de lui, une lampe à la main, sa largebouche tordue, par un ricanement ignoble, se dressait la hideusefigure du petit monstre qu’il avait rencontré dans la tente deMebrouk.

« J’ai le cauchemar, » pensaMustapha ; et il se pinça les bras et se tirailla le nez entous sens pour se réveiller.

L’apparition persista comme auparavant.

« Que veux-tu ? que fais-tulà ? s’écria enfin mon frère d’une voix étouffée.

– Plus bas ! plus bas ! cherseigneur, souffla le nain, plus bas ! dans votreintérêt ; car vous seriez peu désireux, j’imagine, que l’onconnût le véritable motif de votre arrivée ici. Ce motif, je l’aideviné, moi, ou surpris, comme vous voudrez, et je viens vousoffrir mes petits services, s’il vous plaît de lesagréer. »

La stupeur liait la langue de Mustapha. Lenain poursuivit :

« En vérité ! si je n’avais pascontribué de ma propre main à la pendaison du pacha, peut-êtrevotre ressemblance avec lui m’eût-elle encore déçu ! mais letemps presse, causons sérieusement.

– Avant tout, dis-moi comment tu te trouvesici, répondit Mustapha, plein de dépit et de rage de se voirdécouvert.

– Voici la chose en deux mots, dit le petithomme. Depuis longtemps, les manières hautaines qu’affectait leMaître vis-à-vis de moi me déplaisaient, et la scène qu’il me fit àton sujet acheva de me dégoûter du métier de voleur en sous-ordre.Devenir honnête homme tout d’un coup cependant, c’était difficile.Afin de ménager la transition, je résolus de me faire argousin etmouchard. Je n’ai pas réussi trop mal pour mon début, comme tuvois, puisque j’ai su découvrir le motif et le but de ton voyage etme présenter avant toi au seigneur Thiuli, dont j’ai l’honneur dediriger la chiourme. C’est un beau poste ! je vise plus hautcependant, et voici le petit plan que j’ai machiné pour y parvenir.Nous mettons le feu au château ; dans le tumulte del’incendie, nous enlevons les deux captives, et, pour récompense demon concours dans l’entreprise, tu me donnes ta sœur pour épouse.Cela te va-t-il ? Tope ! sinon, je retourne auprès deThiuli et je lui raconte ce que je sais du prétendu pacha deZuleïka. J’ai dit ; décide-toi.

– Misérable ! » s’écria Mustapha,dont la colère, toujours croissante pendant l’impudent récit dunain, avait atteint enfin son paroxysme. Et, bondissant de sacouche, il était résolu à se défaire violemment de l’obstacle quise dressait devant lui ; mais le nain fit un saut en arrière,laissa tomber sa lampe qui s’éteignit aussitôt, et s’enfuit dansl’obscurité en criant : « Au secours ! auvoleur ! à l’assassin ! »

La situation était terrible. Il fallaitprendre une prompte décision, et mon frère n’eut pas besoin deréfléchir longuement pour comprendre que, s’il voulait sauver lesdeux pauvres recluses, il fallait d’abord qu’il commençât par sesauver lui-même.

Inutile d’ailleurs de songer aux portes, aprèsl’alarme qui venait d’être donnée ; Mustapha s’élança doncvers la fenêtre. Vingt-cinq pieds environ le séparaient du sol. Lespas approchaient, des lumières couraient çà et là ; quelquesminutes encore, et toute retraite allait être coupée. Il n’y avaitpas à hésiter : mon frère ramassa ses habits à la hâte, pritson poignard entre les dents et sauta dans l’espace. La terrefraîchement remuée amortit sa chute. Restait à franchir une hautemuraille qui fermait les jardins : il n’y réussit pas moinsheureusement, grâce à quelques aspérités de la pierre, et bientôtil se trouva en rase campagne.

Sans perdre de temps, il courut vers un petitbois dans lequel il s’enfonça, jusqu’à ce qu’enfin il tombât sur legazon, épuisé de corps, mais non vaincu d’esprit. Plus lesobstacles s’accumulaient et plus la volonté de mon frère seroidissait contre eux. Ses défaites successives ne faisaient quel’acharner davantage à son entreprise. Il sentait s’agiter en luiquelque chose qui lui disait qu’il finirait par triompher.

Mais comment ? par quel moyen ?C’est à la solution de ce problème qu’il appliqua incontinenttoutes les forces de son esprit.

Ses chevaux et ses serviteurs étaient perduspour lui ; mais il constata avec satisfaction qu’il luirestait encore dans sa ceinture une bonne partie de son or. Rienn’était désespéré.

Mettant à profit les renseignements qui luiavaient été fournis jadis sur les excentricités de Thiuli-Kos etsur sa facilité particulière à se laisser duper par tous lesvendeurs d’orviétan et de baume de longue vie, Mustapha eut bientôttiré de sa féconde cervelle un nouveau moyen de délivrance.

À la première ville qu’il rencontra, ils’enquit d’un médecin habile, et, moyennant quelques pièces d’or,il le détermina à lui composer un narcotique puissant, mais dont onpût faire instantanément cesser les effets. Une fois en possessionde la précieuse drogue, il acheta une fausse barbe de respectablelongueur, un manteau noir, un grand bonnet de fourrure, unassortiment complet de fioles, de boîtes et de petits pots, toutl’attirail enfin de la charlatanerie, de manière à pouvoirfacilement se faire passer pour un médecin ambulant ; et, toutson bagage médical étant chargé sur un âne, il repartit pour lechâteau de Thiuli-Kos.

Il se flattait cette fois de n’être décelé parpersonne, car sa fausse barbe et le bistre dont il avait cerclé sesyeux le défiguraient tellement que lui-même avait peine à sereconnaître.

Parvenu au château de Thiuli, il se fitannoncer comme le fameux médecin arabe Chakamankabu-dibaba,descendant d’Averroès le Grand et natif de Grenade, d’où ilarrivait en droite ligne, après avoir parcouru l’Asie, l’Europe,l’Afrique et autres lieux, afin de venir offrir les fruits de salongue expérience au magnifique, au puissant, à l’incomparableseigneur Thiuli.

Ce que mon frère avait prévu ne manqua pasd’arriver. Son nom baroque et son compliment ampoulé lerecommandèrent si bien auprès du vieux fou, qu’il le fit introduireaussitôt et l’invita à s’asseoir à sa table. Au bout d’une heure deconversation, ils étaient les meilleurs amis du monde, et monfrère, par son langage hérissé de termes scientifiques que levieillard n’entendait pas et admirait d’autant plus, avait sucapter la confiance de Thiuli à tel point qu’il le considéraitcomme le plus grand médecin du monde et jurait qu’il n’enconsulterait jamais d’autre : Mustapha lui avait promis centans de vie, et même quelque chose avec, s’il voulait suivre bienexactement ses prescriptions !

« Pour commencer, Chadibaba, dit Thiuli,qui ne pouvait retenir le nom de mon frère et l’estropiait de vingtfaçons différentes, tu vas venir avec moi dans mon harem, et medire un peu comment se portent mes femmes. Il y en a deux surtoutdont la santé m’inquiète. »

Mustapha pouvait à peine contenir sa joie ensongeant qu’il allait revoir sa sœur chérie, et son cœur sesoulevait si fort dans sa poitrine, en suivant Thiuli, qu’ilcraignait qu’on n’en entendît les battements.

Ils arrivèrent dans une chambre élégammentdécorée, mais complètement déserte. Thiuli s’approcha de lamuraille, posa son doigt sur un bouton, et fit jouer un ressortsous la pression duquel une espèce de guichet s’ouvrit, grand àpeine comme les deux mains.

« Voilà ! dit-il, mon cherKamakan ; chacune de mes femmes va passer son bras par cetrou ; tu leur tâteras le pouls tout à ton aise, et tu pourrasconstater ainsi s’il en est quelqu’une dont la santé estaltérée. »

Ce n’était pas tout à fait cela qu’attendaitmon frère : aussi ne put-il s’empêcher de faire une grimace dedésappointement, qu’il dissimula d’ailleurs de son mieux dans salongue barbe.

Thiuli-Kos tira de sa ceinture une longuepancarte, et se mit à appeler à haute voix chacune de ses femmes. Àchaque nom, une main sortait du mur, et le faux médecininterrogeait son pouls. Six d’entre elles avaient déjà subi cetexamen, et s’étaient retirées munies d’une attestation de bonnesanté, quand Thiuli appela : « Fatmé ! »

Une petite main blanchette se glissa hors dumur. Tremblant d’émotion, Mustapha la saisit, et déclara d’un airimportant qu’elle annonçait une maladie grave.

Thiuli en parut très-soucieux, et commanda àson médecin de préparer une potion convenable.

Mon frère sortit comme pour obéir à cet ordre,et, déchirant une feuille de ses tablettes, il y écrivit à la hâtece qui suit :

« Ma chère Fatmé, je puis te délivrer situ consens à prendre un breuvage qui t’endormira et te rendra commemorte pendant quelques heures. Sois sans crainte d’ailleurs ;je possède le moyen de dissiper instantanément ce sommeil.Oses-tu ?… Fais-moi dire seulement que le prétendu remède queje t’envoie ne t’a point soulagée, et ce sera un signe que tuadoptes mon projet. »

Mustapha rentra bientôt dans la chambre oùThiuli l’attendait, et, sous prétexte de tâter encore une fois lepouls de la malade, il glissa adroitement sa lettre sous sonbracelet, en même temps qu’il lui faisait passer, par l’ouverturede la muraille, un breuvage inoffensif.

Thiuli paraissait être en grand souci au sujetde Fatmé, et renvoya l’inspection des autres à un temps plusopportun. Lorsqu’il fut sorti de la chambre avec Mustapha, il luidit d’un ton affligé : « Kachimankababa, parle-moifranchement. Que penses-tu de la maladie de Fatmé ?

– Ah ! seigneur, répondit le faux médecinavec un profond soupir, puisse le Prophète vous envoyer desconsolations ! La pauvre enfant est atteinte d’un mal auquelelle pourrait bien succomber. »

Enflammé de colère, Thiuli s’écria :« Que dis-tu, maudit chien de charlatan ? Elle, que j’aipayée mille sequiris ! elle, Fatmé, qui se portait si bienhier encore, elle mourrait ! Voilà donc ta science,misérable ! Si tu ne la sauves pas, entends-tu bien, je tefais empaler. »

En présence d’un tel emportement, mon frèrecomprit qu’il avait fait une lourde faute et qu’il risquait à toutle moins de se faire chasser. Il se mit donc en frais d’éloquencepour rendre quelque espoir à Thiuli. Tandis qu’ils s’entretenaientainsi, un esclave noir, attaché au service du harem, vint dire aumédecin que la potion n’avait amené aucun soulagement.

« Épuise toutes les ressources de tonart, Chakamdababelda ! s’écria Thiuli ; sauve-la !sauve-la ! ou tu sais ce que je t’ai promis.

– Je vais lui donner un calmant dont elle abesoin, » répondit Mustapha ; et, le cœur joyeux, ilsortit pour aller chercher son narcotique. Après l’avoir remis àl’esclave noir, en lui indiquant bien comment il fallait leprendre, il revint dire à Thiuli qu’il avait encore besoin derecueillir sur le rivage quelques plantes médicinales, et ils’éloigna aussitôt.

La mer était proche. Arrivé sur le bord,Mustapha quitta à la hâte sa robe d’emprunt, son turban, sa faussebarbe, et les jeta dans les flots, qui les emportèrent çà etlà : lui-même, pendant ce temps, se cacha dans lesbroussailles, et attendit que la nuit fût venue pour se glisserdans les caveaux funéraires du château.

Il y avait à peine une heure que Mustaphaétait sorti, lorsqu’on vint en grande rumeur, avertir Thiuli queson esclave Fatmé rendait l’âme. Éperdu, il envoya de tous côtéspour chercher le médecin ; mais ses messagers revinrent seulsquelques instants après, et lui rapportèrent que le malheureuxChakamankabudibaba était probablement tombé dans l’eau en voulantherboriser, et qu’il s’était noyé. On apercevait encore au loin,ajoutèrent-ils, son corps que les flots entraînaient.

Lorsque Thiuli vit qu’il n’y avait plus aucunespoir de salut, il s’emporta en malédictions contre ses esclaves,contre le médecin disparu, contre tout le monde et contre lui-même.« Fatmé ! Fatmé ! s’écriait-il ; elle était sibelle ! si jeune ! ses yeux étaient si doux ! Deuxmille sequins, deux mille sequins, tout autant ! pour un asprede moins le juif ne me l’eût pas laissée. Et ses dents, quellesperles ! une si grosse somme ! un pareil trésor !Ha ! ha ! » Et le vieux capitan sanglotait etpleurait d’un œil la beauté de Fatmé, et de l’autre son argentperdu.

Cependant Fatmé s’était endormie doucemententre les bras de ses compagnes ; ses yeux s’étaient voilés,son cœur avait cessé de battre, le carmin de ses lèvres s’étaitéteint : tous la croyaient morte.

D’après les ordres de Thiuli, dont l’instinctse révoltait, ainsi que je vous l’ai dit, contre l’idée de ladestruction, et qui avait hâte d’éloigner de lui toutes les imagesde deuil, la jeune fille dut être descendue le soir même dans lescaveaux funéraires.

Mustapha s’était caché parmi les tombes dontce lieu était parsemé. Aussitôt que les esclaves qui portaient lecercueil se furent retirés, il se glissa hors de sa retraite,alluma une lampe qui pût guider ses pas, et tira de sa ceinture unepetite fiole contenant l’antidote qui devait rappeler à la vie sachère Fatmé.

Sa main tremblait en soulevant le couvercle decèdre. Mais de quelle terreur ne fut-il pas saisi lorsqu’à la lueurde sa lampe il découvrit des traits qui lui étaient complètementinconnus ! Ce n’était ni sa sœur, ni Zoraïde, mais une autrejeune fille qui était couchée dans le cercueil.

Mon frère demeura d’abord comme anéanti sousce nouveau coup du sort. Il regardait avec des yeux hagards lamalheureuse qui était couchée là, et, dominé par une sorte devertige, il avait envie de se précipiter sur elle et del’étrangler.

Mais peut-être est-elle innocente de cettefuneste méprise, pensa-t-il, et d’ailleurs elle me peut fournird’utiles renseignements.

Il déboucha son flacon et l’approcha deslèvres de la jeune fille. Celle-ci respira, ouvrit les yeux et futassez longtemps à se reconnaître. Enfin, passant sa main sur sonfront, le souvenir parut lui revenir avec la vie, et, se dressantdans son cercueil au milieu de ses longs voiles blancs, elle vinttomber aux pieds de Mustapha, qu’elle appelait son sauveur, enarrosant ses mains de larmes de reconnaissance.

Mustapha interrompit l’effusion de sesremercîments pour lui demander comment il se faisait que ce fûtelle et non pas sa sœur Fatmé qui se trouvât devant lui.

La jeune fille regarda mon frère avec stupeuret comme ne comprenant pas la question qu’il lui adressait ;puis tout à coup elle s’écria : « Je m’explique à présentle mystère de ma délivrance. Sache donc qu’ici je porte le nom deFatmé, et que c’est à moi que ton billet est parvenu ainsi que tonbreuvage.

– Mais ma sœur ! mais Zoraïde !s’écria mon frère plein d’une mortelle angoisse, que sont-ellesdevenues ?

– Toutes deux sont dans le château, réponditla jeune fille ; mais, par suite d’une manie de Thiuli-Kos,elles ont reçu d’autres noms dès leur entrée, et s’appellent àprésent Mirza et Nurmahal. Pour moi, mon véritable nom estNamouna. »

En apprenant cette dernière complication dusort, qui venait encore une fois de ruiner tous ses plans, monfrère leva les yeux au ciel en se tordant les bras avec un geste siprofondément désespéré, que la jeune fille s’élança vers lui pourle soutenir ; car il chancelait comme un homme ivre, et ilallait infailliblement se briser la tête à l’angle de quelquetombeau, si Namouna ne l’eût enlacé de ses bras.

« Au nom de ta sœur ! au nom de tafiancée ! s’écria-t-elle, rappelle ton courage,Mustapha ! Peut-être, écoute-moi, pourrai-je t’indiquer unmoyen de les délivrer toutes deux.

 

– Parle vite, dit Mustapha ranimé par cettepensée, et puisse l’espoir que tu me donnes ne pas s’évanouirencore comme tous ceux que j’ai conçus déjà.

– Je n’appartiens que depuis cinq mois àThiuli, reprit Namouna ; mais, dès le premier jour de monarrivée dans ce sérail, je n’ai eu qu’une seule pensée :m’enfuir ! et jour et nuit je n’ai fait que rêver aux moyensd’en venir à bout. As-tu remarqué dans la grande cour une fontainemagnifique ? Pour moi, dès mon entrée ici, la vue de cettefontaine me frappa. Des ouvriers étaient occupés alors à laréparer, et je pus examiner à loisir la construction de l’aqueducpar lequel elle est alimentée. L’eau vient ici de plus de millepas, d’un ruisseau que l’on a détourné pour cet objet et qui coulesous une voûte d’au moins six pieds. Ah ! depuis que j’ai faitcette découverte, combien de fois j’ai déploré la faiblesse de mesbras ! si j’eusse pu, quelque nuit, soulever une seule pierrede la fontaine, il me semblait qu’il m’eût été facile alors de meglisser hors du château le long de l’aqueduc et de gagner lacampagne. Mais cette route, à laquelle je songeais pour sortir dusérail, doit également y donner accès, et je ne doute pas que tu neviennes à bout d’y pénétrer par cette voie, si tu peux seulementavoir avec toi deux ou trois hommes déterminés, afin de contenirles esclaves préposés pendant la nuit à la garde duharem. »

Ainsi parla la jeune fille, et le courage demon frère renaissait à mesure qu’elle développait son plan.Cependant une pensée le troublait encore : où trouver ceshommes hardis et dévoués dont l’appui lui était nécessaire ?Tout en rêvant, Mustapha tourmentait le manche de son poignard, etsoudain il se rappela la promesse que lui avait faite Mebroukd’accourir à son premier appel.

« Viens ! » dit-il àNamouna ; et tous deux se glissèrent rapidement hors descaveaux de Thiuli.

À la première ville qu’ils rencontrèrent,Mustapha plaça Namouna chez une pauvre veuve qui demeurait seule aufond d’un faubourg, et lui-même ayant acheté un cheval avec lereste de son argent, il partit en toute hâte pour les montagnes oùétait établi le camp de Mebrouk. Celui-ci le reçut avec de grandesdémonstrations d’amitié, et s’enquit affectueusement de ce qui leramenait si vite. Mon frère lui raconta alors ses tentativesinfructueuses et les obstacles qui l’étaient venus traverser. Lesérieux Mebrouk l’écouta avec attention, et ne put s’empêcher desourire au nom grotesque et pharamineux deChakamankabudibaba ; mais la trahison du nain l’exaspéra, etil jura d’étrangler ce misérable de sa propre main si jamais ilparvenait à le rencontrer. « Quant à toi, ami, dit le voleuren serrant la main de mon frère, je te sais bon gré d’avoir faitfond sur ma parole ; dès demain nous partirons, et, parAllah ! il faudra bien que de façon ou d’autre, nousarrachions ta sœur et ta fiancée des griffes de ce vieux fou deThiuli-Kos. »

Mon frère embrassa Mebrouk en pleurant, et lelendemain tous deux partaient suivis de trois hommes bien armés etprêts à tout. Ils firent si grande diligence qu’en deux jours ilsatteignirent la petite ville où était demeurée Namouna, et l’ayantreprise avec eux afin de diriger leur expédition, ils se glissèrenttous ensemble dans le petit bois qui avait déjà offert un refuge àmon frère lors de la trahison du nain.

En attendant la nuit, Namouna leur découvritminutieusement la disposition intérieure du sérail et les passagesqu’ils devaient suivre pour arriver à l’appartement des femmes et àla chambre qu’occupaient en commun Fatmé et Zoraïde. Pendant cetemps, l’ombre propice était venue, et, sans perdre de temps, lapetite troupe se dirigea vers le ruisseau qui alimentaitl’aqueduc.

Namouna fut laissée en cet endroit sous lagarde d’un des hommes, tandis que les deux autres, munis de torchesrésineuses, s’enfonçaient sous la voûte du canal, suivis de prèspar mon frère et par Mebrouk.

Il leur fallut marcher près d’une demi-heure,ayant de l’eau jusqu’à mi-corps, avant d’arriver à la fontainemême. Le mur en était épais et solide ; mais, attaqué à lafois par quatre hommes vigoureux et armés de pinces et de leviers,il s’ébranla bientôt : une dalle de marbre fut descellée etfournit une ouverture suffisante pour qu’on pût pénétrer dans laplace. Mon frère s’y élança le premier, ses compagnons lesuivirent, et l’on tint conseil en cherchant à se reconnaître.

Heureusement les indications de Namounaétaient si précises qu’il ne pouvait y avoir lieu à de longueshésitations. Ayant donc suivi, ainsi qu’elle le leur avaitrecommandé, une galerie couverte bordée d’orangers et delauriers-roses, ils arrivèrent au pied d’une espèce de tour-fanal,à la suite de laquelle ils devaient compter six portes avant derencontrer celle qui conduisait au harem : le fronton de cettedernière, évidé en trèfle, supportait un croissant.

Elle était là devant eux, cette porte,laissant filtrer à travers ses jointures un mince filet de lumièreindiquant qu’on veillait à l’intérieur ; mais, pour la faireouvrir, que faire ? à quel moyen avoir recours ? User deviolence, c’était peut-être tout compromettre !

Mebrouk s’approcha, et d’une voix assourdie àdessein : « Holà ! qu’on ouvre ! » dit-ilen frappant légèrement du pommeau de sa dague.

Trompé par ce ton de commandement, un esclaveà moitié endormi eut à peine entre-bâillé la porte qu’elle futjetée violemment dans l’intérieur.

Un cri se fit entendre et fut étoufféaussitôt ; Mebrouk avait reconnu la voix du nain. Plus promptque la foudre, il s’était précipité sur lui et lui enfonçait sesdix doigts dans la gorge, tandis qu’un de ses hommes garrottait etbâillonnait fortement le petit monstre, qui se tordaitconvulsivement, pareil à un reptile, sous la main de fer quil’étreignait.

Pendant ce temps, Mustapha, saisissant un deseunuques, le contraignait, le poignard sur la gorge, de le conduireà la cellule de Nurmahal et de Mirza, ou plutôt de Zoraïde et deFatmé, qu’il retrouvait enfin et qu’il serrait dans ses bras, enproie à une sorte de délire.

« Partons vite, dit Mebrouk ; d’unmoment à l’autre l’alarme peut être donnée. »

Néanmoins, avant de descendre lui-même dansl’aqueduc, il voulut régler ses comptes avec le nain, qu’il pendithaut et court à l’une des flèches de la fontaine. Il rejoignitenfin Mustapha et les deux jeunes filles, et tous ensemble, ycompris Namouna, s’éloignèrent en toute hâte du château deThiuli-Kos.

Ce fut avec un profond attendrissement que monfrère se sépara le lendemain du voleur son ami. La noblesse dontles manières et les discours de cet homme étaient empreintscontrastait si singulièrement avec la vie de hasard et d’aventuresqu’il menait, que mon frère ne pouvait douter qu’il n’eût étépoussé dans cette voie mauvaise par quelque événement fatal etterrible ; mais la crainte de porter une main indiscrète surune blessure toujours saignante ne lui permit pas d’interroger sonhôte à cet égard.

Namouna se rendit à Balsora sous undéguisement, et prit passage à bord d’une felouque tunisienne quila ramena heureusement dans sa patrie.

Pour les miens, après un très-court voyage,ils rentrèrent triomphalement à Acara, au milieu des joyeusesacclamations du peuple, sur qui nos malheurs domestiques avaientproduit l’effet d’un désastre public.

Ce retour inespéré causa tout d’abord à monvieux père un tel saisissement qu’il faillit presque en suffoquer.Un flot de larmes le soulagea, et bientôt ses forces se ranimèrentsous l’influence des douces caresses de sa chère Fatmé. Par sonordre, une grande fête fut préparée, à laquelle toute la ville dutprendre part ; et là, en présence d’une foule de parents etd’amis, il fallut que mon frère racontât les vicissitudesmerveilleuses de son voyage et les péripéties qu’il avaittraversées avant de retrouver les deux êtres adorés dont sonimprudente condescendance avait causé la perte.

Lorsque Mustapha eut achevé son récit, monpère se leva en chancelant, soutenu d’un côté par Fatmé, de l’autrepar Zoraïde, et poussant doucement cette dernière, confuse etréjouie à la fois, dans les bras de mon frère, il lui dit d’unevoix attendrie :

« Qu’ainsi soit déchargée ta tête, ô monfils ! de l’anathème que j’avais prononcé sur toi :prends cette enfant comme la récompense que t’a conquise ton zèleinfatigable ; qu’un doux lien t’unisse à elle, et reçois enmême temps la bénédiction de ton vieux père. »

Élevant ensuite vers le ciel ses mainstremblantes, il ajouta d’un ton plus solennel : « Puissenotre ville posséder toujours des hommes qui te ressemblent, etl’exemple de ton amour fraternel, de ta piété filiale et de tabravoure, entretenir toujours dans les cœurs de nos jeunesconcitoyens le feu sacré des nobles sentiments ! »

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