Chapitre 13
Ce dernier écho de ma voix n’avait pas encore expiré quej’entendis…
Il m’est difficile de vous décrire ce que j’entendis. Au début,ce fut une rumeur confuse, à peine perceptible, faite d’éclatsincessants de fanfares et d’applaudissements… Quelque part au loin,très loin, au fond d’un insondable précipice, une foule innombrables’agitait tout à coup, poussait des cris et des exclamations,montait lentement vers moi, comme dans un rêve, un songe étouffant,long de plusieurs siècles… Ensuite, l’air se déplaça et devintnoir, au-dessus des ruines… Je crus discerner des ombres, desmyriades d’ombres et de contours, arrondis comme des casques,élancés comme des piques ; les rayons de la lune se brisaientcomme des éclairs bleuâtres et fugitifs sur ces casques et ceslances — et l’armée tout entière approchait en foule, grossissait àvue d’œil, s’agitait de plus en plus furieusement… On la sentaitanimée d’une énergie invincible, capable de soulever unmonde ; mais aucun de ses contours ne se dessinait nettement…Et soudain, une sorte de frisson parcourut cette masse, comme sides vagues immenses s’étaient écartées pour livrer passage… «Caesar !… Caesar venit ! » entendis-je… Et le bruit desvoix était semblable à celui d’une forêt brusquement secouée parl’ouragan… Une sourde rumeur ; une tête pâle et sévère, ceinted’une couronne de lauriers, les paupières baissées, se dressalentement au-dessus des ruines — le profil de l’empereur…
Le langage des hommes est impuissant à dépeindre la terreur quis’empara de moi. Il me semblait qu’il suffisait que l’empereursoulevât ses paupières et entrouvrît ses lèvres pour que jemourusse aussitôt… Je gémis :
« Ellys… Je ne veux pas… Je ne veux pas de cette Rome grossièreet effrayante… Allons-nous-en !… Allons-nous-en !
— Poltron ! » fit-elle.
Nous repartîmes à toute volée. J’eus le temps de percevoir letonnerre des légions qui acclamaient leur chef…, puis touts’évanouit…