Oblomov

Chapitre 10

 

Oblomoff se réveilla le matin dans son petitlit. Il n’a que sept ans ; il est leste, gai. Comme il estgentil, rose, potelé ! Ses joues sont si rondelettes qu’unespiègle qui gonflerait les siennes exprès ne réussirait point às’en faire de pareilles.

La bonne attendait son réveil. Elle commence àlui fourrer non sans peine ses petits bas ; il ne se laissepas habiller, il fait des niches, il bat des jambes ; la bonnecherche à attraper ses petons, et tous les deux se pâment derire.

Enfin elle a réussi à le mettre debout ;elle le lave, peigne sa petite tête et le conduit à sa mère. Enrevoyant sa mère morte depuis longtemps, Oblomoff tressaillit dejoie même en rêve, par l’effet de son grand amour pour elle :chez lui, chez l’homme endormi, coulèrent lentement entre les cilset s’arrêtèrent immobiles deux chaudes larmes.

La mère le couvrit de baisers passionnés,ensuite elle l’examina d’un regard avide, inquiet, pour voir s’iln’avait point les yeux troubles ; elle lui demanda s’iln’avait pas mal quelque part, s’enquit près de la bonne s’il avaitdormi paisiblement, s’il ne s’était point réveillé la nuit, s’iln’avait pas été agité par un rêve, s’il n’avait pas eu tropchaud : puis elle le prit par la main et le fit approcher del’image.

Là, se mettant à genoux et l’entourant d’unbras, elle lui soufflait les paroles de la prière. L’enfantdistrait les répétait en regardant par la croisée, qui laissaitpénétrer dans la chambre la fraîche odeur des lilas.

– Irons-nous nous promener aujourd’hui,maman ? demanda-t-il tout à coup au milieu de sa prière.

– Oui, ma petite âme, disait-elle bien vite,sans détourner ses regards de l’image et se dépêchant d’achever lessaintes paroles.

L’enfant les répétait en traînant, mais lamère y mettrait toute son âme. Ensuite ils allaient chez le père,et de là prendre le thé.

Près de la table à thé, Élie vit latrès-vieille tante de quatre-vingts ans qui demeurait chez eux.Elle grognait continuellement contre sa petite servante qui,branlant la tête de vieillesse, la servait en se tenant derrière sachaise.

Là étaient aussi les vieilles demoiselles,parentes éloignées de son père, et, en visite, le beau-frère de samère, à moitié fou, Tchekméneff, propriétaire de sept âmes ;enfin quelques vieilles et quelques vieux.

Toute cette cour et cette suite des Oblomoffs’emparèrent d’Élie et se mirent à le combler de caresses et delouanges. Il avait à peine le temps d’essuyer les traces de leursbaisers importuns.

Après cette cérémonie commençaitl’alimentation du jeune seigneur, avec des petits pains blancs, desbiscuits et de la bonne crème.

Ensuite sa mère, après de nouvelles caresses,l’envoyait se promener au jardin, dans la cour, dans la prairie,non sans recommander sévèrement à la bonne de ne point laisserl’enfant seul, de l’écarter des chevaux, des chiens, du bouc, de nepoint s’éloigner de la maison, et principalement de ne pas luipermettre d’aller à la cavée, l’endroit le plus terrible desenvirons et qui jouissait d’une fort mauvaise réputation.

C’est là qu’on trouva un chien qui fut reconnupour enragé, par ce seul fait qu’il s’était enfui à toutes jambes àl’approche des gens attroupés contre lui avec des fourches et deshaches, et qui disparut quelque part derrière la montagne.

C’est dans la cavée qu’on jetait lescharognes : la cavée était le repaire supposé des brigands,des loups et de mille autres êtres inconnus non-seulement dans lacontrée, mais même dans le monde entier.

L’enfant n’a pas attendu la fin desrecommandations maternelles : depuis longtemps déjà il afranchi la porte. Il parcourt la maison avec un ravissement joyeuxet comme si c’était pour la première fois : il examine laporte cochère qui penche d’un côté, le toit de bois effondré versle milieu, et où s’étale une tendre mousse verte, le perronchancelant, les ailes ajoutées et superposées à la maison, lejardin négligé.

Il a une envie extrême de grimper, pour voirde là le ruisseau, sur la galerie suspendue qui court autour dulogis ; mais la galerie est vermoulue : on ne permetqu’aux gens d’y circuler, et les maîtres n’y vont jamais.

Au mépris des défenses maternelles, il esttout prêt à se diriger vers les degrés tentateurs, quand sur leperron apparaît la bonne, qui le rattrape comme elle peut.

Il se sauve d’elle vers le grenier à foin,avec le dessein d’y monter sur la raide échelle, et, à peinearrive-t-elle au grenier, qu’il faut déjà l’empêcher d’escalader lecolombier, de pénétrer dans la vacherie, et, Dieu l’enpréserve ! dans la cavée.

– Ah ! Seigneur, quel enfant, queltoton ! mais resteras-tu un moment tranquille, monsieur ?C’est honteux ! disait la bonne.

Et toute la journée, et même tous les jours ettoutes les nuits étaient remplis pour la bonne d’inquiétude etd’agitation. C’était tour à tour un grand tourment et une vivejoie ! Tantôt on a peur que l’enfant ne tombe et ne se cassele nez, tantôt on s’attendrit sur ses caresses enfantines etsincères.

On s’inquiète vaguement de son avenir. Le cœurde la vieille ne bat que pour lui, ces émotions seules réchauffentson sang et soutiennent à peine sa vie languissante, qui sans cela,peut-être, se serait éteinte depuis longtemps, depuis bien, bienlongtemps.

Mais l’enfant n’est cependant pas toujourspétulant : parfois il se calme soudain, il se tient assis prèsde sa bonne, et observe tout d’un regard attentif. Son intelligencenaissante suit les phénomènes qui se produisent sous sesyeux ; ils descendent dans les profondeurs de son âme, ensuiteils croissent et mûrissent avec lui.

La matinée est splendide : l’air estfrais, le soleil n’est pas encore bien haut sur l’horizon. Lamaison, les arbres, le colombier, la galerie, tout projette desombres qui s’allongent, et forment dans le jardin et dans la courde fraîches retraites qui vous invitent à la méditation et à larêverie.

Seulement, au loin, le champ de blé paraîtflamboyer, le ruisseau brille au soleil et scintille à vouséblouir.

– Pourquoi donc, ma bonne, qu’il fait sombreici et clair là-bas, et que tantôt là-bas il fera clair ?demande l’enfant.

– Mais, mon petit seigneur, c’est parce que lesoleil va à la rencontre de la lune et que, pour l’apercevoir, ilvoile à demi ses yeux ; tantôt, dès qu’il la verra de loin, ilaura les yeux grands ouverts.

L’enfant tout pensif continue à regarderautour de lui : il voit Anntipe aller à l’eau, et sur laterre, à côté du paysan, chemine un autre Anntipe, dix fois plusgrand que le véritable, et l’ombre du tonneau est grande comme lamaison, et celle du cheval couvre tout le pré ; l’ombre faitdeux pas sur le pré et tout à coup disparaît derrière lamontagne : Anntipe cependant n’a pas eu le temps de quitter lacour.

L’enfant aussi fait un pas, puis un autre,encore un, et il va disparaître derrière la montagne. Il voudrait yaller pour voir ce qu’est devenu le cheval. Il se dirige vers laporte cochère, mais de la croisée on entend la voix de la mère.

– La bonne, ne vois-tu pas que l’enfant courtau soleil ? emmène-le à l’ombre : il pourrait attraper uncoup de soleil ; il aura mal à la tête, mal au cœur ; ilne voudra plus manger. Si tu le laisses faire, il est capable de sesauver dans la cavée.

– Hou ! le polisson ! murmuredoucement la bonne, en l’entraînant vers le perron.

Le petit garçon regarde et observe, avec sasagacité et son penchant à l’imitation, ce que font les grandespersonnes, à quoi elles emploient leur matinée. Aucun détail, aucuntrait n’échappe à son attention curieuse.

Dans son âme se grave ineffaçable le tableaudes habitudes de la vie domestique. Sa molle intelligences’empreint des exemples vivants, et, sans en avoir conscience, ilse trace le programme de sa vie d’après la vie de ceux quil’entourent.

Il serait injuste de dire que la matinée étaitperdue dans la maison des Oblomoff. Le bruit des couteaux, hachantà la cuisine la viande et les légumes, arrivait même jusqu’auvillage.

On entendait sortir de l’office le bruissementde la quenouille et le fredonnement d’une voix flûtée depaysanne : il était difficile de distinguer si elle gémissaitou improvisait un air mélancolique sans paroles.

Dans la cour, dès qu’Anntipe revenait avec letonneau, des différents coins grouillaient vers lui, avec desseaux, des jattes et des cruches, les paysannes et les cochers.Ici, une vieille femme porte de l’office à la cuisine une jatte defarine et un quarteron d’œufs ; là, le cuisinier jette tout àcoup de l’eau par la croisée et arrose Arapka qui, la matinéeentière, sans détourner ses regards, contemple la fenêtre d’un airgracieux en se léchant et en frétillant de la queue.

Le vieux Oblomoff lui-même ne reste pasinoccupé. Toute la matinée, il se tient à la croisée et surveilleconsciencieusement ce qui se passe.

– Hé ! Ignachka, qu’est-ce que tu porteslà, imbécile ? demande-t-il à un homme qui traverse lacour.

– Je porte à l’office les couteaux à repasser,répond celui-ci sans regarder le barine.

– Ah ! porte-les, porte-les, et qu’on lesrepasse bien, entends-tu ? »

Ensuite il arrête une paysanne.

– Hé ! la femme, la femme, d’oùviens-tu ?

La femme s’arrête, s’ombrage les yeux de lamain, et, regardant la fenêtre :

– De la cave, monseigneur, répond-elle, tirerdu lait pour le dîner.

– Ah ! va, va ! réplique le barine,et prends garde de répandre le lait. Et toi, Zakharka, mauvaispetit garnement, où cours-tu encore ? crie-t-il ensuite.Attends, je rapprendrai à courir ! Voilà ! la troisièmefois que tu sors. Va-t’en dans l’antichambre.

Et Zakharka s’en retourne dans l’antichambrepour reprendre son sommeil.

Les vaches reviennent-elles des champs ?le vieillard est le premier à recommander qu’on les abreuve ;voit-il de sa croisée que le chien de cour poursuit unepoule ? tout de suite il prend des mesures sévères contre unpareil désordre.

Sa femme aussi est bien occupée : elleexplique durant trois heures à Averka, le tailleur, le moyen defaire avec la camisole de son mari une jaquette pour le petit Élie.Elle trace elle-même le patron avec la craie et surveille Averkapour qu’il ne voie pas le drap ; ensuite elle passe dans lachambre des servantes, leur distribue la besogne et fixe ce quechacune doit faire de dentelle ; puis elle prend avec elleNastassia Ivanovna ou Stépanida Agapovna, ou quelque autre dame desa compagnie et va faire un tour au jardin dans un but d’utilitépratique, pour voir comment mûrit telle pomme, et si par hasardcelle qui était mûre hier n’est pas tombée. Ici, il fautgreffer ;’là, il faut tailler, et ainsi de suite.

Cependant sa préoccupation principale est lacuisine et le dîner. Pour le dîner, on rassemble toute la maison enconseil ; la vieille tante y est même appelée.

Chacun propose son plat : qui une soupeaux tripes de volaille, qui une soupe au vermicelle, qui un estomacde pore, qui du gras double, qui une sauce rouge ou blanche. Chaqueavis est pris en haute considération, débattu en détail, et ensuiteadopté ou rejeté conformément à la sentence définitive de lamaîtresse du logis.

À la cuisine sont continuellement expédiées ouNastassia Pétrovna, ou Stépanida Ivanovna pour rappeler ceci, pourajouter cela, ou demander autre chose, pour porter le sucre, lemiel, le vin des sauces et veiller à ce que le cuisinier nedétourne rien des provisions.

La préparation de la nourriture était lepremier et principal souci de la vie dans Oblomofka. Quels veaux ony engraissait pour les fêtes annuelles ! Quelles volailles ony élevait ! Que de fines combinaisons, que de science et desoins minutieux pour leur éducation !

Les dindes et les poulets, destinés aux fêtespatronymiques et autres jours solennels, étaient engraissés à lanoisette : les oies étaient privées d’exercice ; un lestenait immobiles, enfermées dans un sac, quelques jours avant lafête, afin qu’elles fussent chargées de graisse.

Quelles provisions il y avait de confitures,de salaisons, de pâtisseries ! quel hydromel, quel kwas onfaisait, quels pâtés on cuisait à Oblomotka !

C’est ainsi que, jusqu’à midi, tous étaient enémoi et en occupation ; c’est ainsi qu’on y vivait de la viepleine, laborieuse, frappante d’activité, d’une fourmilière.

Ni fêtes, ni dimanches n’arrêtaient cesfourmis travailleuses ; non, alors retentissait plus fort etplus fréquent le bruit des couteaux ; la paysanne faisait desvoyages plus nombreux de l’office à la cuisine, avec une doubleprovision de farine et d’œufs ; il y avait à la basse-courplus de gémissements et de sang versé.

On cuisait un gigantesque pâté, dont lesmaîtres eux-mêmes mangeaient encore le lendemain ; letroisième et le quatrième jour, les restes paraissaient àl’office ; le pâté prolongeait son existence jusqu’auvendredi, de sorte qu’un seul morceau tout à fait rassis sansaucune farcissure, tombait, comme une grâce particulière à Anntipe,qui, après avoir fait le signe de la croix, détruisait avec fracaset sans peur cette curieuse pétrification.

Son palais était plutôt flatté par l’idée quele pâté venait de la table seigneuriale, que par le pâté lui-même.Ainsi un archéologue boit de la piquette avec délices, pourvu quece soit dans un débris de vase antédiluvien.

Et l’enfant regardait et observait tout avecson intelligence naissante, qui ne laissait rien échapper. Ilvoyait comment, après une matinée utilement employée et pleine detracas, arrivait midi avec le dîner.

Le milieu de la journée est brûlant ; auciel pas le plus petit nuage. Le soleil est fixe au-dessus de latête et grille l’herbe ; l’air ne circule plus et pèseimmobile.

Ni arbre ni eau, rien ne remue ; sur levillage et les champs plane un silence que rien ne trouble :on dirait que tout est mort. Dans le vide résonne au loin la voixhumaine.

À quarante mètres on distingue le vol et lebourdonnement du hanneton, et dans l’herbe touffue on entend commele ronflement d’un homme qui dormirait d’un doux sommeil[56].

Dans la maison règne aussi un silence de mort.L’heure de la sieste générale a sonné. L’enfant voit que le père,la mère, la vieille tante et la suite, tous se sont retirés chacundans son coin. Celui qui n’a pas de retraite monte au fenil, unautre est allé au jardin, un troisième cherche la fraîcheur sons levestibule, un autre enfin, de son mouchoir voilant son visagecontre les mouches, s’endort là où l’abat la chaleur, où la faitchoir le repas pantagruélique.

Et le jardinier s’est étendu sous un buisson,dans le jardin, près de sa pelle, et le cocher dort dans l’écurie.Élie jette un coup d’œil dans la chambre des domestiques : là,tous sont couchés les uns à coté des autres, sur les bancs, sur leplancher et dans le vestibule, laissant les garçonnets àeux-mêmes : les marmots rampent dans la cour et grouillentdans le sable.

Et les chiens se sont blottis au fond duchenil, heureux qu’il n’y ait personne contre qui aboyer. On peuttraverser la maison d’un bout à l’autre sans y rencontrer âme quivive. Il aurait été facile de tout voler, même de tout emporter surdes chariots : personne ne l’eût empêché ; mais il n’yavait pas de voleurs dans ce pays.

C’est un sommeil qui embrasse tout d’uneétreinte invincible, véritable image de la mort. Tout est mort, etpourtant de chaque coin s’élève un ronflement varié sur tous lestons et dans toutes les cadences.

Parfois quelqu’un relève sa tête en dormant,promène çà et là un regard hébété d’étonnement, se retourne surl’autre flanc, ou, sans ouvrir les yeux, crache à demi éveillé, et,après avoir fait du bruit en mâchant à vide avec les lèvres,balbutie quelques mots incohérents et se rendort.

Un autre, sans crier gare, saute vivement àpieds joints de sa couche, comme s’il craignait de perdre desmoments précieux, saisit la cruche au kwas et y souffle sur lesmouches naufragées pour les chasser vers l’autre bord.

Les mouches, jusque-là immobiles, commencent àse trémousser de toutes leurs forces, espérant se tirer delà ; mais l’homme humecte sa gorge et de nouveau retombe surson lit, comme frappé d’une balle.

Et l’enfant observait toujours. Après ledîner, il allait de nouveau prendre l’air avec sa bonne. Malgré lesinstructions sévères de la dame et sa volonté bien arrêtée, labonne ne pouvait résister au charme du sommeil. Elle aussi étaitatteinte de l’épidémie qui régnait à Oblomofka.

D’abord elle gardait l’enfant avec vigilance,et ne le laissait point s’écarter ; elle le grondaitsévèrement de sa pétulance, puis, sentant les symptômes de lacontagion qui la gagnait, elle commençait à le supplier de ne pasfranchir la porte cochère, de ne point agacer le bouc, et de ne pasgrimper au colombier ou à la galerie.

Elle-même se mettait commodément au frais,quelque part, sur le perron, sur le seuil de la cave, ou simplementsur l’herbe, se laissant choir en apparence pour tricoter son baset surveiller l’enfant.

Bientôt elle le réprimandait mollement enhochant la tête. « Il grimpera, oh ! pour sûr ilgrimpera, ce toton, à la galerie, » murmurait-elle en dormantpresque, ou bien encore, « pourvu que dans lacavée… »

Ici, la tête de la vieille s’affaissait surses genoux, le bas s’échappait de ses mains ; elle perdaitl’enfant de vue et, ouvrant un peu la bouche, elle laissaitentendre un léger ronflement. Et lui attendait avec impatience cetinstant où il devenait son maître.

Il était comme seul au monde ; ils’éloignait de la bonne en courant, et, sur la pointe des pieds,allait voir où chacun dormait ; il s’arrêtait et observait undormeur qui se réveillait, crachait, ou mugissait en rêvant ;ensuite, avec un certain effroi, il montait sur la galerie, enfaisait le tour en courant sur les planches qui craquaient,grimpait au colombier, se glissait furtivement au fond du jardin,écoutait bourdonner les hannetons et suivait du regard leur voldans les airs.

Il prêtait une oreille attentive au bruit quise faisait dans l’herbe, puis cherchait et attrapait lesperturbateurs. Il prenait une demoiselle, lui arrachait les aileset regardait ce qu’elle allait devenir, ou la transperçait d’unbrin de paille et examinait comment elle volait avec cetappendice.

Le voici maintenant qui s’amuse à observer, enretenant son souffle, comment une araignée suce le sang de lamouche qu’elle vient de saisir, comment la pauvre victime se débaten bourdonnant entre ses pattes. L’enfant finit par tuer et lebourreau et la victime.

Ensuite, il descend dans le fossé, y fouille,y découvre des racines, les pèle et les mange avidement : illes préfère aux pommes et aux confitures que lui donne samaman.

Il court aussi derrière la portecochère : il voudrait aller au bosquet de jeunesbouleaux ; ce bosquet lui paraît si près qu’il est sûr d’yarriver en cinq minutes, non par le détour que fait le chemin, maisen coupant droit à travers le fossé, la haie de branchages et lesfondrières ; seulement, il a peur : il y a là, dit-on,des satyres, des brigands et des bêtes épouvantables.

L’enfant a aussi envie de voir la cavée :elle n’est guère qu’à une centaine de mètres du jardin ; ils’est déjà avancé jusque sur ses bords, il a fermé les yeux, puisil a voulu y jeter un coup d’œil, comme dans le cratère d’unvolcan.

Mais soudain son imagination lui rappela tousles récits, toutes les traditions sur cette cavée : la terreurle saisit ; plus mort que vif, il vola en arrière : toutpâle d’effroi, il se jeta sur sa vieille bonne et la réveilla.

Elle bondit de son sommeil, rajusta sonmouchoir sur sa tête, y ramassa avec le doigt ses touffes decheveux gris, et, comme si elle n’avait pas dormi, elle jeta unregard soupçonneux sur le petit Élie, puis sur les fenêtres dubarine, et de ses doigts tremblants commença à fourrer l’une aprèsl’autre les aiguilles dans le bas qui était sur ses genoux.

Cependant, la chaleur diminuait peu àpeu ; tout se ravivait dans la nature ; déjà le soleilavait gagné le bois.

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer