La Deux Fois morte

IV

– Ami, te souviens-tu de l’intéressanteétude qu’un jour tu me fis entreprendre du deuxième chapitre de laGenèse, alors que, grâce aux lumineuses restitutions de Fabred’Olivet, ce voyant de la linguistique, nous avions suivi pas à pasle mystérieux travail de la nature créatrice, cherchant le faitsous le symbole, le sens matériel sous l’énigme ésotérique.Parvenus au sublime verset qui en quelques mots manifeste lacréation de la femme, de l’Aischa, de l’Ève, nous nous étionsarrêtés, hésitant devant la suggestion intime et profonde qui noussollicitait à reconstituer cette scène, dont la beauté dépasse lesrêves les plus enthousiastes de l’imagination.

Nous passâmes outre.

Mais j’avais gardé dans l’oreille comme unécho qui ne devait plus jamais s’éteindre, le cantique rayonnant del’Adam Kadmon s’écriant :

– Wa-iaômer ha-Adam-Zoâth… Celle-là estréellement substance de ma substance et forme de ma forme…

Ce nom d’Aischa, formule véritable de laVolonté dont la femme était la Réalisation, me hantait commel’énoncé d’un problème à la solution toujours refusée.

Or cette solution, avec quelle gloire je l’aitrouvée ! Toi seul peut-être pourras me comprendre, parce queton intellect évolue sur le plan supérieur de l’Intuition. Rien neme paraît à moi plus évident et plus clair.

Vois plutôt :

En l’homme, représentation concrète del’humanité collective, toutes les aspirations existaient à l’étatlatent et pour se manifester n’attendaient que l’effort volitif, sije puis dire, la poussée du dedans au dehors.

L’Homme-Adam, alors mâle et femelle, jouissaitégoïstement de la nature extérieure, s’épanouissant dansl’éblouissement des splendeurs. Et plus il admirait de beautés, etplus il avait soif de la beauté. Et cette Beauté suprême à laquelleil aspirait, il ne la voyait pas, puisqu’elle était en lui, dans sadouble nature encore inséparée.

Comprends-tu ce supplice : sentir en soila beauté, l’Amour, en posséder la notion, la sensation intime, etne les pouvoir contempler face à face, ne les pouvoirétreindre ! Songe à ce qu’éprouverait l’avare qui aurait unlingot d’or dans la poitrine et ne pourrait s’arracher le cœur pourle posséder !

En vain autour d’Adam s’épandaient lesimmensités vibrantes, en vain flamboyaient les astres, en vainpoudroyaient les Nébuleuses en gésine des astres mondes… Qu’étaittout cela auprès de ce qu’il désirait, la Compagne, la SuprêmeBeauté, – ceci est le texte même, – qui, devant émaner de lui,alors seulement lui présenterait le reflet de sa sensationintime…

Et ce fut dans une de ces crises de Désirsublime et torturant que s’accomplit le miracle del’Extériorisation de la Beauté et de l’Amour, – qui étaient en luiet qui jaillirent de lui, en la Forme Idéale, Grâce et Harmoniecondensées en l’Être qui était vraiment substance de sa substance,Essence formellement radieuse de l’Humanité triomphante… laFemme !

Et l’Adam Kadmon s’agenouilla devant Elle,reconnaissant de l’exquise souffrance de l’arrachement, et ilbalbutia le premier Hosannah d’amour !… »

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