Le Robinson de douze ans

Chapitre 5

 

– Grandes occupations. – Incendie. – Le coffre est entamé. –Félix éteint le feu. — Les patates brûlées. – Les coquilles deSaint-Jacques. – Heureuse découverte. – Félix a des outils. – Bonnechasse de Castor. – Entrée dans la caverne. – L’orage. – Le coffredépecé. – Nouvelles trouvailles. – L’orage a presque détruit lacabane. – Changement de domicile.

 

Le lendemain, à mon réveil, j’avais tant dechoses à faire que je ne savais par où commencer. Je me mis d’abordà traire ma chèvre, et je partageai son lait avec mon bon Castor.De là, j’allai sur le rivage à la recherche des œufs de tortue. Jejeûnais depuis longtemps, et j’avais envie de me dédommager !j’en trouvai une demi-douzaine. J’avais encore des pommes de terredans ma cabane ; j’allumai un bon feu et je les fisrôtir ; je mis aussi les œufs dans les cendres, et me préparaiun dîner fortifiant. J’étais cependant moins occupé de ce que jefaisais que du projet de retourner bientôt au lieu où je voulaisétablir ma demeure pour l’hiver. Au moyen du feu, j’espérais mefrayer un passage pour entrer dans la caverne. Le coffre quej’avais trouvé m’occupait aussi beaucoup ; je me creusais latête pour imaginer comment je pourrais l’ouvrir ; je voulaisdeviner ce qu’il pouvait contenir, et je me perdais dans mesconjectures. « Si c’étaient des habits, me disais-je, ilsviendraient bien à propos ; bientôt les miens vont tomber enlambeaux, et si je suis nu je ne pourrai supporter l’ardeur dusoleil. Si j’y trouvais des armes, je pourrais tuer des oiseaux, etbeaucoup de ces espèces de lièvres qui m’ont déjà fourni d’aussibons rôtis ; je suis toujours bien sûr qu’il y a dans cecoffre des choses qui me seraient fort utiles ; n’est-il pasmalheureux que je ne puisse m’en rendre maître ? »

Pendant que mon dîner cuisait, je m’occupai ànettoyer le parc ; je mis mon petit troupeau en liberté depaître aux environs ; il n’en abusa pas, et ne s’écarta pointde ma demeure ; j’ôtai la vieille litière, et j’en mis de lafraîche ; je fis une nouvelle provision de fourrage pourl’absence que je méditais ; enfin j’eus soin de pourvoir monbétail de tout ce qui pouvait lui être nécessaire.

Je quittai une troisième fois ma demeure, maissans prendre beaucoup de précaution pour ma subsistance. Avec monbriquet et une bonne provision de la précieuse moelle qui me tenaitlieu d’amadou, j’étais sûr de ne pas manquer de vivres ; jemarchais légèrement, n’étant point chargé, et le désir d’arriver medonnait des ailes. Je ne trouvai rien de nouveau sur une route quej’avais déjà parcourue, et d’ailleurs je ne pris le temps de faireaucune observation. J’atteignis, le quatrième jour, le lieudésiré ; il était assez matin ; aussi je ne voulus pointremettre l’exécution de mon dessein. Je fis du feu ; j’y misrôtir des pommes de terre que j’avais recueillies cheminfaisant ; et, quand le bois fut bien embrasé, je saisis unbrandon allumé et je courus au rocher. Je l’introduisis au milieudes racines et des broussailles qui en fermaient l’ouverture ;la flamme se communiqua rapidement de l’une à l’autre, et produisitune fumée si épaisse que je ne pouvais plus distinguer la caverne.Le feu dévora en moins d’une heure tout ce qui était audehors ; de là il gagna l’intérieur, où il consuma tout ce quiétait propre à lui servir d’aliment ; puis il parut s’êtreéteint. La fumée diminua peu à peu et me laissa apercevoir uneouverture dont la hauteur surpassait de bien peu la mienne, maisqui avait la largeur ordinaire d’une porte. J’allais y entrer avecma vivacité ordinaire, mais de nouveaux tourbillons de fumée noireet infecte en sortirent tout à coup et pensèrent me suffoquer. Jem’éloignai promptement, et j’allai m’asseoir à quelque distancepour réfléchir sur ce que j’avais à faire. Je compris que le feuque j’avais cru éteint brûlait encore sous la cendre, et qu’il ycouverait peut-être plus d’un jour. Je vis la nécessité de modérermon impatience, et, pour m’en distraire, je me rendis près ducoffre, second objet de mes désirs et de mes inquiétudes. La maréeétait basse, il était à sec. Je le considérai de nouveau de tousles côtés, et, voyant toujours la même impossibilité de l’ouvrir oude le rompre, je tombai dans une profonde rêverie. Tout à coup ilme vint en pensée d’y mettre le feu. « Quelque chose qu’ilrenferme, me disais-je, je puis espérer d’en sauver unepartie ; quand le feu en aura consumé un bout, je ferai tousmes efforts pour l’éteindre : il ne peut brûler vite,puisqu’il est tous les jours couvert de l’eau de la mer. Le feuéteint, je m’emparerai de ce qui ne sera pas endommagé ; aulieu que si je ne prends pas ce parti, je ne jouirai jamais de cequ’il contient. » Cette fois je n’eus pas à me reprocherd’agir avec trop de précipitation ; ce fut après avoirlongtemps réfléchi que je me déterminai à employer ce moyen. J’eusencore la patience d’attendre le flux, parce que je songeai que lamer montante gagnerait le coffre et m’aiderait puissamment àarrêter les progrès du feu. Le moment arrivé, je portai près ducoffre plusieurs branches enflammées ; je considérai, le cœurpalpitant, le feu qui gagnait le bois, le noircissait d’abord, etcommençait à le brûler. Comme je l’avais prévu, ce ne fut que trèslentement. Debout, vis-à-vis, j’observai ses progrès, partagé entrela crainte et l’espérance. Enfin, un bout du coffre ayant étéconsumé sans produire de flamme, je crus qu’il était à proposd’arrêter le feu. Je n’avais, pour puiser de l’eau, que mes tassesde coco ; ce moyen eût donc été trop long ; je m’avisaide prendre du sable mouillé, d’en jeter sur le coffre et d’en faireun monceau devant l’endroit où il brûlait. En même temps, la mer legagnait, et, par intervalles, les vagues le couvraient entièrement.Il est facile de concevoir combien cette circonstance facilitaitmon travail. Je parvins à éteindre entièrement le feu, qui avaitfait une ouverture assez grande pour que j’y pusse entrerfacilement. Mais ce jour était destiné à exercer ma patience :il fallut attendre le reflux et enlever le sable mouillé dontj’avais bouché le trou pour étouffer le feu avant de connaître lefruit que je retirerais de mes peines.

Forcé de rester oisif, je songeai que j’avaisfaim : l’occupation de mon esprit me l’avait fait oublier.J’allai déterrer mes patates : mais je les avais laissées troplongtemps sous les cendres, elles étaient réduites en charbon. Quelremède à cet accident ? Je n’avais plus la stupidité de verserdes larmes inutiles quand j’étais contrarié. Je m’approchai durivage, et la vue de beaucoup de coquilles de Saint-Jacques meréjouit infiniment. Depuis longtemps je désirais en manger :je les mis d’abord sur la cendre chaude pour les faireouvrir : je les débarrassai du sable qui s’y trouvait ;puis, dans la coquille la plus creuse, je mis du jus de citron. Jeles fis cuire à petit feu, et je fis un dîner excellent. Après cerepas, je fis le tour des rochers, pour récolter au delà des pommesde terre pour les jours suivants. Je n’en pouvais recueillir quepeu à la fois, n’ayant pour les emporter que mes poches et monmouchoir : aussi avais-je résolu de fabriquer un panierd’osier. J’avais souvent vu travailler un vannier, notre voisin, etje me flattais de pouvoir imiter son ouvrage, au moins pour ce quim’était nécessaire.

Je dormis peu cette nuit, tant j’étais occupédes grands événements du lendemain.

Le creux du rocher serait-il assez grand pourque je puisse m’y loger ? Ne serait-il pas si obscur que je nepourrais y rien faire ? Que trouverais-je dans lecoffre ? L’eau n’avait-elle point gâté ce qu’ilcontenait ?

Voilà les questions que je me faisais, et quime tinrent longtemps éveillé. Dès que le jour parut, je descendisde l’arbre où j’étais perché ; j’allai d’abord au coffre, etje commençai à le débarrasser du sable qui en bouchait l’ouverture.Mon chien m’aida dans ce travail en grattant avec ses pattes. Cefidèle animal avait tant d’instinct, qu’il comprenait tout ce queje voulais lui faire entendre, et tant de docilité qu’ilm’obéissait au moindre signe.

Dès que cela me fut possible, j’allongeai lebras dans le coffre et j’en tirai une petite hache ; rien nepouvait me faire plus de plaisir ; mon couteau se trouvaitremplacé d’une manière avantageuse ; je pouvais facilementcouper du bois et entreprendre différents ouvrages. Je cherchaiavec une nouvelle ardeur, et ma joie s’augmenta en voyant une scie,deux marteaux et un sac plein de clous de toutes grandeurs. Enretirant avec peine ces objets précieux, je fis assez de place pourpouvoir y entrer. J’en sortis d’autres scies, d’autres hachesgrandes et petites, des tenailles, des vrilles et quantité d’autresoutils dont je ne savais ni le nom ni l’usage. Quelques-uns étaientsi grands et si lourds, qu’ils surpassaient mes forces et que jefus contraint de les laisser à leur place. Le feu avait brûlé lebois de quelques scies et le manche de quelques haches, mais il enrestait d’entières plus qu’il ne m’était nécessaire. Derrière lesgrands objets que je ne pouvais déplacer, il y avait encored’autres choses que j’aurais bien voulu m’approprier ; mais,possédant déjà toutes sortes d’instruments, je ne désespérais pasde pouvoir briser le coffre, et de me rendre maître de ce qui yrestait.

Un avare qui vient de trouver un trésor n’estpas plus satisfait que je ne l’étais en contemplant mes nouvellesrichesses : c’était le coffre où le charpentier serrait sesoutils, que les flots avaient apporté sur le rivage de mon île, etc’était au moment où ils m’étaient le plus nécessaires que je m’envoyais pourvu.

Je portai près de la caverne tout ce quej’avais tiré du coffre, espérant en pouvoir faire usage dès le joursuivant. Castor me surprit agréablement en m’apportant un agoutiplus grand que ceux qu’il avait déjà tués. Je destinai sa peau à mefaire des semelles ou espèces de sandales ; mes souliersétaient si usés, que mes pieds étaient déchirés par les épines oumeurtris par les cailloux. Je dépouillai l’animal le plusproprement possible, et je clouai sa peau sur le tronc d’un arbre,afin qu’elle ne se retirât pas. Je mis ensuite la bête à la broche,et je laisse à penser si nous fîmes un bon repas, moi et moncamarade. Je recueillis la graisse de l’agouti et j’en frottai lapeau à plusieurs reprises pour l’amollir et la rendre plusdouce.

J’allais souvent visiter l’ouverture durocher ; il n’en sortait plus de fumée, et je ne doutai pasque je ne pusse y entrer le lendemain. Au point du jour je m’armaid’une hache, et je m’introduisis hardiment dans la caverne, avec laseule précaution de me faire précéder par mon chien, dont lesaboiements m’auraient averti s’il y eût eu quelque danger. Nousmarchâmes d’abord sur un tas de cendres, mais elles étaientfroides, ce qui me prouva que le feu était éteint depuis longtemps.J’allai d’abord à ma droite et puis à ma gauche, jusqu’aux paroisde la grotte, pour juger à peu près de sa largeur ; je comptaivingt-deux de mes pas de l’une à l’autre. Il me restait à m’assurerde la profondeur de la caverne ; pour cela je marchai droitdevant moi ; tant que je fus près de l’ouverture, j’avaisassez de clarté pour me conduire ; mais à mesure quej’avançais, elle diminuait sensiblement ; je me trouvai enfindans une entière obscurité. Après avoir compté cinquante pas, jefus arrêté par une muraille de roc, et je reconnus que la grotte seterminait en cet endroit. Je la trouvai suffisamment spacieuse ettrès propre à me servir d’asile ; mais quelle triste demeureque celle où le jour ne pénètre jamais ! Comment travailler endedans de cette enceinte ténébreuse ? Je voulais cependantl’embellir et la meubler ; ma tête était pleine de projets, etcette terrible obscurité m’empêchait de les exécuter.

Je ne me rebutais plus facilement ; jerésolus d’habiter provisoirement l’entrée de la caverne, qui setrouvait un peu éclairée, d’y passer au moins la nuit, et d’yserrer mes outils et mes provisions ; et je ne désespérais pasde trouver le moyen de faire entrer un peu de jour dansl’intérieur. Pendant huit jours entiers je fis des essaisinutiles ; je grimpais sur le rocher en dehors ; jecherchais des endroits où il y avait des fentes, j’y faisais entrerdes coins, que j’enfonçais à grands coups de marteau. Quand j’étaisvenu à bout de faire sauter un éclat de pierre, je croyais quej’allais pratiquer un trou qui donnerait passage à la lumière.Toujours trompé dans mon espoir, excédé de fatigue et désolé de cemauvais succès, j’allais abandonner mon entreprise, lorsquej’observai un enfoncement dans lequel il avait crû une touffe deplantes qui paraissaient mieux nourries que celles qui poussaientsur le roc ; j’en conclus qu’il y avait plus de terre dans cetendroit que dans les autres, et qu’il serait peut-être plus facileà percer. J’arrachai d’abord toutes les herbes, puis je grattai laterre avec des coquilles, des pierres tranchantes et ma hache. Jene trouvais point le roc, ce qui augmentait mes espérances ;je jetais de côté la terre et les cailloux que j’ôtais de ce trou.Je me croyais encore loin de réussir, lorsqu’il se forma uneouverture, et la coquille dont je me servais tomba au fond de lacaverne. Je fus saisi d’une telle joie que je restai d’abordimmobile ; mon ardeur se ranima bientôt ; je continuai àgratter, à déblayer, et je parvins à faire un trou d’environ unpied carré. Content de mon travail, je songeai à prendre du reposet à me fortifier par quelque nourriture. Quand j’étais occupé d’unouvrage important, j’en oubliais le boire et le manger. Cette foisencore, avant de préparer mon repas, je voulus entrer dans magrotte ; je vis, avec un extrême plaisir, que l’espèce defenêtre que j’y avais pratiquée y répandait assez de jour pourdistinguer tous les objets. Castor paraissait partager ma joie, ilsautait autour de moi, comme s’il eût voulu me féliciter.

J’avais lieu d’être satisfait de ma nouvelledemeure, le sol en était uni, couvert d’un sable blanc très fin, etsans aucune humidité. Les parois étaient brillantes, et les pierresqui les composaient semblaient saupoudrées de parcelles d’or etd’argent. La voûte, très élevée en certains endroits, était plusbasse en d’autres ; dans le fond de la grotte, l’espace serétrécissait et formait une espèce de cabinet. C’était le seulendroit qui ne fût point éclairé ; je le destinai à renfermermes provisions d’hiver, car je pensais que dans cette saison je netrouverais plus de fruits ni de patates, et que je feraisprudemment de m’en pourvoir d’avance. Je voulais aussi loger meschèvres dans une autre partie de la caverne pendant la mauvaisesaison, pour les préserver de tout accident.

Mille idées différentes occupaient mon esprit,où il n’y avait que confusion. Je me voyais tant d’ouvrage sur lesbras, qu’il me semblait que je n’y pourrais suffire ; j’auraisvoulu tout faire à la fois, et la pétulance de mon caractère étaittelle qu’il me fallut bien des réflexions pour me déterminer àn’entreprendre qu’une chose après l’autre. Avant de commencer mesgrands travaux, je jugeai à propos de faire un voyage à ma cabaneet d’en ramener mon troupeau, pour lequel j’avais toujours del’inquiétude quand j’en étais éloigné. Je craignais qu’il nemanquât de fourrage, et que, les chevreaux ayant absolument cesséde téter, la mère n’eût perdu son lait, ce qui me priverait d’unegrande ressource pour l’hiver. Je me couchai ce soir-là dansl’intention de partir le lendemain. Depuis que la grotte étaitéclairée, j’avais placé ma couche plus loin de l’ouverture, dans unenfoncement du rocher qui formait une espèce d’alcôve. Ce fut ungrand bonheur pour moi ; je fus éveillé par les éclats dutonnerre ; je me levai sur mon séant, et j’admirai l’effet deséclairs sur mes brillantes murailles, qui semblaient étinceler demille feux. Le bruit de la foudre, répété par les échos de tous lesrochers, avait quelque chose de si majestueux que je l’écoutaisavec ravissement. L’orage se termina par une pluie si abondante quel’eau, tombant par la fenêtre et entrant par la porte, inonda unegrande partie de la caverne ; mais elle ne gagna point machambre à coucher. Cette espèce de déluge dura près de deux heures,que je fus obligé de passer à la même place et dans une inactionabsolue. Enfin, la pluie cessa, le ciel s’éclaircit, et le sable dela grotte eut bientôt bu l’eau qui y avait pénétré. Je sortisalors, et je vis avec frayeur les ravages que la tempête avaitcausés ; plusieurs arbres avaient été déracinés par laviolence du vent, la campagne était inondée, et je marchais dansl’eau jusqu’aux genoux. Oh ! combien je me trouvais heureuxd’avoir une demeure solide qui pût me garantir de ces terriblesorages ! Je formai sur-le-champ le projet de la protéger mieuxencore et de la rendre plus habitable en bouchant, dans cesoccasions, la fenêtre que j’y avais faite. J’éprouvais de vivesinquiétudes pour ma cabane de feuillage, pour mon parc et pour monbétail ; mais je ne pouvais me mettre en route cejour-là ; il fallait laisser aux eaux le temps de s’écouler.Je pris le chemin du rivage ; les flots agités y avaiententraîné une si grande quantité de coquillages que j’en fis uneample provision. J’avais vidé dans un coin de ma grotte le sac quej’avais trouvé plein de clous ; il m’était très utile pour ymettre ce que je voulais emporter. Je le remplis cette fois decoquilles Saint-Jacques, d’huîtres, de moules, et de certainscoquillages qui, ayant la forme de lames, étaient fort tranchants,et pouvaient me tenir lieu du couteau que j’avais cassé.

Après avoir déposé tout cela dans ma caverne,j’allai visiter le coffre. Je vis avec grand plaisir que, pendantla nuit précédente, il avait été tellement battu par les vagues,que les planches commençaient à se disjoindre. Je pris la plusforte hache que je fusse capable de remuer ; j’enfonçai descoins entre les planches, et, à force de frapper, je parvins à endétacher plusieurs. Quelle augmentation de richesses ! Jevoyais le moyen de faire une porte pour ma grotte et un volet pourma fenêtre. Bientôt tout ce que j’avais laissé dans le coffre setrouva à découvert. Parmi des outils trop pesants pour mes forces,il y avait encore trois grands sacs remplis de clous, un levier defer, un ciseau de menuisier, et, par un hasard très heureux pourmoi, une petite marmite de fonte avec son couvercle ; cettedernière trouvaille me fit sauter de joie. J’allais donc faire dubouillon, et cuire dans l’eau des pommes de terre, du poisson etdes œufs ! Je passai toute cette journée à transporterpéniblement dans ma demeure mes nouvelles acquisitions. Quant auxplanches, je les tirai bien avant sur la grève, afin que la mer nepût les entraîner, décidé à les travailler sur place. Je passai lereste de la journée à mettre de l’ordre dans mes effets ; jeles rangeai si bien qu’il m’était facile de trouver l’objet dontj’avais besoin sans déranger les autres. Un sommeil profond medédommagea de la mauvaise nuit que j’avais passée, et je fus lelendemain en état de me mettre en route. Je retrouvai le chemin leplus court, je repassai par le champ de riz ; comme je pouvaisfaire du feu, c’était pour moi un grenier d’abondance qui devaitm’assurer ma subsistance pendant la mauvaise saison. Mais ilfallait acheter cet avantage par bien des peines et desfatigues ; il fallait transporter le grain chez moi, leséparer de la paille, et le mettre en tas dans l’espèce de cave quiétait au fond de la caverne.

Le cœur me battait en approchant de mapremière demeure. Hélas ! à peine pus-je la reconnaître ;le toit de roseaux était partout enfoncé, les murs de branchages àdemi renversés ; il n’y avait plus moyen de s’y mettre àcouvert. Le parc avait moins souffert ; les jeunes arbres quej’avais plantés avaient pris racine, et poussé de tous côtés tantde rejetons qu’ils s’entrelaçaient et se soutenaientmutuellement ; d’ailleurs ces arbres, d’une nature flexible,cédaient à l’orage et pliaient plutôt que de rompre. Mon troupeaune paraissait pas avoir souffert ; mais ma chèvre étaitincommodée de son lait. Ses petits ne tétaient presque plus, et lapauvre bête parut fort soulagée quand je me mis à la traire. Je lefus aussi quand j’eus avalé une tasse de son lait ; cetteboisson rafraîchissante me remit de mes fatigues.

Après de longues réflexions, je décidai que jene réparerais point ma cabane pour le moment, et que j’iraishabiter ma grotte jusqu’à ce que l’hiver, que je pensais devoirarriver bientôt, fût passé. Je me proposai alors de revenir dans celieu et d’y construire une nouvelle maisonnette bien plus solideque la première. Étant pourvu d’outils cela m’était facile ;je pouvais creuser plus avant, et enfoncer mes pieux de manière àce qu’ils ne fussent pas aisément ébranlés. Je voulus faire de cetendroit, plus gai et plus riant, une maison de campagne pour ypasser l’été. Il fallait, pour cela, transporter une partie de mesinstruments, et j’avais déjà imaginé le moyen que j’emploieraispour y parvenir. Pour le moment, je n’avais rien de plus pressé àfaire que de conduire mon troupeau dans ma grotte, et de me livrerentièrement aux travaux que je devais achever avant la mauvaisesaison.

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