Ange Pitou – Tome I (Les Mémoires d’un médecin)

Chapitre 32Le médecin du roi

Quelques minutes après le désir formulé par la reine, désir
que celle de ses femmes à laquelle il avait été manifesté s’étaitmise en
devoir d’accomplir, Gilbert, surpris, légèrement inquiet,profondément ému,
mais sans que rien se manifestât à la surface, Gilbert seprésentait devant
Marie-Antoinette.

Le maintien noble et assuré, la pâleur distinguée de l’homme
de science et d’imagination à qui l’étude fait une seconde nature,pâleur
encore rehaussée par le costume noir du tiers, que non seulementtous les
députés de cet ordre, mais encore les hommes qui avaient adopté lesprincipes
de la Révolution, se faisaient un devoir de porter ; la mainfine et
blanche de l’opérateur sous la simple mousseline plissée, la jambesi fine, si
élégante, si bien prise enfin que nul à la cour n’en pouvaitmontrer une mieux
modelée aux connaisseurs et même aux connaisseuses del’Œil-de-Bœuf ; avec
tout cela un mélange de respect timide pour la femme, de tranquilleaudace
envers la malade, rien pour la reine : telles furent lesnuances rapides
et nettement écrites que Marie-Antoinette, avec son aristocratiqueintelligence,
sut lire dans la personne du docteur Gilbert au moment où s’ouvritpour lui
donner passage la porte de sa chambre à coucher.

Moins Gilbert fut provocant dans sa démarche, plus la reine
sentit sa colère s’accroître. Elle s’était fait de cet homme untype odieux,
elle se l’était naturellement, et presque involontairement,représenté
semblable à un de ces héros de l’impudence comme elle en voyaitsouvent autour
d’elle. L’auteur des souffrances d’Andrée, cet élève bâtard deRousseau, cet
avorton devenu homme, ce jardinier devenu docteur, cet échenilleurd’arbres
devenu philosophe et dompteur d’âmes, Marie-Antoinette malgré ellese le
représentait sous les traits de Mirabeau, c’est-à-dire de l’hommequ’elle
haïssait le plus après le cardinal de Rohan et La Fayette.

Il lui avait paru, avant qu’elle ne vît Gilbert, qu’il
fallait un colosse matériel pour contenir cette colossalevolonté.

Mais quand elle vit un homme jeune, droit, mince, aux formes
sveltes et élégantes, à la figure douce et affable, cet homme luiparut avoir
commis le nouveau crime de mentir par son extérieur. Gilbert, hommedu peuple,
de naissance obscure, inconnue ; Gilbert, paysan, manant,vilain ;
Gilbert fut coupable aux yeux de la reine d’avoir usurpé des dehorsde
gentilhomme et d’homme bon. La fière Autrichienne, ennemie jurée dumensonge
chez autrui, s’indigna et conçut subitement une haine de ragecontre le
malheureux atome que tant de griefs différents lui faisaientennemi.

Pour ses familiers, pour ceux qui étaient habitués à lire
dans ses yeux la sérénité ou la tempête, il était facile de voirqu’un orage
plein de foudres et d’éclairs grondait dans le fond de soncœur.

Mais comment une créature humaine, fût-elle une femme,
eût-elle pu suivre, au milieu de ce tourbillon de flammes et decolères, la
piste des sentiments étranges et opposés qui s’entrechoquaient dansle cerveau
de la reine et lui gonflaient la poitrine de tous ces poisonsmortels que
décrit Homère ?

La reine d’un regard congédia tout le monde, même madame de
Misery.

Chacun sortit.

La reine attendit que la porte fût refermée sur la dernière
personne, puis, ramenant les yeux sur Gilbert, elle s’aperçut quelui n’avait
pas cessé de la regarder.

Tant d’audace l’exaspéra.

Ce regard du docteur était inoffensif en apparence, mais
continuel, mais plein d’intention, mais pesant à un tel point que
Marie-Antoinette se sentait forcée d’en combattrel’importunité.

– Eh bien ! monsieur, dit-elle avec la brutalité d’un
coup de pistolet, que faites-vous donc, debout, devant moi, à meregarder, au
lieu de me dire de quoi je souffre ?

Cette furieuse apostrophe, appuyée des éclairs du regard,
eût foudroyé tout courtisan de la reine, elle eût fait tomber auxpieds de
Marie-Antoinette, en demandant grâce, un maréchal de France, unhéros, un
demi-dieu.

Mais Gilbert répondit tranquillement :

– C’est par les yeux, madame, que le médecin juge d’abord.
En regardant Votre Majesté, qui m’a fait appeler, je ne satisfaispas une vaine
curiosité, je fais mon métier, j’obéis à ses ordres.

– Alors vous m’avez étudiée ?

– Autant qu’il a été en mon pouvoir, madame.

– Suis-je malade ?

– Non point dans le sens du mot, mais Votre Majesté est en
proie à une vive surexcitation.

– Ah ! ah ! fit Marie-Antoinette avec ironie, que
ne dites-vous donc de suite que je suis en colère ?

– Que Votre Majesté permette, puisqu’elle a fait venir un
médecin, que le médecin se serve du terme médical.

– Soit. Et pourquoi cette… surexcitation ?

– Votre Majesté a trop d’esprit pour ignorer que le médecin
devine le mal matériel, grâce à son expérience et aux traditions del’étude,
mais qu’il n’est point un devin pour sonder à première vue l’abîmedes âmes
humaines.

– Ce qui veut dire qu’à la seconde ou troisième fois, vous
pourriez dire non seulement ce que je souffre, mais encore ce queje
pense ?

– Peut-être, madame, répondit froidement Gilbert.

La reine s’arrêta frémissante ; on voyait sur ses
lèvres sa parole prête à jaillir, bouillonnante et corrosive.

Elle se contint.

– Il faut vous croire, dit-elle, vous, un savant homme.

Et elle accentua ces derniers mots avec un mépris tellement
sanglant que l’œil de Gilbert sembla s’éclairer à son tour du feude la colère.

Mais une seconde de lutte suffisait à cet homme pour qu’il
se donnât la victoire.

Aussi, le front calme et la parole libre, il reprit presque
aussitôt :

– Trop bonne est Votre Majesté de m’accorder un brevet de
savant homme sans avoir expérimenté ma science.

La reine se mordit les lèvres.

– Vous comprenez que je ne sais pas si vous êtes savant,
reprit-elle ; mais on le dit, et je le répète d’après tout lemonde.

– Eh ! Votre Majesté, alors, dit respectueusement
Gilbert, s’inclinant plus bas qu’il ne l’avait encore fait, il nefaut pas
qu’une intelligence comme la vôtre répète aveuglément ce que dit levulgaire.

– Vous voulez dire le peuple ? reprit insolemment la
reine.

– Le vulgaire, madame, répéta Gilbert avec une fermeté qui
fit tressaillir au fond du cœur de la femme on ne sait quoi dedouloureusement
impressionnable à des émotions inconnues.

– Enfin, répondit-elle, ne discutons point là-dessus. On
vous dit savant, c’est l’essentiel. Où avez-vous étudié ?

– Partout, madame.

– Ce n’est pas une réponse.

– Nulle part, alors.

– J’aime mieux cela. Vous n’avez étudié nulle part ?

– Comme il vous plaira, madame, répondit le docteur en
s’inclinant. Et cependant c’est moins exact que de direpartout.

– Voyons, répondez, alors, s’écria la reine exaspérée, et
surtout, par grâce ! monsieur Gilbert, épargnez-moi cesphrases.

Puis, comme à elle-même :

– Partout ! partout ! Qu’est-ce que cela
signifie ? c’est un mot de charlatan, d’empirique, de médecindes places
publiques, cela. Prétendez-vous m’imposer avec des syllabessonores ?

Elle avança le pied en regardant Gilbert avec des yeux ardents
et des lèvres frémissantes.

– Partout ! Citez ; voyons, monsieur Gilbert,citez.

– J’ai dit partout, répondit froidement Gilbert, parce qu’en
effet j’ai étudié partout, madame, dans la chaumière et dans lepalais, dans la
ville et dans le désert, sur nous et sur la bête, sur moi et surles autres,
comme il convient à un homme qui chérit la science et qui va laprendre partout
où elle est, c’est-à-dire partout.

La reine, vaincue, lança un regard terrible à Gilbert, qui
lui, de son côté, continuait à la regarder avec une fixitédésespérante.

Elle s’agita convulsivement et en se retournant, renversa le
petit guéridon sur lequel on venait de lui servir son chocolat dansune tasse
de Sèvres.

Gilbert vit tomber la table, vit se briser la tasse, mais ne
bougea point.

Le rouge monta au visage de Marie-Antoinette ; elle
porta une main froide et humide à son front brûlant, et, prête àlever de
nouveau les yeux sur Gilbert, elle n’osa.

Seulement, elle prétexta pour elle-même un mépris plus grand
que l’insolence.

– Et sous quel maître avez-vous étudié ? continua la
reine, reprenant la conversation au même endroit où elle l’avaitlaissée.

– Je ne sais comment répondre à Sa Majesté sans courir le
risque de la blesser encore.

La reine sentit l’avantage que venait de lui offrir Gilbert,
et se jeta dessus comme une lionne sur sa proie.

– Me blesser, moi ! Vous, me blesser, vous !
s’écria-t-elle. Oh ! monsieur, que dites-vous là, vous,blesser une
reine ! Vous vous méprenez, je vous jure. Ah ! monsieurle docteur
Gilbert, vous n’avez pas étudié la langue française à d’aussibonnes sources
que la médecine. On ne blesse pas les gens de ma qualité, monsieurle docteur
Gilbert, on les fatigue, voilà tout.

Gilbert salua et fit un pas vers la porte, mais sans qu’il
fût possible à la reine de découvrir sur son visage la moindretrace de colère,
le moindre signe d’impatience.

La reine, au contraire, trépignait de rage ; elle fit
un bond comme pour retenir Gilbert.

Il comprit.

– Pardon, madame, dit-il ; c’est vrai, j’ai eu le tort
impardonnable d’oublier que, médecin, je suis appelé devant unemalade.
Excusez-moi, madame ; désormais je m’en souviendrai.

Et il revint.

– Votre Majesté, continua-t-il, me paraît toucher à une
crise nerveuse. J’oserai lui demander de ne s’y pointabandonner ; tout à
l’heure elle n’en serait plus maîtresse. En ce moment, le poulsdoit être
suspendu, le sang afflue au cœur : Votre Majesté souffre,Votre Majesté
est prête d’étouffer, et peut-être serait-il prudent qu’elle fîtappeler une de
ses femmes.

La reine fit un tour dans la chambre, et, se
rasseyant :

– Vous vous appelez Gilbert ? demanda-t-elle.

– Gilbert, oui, madame.

– C’est étrange ! j’ai un souvenir de jeunesse dont la
bizarre insistance vous blesserait sans doute beaucoup, sije vous le disais.
N’importe ! blessé, vous vous guérirez, vous qui n’êtes pasmoins solide
philosophe que savant médecin.

Et la reine sourit ironiquement.

– C’est cela, madame, dit Gilbert, souriez et domptez peu à
peu vos nerfs par la raillerie, c’est une des plus bellesprérogatives de la
volonté intelligente que de se commander ainsi à soi-même. Domptez,madame,
domptez, mais sans forcer cependant.

Cette prescription du médecin fut faite avec une telle suavité
de bonhomie, que la reine, tout en sentant l’ironie profondequ’elle enfermait,
ne put s’offenser de ce que Gilbert venait de lui dire.

Seulement elle revint à la charge, reprenant l’attaque où
elle l’avait laissée :

– Ce souvenir dont je vous parle, acheva-t-elle, le voici.

Gilbert s’inclina en signe qu’il écoutait.

La reine fit un effort, et fixa son regard sur le sien.

– J’étais dauphine alors, et j’habitais Trianon. Il y avait
dans les parterres un petit garçon tout noir, tout terreux, toutrechigné, une
manière de petit Jean-Jacques, qui sarclait, bêchait, échenillaitavec ses
petites pattes crochues. Il s’appelait Gilbert.

– C’était moi, madame, dit flegmatiquement Gilbert.

– Vous ? fit Marie-Antoinette, avec une explosion de
haine. Mais j’avais donc raison ! mais vous n’êtes donc pas unhomme
d’études !

– Je pense que puisque Votre Majesté a si bonne mémoire,
elle se rappelle aussi les époques, dit Gilbert. C’était en 1772,si je ne me
trompe, que le petit garçon jardinier dont parle Votre Majestéfouillait la
terre pour gagner sa vie dans les parterres de Trianon. Nous sommesen 1789. Il
y a donc dix-sept ans, madame, que les choses que vous dites sesont passées.
C’est beaucoup d’années au temps où nous vivons. C’est beaucoupplus qu’il n’en
faut pour faire du sauvage un savant ; l’âme et l’espritfonctionnent vite
en certaines conditions, comme poussent vite en serre chaude lesplantes et les
fleurs ; les révolutions, Madame, sont les serres chaudes de
l’intelligence. Votre Majesté me regarde, et malgré la netteté deson regard,
elle ne remarque pas que l’enfant de seize ans est devenu un hommede
trente-trois ; elle a donc tort de s’étonner que l’ignorant,le naïf petit
Gilbert soit devenu, au souffle de deux révolutions, un savant etun
philosophe.

– Ignorant, soit… mais naïf, naïf, avez-vous dit, s’écriafurieusement
la reine ; je crois que vous avez appelé le petit Gilbertnaïf ?

– Si je me suis trompé, madame, ou si j’ai loué ce petit garçon
d’une qualité qu’il n’avait pas, j’ignore en quoi Votre Majestépeut savoir
mieux que moi qu’il possédât le défaut contraire.

– Oh ! ceci, c’est autre chose, dit la reineassombrie ;
peut-être parlerons-nous de cela un jour ; mais en attendant,revenons à
l’homme, je vous prie, à l’homme savant, à l’homme perfectionné, àl’homme
parfait que j’ai sous les yeux.

Ce mot parfait, Gilbert ne le releva point. Il
comprenait trop que c’était une nouvelle insulte.

– Revenons-y, madame, répondit simplement Gilbert, et dites
dans quel but Votre Majesté lui a fait donner l’ordre de passerchez elle.

– Vous vous proposez pour médecin du roi, dit-elle. Or, vous
comprenez, monsieur, que j’ai trop à cœur la santé de mon épouxpour la confier
à un homme que je ne connaîtrais point parfaitement.

– Je me suis proposé, madame, dit Gilbert, et j’ai été accepté
sans que Votre Majesté puisse concevoir justement le moindresoupçon de mon
incapacité ou de mon zèle. Je suis un médecin politique surtout,madame,
recommandé par M. de Necker. Quant au reste, si le roi a jamaisbesoin de ma
science, je lui serai bon médecin physique, autant que la sciencehumaine peut
être utile à l’œuvre du créateur. Mais ce que je serai surtout auroi, madame,
outre bon conseiller et bon médecin, c’est un bon ami.

– Un bon ami ! s’écria la reine avec une nouvelle
explosion de mépris. Vous, monsieur ! un ami du roi !

– Assurément, répondit tranquillement Gilbert ; pourquoi
non, madame ?

– Ah ! oui, toujours en vertu de vos pouvoirs secrets,
à l’aide de votre science occulte, murmura-t-elle. Qui sait ?nous venons
de voir les Jacques et les Maillotins ; nous revenonspeut-être au moyen
âge ! Vous ressuscitez les philtres et les charmes. Vous allezgouverner
la France par la magie ; vous allez être Faust ou NicolasFlamel.

– Je n’ai point cette prétention, madame.

– Hé ! que ne l’avez-vous, monsieur ! Combien de
monstres plus cruels que ceux des jardins d’Armide, plus cruels queCerbère,
vous endormiriez au seuil de notre enfer !

Lorsqu’elle prononça ce mot : vous endormiriez,
la reine attacha son regard plus investigateur que jamais sur ledocteur.

Cette fois, Gilbert rougit malgré lui.

Ce fut une joie indéfinissable pour Marie-Antoinette ;
elle sentit que cette fois le coup qu’elle avait porté avait faitune véritable
blessure.

– Car vous endormez, continua-t-elle ; vous qui avez
étudié partout et sur tout, vous avez sans doute étudié lascience magnétique
avec les endormeurs de notre siècle, avec ces gens qui font dusommeil une
trahison et qui lisent leurs secrets dans le sommeil desautres !

– En effet, madame, j’ai souvent et longtemps étudié sous le
savant Cagliostro.

– Oui, celui qui pratiquait et faisait pratiquer à ses
adeptes ce vol moral dont je parlais tout à l’heure, celui qui àl’aide de ce
sommeil magique, et que j’appellerai, moi, infâme, celui quiprenait aux uns
les âmes, aux autres le corps.

Gilbert comprit encore, et cette fois pâlit au lieu de
rougir.

La reine en tressaillit de joie jusqu’au fond du cœur.

– Ah ! misérable, murmura-t-elle, moi aussi je t’ai
blessé, et je vois le sang.

Mais les émotions les plus profondes ne se faisaient pasvisibles
pour longtemps sur le visage de Gilbert. S’approchant donc de lareine qui,
toute joyeuse de sa victoire, le regardait imprudemment :

– Madame, dit-il, Votre Majesté aurait tort de contester à
ces savants hommes dont vous parlez le plus bel apanage de leurscience, ce
pouvoir d’endormir non pas des victimes, mais des sujets parle sommeil
magnétique : vous auriez tort, surtout, de leur contester ledroit qu’ils
ont de poursuivre, par tous les moyens possibles, une découvertedont les lois,
une fois reconnues et régularisées, sont peut-être appelées àrévolutionner le
monde.

Et en s’approchant de la reine, Gilbert l’avait regardée à
son tour avec cette puissance de volonté sous laquelle la nerveuseAndrée avait
succombé.

La reine sentit qu’un frisson courait dans ses veines àl’approche
de cet homme.

– Infamie ! dit-elle, sur les hommes qui abusent de
certaines pratiques sombres et mystérieuses pour perdre les âmes oules
corps !… Infamie sur ce Cagliostro !…

– Ah ! répondit Gilbert avec un accent pénétré,
gardez-vous, madame, de juger avec tant de sévérité les fautes quecommettent
les créatures humaines.

– Monsieur !

– Toute créature est sujette à l’erreur, madame ; toute
créature nuit à la créature, et sans l’égoïsme individuel, qui faitla sûreté
générale, le monde ne serait qu’un vaste champ de bataille. Ceux-làsont les
meilleurs qui sont bons, voilà tout. D’autres vous diraient :ceux-là sont
les meilleurs qui sont moins mauvais. L’indulgence doit être plusgrande, madame,
à proportion que le juge est plus élevé. En haut du trône où vousêtes, vous
avez moins que personne le droit d’être sévère pour les fautesd’autrui. Sur le
trône de la terre, soyez la suprême indulgence, comme sur le trônedu ciel,
Dieu est la suprême miséricorde.

– Monsieur, dit la reine, je regarde d’un autre œil que vous
mes droits, et surtout mes devoirs, je suis sur le trône pour puniret
récompenser.

– Je ne crois pas, madame. À mon avis, au contraire vous
êtes sur le trône, vous, femme et reine, pour concilier et pourpardonner.

– Je suppose que vous ne moralisez pas, monsieur.

– Vous avez raison, madame, et je ne fais que répondre à
Votre Majesté. Ce Cagliostro, par exemple, madame, dont vousparliez tout à
l’heure et dont vous contestiez la science, je me rappelle, moi –et c’est un
souvenir antérieur à vos souvenirs de Trianon –, je me rappelleque, dans les
jardins du château de Taverney, il eut l’occasion de donner à ladauphine de
France une preuve de cette science, je ne sais laquelle, madame,dont elle a dû
garder une profonde mémoire : car cette preuve l’avaitcruellement
impressionnée, impressionnée au point qu’elle s’évanouit.

Gilbert à son tour frappait ; il est vrai qu’il
frappait au hasard, mais le hasard le servit et il frappa si justeque la reine
devint affreusement pâle.

– Oui, dit-elle d’une voix rauque, oui, en effet, il m’a
fait voir en rêve une hideuse machine ; mais, jusqu’à présent,je ne sache
pas que cette machine existe en réalité.

– Je ne sais ce qu’il vous a fait voir, madame, reprit
Gilbert satisfait de l’effet produit, mais ce que je sais, c’estqu’on ne peut
contester le titre de savant à l’homme qui prend, sur les autreshommes, ses
semblables, une pareille puissance.

– Ses semblables… murmura dédaigneusement la reine.

– Soit, je me trompe, reprit Gilbert, et sa puissance est
d’autant plus grande qu’il courbe à son niveau, sous le joug de lapeur, la
tête des rois et des princes de la terre.

– Infamie ! infamie ! vous dis-je encore, contre
ceux qui abusent de la faiblesse ou de la crédulité.

– Infâmes ! avez-vous dit, ceux qui usent de la
science ?

– Chimères, mensonges, lâchetés !

– Qu’est-ce à dire ? demanda Gilbert avec calme.

– C’est-à-dire que ce Cagliostro est un lâche charlatan, et
que son prétendu sommeil magnétique est un crime.

– Un crime !

– Oui, un crime, continua la reine, car il est le résultat
d’un breuvage, d’un philtre, d’un empoisonnement dont la justicehumaine, que
je représente, saura atteindre et punir les auteurs.

– Madame, madame, reprit Gilbert avec la même patience,indulgence,
s’il vous plaît, pour ceux qui ont failli en ce monde.

– Ah ! vous avouez donc ?

La reine se trompait, et, d’après la douceur de la voix de
Gilbert, croyait qu’il implorait pour lui-même.

Elle se trompait ; c’était un avantage que Gilbert
n’avait garde de laisser échapper.

– Quoi ! dit-il en dilatant sa prunelle enflammée sous
laquelle Marie-Antoinette fut contrainte de baisser les yeux commeà la
réflexion d’un rayon de soleil.

La reine demeura interdite, et cependant faisant un
effort :

– On n’interroge pas plus une reine qu’on ne la blesse,
dit-elle ; sachez encore cela, vous qui êtes nouveau venu à lacour ;
mais vous parliez, ce me semble, de ceux qui ont failli, et vous medemandiez
l’indulgence.

– Hélas ! madame, dit Gilbert, quelle est la créaturehumaine
sans reproche, celle qui a su si bien s’enfermer dans la profondecarapace de
sa conscience que le regard des autres n’y pût pénétrer ?C’est là ce qui
s’appelle souvent la vertu. Soyez indulgente, madame.

– Mais à ce compte, reprit imprudemment la reine, il n’y a
donc pas de vertueuse créature pour vous, monsieur, pour vous,l’élève de ces
hommes dont le regard va chercher la vérité même au fond desconsciences ?

– Cela est vrai, madame.

Elle éclata de rire sans se soucier de cacher le mépris que
ce rire renfermait.

– Oh ! par grâce ! monsieur, s’écria-t-elle,
veuillez donc vous souvenir que vous ne parlez pas sur une placepublique, à
des idiots, à des paysans ou a des patriotes.

– Je sais à qui je parle, madame, croyez-le bien, répliqua
Gilbert.

– Plus de respect, alors, monsieur, ou plus d’adresse ;
repassez vous-même toute votre vie, sondez les profondeurs de cetteconscience
que, malgré leur génie et leur expérience, les hommes qui onttravaillé partout
doivent posséder comme le commun des mortels ; rappelez-vousbien tout ce
que vous pouvez avoir songé de bas, de nuisible, de criminel, toutce que vous
pouvez avoir commis de cruautés, d’attentats, de… crimes même. Nem’interrompez
pas, et quand vous aurez fait la somme de tout cela, monsieur ledocteur, baissez
la tête, devenez humble, ne vous approchez pas avec cet orgueilinsolent de la
demeure des rois, qui, jusqu’à nouvel ordre du moins, sontinstitués par Dieu
pour pénétrer l’âme des criminels, sonder les replis desconsciences et
appliquer, sans pitié comme sans appel, les châtiments auxcoupables. Voilà,
monsieur, continua la reine, ce qu’il convient que vous fassiez. Onvous saura
gré de votre repentir. Croyez moi, le meilleur moyen de guérir uneâme aussi
malade que la vôtre, ce serait de vivre dans la solitude, loin desgrandeurs
qui donnent aux hommes des idées fausses de leur propre valeur. Jevous
conseillerais donc de ne pas vous rapprocher de la cour, et derenoncer à
soigner le roi dans ses maladies. Vous avez une cure à faire dontDieu vous saura
plus de gré que d’aucune cure étrangère : la vôtre.L’antiquité avait un
proverbe là-dessus, monsieur : Ipse cura medice.

Gilbert, au lieu de se révolter contre cette proposition que
la reine regardait comme la plus désagréable des conclusions,répondit avec douceur :

– Madame, j’ai déjà fait tout ce que Votre Majesté merecommande
de faire.

– Et qu’avez-vous fait, monsieur ?

– J’ai médité.

– Sur vous-même ?

– Sur moi, oui, madame.

– Et… à propos de votre conscience ?

– Surtout à cause de ma conscience, madame.

– Croyez-vous alors que je sois suffisamment instruite de ce
que vous y avez vu ?

– J’ignore ce que veut me dire Votre Majesté, mais je le
comprends ; combien de fois un homme de mon âge doit avoiroffensé
Dieu ?

– Vraiment, vous parlez de Dieu !

– Oui.

– Vous !

– Pourquoi pas ?

– Un philosophe ! Est-ce que les philosophes croient en
Dieu ?

– Je parle de Dieu et je crois en lui.

– Et vous ne vous retirez pas ?

– Non, madame, je reste.

– Monsieur Gilbert, prenez garde.

Et le visage de la reine prit une indéfinissable expression
de menace.

– Oh ! j’ai bien réfléchi, madame, et ces réflexions
m’ont conduit à savoir que je ne vaux pas moins qu’un autre :chacun a ses
péchés. J’ai appris cet axiome, non pas en feuilletant les livres,mais en
fouillant la conscience d’autrui.

– Universel et infaillible, n’est-ce pas ? dit la reine
avec ironie.

– Hélas ! madame, sinon universel, sinon infaillible,
du moins bien savant en misères humaines, bien éprouvé en douleursprofondes.
Et cela est si vrai que je vous dirais, rien qu’à voir le cercle devos yeux
fatigués, rien qu’à voir cette ligne qui s’étend de l’un à l’autrede vos
sourcils, rien qu’à voir ce pli qui crispe les coins de votrebouche –
contraction que l’on appelle du nom prosaïque de rides – je vousdirais,
madame, combien vous avez subi d’épreuves rigoureuses, combien defois votre
cœur a battu d’angoisse, combien de fois ce cœur s’est abandonnéconfiant pour
se réveiller trompé. Je vous dirai tout cela, madame, quand vous levoudrez ;
je le dirai, sûr de n’être point démenti ; je vous le dirai,en attachant
un regard qui sait et qui veut lire ; et lorsque vous aurezsenti le poids
de ce regard, quand vous aurez senti le plomb de cette curiositépénétrer au
fond de votre âme, comme la mer sent le plomb de la sonde quipartage ses
abîmes, alors, vous comprendrez que je puis beaucoup, madame, etque si je
m’arrête, il faut que l’on m’en sache gré au lieu de me provoquer àla guerre.

Ce langage, soutenu par une fixité terrible de la volonté de
provocation de l’homme à la femme, ce mépris de toute étiquette enprésence de
la reine firent un effet indicible sur Marie-Antoinette.

Elle sentit comme un brouillard tomber sur son front et
glacer ses idées, elle sentit sa haine changée en effroi, ellelaissa tomber
ses mains alourdies et fit un pas en arrière pour fuir l’approchede ce danger
inconnu.

– Et maintenant, madame, dit Gilbert qui voyait clairement
ce qui se passait en elle, comprenez-vous qu’il me soit bien aiséde savoir ce que
vous cachez à tout le monde, et ce que vous vous cachez àvous-même ;
comprenez-vous qu’il me soit aisé de vous étendre là sur cettechaise que vos
doigts vont chercher par instinct pour y trouver un appui.

– Oh ! fit la reine épouvantée, car elle sentait passer
jusqu’à son cœur des frissons inconnus.

– Que je dise en moi-même un mot que je ne veux pas dire,
continua Gilbert, que je formule une volonté à laquelle je renonce,et vous
allez tomber foudroyée en mon pouvoir. Vous doutez, madame ;oh ! ne doutez
pas, vous me tenteriez peut-être, et si une fois vous metentiez !… Mais
non, vous ne doutez point, n’est-ce pas ?

La reine, à demi renversée, haletante, oppressée, éperdue,
se cramponnait au dossier de son fauteuil avec l’énergie dudésespoir et la
rage d’une inutile défense.

– Oh ! continua Gilbert, croyez bien ceci, madame,
c’est que si je n’étais le plus respectueux, le plus dévoué, leplus humblement
prosterné de vos sujets, je vous convaincrais par une expérienceterrible.
Oh ! ne craignez rien. Je m’incline humblement, vous dis-je,devant la
femme plus encore que devant la reine. Je frémis d’avoir une penséequi
effleure seulement votre pensée, je me tuerais plutôt que dechercher à gêner
votre âme.

– Monsieur, monsieur, s’écria la reine en frappant l’air de
ses bras comme pour repousser Gilbert qui se tenait à plus de troispas d’elle.

– Et cependant, continua Gilbert, vous m’avez fait enfermer
à la Bastille. Vous ne regrettez qu’elle soit prise que parce quele peuple, en
la prenant, m’en a ouvert les portes. Votre haine éclate dans vosyeux contre
un homme à qui vous n’avez personnellement rien à reprocher. Et,tenez, tenez,
je le sens, depuis que je détends l’influence avec laquelle je vouscontenais,
qui sait si vous ne recommencez pas à reprendre le doute avec larespiration.

Et, en effet, depuis que Gilbert avait cessé de lui commander
des yeux et de la main, Marie-Antoinette s’était relevée presquemenaçante,
comme l’oiseau qui, débarrassé des suffocations de la clochepneumatique, essaie
de reprendre ses chants et son vol.

– Ah ! vous doutez, vous raillez, vous méprisez. Eh
bien ! voulez-vous que je vous dise, madame, une idée terriblequi m’a
passé par l’esprit ; voilà ce que j’ai été sur le point defaire, madame :
je vous condamnais à me révéler vos peines les plus intimes, vossecrets les
plus cachés ; je vous forçais à les écrire ici sur cette tableque vous
touchez en ce moment, et plus tard réveillée, revenue à vous, jevous eusse
prouvé par votre écriture même combien est peu chimérique cepouvoir que vous
semblez contester ; combien surtout est réelle la patience, ledirai-je,
oui, je le dirai, la générosité de l’homme que vous venezd’insulter, que vous
insultez depuis une heure sans qu’il vous en ait un seul instantdonné le droit
ou le prétexte.

– Me forcer à dormir, me forcer à parler en dormant,
moi ! moi ! s’écria la reine toute pâlissante, vousl’eussiez osé, monsieur ?
Mais savez-vous ce que c’est que cela ? Connaissez-vous laportée de la
menace que vous me faites ? Mais c’est un crime delèse-majesté, monsieur.
Songez-y, c’est un crime qu’une fois réveillée, une fois remise enpossession
de moi-même, un crime que j’eusse fait punir de mort.

– Madame, dit Gilbert suivant du regard l’émotion vertigineuse
de la reine, ne vous hâtez pas d’accuser et surtout de menacer.Certes, j’eusse
endormi Votre Majesté. Certes, j’eusse arraché à la femme tous sessecrets,
mais, croyez-le bien, ce n’eût certes pas été dans une occasioncomme celle-ci,
ce n’eût point été dans un tête-à-tête entre la reine et son sujet,entre la
femme et un homme étranger ; non, j’eusse endormi la reine,c’est vrai, et
rien ne m’eût été plus facile, mais je ne me fusse point permis del’endormir,
je ne me fusse point permis de la faire parler sans avoir untémoin.

– Un témoin ?

– Oui, madame, un témoin qui eût recueilli fidèlement toutes
vos paroles, tous vos gestes, tous les détails enfin de la scèneque j’eusse
provoquée, afin, cette scène accomplie de ne pas vous laisser àvous-même un
seul instant de doute.

– Un témoin ! monsieur, répéta la reine épouvantée, et
quel eut été ce témoin ? Mais, songez-y, monsieur, le crimeeût été
double, car, en ce cas, vous vous fussiez adjoint un complice.

– Et si ce complice, madame, n’eût été autre que le
roi ? dit Gilbert.

– Le roi ! s’écria Marie-Antoinette avec une épouvante
qui trahit l’épouse plus énergiquement que n’eût pu faire laconfession de la
somnambule. Oh ! monsieur Gilbert ! monsieurGilbert !

– Le roi, ajouta tranquillement Gilbert, le roi, votre époux,
votre soutien, votre défenseur naturel. Le roi, qui vous eûtraconté à votre
réveil, madame, combien j’avais été à la fois respectueux et fieren prouvant
ma science à la plus vénérée des souveraines.

Et après avoir achevé ces mots, Gilbert laissa à la reine
tout le temps d’en méditer la profondeur.

La reine demeura pendant plusieurs minutes dans un silence
que troublait le bruit de sa respiration entrecoupée.

– Monsieur, reprit-elle enfin, après tout ce que vous venez
de me dire, il faut que vous soyez un ennemi mortel…

– Ou un ami à l’épreuve, madame.

– Impossible, monsieur, l’amitié ne peut vivre à côté de la
crainte ou de la défiance.

– L’amitié, madame, allant de sujet à reine, ne peut vivre
que par la confiance que le sujet inspire. Vous vous serez déjàdit, n’est-ce
pas, que celui-là n’est pas un ennemi, auquel au premier mot on ôtele moyen de
nuire, surtout lorsque le premier il s’interdit l’usage de sesarmes.

– Ce que vous dites là, monsieur, on doit y croire ?
fit la reine avec attention et inquiétude, en regardant Gilbertd’un air
pénétré.

– Pourquoi n’y croiriez-vous pas, madame, lorsque vous avez
toutes les preuves de ma sincérité ?

– On change, monsieur, on change.

– Madame, j’ai fait le vœu que certains hommes illustres
dans le maniement des armes dangereuses faisaient avant d’entrer enexpédition.
Je n’userai jamais de mes avantages que pour repousser les tortsqu’on me
voudra faire. Non pour offense, mais pour défense ;telle est ma
devise.

– Hélas ! dit la reine humiliée.

– Je vous comprends, madame. Vous souffrez de voir votre âme
aux mains du médecin, vous qui vous révoltiez parfois d’yabandonner votre
corps. Prenez courage, prenez confiance. Celui-là veut bien vousconseiller,
qui vous a donné aujourd’hui la preuve de longanimité que vous avezreçue de
moi. Je veux vous aimer, madame ; je veux que l’on vous aime.Les idées
que j’ai déjà données au roi, je les discuterai avec vous.

– Docteur, prenez-y garde ! fit gravement la reine,
vous m’avez prise au piège ; après avoir fait peur à la femme,vous croyez
pouvoir gouverner la reine.

– Non, madame, répondit Gilbert ; je ne suis pas unmisérable
spéculateur. J’ai mes idées, je comprends que vous ayez les vôtres.Je repousse
dès à présent cette accusation que vous porteriez éternellementcontre moi de
vous avoir effrayée pour subjuguer votre raison. Je dis plus, vousêtes la
première femme en qui je trouve à la fois toutes les passions de lafemme et toutes
les facultés dominatrices de l’homme. Vous pouvez être à la foisune femme et
un ami. Toute l’humanité se renfermerait en vous au besoin. Je vousadmire et
je vous servirai. Je vous servirai sans rien recevoir de vous,uniquement pour
vous étudier, madame. Je ferai plus encore pour votreservice ; au cas où
je vous paraîtrais un meuble de palais par trop gênant ; aucas où
l’impression de la scène d’aujourd’hui ne s’effacerait pas de votremémoire, je
vous demande, je vous prie de m’éloigner.

– Vous éloigner ! s’écria la reine avec une joie qui
n’échappa point à Gilbert.

– Eh bien ! c’est conclu, madame, répliqua-t-il avec un
admirable sang-froid. Je ne dirai même pas au roi ce que j’avais àlui dire, et
je partirai. Faut-il que j’aille bien loin pour vous rassurer,madame ?

Elle le regarda, surprise de cette abnégation.

– Je vois, dit-il, ce que pense Votre Majesté. Plus
instruite qu’on ne croit de ces mystères de l’influence magnétiquequi
l’effrayaient tout à l’heure, Votre Majesté se dit qu’à distance jeserai aussi
dangereux et aussi inquiétant.

– Comment cela ? fit la reine.

– Oui, je le répète, madame, celui qui voudrait nuire àquelqu’un
par les moyens que vous venez de reprocher à mes maîtres et à moi,pourrait
exercer son action nuisible aussi bien à cent lieues, aussi bien àmille qu’à
trois pas. Ne craignez rien, madame, je n’y tâcherai point.

La reine demeura un moment pensive et ne sachant que
répondre à cet homme étrange, qui faisait ainsi flotter sesrésolutions les
plus arrêtées.

Tout à coup un bruit de pas, au fond des corridors, fit
lever la tête à Marie-Antoinette.

– Le roi, dit-elle, le roi qui vient.

– Alors, madame, répondez-moi, je vous en prie :
faut-il que je reste, faut-il que je parte ?

– Mais…

– Hâtez-vous, madame, je puis éviter le roi, si vous ledésirez ;
Votre Majesté m’indiquera une porte par laquelle je meretirerai.

– Restez, lui dit la reine.

Gilbert s’inclina, tandis que Marie-Antoinette cherchait à
lire sur ses traits à quel point le triomphe serait plus révélateurque n’avait
été la colère ou l’inquiétude.

Gilbert resta impassible.

– Au moins, se dit la reine, eût-il dû manifester de la
joie.

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