Chapitre 15Qui est l’épilogue et aussi la moralité de cette histoire.
André revint à pied vers la ville. Il étaitsept heures du soir. La métamorphose de la terre s’achevaitinsensiblement par un clair de lune enchanté.
Pour ne pas revenir par le même chemin – oupour toute autre raison, – il prit la route d’Empalme après un longdétour à travers la campagne.
Le vent du sud l’enivrait d’une chaleurintarissable qui, à cette heure déjà nocturne, était encore plusvoluptueuse.
Et comme il s’arrêtait, les yeux presquefermés, pour jouir de cette sensation nouvelle avec frisson, unevoiture le croisa, et s’arrêta brusquement. Il s’avança ; onlui parlait.
« Je suis un peu en retard, murmurait unevoix. Mais vous êtes gentil, vous m’avez attendue. Bel inconnu quim’attirez, devrais-je me confier à vous sur cette route déserte etsombre ? Ah ! Seigneur, vous le voyez bien : je n’aiguère envie de mourir, ce soir ! »
André jeta sur elle un regard qui voyait touteune destinée ; puis, devenu soudain très pâle, il prit laplace vide auprès d’elle. La voiture roula en pleine campagnejusqu’à une petite maison verte à l’ombre de trois oliviers. Ondétela les chevaux. Ils dormirent. Le lendemain, vers trois heures,ils reprirent le harnais. La voiture repartit pour Séville ets’arrêta, 22, plaza del Triunfo.
Concha en descendit la première. Andrésuivait. Ils entrèrent ensemble.
« Rosalia ! dit-elle à une femme dechambre. Fais mes malles, vite ! Je vais à Paris.
– Madame, il est venu ce matin unmonsieur qui a demandé Madame, et qui a beaucoup insisté pourentrer. Je ne le connais pas, mais il a dit que Madame le connaîtdepuis longtemps et qu’il serait bien heureux si Madame daignait lerecevoir.
– A-t-il laissé une carte ?
– Non, Madame. »
Mais en même temps, un domestique seprésentait, portant une lettre, et André sut plus tard que lalettre était celle-ci :
« Ma Conchita, je te pardonne. Je nepuis vivre où tu n’es pas. Reviens. C’est moi, maintenant, qui t’ensupplie à genoux.
« Je baise tes pieds nus.
« MATEO. »
Séville, 1896.
Naples, 1898.