Un crime

IV

– Allons, Quasimodo, fit le brigadier, tu en as trop dit ou pas assez, faut maintenant aller jusqu’au bout, mon vieux.

La tête de Mathurin allait de l’une à l’autre épaule avec une régularité mécanique ainsi qu’un battant d’horloge. À travers le torchis de la masure, crevé depuis longtemps par la gelée, la bise soufflait si fort que la grêle flamme du foyer se couchait chaque fois sur les cendres avec un hoquet de fumée.

– Qu’est-ce que c’est, au juste, l’histoire que tu nous as racontée hier, ton histoire de femme ?

– J’ai vu une femme, répétait le misérable, sûr que je l’ai vue. Une vraie femme avec un caraco de poil. Je l’aurais prise aussi bien pour une bête. Elle se mouvait sans plus de bruit.

– Cigarette ? dit le brigadier.

Il la glissa lui-même entre les dents noires, attendit paisiblement que l’autre eût tiré la première bouffée.

– Ne te trouble pas, mon homme. Laisse-toi faire. On ne te demande que des oui et des non, pas vrai, Pietri ?

Le Corse approuva du menton. Mais il aurait bien plus volontiers lancé son poing entre les deux yeux qui roulaient dans leurs orbites avec une lenteur solennelle.

– Reprenons l’histoire dès le début, vieux farceur. T’as rencontré le curé un peu au-delà de Servières, bon. Tu l’as amené jusqu’à l’entrée du bourg. Bon et bon. Il est descendu au haut de la côte. Ça va. Le chemin mène droit au presbytère, pas moyen de se tromper, ça va encore. Jusqu’ici rien ne cloche, tout est clair.

– Excusez, remarqua le gendarme. Il aurait pu bifurquer sur la droite, face à la rivière, par le raidillon.

– Oui, dit l’ancien berger dont la voix profonde sonnait comme un tambour. Justement.

– Quoi, oui ?… S’agit pas de dire comme nous, t’es libre.

– J’ai cru que le capellan s’était trompé, oui. Une idée seulement. Ouvrant les yeux, je me suis dit : tiens, j’ai dormi. Pharamond s’était mis en travers de la route, les pieds de devant dans le fossé, voilà donc le sous-ventre qui se desserre, la charrette a failli se mettre sur son cul. Pour alors…

– Halte ! fit le brigadier patiemment. Tu dors dans ta voiture, farceur ? À pas cinq cents mètres de ta cambuse ? Des blagues. Tu serais rentré d’abord.

– Fallait que mon cheval souffle, pardi ! Montez-la donc, vous, la côte de Rampont. Avec ça que la descente est plus mauvaise encore, pleine de gros cailloux. Je devais-t-y risquer de le laisser aller sur les genoux, misère ? Pour alors, j’ai fermé les yeux, le froid m’a saisi, je ne sais plus.

– Combien de temps ? Une heure ou deux minutes.

– Sais pas. Le temps d’un Pater.

– D’un Pater ? Tâche de t’exprimer en français.

– Il veut dire d’un Notre Père. Avec ses grimaces, brigadier, le vieux singe est en train de nous rouler. Récite-le donc ton Pater, abruti ! Et sais-tu ce que c’est qu’un Pater ? Tel que t’es, t’as pas dû fatiguer les bancs du catéchisme.

– Les gens parlent ainsi, manière de dire, répliqua le messager d’un air sombre. Pas dormi longtemps, voilà tout.

– Bon. Tu débarques le curé, tu lui montres le chemin, tu fais souffler ton cheval, tu t’endors un moment, tu ouvres les yeux. Fiche-lui la paix, Pietri ! Et quoi que t’as vu en ouvrant les yeux ?

– Pas grand-chose. Une espèce d’ombre qui se défilait par le chemin de la Hure, je l’ai prise pour un chien perdu.

– Menteur ! Sacré menteur ! gronda le gendarme. Brigadier… Il a dit voilà pas cinq minutes, une femme en caraco !

Mais le brigadier lui imposa silence d’un violent coup de talon sur les chevilles. Il reprit d’un ton cordial :

– Écoute, Mathurin, fais-moi plaisir. On va trinquer nous trois. Va quérir la bouteille de marc qui ne doit rien au gouvernement, motus ! Pietri, mets les tasses sur la table, mon homme. Débrouille ! Débrouille ! Pas la peine d’ouvrir la bouche et de tortiller de la prunelle, garçon ! Le litre est là, sous la huche, fais pas l’idiot. Donne-nous la goutte.

Il remplit lui-même les bols, les remplit de nouveau. La sueur perlait au front du messager.

– Le chemin de la Hure, dit-il. Bon. D’accord. Si t’as vu le chemin de la Hure du haut de la côte, t’as de bons yeux, farceur ! Avoue donc que tu as été faire un tour sur la route de Dombasle pour te dégourdir, ou quoi ?

L’ancien berger réfléchissait, le front dans ses mains, une longue mèche déjà grise pendant jusqu’au menton.

– J’ai entendu sonner une pierre, dit-il enfin. Le vent venait de tourner droit au nord. Il y a son et son. Je me suis dit : on marche dans le chemin de la Hure, le capellan s’est trompé. Faut reconnaître qu’il est jeune, pas habitué au pays et il avait l’air malade, il soufflait tout le temps. J’ai rangé mon cheval sur le bas-côté, crié un coup, pas trop fort, pour ne pas effrayer Pharamond.

Il tendit son bol. Nul n’ignorait à Mégère que l’alcool déliait la langue de Mathurin pour des heures, mais il buvait presque toujours seul, et ne parlait guère qu’à son cheval.

– Crié un coup, deux coups, poursuivit-il. Pensez ! La voix devait porter loin. Alors j’ai dévalé le raidillon. J’aurais dû couper la route au capellan. Comme j’arrivais au fond, j’ai vu par la brèche les fenêtres du presbytère allumées. Tiens, que je me suis dit, faut croire que le curé est rentré quand même. Voilà. Vous savez le truc.

– Tu mens, fit le brigadier. Au premier interrogatoire, tu as parlé d’une voix. Écoute, Mathurin, ma parole de brigadier, tu seras inquiété en rien, t’es innocent, le juge ne veut pas qu’on t’embête. Gros rusé ! Tu crois qu’on ne sait pas que tu vends ton gibier et tes truites à sa dame ? Forcément, t’as pas à craindre. T’es paré.

– La voix m’a paru venir d’un peu plus haut que le chemin. Elle gémissait à petits coups, comme ça… heu… heu… C’était de douleur, non, de l’essoufflement plutôt. J’ai pensé : Voilà que ça remonte la pente, je peux couper au court, il y a chance d’arriver avant la route. Et dans le moment que je déboulais parmi les pierres, je l’ai rencontrée, je l’aurais pu toucher de la main.

Il écarta les doigts de son visage, et leva au plafond des yeux si noyés d’ivresse que le brigadier sentit dans le creux de la poitrine le frisson d’angoisse du chasseur à l’affût qui perd de vue son gibier, au bout de la ligne de mire.

– Une fille, reprit l’ancien berger de sa voix étrange qui n’en finissait pas de vibrer dans son énorme poitrine, une grande et belle fille, sûr. On s’est trouvé nez à nez tous deux, aussi couillons l’un que l’autre, parole. Mais je l’ai perdue aussi vite, elle a remonté vers le château, moi vers la charrette, voilà. Chacun son affaire, quoi.

Les mains du brigadier tremblaient d’impatience. Il réussit néanmoins à se taire. La moindre parole eût sans doute rompu le fil fragile qui, pour un moment, liait entre elles les images secrètes que le messager semblait suivre, de ses yeux presque éteints.

– Vous n’avez pas rêvé, Mathurin ? demanda-t-il enfin de sa voix de fonctionnaire, un peu nasale, adroit compromis entre l’accent militaire et le bredouillement de l’homme de loi.

Mais le voiturier était déjà trop ivre pour que l’impressionnât ce vouvoiement insolite. Tandis que le gendarme lui donnait lecture du procès-verbal, il s’endormit, ouvrit seulement les yeux pour signer – une signature que le brigadier s’étonna de trouver correcte. Peu de gens, même à Mégère, savaient que l’ancien berger, bâtard d’un notaire du Velay, avait jadis fréquenté l’école de Gap, jusqu’au jour où la banqueroute paternelle et la disparition du failli, coïncidant avec les premières atteintes de l’épilepsie, l’avaient fait renvoyer au village.

– Brigadier, remarqua Pietri, tandis qu’il regonflait le pneu de sa bicyclette, le juge a du flair. Deux heures après la découverte du crime, je l’ai entendu dire au docteur : « Il doit y avoir une femme là-dessous. »

– Vous parlez sans connaître, répliqua le brigadier, tout enflé de la nouvelle qu’il brûlait d’apprendre à son chef. C’était une supposition, une rigolade. Et savez-vous seulement pourquoi il disait ça au docteur, le juge ? Avez-vous réfléchi au pourquoi de la chose ?

– Ça se pourrait, fit le Corse vexé. Paraît que le particulier, tout moribond qu’il est, avec sa balle dans la colonne vertébrale et le poumon, se met à gigoter chaque fois qu’il voit un jupon. Moi, que voulez-vous, en un sens, je trouve l’idée bête. Un type fait par un autre gars devrait danser à la vue d’une culotte, alors ? Des blagues. On ne sait pas ce qui se passe dans la tête d’un agonisant.

– N’empêche que… La déposition que vous venez d’entendre…

– Oui. Compris. Seulement votre Mathurin, permettez, je le crois plus vicieux qu’il n’en a l’air. Une supposition qu’il se rétracte ? Il dira qu’il avait bu, par exemple, qu’on l’a saoulé. C’est un de ces idiots dont on ne se méfie point, mais qui aiment rien tant que se faire valoir, des vrais charlatans – le haut mal veut ça. Je cause de ce que je sais. La montagne, chez nous, est pleine de ces oiseaux-là. Ils ont le goût de nuire.

Le brigadier affectait de ne pas entendre, bien qu’il ne perdît pas une syllabe de ces paroles perfides. Une nouvelle déception devait d’ailleurs bientôt s’ajouter à la première. La patronne des Quatre-Tilleuls – seule auberge du village – lui apprit que le juge d’instruction était parti pour le presbytère, et qu’il priait qu’on ne le dérangeât sous aucun prétexte. Il serait de retour à l’heure du dîner.

– Vous savez la nouvelle ? interrogea-t-elle d’un air innocent. Vous savez qu’on a retrouvé le revolver ? L’arme du crime, quoi. Juste sous la fenêtre du cabinet, à croire qu’on l’a jetée de là-haut, exprès.

– Bah, dit Pietri venant au secours de son chef, probable que le type l’aura pris des mains de la vieille dame, arraché…

– Vous parlez encore une fois sans connaître, fit le brigadier blême de colère. À l’arrivée des premiers témoins, les persiennes étaient closes, la barre mise. Drôle de fantaisie qu’il aurait eue de fermer le volet avant de déguerpir – et presque tout nu, encore ! Dans une affaire, voyez-vous, gendarme, s’agit d’abord de voir clair dans le jeu des autres. Mon idée, c’est que le revolver était loin, et qu’il n’est pas revenu tout seul. Là-dessus, commencez votre rapport, je vais aller réfléchir sur la route, en attendant le juge.

Le docteur de Mégère sortait du presbytère lorsque le juge y entra. Les deux hommes s’arrêtèrent un moment sous la ridicule tonnelle, parlant à voix basse. L’ombre de Mlle Céleste parut à travers les rideaux.

– Malade ?

– Plus qu’il ne le croit, sans doute. Ne le fatiguez pas trop, cher ami. Il suffit que vous soyez prévenu.

Le docteur ne songeait plus à cacher sa sympathie pour le petit juge, auquel il trouvait, selon son expression, un accent balzacien. Il le comparait à son célèbre confrère de la Comédie humaine.

– Oh ! protesta Frescheville, une simple visite de politesse, d’amitié. Je l’épargnerai le plus possible. Et même…

– Je crains qu’il ne s’épargne guère, lui. Quelle attachante nature ! Voyez-vous, mon cher Frescheville, on nous prend volontiers pour des brutes, nous autres, carabins, parce que notre expérience, nos méthodes, notre formation clinique nous disposent peu aux illusions. Voulez-vous faire quelques pas avec moi sur la route ?

– Je crains que les événements d’hier n’aient dangereusement agi sur ses nerfs. Mettez-vous à sa place, que diable ! Et puis…

Le rond visage du petit juge parut, en un éclair, se couvrir d’une infinité de rides concentriques autour du nez balzacien, froncé par une attention profonde.

– Je me demande si, d’une manière ou d’une autre – simple supposition, absolument gratuite, vous m’entendez, – le crime ne pose pas pour lui une grave question de conscience.

– L’idée m’est venue aussi…

– Curieux, dit simplement le docteur de Mégère, redevenu laconique.

– Je ne vous cache rien, protesta le juge. J’estime autant que vous le caractère de M. l’abbé Dufy, et nous savons comme lui, vous et moi, l’importance du secret professionnel. Je parlais d’une impression, voilà tout. Elle est d’ailleurs si vague, si confuse que je m’en voudrais de tenter quoi que ce soit qui puisse risquer de compromettre gravement…

– Oh ! ne prenez pas mes réserves au tragique, ce prêtre n’a rien d’une femmelette, au contraire. Et d’ailleurs, je ne l’ai pas examiné : le pouls m’inquiète, le regard est d’un grand nerveux, voilà tout. Je crois d’ailleurs qu’il abuse un peu du gardénal. Comme chez beaucoup de ses pareils – je veux dire des prêtres-nés – la part féminine est chez lui très forte, observez son visage. Car je ne fais allusion qu’au physique, évidemment. C’est un mystique de la grande espèce, raisonnable et passionné. Pour moi, il ne moisira pas à Mégère, mais il y réussira très bien. Il réussirait partout. Vous allez le voir entre sa vieille servante et un étonnant petit enfant de chœur, déjà visiblement jaloux l’un de l’autre. C’est très curieux.

Il lui serra la main et disparut dans le soir tombant.

Au bruit de la porte, le curé de Mégère ne leva pas la tête. Ses yeux clos, ses joues creuses, le pincement bizarre de ses lèvres lui faisaient un masque si tragique que le juge délibéra un moment de quitter la salle sur la pointe des pieds comme il y était entré, car il le croyait endormi. Au premier pas en arrière, et à sa grande surprise, la main du prêtre sortit de l’ample pèlerine où elle était blottie et lui fit un signe presque amical. Alors le juge crut s’apercevoir, au mouvement des lèvres, qu’il priait.

– Je m’excuse… commença-t-il.

Mais le curé de Mégère ne l’écoutait pas. Il fixait maintenant la flamme dansante du foyer avec un regard douloureux, comme s’il pesait d’avance ses paroles et qu’il les jugeât décisives, irréparables.

– Je suis content que vous soyez venu, fit-il enfin d’une voix sombre. J’avoue que je n’en puis plus.

De ses yeux, il montra la porte au petit clergeon qui s’éloigna.

– Monsieur, reprit-il après un long silence, croyez-vous en Dieu ?

– Certes ! se récria le petit juge. Les hommes me dégoûtent trop. Le monde a besoin d’un alibi.

– Ne plaisantez pas, dit le prêtre avec lassitude. Il m’en coûterait trop d’aborder avec vous certaine question si… Mais votre réponse, bien que peu convenable, me suffit. Je vous sais sincère.

Il ramena frileusement les pans de son manteau sur ses genoux.

– Monsieur, vous avez devant vous un homme malheureux. Je suis dépositaire d’un secret. Une part de ce secret m’appartient – j’entends par là que je puis en disposer dans l’intérêt de la justice et surtout dans celui d’une pauvre âme tourmentée. L’autre part, j’en devrai compte à Dieu, du premier au dernier mot.

– Vous êtes absolument libre de…

– Non, je ne suis pas libre, interrompit sèchement le curé de Mégère. Si je l’étais, je ne vous aurais certes pas reçu.

– Rien ne presse, monsieur l’abbé. L’enquête suit son cours. Il est facile d’attendre que votre santé…

– Ma santé, fit le prêtre amèrement. Ma santé n’importe pas du tout. Ou du moins il sera temps d’y songer plus tard… Ma santé !

Ses yeux parurent reculer dans leurs orbites, et tout son visage prit une expression d’ironie insupportable qui frappa le petit juge.

– Hé, hé, bégaya-t-il, sans réussir à éviter le regard qui cherchait tout à coup le sien avec la malice et l’obstination de quelque insecte malfaisant, la santé… heu… heu…

– C’est un mot qui m’écœure, poursuivit le prêtre sur le même ton. Cela remplit la bouche comme tous les mots que les hommes ont inventés pour essayer de se donner entre eux l’illusion de la sécurité. La sécurité ! Leur sécurité ! Disons simplement la sécurité de leurs ventres.

– Vous êtes dur, dit le petit juge stupéfait de ce brusque changement, et il semblait suivre avec beaucoup d’attention, du bout de sa bottine, les dessins du tapis, effacés par l’usure.

– Il n’y a pas de sécurité, reprit le curé de Mégère avec une exaltation croissante et en s’efforçant d’ailleurs de ne pas hausser la voix qui prenait dans les notes hautes une sonorité désagréable.

– Pour les hommes supérieurs, soit, objecta le juge poliment. Les hommes ordinaires…

– Il n’y a pas d’hommes ordinaires. Car ceux qu’on appelle ainsi…

Son regard s’était emparé de celui de son interlocuteur et ne le lâchait plus.

– Oui, monsieur, ils n’ont dans la bouche que les mots de raison, de bon sens, ils ressemblent à ces navigateurs égarés qui désignent du doigt sur la carte une route imaginaire qu’ils ont depuis longtemps quittée à leur insu. Pauvres gens ! Leur vie ne reste pas plus longtemps dans le normal que le balancier en mouvement au point mort. Raisonnables ou non, ils finissent toujours par tomber en pleine extravagance, bien que par des voies très différentes. Les uns par timidité, d’autres par imprudence et hardiesse, car leurs folies sont aussi diverses que leurs visages, il n’y a pas deux folies pareilles dans le monde. Il arrive parfois…

Les mots se pressaient si vite dans sa gorge qu’il ne réussissait plus à en articuler chaque syllabe, et pourtant sa voix restait basse et presque douce. Ce contraste avait quelque chose de sinistre.

– Il arrive parfois… oui, on est parfois tout prêt… enfin, qui de nous n’a été tenté d’en finir d’un seul coup avec cette sécurité imbécile ? On voudrait leur ouvrir les yeux, coûte que coûte. Les mensonges les plus grossiers…

Les yeux du petit homme s’étaient fermés peu à peu. La tête inclinée sur l’épaule, il semblait dormir, et son visage était si immobile que l’imperceptible frémissement d’un muscle, à la racine du nez, y apparaissait ainsi qu’un signe extraordinaire. Le prêtre se tut.

– Je vous demande pardon, fit le juge, comme s’il sortait d’un songe, je vous suivais très attentivement. J’ai bien souvent pensé moi-même…

Il n’acheva pas. Son regard gris entre ses cils mi-clos, frappés de biais par la lumière, fit rapidement le tour de la pièce, se fixa un instant sur la porte.

– Vous désirez me parler de Mme Louise, dit-il enfin. C’est une bien singulière personne, un type assez balzacien…

– Vous êtes un homme fin, soupira le curé de Mégère, – lui aussi semblait sortir d’un rêve – fin et subtil. C’est pourquoi je ne ruserai pas avec vous. Je vous demanderai seulement de m’éviter ultérieurement tout contact, du moins direct, avec la police et les enquêteurs.

– Mon devoir… commença le juge.

– Si, monsieur, vous me l’épargnerez. Qui sait si les renseignements dont je dispose – dont je disposerai bientôt peut-être – ne vous permettront pas de clore une instruction qui semble vous promettre – de votre propre aveu – plus d’un mécompte…

– Plus de mécomptes que de plaisir, soit !… Je vous entends… Nous parlons d’ailleurs en amis…

– Voyez-vous, monsieur le juge, reprit le prêtre avec une vivacité soudaine, en poursuivant en moi quelque secret, vous courez après une ombre. Le peu que je sais suffit : le problème posé à ma conscience sacerdotale n’est douloureux que pour moi. Que me veut-on ? Oui, que veut-on que je sache d’un crime commis dans un pays inconnu de moi, sur une malheureuse personne dont, il y a deux semaines, j’ignorais jusqu’à l’existence ? La victime est morte. Un autre juge que vous a reçu l’aveu du criminel et, je l’espère, son repentir. Le mal commis est donc irréparable, et la société ne saurait même plus s’en venger sur son auteur. Alors ? J’aurais cru que la justice classait rapidement ces sortes d’affaires.

– Je voudrais que le problème fût aussi simple…

– Évidemment, il ne l’est plus, si l’on sort du domaine des faits pour entrer dans celui des mobiles que nous appelons, nous, les intentions. Et ce domaine est pratiquement illimité.

– Justement. Voyez-vous, reprit le magistrat, nous savons réellement très peu de chose sur les différentes personnes mêlées à ce drame, en apparence banal. On ignore trop, dans le public, quelles difficultés nous rencontrons, dès qu’il s’agit de rassembler sur tel et tel les renseignements nécessaires pour dégager l’individu réel, concret, de cette apparence sociale qui peut varier si curieusement aux diverses époques de la vie. On enseigne que le corps humain se renouvelle tout entier, jusqu’à la dernière cellule, en une dizaine d’années. Il ne faut pas un délai plus long pour changer socialement de peau. Ainsi le monde est plein de vieux hommes ou de vieilles femmes dont le passé ne se remonte pas. Les registres d’état civil ou les études notariales fournissent bien quelques points de repère, mais que valent-ils pour permettre d’apprécier certaines existences trop longues, et dont tous les témoins sont morts ?… Hé bien, il y a dans cette affaire pas mal de gens peu… peu déchiffrables. La victime d’abord. Cette dame de Mégère, ici, n’est-ce pas, elle faisait déjà comme partie du paysage. On ne la voyait même pas vieillir ; les très vieilles gens ne vieillissent plus. Il faut un peu de réflexion pour l’imaginer ailleurs… au Caire, par exemple, où elle habitait encore il y a douze ans… Un peu plus tôt, je dois dire, on l’aurait trouvée à Auteuil, dans une pension de famille très chic… Un peu plus tôt encore, à Vence. Et savez-vous en quel endroit de la terre elle a dû apprendre la première nouvelle de la déclaration de guerre de 1914 ? À Ceylan, cher ami. Des palaces, oui ! Des pensions de famille tant qu’on voudra, mais de famille point… L’héritière est une arrière-petite-nièce du mari.

– Quelle héritière ? demanda le curé d’une voix où se trahissait un peu d’impatience, dissimulée par politesse.

– L’héritière est une demoiselle de Châteauroux – rien d’intéressant de ce côté-là, – une brave fille dévote, qui vit en recluse, une personne inoffensive.

– Les vieilles filles dévotes sont rarement inoffensives, dit le curé de Mégère d’un air las.

Et aussitôt il corrigea le mot d’un sourire.

– Oh ! soyez tranquille, nous n’avons rien négligé, répliqua le petit juge sur le même ton. La demoiselle n’a pas quitté Châteauroux depuis des mois… Et vous en serez quitte, cher ami, pour un jugement téméraire – je crois que c’est le mot ?…

– Une plaisanterie téméraire, plutôt… Mais, permettez, cette demoiselle ne me paraît pas appartenir, elle, à l’espèce dont vous parliez tout à l’heure, des vieillards migrateurs et mystérieux. Son passé ne doit pas être difficile à remonter.

– Son passé ne présente aucun intérêt. Mais il y a aussi par là une inimitié entre les familles dont la cause est bien obscure. La pauvre fille n’a jamais été reçue, elle ne connaissait même pas sa tante, et je ne vous cacherai pas qu’on la disait déshéritée par avance. Monseigneur lui-même… Mais cela est une autre histoire, et je ne puis former un jugement sur des rapports hâtifs, forcément incomplets ou même contradictoires… Je me défends de rien dramatiser. Oh ! sans doute, on croit volontiers que nous voyons le drame partout, alors que la plupart de nos expériences nous enseignent, au contraire, un certain optimisme, oh ! un optimisme à base d’amertume, un optimisme sans illusion… Le crime est rare ; je veux dire le crime qualifié, authentique, tombant sous le coup de la loi. Les hommes se détruisent par des moyens qui leur ressemblent, médiocres comme eux. Ils s’usent sournoisement. Et les crimes d’usure, monsieur, ça ne regarde pas les juges !…

Il passa sur ses lèvres, après un silence, sa langue rose et pointue.

– Reste cette Mme Louise, dit-il enfin.

Une seconde leurs yeux se cherchèrent, puis ils échangèrent ensemble un même regard, pareillement réfléchi, attentif.

– J’ai parlé à Mme Louise, en effet, dit brusquement le prêtre avec une simplicité déconcertante. J’aurais même souhaité, je l’avoue, n’attirer là-dessus l’attention de personne. N’importe. La surveillance qu’on exerce sur moi…

– Pardon ! protesta le juge, écarlate.

– Pour avoir des avantages, elle a aussi ses risques. N’essayez pas d’abuser de mon inexpérience, reprit-il en haussant doucement les épaules, je ne suis pas si naïf. Votre intérêt et votre amitié auraient avantage à m’épargner en des matières si délicates. Car, enfin, les confidences que nous recevons, même en dehors du ministère proprement dit, ne sont tout de même pas des confidences comme les autres.

– Je voudrais que vous parliez plus clairement, dit le juge. Que désirez-vous ? Que racontez-vous ? Il ne m’est naturellement jamais venu à l’idée de vous garder à ma disposition.

– Sans doute. Et, de votre part, je n’attends que des procédés irréprochables, dignes de vous et de moi. Êtes-vous aussi sûr de vos subordonnés ? Certes, je ne doute pas d’obtenir de mes supérieurs, dans un délai plus ou moins éloigné, un autre poste. Mais aussi longtemps que leur volonté me tiendra dans celui-ci, je dois défendre, même contre vous, la dignité d’un ministère, hélas ! déjà trop compromise par mon inexpérience et mes étourderies. Toute surveillance exercée sur cette maison, sur ses abords, sur les gens que j’y appelle, peut prendre, aux yeux de mes paroissiens, un caractère fâcheux, extrêmement fâcheux… C’est ainsi qu’il y a vingt minutes à peine, comme je me penchais à cette fenêtre en compagnie de M. le docteur, nous avons pu apercevoir, par-dessus la haie…

– Mille pardons ! Il s’agit d’un simple malentendu. L’inspecteur Grignolles, arrivé tout à l’heure de Grenoble, croyait me trouver ici.

– Vous voyez vous-même…

– Mais je ne vois rien ! fit le juge, de nouveau écarlate. Je répète qu’il s’agit d’un simple malentendu.

– Alors, à quoi bon courir le risque de… Il se renouvellerait sûrement ! Puis-je disposer librement de deux jours, trois au plus ?…

– Évidemment !

– Trois jours d’une liberté absolue, sans réserves. En conscience, je ne puis vous garantir qu’à ce prix un résultat favorable à la démarche que je vais tenter. Car la moindre intervention de vos collaborateurs la ferait échouer sûrement. J’ajoute qu’un échec engagerait si gravement ma liberté, mon honneur…

Il hésita.

– Cela briserait ma vie, conclut-il.

La petite tête du juge restait drôlement penchée sur l’épaule comme celle d’un oiseau. Et le curé de Mégère ne distinguait d’elle, dans l’ombre, qu’une oreille rose et lisse, attentive.

– Je ne demande que votre parole, murmura-t-il à voix basse. Je ne désire pas être espionné, voilà tout.

Une bûche croula dans les cendres.

Le juge se leva lentement, tapota de la main ses genoux, étouffa un bâillement et dit en haussant les épaules avec l’espèce de compassion indulgente qu’on a pour un enfant capricieux, ce sourire qui avait triomphé de l’obstination de tant d’adversaires moins rusés.

– Je puis vous faire conduire jusqu’à la gare de Dombasles dans ma voiture. Je pense que votre intention est d’aller prendre les instructions de vos supérieurs à Grenoble.

– Oui, cela est aussi dans mes intentions.

– Bon, approuva le juge, poursuivant visiblement au fond de lui-même un raisonnement mystérieux. La chose est simple. Quelle que soit la marche de l’enquête, votre présence ici n’est pas indispensable, et il m’est très facile de justifier une absence momentanée ? Pourquoi vous refuserais-je ce service ? Entre nous, mon cher curé, je préfère vous avoir pour ami que pour…

Il eut un rire forcé, presque aigu, et comme s’avisant trop tard de retenir une parole imprudente, s’écria en rougissant légèrement.

– Vous êtes réellement extraordinaire ! Le prêtre le plus extraordinaire que j’aie jamais vu.

– Hélas ! soupira le curé de Mégère, expliquez-vous.

– Mon Dieu, à peine serais-je capable d’expliquer à moi-même, d’analyser… une… une impression très complexe – il répéta deux fois ce mot avec une satisfaction très visible. Et tenez, par exemple… Oh ! peu de chose sans doute, un détail – mais enfin j’ai quelque expérience du visage humain… une expérience professionnelle, oserais-je dire. Hé bien, il y a dans les traits du vôtre un tel contraste qu’en vérité… Allons ! Je dois vous faire en ce moment l’effet d’un imbécile.

– Non, répliqua gravement le prêtre. Je crois simplement que ce contraste est dans votre esprit.

– Peut-être… Et néanmoins une telle jeunesse des traits, une expression – excusez-moi – presque enfantine alors que… Voyons, même au séminaire on a dû vous dire quelque chose de votre extraordinaire ascendant ? Un prêtre de votre âge n’a pas d’habitude cette assurance profonde qui… On croirait que vous avez longtemps vécu.

– J’ai souffert, monsieur, cela revient sans doute au même. Mais rassurez-vous ! Ni au séminaire ni ailleurs personne ne s’en est jamais soucié…

Il ramena frileusement les plis de son châle sur sa poitrine et dit en souriant :

– Je crois que vous voulez surtout retarder le plus possible une formalité désagréable. Vous n’y échapperez pourtant pas. Ai-je votre parole, oui ou non ?

– Vous l’avez.

Du même pas, bien que raffermi, le curé de Mégère s’éloigna de la fenêtre, reprit sa place au coin du foyer. Sa figure impassible n’avait d’autre mouvement que les reflets du foyer demi-mort, qui en faisaient jouer les ombres. Et l’expression de ce visage était plutôt celui de la fatigue et de l’ennui.

– Vous l’avez, reprit le juge. Vous l’avez, telle que vous me l’avez demandée, sans condition d’aucune sorte. Avouez maintenant que ma curiosité… Il m’est difficile de ne pas voir plus qu’une coïncidence fortuite entre le désir auquel je viens de me rendre et… votre entretien avec…

– Avec Mme Louise ? Vous ne vous trompez pas. Et retenez encore ceci, monsieur. Je ne suis qu’un prêtre sans expérience, mais je sais ce dont je parle, et je pèse mes mots. Quoi qu’il arrive, je vous donne ma parole, ma parole de prêtre, que cette personne est non seulement irréprochable, cela va de soi, mais que ma responsabilité se trouve gravement engagée à son égard. Nul ne peut la délier que moi d’un engagement que je lui ai fait prendre. Vous commettriez une cruauté en cherchant à lui arracher un secret qui d’ailleurs serait, pour l’instant, et hors de ma présence, absolument inutile à l’enquête. Cela aussi, je vous l’affirme, sur mon honneur sacerdotal.

– Êtes-vous bon appréciateur en pareille matière ? fit le magistrat, en soupirant.

– L’avenir vous le démontrera bientôt, reprit le prêtre avec une autorité soudaine. Qu’avez-vous à craindre de moi ? Que pourrait contre la justice un malheureux curé soumis à une discipline stricte, et que la plus légère extravagance perdrait aux yeux de ses supérieurs ? Ne pouvez-vous courir le risque d’un retard de quelques jours dans une enquête que vous conduirez d’ailleurs, en attendant, comme il vous plaira, si je m’affirme capable, avec un peu de chance et l’aide de Dieu, d’apporter une lumière complète, totale sur une affaire, d’ailleurs beaucoup moins obscure que vous ne pensez ? Car, j’ai encore une requête à vous présenter. Peut-être, au cours de mon absence, me verrai-je dans l’obligation d’appeler auprès de moi – oh ! pour un délai bien court, vingt-quatre heures suffiront sans doute – Mme Louise. La laisserez-vous me rejoindre, dans les mêmes conditions que je vais partir moi-même, c’est-à-dire absolument libre de toute surveillance ?

Le juge s’agitait sur sa chaise, avec une impatience croissante.

– Écoutez, mon cher ami, dit-il tout à coup et comme n’y tenant plus, vous êtes libre de ne pas parler, mais vous avez tort de jouer avec moi aux propos interrompus. Allons donc ! je ne suis pas un enfant ! Et encore un enfant s’apercevrait que vous en savez plus long que vous ne voulez en avoir l’air, car je ne puis croire que vous vous amusiez à m’intriguer, pour rien… pour le plaisir. Après tout, il s’agit d’une affaire sérieuse, que diable ! Oh ! je rends hommage à la correction de votre attitude. Dans des circonstances pareilles un prêtre de votre âge aurait pu aisément s’affoler. Mais – pardonnez-moi – vous m’étiez hier encore totalement inconnu. Il ne vous a pas fallu dix minutes pour gagner ma confiance, à ma grande surprise d’ailleurs, car je ne la donne pas aisément d’habitude. Et depuis quelques temps – disons depuis un événement que j’ignore, mais que je crois deviner – vos hésitations, vos réticences… Bref, il semble que ma confiance vous gêne, que vous vous efforcez de la décevoir, de la blesser, de la lasser.

– Quel événement ? demanda le curé de Mégère.

– Que sais-je ?… L’aveu de Mme Louise, par exemple.

Le visage du prêtre ne montra aucune surprise, mais seulement une réelle souffrance.

– Votre imagination travaille sur ce thème, dit-il avec un soupir. Qu’y puis-je ? Mais vous oubliez que ces émotions m’ont horriblement fatigué. À la lettre, je ne tiens plus debout. Ce que vous prenez pour une attitude équivoque n’est qu’épuisement des nerfs, voilà tout.

– Il est trop facile de mettre au compte des nerfs… commença le juge sur le ton d’un écolier récitant sa leçon.

– Oh ! ma conscience ne me fait aucun reproche, protesta le curé de Mégère, avec un pauvre sourire. Vous ne pouvez d’ailleurs comprendre ce que je sens. Vous avez une mission à remplir, vous servez la justice, votre justice, que vous importe ! Hélas ! il ne m’est pas même permis de vous envier. Je suis hors de jeu, et tout indigne représentant que je sois d’une justice supérieure à la vôtre, d’un pouvoir au-dessus de tous les pouvoirs, personnellement je ne puis rien, je suis aussi désarmé qu’un enfant. Je vous regarde seulement vous agiter autour de ces deux cadavres avec un frémissement de dégoût, une espèce d’horreur dont je ne suis pas maître. Que de choses j’ai apprises depuis quelques heures ! Et par exemple, un crime, un meurtre, cela m’apparaissait jadis tellement plus simple ! Une vie de plus ou de moins, alors que chaque minute en moissonne des milliers à travers le monde ! Et maintenant…

Il s’était levé brusquement, mais sa haute taille restait un peu courbée, et il s’appuyait d’une main au mur.

– Je vois maintenant que chaque crime crée autour de lui comme une sorte de tourbillon qui attire invinciblement vers son centre innocents ou coupables, et dont personne ne saurait calculer à l’avance la force ni la durée. Oui, monsieur. reprit-il avec une agitation croissante, un geste à peine moins insignifiant qu’une chiquenaude déclenche une puissance mystérieuse qui roule dans le même remous, pêle-mêle, le criminel et ses juges, aussi longtemps qu’elle n’a pas épuisé sa violence, selon des lois qui ne nous sont point connues. Et vous… Et vous…

Il balbutia les derniers mots dans une sorte de râle, glissa sur les genoux, battant l’air de ses bras. Son front sonna contre le mur.

Au lieu d’intervenir, le juge d’instruction resta un moment immobile portant son regard avec une rapidité extraordinaire aux quatre coins de la chambre, puis il le ramena sur le corps inerte étendu à ses pieds. Son hésitation ne dura qu’une seconde, mais la curiosité à son paroxysme marqua tous ses traits jusqu’à faire de ce visage poupin, le temps d’un éclair, une sorte de masque grimaçant. L’arrivée de Mme Céleste, brisant brusquement sa terrible tension nerveuse, le fit chanceler comme un homme ivre.

Déjà le prêtre ouvrait les yeux. Puis il se remit lui-même debout.

– Je vous demande pardon, fit-il en souriant. Je suis sujet à ces sortes de crises. Le mieux, sans doute, est de me mettre au lit.

– J’ai abusé de vos forces, protesta le juge, c’est à moi de vous demander pardon.

Il fit en même temps, et probablement à son insu, le geste de quelqu’un qui remet à plus tard une besogne urgente, se détourne à regret de l’occasion perdue. Mais l’occasion perdue ne se retrouverait plus. Il ne devait jamais revoir le curé de Mégère.

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