La Caravane – Contes orientaux

ÉPILOGUE – LA LETTRE

 

La chevaleresque histoire de Saïd et sesaventures tragi-comiques divertirent beaucoup les voyageurs, quicontinuèrent encore quelque temps à s’entretenir de sujetsmerveilleux, tout en fumant et en prenant le café, cetindispensable accessoire de la conversation chez les Orientaux.

Ils se séparèrent ensuite pour aller sereposer quelque peu avant de se remettre en route ; car illeur restait une assez longue étape à fournir pour atteindre leCaire. Mais, au moment du départ, les marchands s’aperçurent tout àcoup que leur nouvel ami, Sélim Baruch, manquait à l’appel. Ils lecherchèrent de tous côtés avec de grands cris, mais aucune voix nerépondit à la leur, et ils se perdaient en conjectures sur cettedisparition étrange, lorsque le guide se présenta devant eux etleur dit que, tandis qu’ils dormaient encore, l’étranger lui avaitordonné de seller son cheval, en prétextant une affaire urgente quil’obligeait à partir avant le gros de la caravane. « Mais,ajouta le guide avec une intention de finesse, je ne sais quelleaffaire ce peut être ; car, au lieu de prendre la route duCaire, il a tourné bride dès le sortir de la vallée, et s’estélancé au grand galop dans la direction du désert. »

Les marchands se regardaient l’un l’autre, sedemandant ce que cela pouvait signifier.

« Pour ma part d’ailleurs, reprit leguide, je n’ai pas à me plaindre de lui : si j’ai pu luirendre quelques petits services, il m’en a généreusementrécompensé. Mais, à propos, s’écria le bavard, j’ai là aussiquelque chose qu’il m’a remis pour vous, seigneur. » Et,fouillant dans sa ceinture, il en tira un billet qu’il remit àLezah. Celui-ci se hâta de l’ouvrir et lut à haute voix ce quisuit :

« Averti par mes éclaireurs du passage devotre caravane et sachant que toi, le frère de mon hôte, tu tetrouvais au nombre des voyageurs, j’ai voulu, étendant à toi et auxtiens les lois sacrées de l’hospitalité, qu’aucun accident netraversât votre route. Quelque horde errante aurait pu cependant, àmon insu, vous molester ou vous voler dans le parcours du désert.Je suis donc venu à vous sous un déguisement, et j’ai cheminé dansvotre compagnie afin de protéger votre marche. Vous êtes au termede votre voyage : ma tâche est accomplie. Adieu ! lesheures rapides que nous avons passées ensemble m’ont été douces enme faisant oublier pour un instant ma sombre destinée. Rentrez ausein de vos familles, ô vous dont le Prophète a bénil’existence ! Je vais rejoindre ma bande, moi, le banni dumonde, le roi du désert.

« Mebrouck. »

 

Un long cri d’étonnement suivit cette lecture,qui stupéfia particulièrement le guide bavard ; mais, commetous les sots importants qui ont la prétention de ne rien ignorer,il essaya d’insinuer que dès le premier moment il s’était biendouté de la chose.

« Monsieur le guide, vous n’êtes qu’unhâbleur ! lui dit Muley ; mais allez donc vous occuper unpeu de notre départ : il faut que ce soir nous couchions au Caire. »

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