L’Homme au masque de fer

Chapitre 3UN ENVOYÉ DU CARDINAL

Une fois Durbec fixé sur le gîte où s’étaientréfugiés le gentilhomme gascon et son fils adoptif, il fitdemi-tour, n’ayant plus rien à faire dans les Pyrénées.

Tout en ruminant ses projets de vengeance, ilbrûlait les étapes et avalait les lieues, n’accordant à son chevalet à lui-même que le temps strictement indispensable au repos.

Un fer perdu par son cheval, et une légèreboiterie qui en résulta le retarda un peu. Enfin, un beau matin, ilfranchit la barrière d’Enfer, et se trouva dans la capitale.

Onze heures sonnaient àSaint-Germain-l’Auxerrois, lorsqu’il demanda à être introduitauprès du premier ministre.

Hélas ! cette entrevue, comme les deuxprécédentes, ne devait lui réserver que des désillusions. Richelieuaccueillit avec une satisfaction évidente les renseignements qu’illui communiqua, mais ne manifesta en aucune façon l’intention des’approprier l’enfant de la reine ou même d’intervenir d’une façonquelconque dans les affaires du Gascon.

Durbec, dépité, insinua quelques perfidiescontre Castel-Rajac, tentant un ultime effort pour dresser contrelui la colère du prélat. Mais ce fut en vain. Bien au contraire, leministre fronça les sourcils et le congédia sèchement.

Le chevalier sortit, en proie à une colèrequi, pour être cachée, n’en était pas moins violente, et jura de sevenger. Il n’avait que trop tardé à agir par lui-même.

Richelieu connaissait trop les hommes et lesecret des âmes pour que la haine de celui qu’il employait luiéchappât.

Dès que la porte se fut refermée sur sonespion, le cardinal se plongea dans une profonde méditation.

Enfin, au bout d’un moment, il allongea samain vers un cordon de sonnette. Un officier parut.

– Prévenez M. de Navailles quej’ai à lui parler immédiatement ! ordonna-t-il.

Quelques instants plus tard, le marquis deNavailles faisait son entrée.

C’était un des fidèles de Richelieu. Mais enmême temps, c’était un des plus loyaux gentilshommes du royaume deFrance.

Il s’inclina profondément devant le cardinalet attendit ses ordres.

– Monsieur de Navailles, dit Richelieu,je connais vos mérites, et je veux aujourd’hui vous donner unepreuve de confiance en vous chargeant d’une mission délicate entretoutes.

Navailles, un grand et fier gaillard, auxmoustaches conquérantes et aux yeux gris d’acier,répliqua :

– Votre Éminence peut croire que je luien suis profondément reconnaissant, et que je m’efforceraid’accomplir de mon mieux ce qu’Elle daignera m’ordonner defaire…

– Avant, reprit Richelieu, qui secaressait le menton dans un geste machinal, je dois vous donnerquelques mots d’explication préliminaire…

« Il existe dans les Pyrénées un petitvillage, du nom de Bidarray. C’est là que vous allez vousrendre… »

Navailles réprima un geste de surprise, maisne dit rien.

– Dans ce village, continua le ministre,vit un jeune enfant, avec son père, le chevalier Gaëtan deCastel-Rajac, et deux autres gentilshommes :MM. d’Assignac et de Laparède… J’ai des raisons spéciales ettrès graves pour m’intéresser à ce bambin, et par contre-coup, auchevalier de Castel-Rajac. Il se pourrait qu’ils soient en butte àdes attaques sournoises d’adversaires qu’ils ne soupçonnent pas…Vous allez donc, comme je vous l’ai déjà dit, partir pour cevillage. Votre mission consistera à veiller sur la sécurité de cesdeux personnes. Je ne veux pas qu’aucun mal leur arrive. Vousm’avez compris ?

Le marquis de Navailles s’inclina jusqu’àterre.

– J’ai compris, Éminence… Aucun mal neleur arrivera.

– Merci, monsieur. Je sais que je peuxcompter sur vous.

– Jusqu’à la mort, Éminence !

– Allez, monsieur… Je vous remercie…

Le gentilhomme se retira, laissant Richelieu àses réflexions.

Les révélations de Durbec ne faisaient queconfirmer le cardinal dans la supposition que Mazarin était bien lepère légitime de cet enfant.

Richelieu, bien que décidé à faire surveillerattentivement Castel-Rajac et son pupille, avait résolu, en mêmetemps, que cette surveillance serait une protection contrecertaines manœuvres occultes qu’il ne soupçonnait que trop.

En effet, Durbec, après son entrevue avec lecardinal, n’avait rien eu de plus pressé que de réenfourcher soncheval et de reprendre la route des Pyrénées.

Il était persuadé que le grand air luiporterait conseil, et qu’en route, il trouverait un plan pour sevenger enfin de celui qu’il haïssait.

Un soir, comme il arrivait à l’auberge desQuatre-Frères,non loin de Bordeaux, il remarqua uncavalier d’élégante tournure qui mettait lui-même pied à terredevant l’auberge.

Lorsqu’il entra dans la grande salle, lecavalier était déjà installé devant une table, un pichet de vin duBordelais devant lui, attendant paisiblement son dîner. Il seprésentait de telle façon que Durbec ne put que très mal distinguerson visage, mais il lui sembla que cette silhouette lui étaitfamilière.

Ce voyageur n’était autre que le marquis deNavailles, qui se rendait à son poste, suivant les ordresreçus.

Mais si Durbec avait remarqué ce client sanspouvoir définir sa personnalité, Navailles, lui, n’avait pas hésitéun instant :

– Morbleu ! pensa Navailles,intrigué, que vient-il faire dans ce pays, cet oiseau-là ?Aurait-il reçu une mission similaire ?

Mais à peine cette idée lui eut-elle traversél’esprit qu’il la rejeta.

– Non ! non ! C’est impossible.Son Éminence m’a parlé « d’une mission d’honneur »… Il nepeut l’avoir confiée à ce traître !

Comme corollaire, une réflexion vint tout desuite se greffer sur sa première idée.

– Mais alors, s’il n’est pas en missionpour le cardinal, que vient-il donc faire par ici ?

Navailles avait l’esprit prompt. Il ne tardapas à se souvenir de l’algarade qui avait mis aux prises, auchâteau de Montgiron, les gardes de Richelieu et le chevaliergascon, pendant laquelle Durbec avait été blessé par Castel-Rajacen personne.

– Tiens… tiens… tiens ! fitlentement le marquis. Ceci m’ouvrirait de nouveaux horizons…Peut-être Son Éminence n’a-t-elle pas eu tort en supposant que lasécurité de ce gentilhomme et de son fils est assez gravementcompromise. Car je crois cet individu capable de tout !

Lorsque Durbec descendit le lendemain matin,après une excellente nuit, et prêt à reprendre la route, il nerevit point l’inconnu qu’il avait remarqué la veille au soir.D’ailleurs, son souvenir même lui était passé de la tête.

Navailles après les soupçons qui l’avaientassailli la veille, n’avait pas attendu le réveil du chevalier pourprendre le large.

Aussi, dès l’aube, il avait fait seller soncheval et était parti au galop, espérant gagner une assez grandeavance pour arriver à destination sans être rejoint par Durbec.

Il se rendait compte qu’il avait sur lui unavantage appréciable : il connaissait sa présence, etpeut-être le but de son voyage, tandis que Durbec, lui, ignoraitjusqu’à la mission dont Navailles était chargé.

Mais le marquis était trop rusé pour seprésenter armé de pied en cap dans ce petit village. À la villevoisine, il laissa son cheval, acheta des habits modestes, et, vêtucomme un marchand, arriva à Bidarray.

On l’accueillit sans méfiance. Il en passaittellement ! Sans hésiter, Navailles se rendit au presbytère.C’était une vieille maison où vivait un brave curé presque aussiâgé qu’elle.

Sous couleur de lui proposer une pièce de drapet des almanachs, il réussit à le voir, et là, il lui révéla saqualité, et pour quelle raison il était céans.

– Monsieur le curé, conclut-il, voussavez tout. Il me faut un gîte. Puis-je compter sur vous pour mel’accorder ?

– Mon cher enfant, répondit le vieuxprêtre, il y a toujours eu ici une place pour le pauvre etl’errant. À plus forte raison lorsqu’il s’agit du service de SonÉminence le cardinal. Tout ce que j’ai ici est à vous, vous êteschez vous !

Le bruit courut au village que le marchandétait un vague neveu au curé de Bidarray. Il était naturel qu’ilréside chez son parent quelque temps, après avoir pris la peine demonter jusqu’en ce pays perdu !

Tandis que ce petit complot s’arrangeait aupresbytère, là-haut, à la gentilhommière, les trois Gascons et leurpupille filaient des jours sans histoire.

Marie de Chevreuse avait été s’établir dans levillage voisin, et partageait son temps entre cette résidencechampêtre et le logis où des amis fidèles l’hébergeaient, à Pau.Dès qu’elle était à la montagne, un petit berger partait versBidarray et remettait un message au chevalier gascon… Alors, lesoir, à la brune, celui-ci se glissait jusqu’à l’humble demeure oùla grande dame consentait à demeurer quelques jours pour l’amour delui…

Puis, après trois ou quatre rencontres, etpour ne pas éveiller les soupçons, la duchesse retournait àPau.

De la sorte, chacun était parfaitementheureux, et leur vie n’aurait été marquée par aucun événement, sila haine n’avait entrepris de démolir ce bonheur tranquille.

Durbec était arrivé lui aussi à Bidarray. Iln’avait pas eu besoin de se travestir pour donner le change, sonallure le rendait semblable aux petits bourgeois des environs.

D’ailleurs, il menait la vie la plus discrètequi fût, ne sortant qu’à la nuit de la maison isolée où il avaittrouvé gîte, afin de rôder autour de la gentilhommière où vivaitson ennemi.

Ce fut ainsi qu’il surprit le manège ducourrier, et vit, à différentes reprises, arriver, à toutes jambes,un petit berger, qui entra au château.

Il le fila, et ne fut pas long à se convaincreque chaque fois que le petit pâtre venait à Bidarray, Castel-Rajac,à la nuit, enveloppé d’un grand manteau, enfourchait son cheval etpartait rejoindre sa bien-aimée à travers les défilés de lamontagne.

Voilà qui pouvait être d’une grande utilité…Un accident est si vite arrivé, la nuit, dans cesparages !

Mais le triste personnage ne pensait point àexécuter lui-même sa sombre besogne. Il savait qu’en cas d’échec,il aurait risqué trop gros, et il entendait bien obtenirsatisfaction avec le minimum de risques.

Durbec n’était pas un novice dans ces sortesd’expéditions. Il descendit un jour jusqu’à Pau…

*

**

– Castel-Rajac ! On te demande, monami…

Le gros d’Assignac entra dans la bibliothèqueoù le Gascon lisait. Celui-ci se leva d’un bond et jeta sonlivre.

– Le berger ?

– Oui… fit Hector en clignantmalicieusement de l’œil, car les deux compères savaient fort bience que signifiait pour leur compagnon l’arrivée du gamin.

Gaëtan n’avait même pas entendu la réponse. Ils’était élancé dans le vestibule, où l’enfant l’attendait.

– Monseigneur, dit-il, voici une missivepour vous…

– Merci ! Tiens !attrape !

Le jeune homme lui lança sa bourse en voltige,que l’autre fit disparaître dans sa veste.

Le Gascon fit sauter le cachet, ne remarquantpas, dans sa hâte amoureuse, que celui-ci ne portait pas le sceauhabituel de la duchesse…

La lettre ne contenait que ces mots :

« Ce soir ! »

Il ne songea pas non plus à s’étonner de labrièveté du message. Il était obsédé par l’idée qu’il allait enfinrevoir sa belle maîtresse. Les périodes où elle était absente luisemblaient désespérément longues…

Lorsque la nuit tomba, Castel-Rajac, aprèsavoir hâtivement avalé quelques bouchées, fit seller son cheval etse dirigea vers le petit bourg de Saint-Martin d’Arrossa, où étaitdescendue Marie de Rohan.

Le chemin était assez difficile, car lesentier côtoyait par instants de profonds précipices.

Il en aurait fallu davantage pour fairereculer l’intrépide chevalier ! Il en avait suffisamment vupour ne point redouter les embûches que pouvait réserver lamontagne nocturne.

Cependant, cette fois-ci, il devait être àdeux doigts d’y laisser sa vie…

Il venait de perdre Bidarray de vue, et ilsuivait l’étroit chemin qui reliait les deux villages, sifflotantavec insouciance, laissant flotter les brides du cheval, tout à sonrêve que berçait encore une nuit idéale de pleine lune.

Soudain, d’une anfractuosité de roc, deshommes jaillirent.

Ce fut tellement inattendu que la monture duchevalier fit un brusque écart, et sans la poigne solide de celuiqui le montait, ils roulaient tous les deux dans le gouffre.

– Capédédiou, mes drôles ! criaCastel-Rajac, mettant flamberge au poing, voilà une façon peucivile de souhaiter le bonsoir au voyageur !

Mais sans lui répondre, un grand escogriffe,qui semblait avoir pris la tête de l’attaque, s’écria, tourné versles aigrefins :

– Sus ! Sus ! Jetez-le dans levallon !

– Ouais ! ricana Gaëtan, faisantfaire une demi-volte à son cheval, et s’adossant à la muraillerocheuse pour éviter d’être cerné. Vous pouvez toujours essayer,mais je doute que vous réussissiez !

– Malepeste ! hurla le grand diable,par mon nom de La Rapière, je veux le perdre si je n’ai pas tesos !

– Ho ! ho ! riposta le Gasconsans s’émouvoir. Voilà une outrecuidante prétention, mon ami !J’ai grand peur que tu ne perdes ton élégant sobriquet, etpeut-être même quelque chose de beaucoup plus précieux !

Ce disant, il allongea prestement le bras, etson épée alla trouer l’épaule du truand, qui poussa un hurlement dedouleur et de rage.

Ce fut le signal de l’attaque.

Gaëtan, arc-bouté contre la paroi montagneuse,fit face à ses adversaires. Par deux fois, son épée rencontra unobstacle humain. Un des vide-goussets alla rouler dans l’abîme avecun grand cri. Un autre s’affaissa, la gorge traversée.

Ces deux disparitions, loin de ralentirl’audace des autres, les jetèrent en vociférant vers leuradversaire.

L’éclair bleu des lames rayait la nuit derayons fulgurants, et le cliquetis de l’acier se répercutait auloin dans la vallée, éveillant d’étranges échos…

– En avant ! hurlait La Rapière,qui, bien que blessé, payait de sa personne.

– Mordiou ! grommela le Gascon enparant un coup d’épée et en attaquant aussitôt un adversaire plusentreprenant. Il faut que la récompense soit de taille pour leurinspirer un tel courage ! Serait-ce à Monsieur le Cardinal queje suis redevable de cette gracieuse attention ?

Il aurait pu le croire, car la qualité desferrailleurs et leur nombre pouvaient en effet donner à penser quele prix payé était rondelet.

Castel-Rajac était un escrimeur hors ligne.Cependant, il devenait impossible de faire face à toute cetteracaille. Ils étaient au moins douze contre lui.

– Sangdiou ! s’écria-t-il enéclatant de rire, je vois que Son Éminence ne mésestime pas moncourage ! Douze hommes pour me mettre à la raison !Bravo !

– N’accusez pas Son Éminence !répondit une voix forte, qui semblait jaillir des ténèbres. Cen’est pas Monsieur de Richelieu qui vous a fait tomber dans celâche guet-apens, chevalier ! En garde, toi, là, sacripant, ouje te transperce !

Et, rapide comme la pensée, l’épée du marquisde Navailles, car c’était lui, pourfendait le premier misérablerencontré sur son chemin.

– Et d’un ! Courage, monsieur deCastel-Rajac ! Nous aurons raison de ces coquins !

– Sangdiou ! monsieur, je ne saispas qui vous êtes, mais ce dont je suis sûr c’est que j’ai affaireà un brave gentilhomme !

– Vous ne vous trompez pas, monsieur,répondit le nouveau venu en ferraillant comme un enragé. Je menomme le marquis Gustave de Navailles.

– Capédédiou ! monsieur !riposta le Gascon sans cesser de parer et d’attaquer furieusement.Voici un nom dont je me souviendrai, et j’espère pouvoir vousprouver ma reconnaissance, si cette graine de galère nous en donneloisir !

– Je m’en voudrais de laisser périr unaussi brave cavalier que vous ! Nous mourrons ensemble ou nousvaincrons ensemble, chevalier !

– Voilà qui est parlé ! Hé !toi ! Ton compte est réglé !

Tout en parlant, il avait transpercé un autrecoquin. Mais lui-même venait de recevoir un coup d’épée dans lebras gauche.

– Peuh ! ricana-t-il. Uneégratignure ! Canailles, nous allons vous découper enlanières !

Sur cette hardie gasconnade, il se lança plusaudacieusement que jamais au milieu de la mêlée. Son compagnonfaisait merveille de son côté, tant et si bien que, malgré lespromesses reçues et le coquet acompte déjà touché, les tire-lainefinirent par s’enfuir sans demander leur reste, trouvant la besognetrop ardue.

Ils s’évanouirent dans les ténèbres tandis queles deux hommes se serraient énergiquement la main.

– Monsieur le marquis ! s’écriaCastel-Rajac, sans vous, je ne sais trop comment cette aventure-làaurait tourné ! Ils avaient le nombre pour eux !

– Oui, sourit Navailles, mais nous avionsla valeur pour nous !

Ils éclatèrent de rire, et se séparèrent.Navailles retournant à Bidarray, et Gaëtan continuant sa route versSaint-Martin d’Arrossa.

Là, une étrange surprise l’attendait. Lesvolets étaient clos, les lumières éteintes, et à la fenêtre de lachambre qu’occupait ordinairement sa belle, le chevalier nedistingua nulle lueur.

Il allait mélancoliquement tourner bride,lorsqu’il vit surgir en courant sur le chemin le petit berger quiregagnait son gîte en galopant à perdre haleine. Il s’arrêta net enreconnaissant le chevalier et voulut faire demi-tour. MaisCastel-Rajac, sautant à bas de son cheval, eut tôt fait de lecueillir par le fond de sa culotte.

– Hé ! toi ! s’écria-t-il,viens donc ici, mon gars, que nous ayons deux motsd’explication !

Le gamin baissait le nez.

– Madame la duchesse n’est pas ici,n’est-ce pas ?

Pas de réponse.

Le Gascon tira une pièce d’or de sa bourse,lentement, et la fit miroiter sous les yeux du gamin ébloui.

– Tu l’auras si tu réponds ! Dans lecas contraire, tu recevras une volée de bois vert comme jamais tun’en reçus !

Cette menace acheva de décider le berger.

– Non, Monseigneur !pleurnicha-t-il.

– En ce cas, qui t’a chargé de porter cemot ?

– Un cavalier. Monseigneur… un cavalierque je ne connais pas… Il m’a offert un écu pour la commission…J’ai accepté… Je ne savais pas…

– Hum ! Je ne suis pas si sûr quecela que ta conscience ne te reproche rien… Enfin ! Voilà tapièce. Maintenant, ne t’avise plus de me jouer des tours pareils,sinon, je te transforme en pâté !

Le garçon se hâta de disparaître derrière unéboulis de rochers. Castel-Rajac, riant encore de son effroi,entendit le bruit des sabots claquant précipitamment sur le sol.Puis tout s’éteignit.

Le chevalier remonta à cheval et reprit lechemin de Bidarray, tout songeur. Il était clair que l’agressionavait été voulue, préparée… Mais par qui ?

– Veillons ! conclut-il.

S’il avait été moins préoccupé de combattre etde se défendre, il aurait aperçu, précautionneusement abrité parune roche, un homme drapé dans une ample cape brune. Il vitl’intervention de Navailles, dont le visage était éclairé en pleinpar la lune. Il l’entendit se nommer au Gascon.

– Malédiction ! gronda-t-il, lesdents serrées. L’homme de l’auberge ! L’envoyé ducardinal !

C’était pour lui la preuve tangible queRichelieu, loin de vouloir poursuivre le père adoptif et l’enfantde sa haine, cherchait au contraire à les protéger.

Durbec, malgré la rage qui l’étouffait,comprit qu’il avait tout à perdre et rien à gagner dans une lutte,même occulte, contre le premier ministre. Il regagna Pau par deschemins détournés.

Le lendemain matin, il reprenait la route dela capitale, abandonnant ses projets pour l’instant.

– Patience… murmura-t-il. Mon heuresonnera ! Alors…

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